Tu as sans doute raison… je ne me sens pas assez calé pour répondre vraiment.
Je suis juste surpris que ça ait pu être moins pire qu’aujourd’hui à une époque où une partie des « indicateurs » que tu mentionnes n’existaient même pas faute d’un minimum de conscience sociale de ces problématiques hors des cercles de militantes. Par exemple, tu parles du consentement, si on prend le marqueur du droit, le premier cas de crime de viol entre époux reconnu par la justice date de 1990, donc intuitivement j’ai du mal à croire que dans les années 80, les mentalités rendaient les hommes plus attentifs à la question du consentement qu’aujourd’hui.
Mais bon, je ne suis ni légitime ni expert de ces questions. Je vais juste tenter de prendre l’exemple de la littérature jeunesse que je connais un peu mieux pour illustrer mon questionnement sur le « c’est de pire en pire ». Avant 1968, les stéréotypes de genre en littérature jeunesse n’étaient même pas en débat. Dans les années 70, il y a eu Adela Turin, les éditions « Le sourire qui mord », etc. Mais qui les lisaient ? Plus de vingt ans plus tard (!), en 1999, nous avons la thèse d’Hélène Montardre, intitulé « L’image des personnages féminins dans la littérature de jeunesse française contemporaine de 1975 à 1995 » qui pointent une force des représentations stéréotypées et une hégémonie des héros garçons. Un travail de conscientisation est fait avec en pointe l’indicateur « présence en couverture d’héroïnes filles non stéréotypées pouvant être un modèle d’identification ».
Aujourd’hui, où en est-on ? À la fois, il y a un fort retour de la littérature et des magazines genrées, donc c’est pire. Mais en même temps, il y a de nombreuses ressources déclinées en fictions et documentaires qui n’existaient pas il y a 8 ans lorsque j’ai commencé à travailler sur le thème « égalité filles-garçons », les listes bibliographiques ont fleurit permettant un meilleure essaimage de cette question auprès des professionnel.le.s de l’enfance, comme on dit. L’édition généraliste a aussi été sensibilisé et a pris en compte l’indicateur mentionné plus haut. Ainsi une auteure me disait qu’un magazine d’histoires pour petits à grand tirage lui avait pris une fiction courte en lui demandant de changer le garçon, personnage principal, en fille, car ils n’avaient pas leur quota sur l’année. Donc ce n’est pas si simple que de dire « c’est pire » (ce qui est ma première intuition lorsque j’entre dans une maison de la presse ou un espace culturel Leclerc).
Je peux me tromper mais j’ai l’impression qu’en terme de racisme, sexisme, grossophobie, etc, ce n’est pas pire qu’avant. Par contre ce qui a changé et qui fait craindre le pire, c’est que depuis les années 70, on était dans une dynamique de délégitimation de ces oppressions, et qu’aujourd’hui le vent souffle dans l’autre sens, et ça fait peur.