person:jean anouilh

  • Françoise Verchère : lettre ouverte à madame la ministre de l’éducation nationale
    http://blogs.mediapart.fr/blog/malto-cortese/111114/francoise-verchere-lettre-ouverte-madame-la-ministre-de-l-education-

    (...) Un journaliste m’a demandé ce que je pouvais dire, en tant qu’opposante au transfert d’aéroport mais aussi en tant qu’ancienne enseignante aux jeunes en colère. Et cette question à laquelle j’ai probablement mal répondu sur le coup m’a donné à réfléchir depuis.
    Et c’est vous que je vais interroger en retour, Madame la Ministre.

    J’ai enseigné les lettres classiques du collège à la classe préparatoire. Ai-je eu tort de faire découvrir à mes élèves la révolte d’Antigone dans Sophocle, Jean Anouilh ou Henri Bauchau , ai-je eu tort de leur expliquer la différence entre la légalité et la légitimité d’un combat ? Ai-je eu tort de leur faire lire Émile Zola ou Victor Hugo en lutte permanente contre l’injustice et pour la vérité ? Ai-je eu tort de montrer aux plus jeunes que le Petit Prince a raison de préférer sa rose aux fausses richesses du businessman et de débattre avec les plus âgés sur « le discours sur la servitude volontaire » d’Étienne de la Boëtie ? Ai-je eu tort de lire avec eux Les racines du ciel dont on a dit qu’il était le premier roman écologique, le premier appel au secours de notre biosphère menacée ? Dont le héros avait trouvé la force de résister à la barbarie des camps grâce aux hannetons et aux éléphants, pour lesquels il se battait désormais. « L’espèce humaine (est) entrée en conflit avec l’espace, la terre, l’air même qu’il lui faut pour vivre...comment pouvons-nous parler de progrès, alors que nous détruisons encore autour de nous les plus belles et les plus nobles manifestations de la vie ? », écrit Romain Gary. Lorsqu’il a reçu pour ce livre le prix Goncourt en 1956, le ministre de la culture l’a probablement félicité n’est-ce pas ...

    Dois-je multiplier les exemples ? Faut-il vraiment lire Villon ( un délinquant d’ailleurs...), Rabelais, Montaigne, La Fontaine, Beaumarchais, Montesquieu, Voltaire, Bernanos, Camus, Boris Vian ( un dangereux pacifiste, lui !) Malraux et tant d’autres ?
    Tous ces auteurs font pourtant partie des programmes, ils sont « consacrés », régulièrement cités et encensés par les grands de ce monde...alors ? Aurais-je dû plutôt choisir, hors programme, des ouvrages qui apprennent l’appât du gain, l’art du mensonge, le refus du doute, le goût du pouvoir, la supériorité de l’oligarchie sur la démocratie ? Aurais-je dû leur dire que la justice, la vérité, le respect du vivant étaient des utopies inutiles, des valeurs ringardes et en total décalage avec le monde réel ? Peut être après tout. Le choc serait moins rude et l’école serait enfin en phase avec la société...

    C’est pourquoi, Madame la Ministre, je vous engage vivement à revoir les programmes si
    vous voulez que la jeunesse se taise, qu’elle accepte le monde saccagé que nous allons leur laisser, qu’elle n’ait comme idéal que la reproduction des erreurs de ses aînés, qu’elle ne s’indigne pas comme le lui demandait pourtant il n’y a pas si longtemps Stéphane Hessel, sous les applaudissements de tous.(...)

  • Ces sinistres magistrats qui vivent pour emprisonner me rappellent irrésistiblement une pièce de théâtre de Jean Anouilh.
    Cf Wikipédia, je cite :

    « Créée le 11 octobre 1956 au théâtre Montparnasse-Gaston Baty, dans une mise en scène conjointe de Roland Piétri et d’Anouilh lui-même, avec notamment Michel Bouquet, Pierre Mondy et Bruno Cremer, Pauvre Bitos ou le Dîner de têtes imagine un dîner dont les protagonistes sont déguisés en personnages de la Révolution française. Le convive qui joue Robespierre, Bitos, est un ancien camarade de classe des autres convives, celui qui raflait tous les premiers prix, le seul roturier de la bande, mais également celui devenu procureur qui a requis, après la guerre, contre tous les collaborateurs ou ainsi présumés.

    Anouilh dénonce ainsi à nouveau, sous la figure des excès de la Terreur, ceux de l’épuration d’après-guerre, dans un contexte français de montée de la violence en Algérie. Il règle ses comptes, en quelque sorte, avec ceux qui, dix ans plus tôt, l’accusaient d’avoir collaboré. Au-delà, la pièce est un manifeste contre tous les exercices abusifs du pouvoir, quels qu’ils soient, et les critiques contemporains s’accordent sur une vision plus intemporelle de la pièce que celle qui a prévalu à sa création. »

    On note l’ambiguïté.

  • Comprendre… Vous n’avez que ce mot-là à la bouche, tous, depuis toujours. Il fallait comprendre qu’on ne doit pas jouer avec l’eau et rester des heures sous l’orage les mains en l’air, qu’il n’est pas normal d’aimer traîner seule sous la pluie, qu’on ne touche pas à la terre parce que cela tache les robes et qu’il n’est pas en vogue de ne pas être présentable. Il fallait comprendre qu’on ne doit pas manger tout à la fois, donner tout ce qu’on a dans ses poches au mendiant qu’on rencontre, qu’on doit parfois s’arrêter de courir après le bonheur, que courir dans le vent jusqu’à ce qu’on tombe par terre est dangereux. Comprendre que la vie ce n’est pas toujours faire ce que l’on a envie, que l’on ne vit pas de ses désirs et ni au jour le jour. Comprendre qu’on ne hurle pas sans raisons et que pleurer tous les jours est malsain. Comprendre que l’âme soeur est une connerie internationale et que cracher les mots qui nous râpent la bouche ne sert à rien. Comprendre que l’on doit faire parfois semblant d’aller bien devant les gens et que la vie est souvent notre premier ennemi. Comprendre que l’on tombe par terre sans manifester sa douleur et qu’on doit trouver la force de se relever seul. Comprendre que compter sur les autres est un leurre, que notre plus beau trésor sont nos souvenirs et que ceux ci nous appartiennent pour la vie. Comprendre, toujours comprendre. Moi, je ne veux pas comprendre. Je comprendrai quand je serai vieille. Si je deviens vieille. Pas maintenant.

    ― Jean Anouilh, Antigone, 1944

    #Antigone #Anouilh #comprendre