Articles repérés par Hervé Le Crosnier

Je prend ici des notes sur mes lectures. Les citations proviennent des articles cités.

  • Les mystérieux et puissants effets du placebo
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2019/06/18/les-mysterieux-et-puissants-effets-du-placebo_5477641_1650684.html

    En matière de placebo, une précision s’impose d’emblée : on pourrait croire que les termes « effet placebo » et « réponse placebo » sont strictement synonymes. Il n’en est rien.

    « L’effet placebo traduit la réaction psychologique et neurobiologique, fonction des attentes du patient, faisant suite à l’administration d’un placebo. La réponse placebo désigne un changement positif chez le patient, tel qu’un soulagement de la douleur, de l’anxiété, des nausées. Celui-ci peut être effectivement dû à l’effet placebo, mais aussi à l’histoire naturelle de la maladie ou à l’effet Hawthorne, qui correspond à la modification des réponses des patients du seul fait qu’ils se sentent observés pendant l’essai clinique et souhaitent faire plaisir aux investigateurs », souligne Luana Colloca, professeure à l’université du Maryland (Baltimore, Etats-Unis).

    Le premier essai, dirigé par Ted Kaptchuk, professeur à la faculté de médecine de Harvard (Boston, Etats-Unis), a été publié dans la revue PLOS One en 2010. Baptisé « placebo en ouvert » (open label placebo), il a consisté à administrer à 80 patients souffrant du syndrome du côlon irritable un placebo en plus de leur traitement habituel ou uniquement ce dernier.

    Après trois semaines, les résultats ont été des plus surprenants : 60 % des patients du groupe « placebo ouvert » ont obtenu un soulagement adéquat, contre 35 % dans le groupe traité par le seul médicament. Un résultat statistiquement significatif.

    Trois autres essais cliniques en placebo ouvert vont ensuite être réalisés auprès de patients souffrant de lombalgie chronique, de fatigue associée au cancer, de crises épisodiques de migraine. Là encore, les résultats surprennent, suggérant que donner un placebo ouvertement à un patient peut l’aider à soulager ses symptômes.

    Attentes du patient

    Des suggestions peuvent induire des attentes positives de la part du patient. Or celles-ci constituent l’un des principaux leviers de l’effet placebo.

    Ainsi, après chirurgie, lorsqu’un patient sait qu’on lui administre de la morphine en même temps qu’on lui dit qu’il s’agit d’un puissant médicament antalgique, le bénéfice sur le soulagement de la douleur postopératoire est plus important que lorsqu’il ignore qu’il en reçoit à travers une seringue automatique.

    Ce phénomène psychobiologique apparaît indissociable du contexte clinique et environnemental, comme l’illustre une approche expérimentale dénommée « procédure ouvert-­caché » (open-hidden study). Son originalité tient à ce qu’elle évalue la part de la réponse placebo alors même qu’elle n’emploie pas de placebo.

    Dans le premier groupe, le médicament est administré au vu et au su du patient (« en ouvert »), le médecin étant présent et délivrant des informations verbales contextuelles. Dans le second groupe, le patient reçoit le médicament à son insu (« en caché »), celui-ci étant délivré par l’intermédiaire d’une pompe, en l’absence de médecin. La différence entre l’effet du traitement ouvert et celui du traitement caché correspond alors à la réponse placebo. Selon le professeur Benedetti, « le traitement caché est moins efficace, voire parfois inefficace, ce qui indique que le fait de savoir que l’on reçoit un médicament et que l’on en attend un bénéfice s’avère crucial en matière d’efficacité thérapeutique ».

    En effet, il se produit une association entre un stimulus et des réactions automatiques de l’organisme. Exemple : des individus présentant fréquemment des maux de tête et prenant régulièrement de l’aspirine peuvent associer la couleur, la forme et le goût du comprimé avec le soulagement de la douleur. Lorsque, après plusieurs dizaines de prises de ce médicament, on administre à ces patients un placebo ayant la même couleur, la même forme, le même goût qu’un comprimé d’aspirine, ils ressentent un effet analgésique comparable.

    Les travaux sur le rôle du conditionnement dans l’effet placebo ont récemment permis de créer un nouveau concept : donner au patient un placebo à la suite de l’administration répétée d’un traitement efficace. L’idée est d’alterner la prise d’un placebo avec celle d’un médicament à l’efficacité reconnue. Cette nouvelle stratégie thérapeutique pourrait entraîner une baisse des doses d’antalgiques utilisés en même temps, réduire la survenue des effets secondaires et diminuer les coûts de traitement.

    Si le conditionnement du traitement tient une place importante dans l’apparition de l’effet placebo, il en va de même de sa présentation, de son prix, de sa couleur, de son goût, de sa voie d’administration.

    Ainsi, dans la douleur, une étude a comparé la même crème placebo. On avait cependant indiqué aux participants que l’un des deux produits avait un prix plus élevé que l’autre. La réponse placebo a été plus importante lorsque les participants pensaient utiliser la crème antidouleur la plus chère. Par ailleurs, par rapport au placebo bon marché, l’autre a entraîné une activation plus importante du cortex cingulaire antérieur, région impliquée dans le contrôle endogène de la douleur.

    Plusieurs études semblent également montrer que les piqûres et les injections intraveineuses induisent de plus fortes attentes, et de ce fait un plus grand effet placebo que l’administration d’un traitement par une voie non invasive comme la prise orale ou nasale. Comme le souligne le professeur Benedetti, « le placebo ne se résume pas à la seule substance inerte. Son administration s’intègre au sein de stimuli sensoriels et sociaux qui disent au patient qu’on lui administre un traitement bénéfique ».

    #Médecine #Santé_publique #Placebo