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  • n’a aucune certitude quant à cette photographie-ci, à vrai dire elle n’est même pas sûre qu’elle fasse partie de sa vie, mais si c’est le cas elle ne sait pas pourquoi elle traînerait dans la boîte à souvenirs avec les autres.

    C’est un cliché format 9x13 « à l’italienne » comme ça se faisait beaucoup à une époque ; l’image est d’assez piètre qualité, assez granuleuse, peu contrastée, les tons sont délavés. Il y a une trace de pliure verticale presque en son centre, comme si à un moment donné le tirage avait dû séjourner dans une poche ou un portefeuille.

    On y voit une plage dans ce que l’on devine être le petit matin. Le tiers droit de l’image dévoile les vestiges d’un feu de camp, on distingue çà et là des reliefs d’agapes et de libations. Un peu plus loin et plus à gauche des couvertures sont disposées sur le sable ; une forme humaine semble encore se dessiner enroulée dans l’une d’entre elles.

    La photographie pourrait avoir été prise non loin de cette toute petite station balnéaire de la Côte Atlantique où la « jeune » Garreau et quelques-un·e·s de ses congénères en déshérence avaient pris l’habitude d’aller squatter durant les années d’après-guerre — la seule, la vraie, celle de Floréal 176. Il est même possible que l’image date du lendemain d’une fameuse et ravageuse soirée LSD, celle qui avait vu la moitié de la bande en tenue d’Ève et d’Adam partir errer dans les rues du bourg afin d’y pourchasser un monstre imaginaire, le tout pour finalement se faire embarquer manu militari par les pompiers et les keufs (pas forcément dans cet ordre) et se retrouver à se faire laver l’estomac dans l’hôpital le plus proche.

    La Garreau n’avait pas fait partie des raflé·e·s — mais il y avait déjà Gai-Luron et Belle Lurette qu’elle n’en était plus à son coup d’essai avec le diéthyllysergamide, elle était peut-être la défoncée la plus « expérimentée » du groupuscule, elle « maîtrisait » et puis elle a toujours été une cérébrale et une contemplative, même après un buvard ou un buvard et demi elle ne ressentait pas le besoin d’extérioriser ses sensations. Si c’est bien cette soirée-là elle croit qu’elle était restée assise ou allongée dans le sable à écouter quelqu’un·e qui massacrait les Rolling Stones à la guitare, et à regarder la mer. Peut-être avait-elle eu une sorte de rapport sexuel avec une fille, un garçon ou autre chose mais elle ne pense pas que quiconque en eût été réellement capable. Les seuls flashs qui lui reviennent très nettement c’est que la Lune était triangulaire et que des ombres étranges se détachaient de l’Océan en ébullition. Ce n’était ni beau ni angoissant. C’était l’été, c’était comme ça.

    M’enfin on ne peut exclure qu’elle extrapole et qu’en fait cette photo n’a rien à voir avec sa vie.

    #AlbumDePhotographiesSansPhotographies, photographie numéro 724.

    • Oui, je suis embêtée, cher Lectorat. Normalement j’ai créé un album spécifique pour regrouper les dazibaos reprenant ce procédé narratif, mais l’interface facebookienne (sur laquelle ils furent publiés) y rend les textes difficilement lisibles — déjà sur un ordinateur, alors je n’imagine même pas pour celleux qui lisent sur leurs espèces de « téléphones » portatifs.

      Bref, pour les curieuses et les curieux qui ont de bons yeux les autres images constituant « l’album de photographies sans photographies » sont là :

      https://www.facebook.com/media/set/?set=a.10211656469395626&type=3