« Une soirée tout ce qu’il y a de plus chouette s’est transformée en tout ce qu’il y a de plus sordide »

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  • « Une soirée tout ce qu’il y a de plus chouette s’est transformée en tout ce qu’il y a de plus sordide » | Slate.fr
    http://www.slate.fr/story/186467/recit-temoignage-viol-sidney-justice-episode-1

    Je me suis fait violer. Il faut que je quitte cet appartement. Il faut que j’aille chez les flics. Les mots « viol » et « police » clignotaient dans ma tête en énorme. C’était très clair. J’avais lu trop d’articles qui expliquaient noir sur blanc la définition du viol. Une pénétration de quoi que ce soit, non consentie.

    J’avais lu trop de témoignages de nanas qui ne vont pas chez les flics dans la foulée, ou qui n’y vont pas tout court, et qui en chient ensuite (celles qui y vont en chient aussi, c’est pas un concours, mais à mon sens c’est quand même soulageant de balancer son histoire avant qu’elle pourrisse en toi). J’avais lu trop d’articles qui expliquaient comme c’est essentiel d’aller chez les flics, le plus vite possible. N’attendez pas, allez-y direct, ne vous douchez pas. Et donc je me suis laissée porter par ce que mon cerveau m’ordonnait de faire. Je suis allée chez les flics. Je leur ai tout raconté.

    Ça m’a fait du bien.

    Ça m’a fait du bien de vomir cette histoire, ça m’a fait du bien d’avoir des flics à l’écoute à 4 heures du matin, ça m’a fait du bien de me laisser porter du commissariat à l’hosto, ça m’a fait du bien de voir une médecin, ça m’a fait du bien d’être auscultée. Ça m’a fait du bien, grosso modo, de suivre un process et de me laisser guider, ça m’a fait du bien de recevoir un coup de fil le lendemain pour me prévenir que le mec avait été arrêté, ça m’a fait du bien de dire « oui, je porte plainte ».

    #justice #viol

    • Alors qu’on nous présente souvent les lois comme des rochers qu’on ne pourrait pas déplacer d’un millimètre, que dans les cas de viols on nous répond « parole contre parole » et « présomption d’innocence » donc « affaire classée », j’ai découvert que l’Australie envisageait les choses de manière radicalement différente. Par exemple, pendant le procès, on ne parle pas du passé de la victime, on n’évoque pas sa vie sexuelle, elle n’a même pas d’avocat, son avocat c’est l’avocat général. Elle témoigne du crime, c’est tout. Il existe donc d’autres manières de juger les violences sexuelles, et certaines ont l’air nettement plus efficaces que les nôtres.

      #viol #justice

    • En septembre dernier, j’ai reçu un mail d’une jeune femme que je ne connaissais pas. Elle me disait très simplement qu’elle avait été victime d’un viol, que l’agresseur était en prison et qu’elle avait écrit un texte sur cette histoire. Le document était joint, il s’intitulait Récit et quand je l’ai ouvert, j’ai découvert qu’il faisait 67 pages. C’était un long récit. J’ai sans doute soupiré.

      J’ai décidé de jeter un coup d’œil à la première page, histoire de vérifier si c’était écrit en police 8 ou 24. J’ai lu douze pages d’affilée, sans reprendre mon souffle. Cette fille était devenue mon amie, elle me racontait son histoire, on était déjà passé du rire aux larmes au rire.

      Une évidence s’imposait : il fallait que tout le monde lise ce texte. Pour ce qu’elle disait et pour sa manière de le dire. C’est brut et naturel. Je sais que beaucoup de femmes se reconnaîtront dedans –et elle explique comme rarement le processus du traumatisme, le passage du « ça va, je gère » à « ça va pas du tout ».

      Ce texte raconte également quelque chose d’absolument neuf : c’est quoi un viol après #MeToo ? Comment on gère quand on est hyper documentée sur le sujet ? Est-ce que ça change quelque chose d’avoir lu des tonnes d’articles et de témoignages ? (Clairement, ici, oui.)

      Et puis, elle apporte un regard neuf sur le sujet pour une raison simple : le viol a eu lieu en Australie. C’est donc l’occasion de comparer les systèmes français et australiens.

      Alors qu’on nous présente souvent les lois comme des rochers qu’on ne pourrait pas déplacer d’un millimètre, que dans les cas de viols on nous répond « parole contre parole » et « présomption d’innocence » donc « affaire classée », j’ai découvert que l’Australie envisageait les choses de manière radicalement différente. Par exemple, pendant le procès, on ne parle pas du passé de la victime, on n’évoque pas sa vie sexuelle, elle n’a même pas d’avocat, son avocat c’est l’avocat général. Elle témoigne du crime, c’est tout. Il existe donc d’autres manières de juger les violences sexuelles, et certaines ont l’air nettement plus efficaces que les nôtres.

      Ce témoignage est précieux parce qu’elle raconte ce que ça fait d’être entendue, crue et comprise par le système judiciaire et qu’en même temps, elle décrit l’ambivalence des sentiments quand le coupable part en prison. Lisez-la.

      Titiou Lecoq

      N. B. : L’autrice a créé une adresse mail pour celles et ceux qui souhaiteraient lui écrire, c’est zerovirguleneufpourcent@gmail.com.