• En Tunisie, la répression s’accentue sur les migrants subsahariens et les associations qui les soutiennent
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/05/08/en-tunisie-la-repression-s-accentue-sur-les-migrants-subsahariens-et-les-ass

    En Tunisie, la répression s’accentue sur les migrants subsahariens et les associations qui les soutiennent
    Par Nissim Gasteli (Tunis, correspondance)
    Il était 2 heures du matin, vendredi 3 mai, lorsque les agents des forces de l’ordre se sont présentés devant le campement de migrants, installé en face du siège de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), dans le quartier des berges du Lac à Tunis. « On était tous couchés, on dormait. D’un coup, il a fallu fuir », se souvient Simon, un exilé camerounais de 21 ans qui préfère utiliser un nom d’emprunt. Lui a réussi à échapper à la police. « Mais ceux qui n’y sont pas parvenus ont été arrêtés. Nous sommes toujours sans nouvelle de certains d’entre eux », dit-il, toujours à la rue. Ils étaient des centaines, originaires principalement de pays d’Afrique de l’Ouest, à dormir dehors dans l’attente d’une assistance de l’OIM pour un retour volontaire dans leur pays. (...)
    Plus loin, au bout de la rue, plusieurs centaines d’exilés – des hommes, des femmes et même des enfants majoritairement originaires du Soudan et de pays d’Afrique de l’Est en proie à la guerre – étaient installées dans les allées d’un jardin public en attendant d’obtenir une protection internationale.
    D’autres avaient planté leurs tentes à quelques centaines de mètres de là, devant le siège du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Des dizaines de personnes exilées, installées dans la Maison des jeunes depuis à la fermeture du camp de Choucha en 2017, ont également été délogées, dans la banlieue de La Marsa.
    Au total, près de 80 mandats de dépôt ont été émis à l’encontre des personnes arrêtées au cours du week-end et au moins plusieurs centaines d’entre elles ont été expulsées vers les frontières du pays, selon plusieurs ONG. Cette évacuation coordonnée et de large ampleur fait suite à d’autres opérations similaires dans la région de Sfax la semaine passée.
    Lundi 6 mai, au cours d’un conseil de sécurité, le président Kaïs Saïed a reconnu pour la première fois des expulsions collectives de la part des autorités tunisiennes, précisant que « 400 personnes » ont été renvoyées vers « la frontière orientale », en « coordination continue » avec les pays voisins. « Nous assistons à une répression tous azimuts des populations noires migrantes qui continuent de subir des abus systématiques de leurs droits », dénonce Salsabil Chellali, directrice du bureau de Human Rights Watch à Tunis. Elle souligne que, de manière générale, les arrestations et les expulsions menées par les autorités se font « sans aucune évaluation au cas par cas du statut » des exilés, « en dehors de tout Etat de droit et cadre légal », simplement car « ces personnes sont identifiées comme noires et comme venant de pays africains ».
    « Hordes de migrants clandestins »
    Depuis le discours du président Kaïs Saïed, en février 2023, au cours duquel il avait désigné les « hordes de migrants clandestins » comme complice d’un complot visant à modifier l’identité arabo-islamique du pays, les autorités tunisiennes ont opéré un virage sécuritaire dans la gestion des migrants africains subsahariens.
    La répression à leur encontre s’est élargie ces derniers jours aux organisations de la société civile. Saadia Mosbah, présidente de Mnemty, une association de lutte contre les discriminations raciales, a été arrêtée lundi 6 mai sur la base de la loi relative à la lutte contre le terrorisme et à la répression du blanchiment d’argent et placée en garde à vue.Activiste tunisienne noire et figure de la lutte antiraciste en Tunisie, Mme Mosbah s’était montrée très critique envers les politiques anti-migrants du président Kaïs Saïed depuis plus d’un an. Un autre membre de l’association a été entendu dans le cadre de l’enquête, mais a été laissé en liberté. Leurs bureaux ont été perquisitionnés.
    L’organisation Terre d’asile Tunisie (TAT), section tunisienne de France terre d’asile, a elle aussi reçu la visite des fonctionnaires de police dans ses bureaux de Tunis et de Sfax. Son ancienne directrice, Sherifa Riahi, a été entendue puis placée en garde à vue sur la base de la même loi utilisée contre Mme Mosbah, confie au Monde une source sous couvert d’anonymat. Quatre personnes ont été entendues, « sans que cela donne lieu à une arrestation ».
    Le président et le vice-président du Conseil tunisien des réfugiés (CTR) ont eux aussi été arrêtés, placés sous mandat de dépôt à l’issue de leur garde à vue. Ils sont accusés d’« associations de malfaiteurs dans le but d’aider des personnes à accéder au territoire tunisien », selon une déclaration du parquet, alors que le CTR assiste le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés dans l’enregistrement des demandeurs d’asile, avec l’aval des autorités en l’absence de loi encadrant le droit d’asile en Tunisie.
    Le président du Conseil tunisien des réfugiés (CTR) et l’un de ses collègues ont eux aussi été arrêtés. Selon la radio privée Mosaïque FM, ils sont accusés d’aide à l’hébergement de migrants en situation irrégulière, alors même que cette organisation assiste le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés dans l’enregistrement des demandeurs d’asile, avec l’aval des autorités en l’absence de loi encadrant le droit d’asile en Tunisie.
    (...)Dans son discours lundi soir, M. Saïed a fustigé des associations qui « reçoivent d’énormes sommes d’argent de l’étranger ». « Il n’y a pas de place pour des associations qui pourraient remplacer l’Etat », a-t-il affirmé, qualifiant par ailleurs les dirigeants de ces associations de « traîtres » et d’« agents ». M. Saïed a aussi répété « aux chefs d’Etat » et « au monde entier », comme il l’a fait de nombreuses fois, que « la Tunisie n’est pas une terre pour installer ces gens et qu’elle veille à ce qu’elle ne soit pas également un point de passage pour eux vers les pays du nord de la Méditerranée ».
    Tout en refusant d’accueillir les migrants, les autorités tunisiennes continuent pourtant de les empêcher de rejoindre l’Europe moyennant un soutien financier et logistique de l’Union européenne. Entre le 1er janvier et le 15 avril, 21 270 migrants ont ainsi été interceptés en mer par la Garde nationale, contre 13 903 sur la même période en 2023, selon les chiffres communiqués par son porte-parole, Houssem Jebabli, à l’agence de presse Nova.

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  • La Tunisie retrouve cinq migrants morts dans un canot, parti de la Libye voisine - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/55731/la-tunisie-retrouve-cinq-migrants-morts-dans-un-canot-parti-de-la-liby

    La Tunisie retrouve cinq migrants morts dans un canot, parti de la Libye voisine
    Par La rédaction Publié le : 11/03/2024
    Les autorités tunisiennes ont récupéré cinq cadavres dans un canot et secourus 24 autres migrants, a indiqué samedi la Garde nationale. L’embarcation avait quitté la Libye voisine pour tenter de rallier les côtes européennes.
    Les corps de cinq migrants ont été récupérés au large de la région de Zarzis, dans le centre-est de la Tunisie, a indiqué samedi 9 mars la Garde nationale tunisienne. Dans ce même canot, 24 autres exilés ont pu être secourus par les autorités. Les nationalités de ces personnes n’ont pas été précisées.
    L’embarcation avait quitté les côtes « d’un pays voisin », terme généralement employé pour désigner la Libye. La Tunisie est régulièrement amenée à porter secours à des bateaux surchargés de migrants partis de la Libye voisine, qui tombent en panne au large de ses côtes ou qui dérivent.En février, neuf personnes sont mortes au fond d’une embarcation à la dérive, près de la Tunisie. Cinquante migrants avaient pris place à bord, là aussi depuis les côtes libyennes, avant que le canot ne subisse une avarie. Selon le parquet, les exilés sont morts d’asphyxie due à « l’odeur du carburant ».
    Mais la Tunisie est aussi un pays de départ pour les exilés désireux de rejoindre l’île italienne de Lampedusa. Dans une autre opération samedi, les garde-côtes ont « déjoué une traversée clandestine » en mer au large d’al-Mahdia (centre), et « secouru » 53 migrants de nationalités étrangères, a ajouté la Garde nationale.
    Si les Subsahariens sont nombreux à tenter de gagner l’Italie depuis les côtes tunisiennes, les jeunes Tunisiens essayent également de prendre la mer pour trouver un avenir meilleur de l’autre côté de la Méditerranée, au péril de leur vie. Depuis le début de l’année, plus de 50 Tunisiens sont portés disparus en mer lors de deux naufrages, survenus en janvier et en février.Dans ces drames, les familles disent se sentir abandonnées par les autorités. Elles ont manifesté en février pour leur réclamer des comptes. « On se retrouve dans des situations où c’est à nous d’enquêter parce que nous n’avons aucune information. Les députés, le gouverneur, la municipalité, nous appellent, nous les familles, pour avoir des informations sur les recherches, ils n’appellent pas la police. C’est pour vous dire à quel point on est seuls et livrés à nous-même », expliquait alors à RFI Fathi Ben Farhat, professeur de Taekwondo de 48 ans dont le neveu de 17 ans, Malek, avait pris place dans une embarcation disparue.

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  • Plus de 300 personnes arrivent aux Canaries en trois jours - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/54144/plus-de-300-personnes-arrivent-aux-canaries-en-trois-jours

    Plus de 300 personnes arrivent aux Canaries en trois jours
    Par La rédaction Publié le : 27/12/2023
    Depuis le 24 décembre, 334 personnes d’origine subsaharienne et maghrébine, dont 7 femmes et 11 mineurs, sont arrivées aux Canaries. Elles étaient réparties à bord de six embarcations.
    C’est aux alentours de 11h que la dernière embarcation a atteint l’archipel espagnol des Canaries, mardi 26 décembre. À son bord figuraient 48 personnes, dont trois femmes et dix mineurs. Selon l’agence de presse espagnole EFE, le canot était recherché par le secours maritime qui avait reçu des informations sur la présence d’un pneumatique dans les eaux proches de l’île de Lanzarote. Mais les moyens mobilisés, un bateau de sauvetage et un avion, n’ont pas pu le retrouver. Les passagers ont finalement débarqué par eux-mêmes sur la plage de Los Charcos, sur le littoral ouest de Lanzarote, en bonne santé.
    La veille, cinq autres embarcations ont atteint les côtes espagnoles des Canaries. Les 46 passagers d’un cayuco – pirogue régulièrement utilisée pour les traversées – ont été escortés en début d’après-midi par le Salvamar Macondo, un navire de sauvetage, jusqu’au port d’Arguineguín sur l’île de Grande Canarie, après avoir été repérés à une trentaine de kilomètres des côtes. Quelques heures avant, ce sont 240 Subsahariens et Maghrébins, dont quatre femmes et un mineur, qui sont arrivés aux Canaries à bord de petits bateaux. D’une part, deux embarcations sont arrivées par leurs propres moyens sur l’île d’El Hierro, selon le secours maritime, la Croix-Rouge, le 112 et la garde civile.D’autre part, les migrants des deux autres embarcations ont été secourus en pleine nuit. Un groupe a été transporté au port d’El Hierro, l’autre sur l’île de Tenerife.
    Ces arrivées interviennent alors que la route migratoire vers les Canaries connait un regain des passages ce second semestre, après une baisse en début d’année. Depuis le début de 2023, plus de 50 000 migrants sont arrivés en Espagne. Et parmi eux, 72%, soit plus de 32 000, sont arrivés via les Canaries. C’est 118% de plus qu’en 2022. Pour faire face à cet afflux, les autorités espagnoles ont ouvert, depuis mi-novembre, 11 000 places d’hébergement supplémentaires dans des casernes militaires désaffectées, hôtels et foyers d’accueil. En visite sur l’île d’El Hierro le 19 octobre dernier, le ministre des Migrations, José Luis Escriva, avait promis que les transferts des exilés vers l’Espagne continentale seraient plus fréquents. L’Espagne procède également à des expulsions pour faire face à ce flux migratoire supérieur à la crise de 2006. Selon des données auxquelles l’agence de presse EFE a eu accès, entre le 1er janvier et le 30 juin 2023, 1 942 expulsions et retours ont été effectués. En 2022 et 2021, les chiffres étaient respectivement de 3 642 et 3 594. Ce chiffre est en baisse mais pour la première fois en 2023, l’Espagne a organisé des vols charters afin d’expulser par groupe les migrants, majoritairement sénégalais. Auparavant, les retours s’effectuaient au compte-goutte via les vols commerciaux. Ainsi, grâce à un accord signé entre Madrid et Dakar, un premier vol a décollé d’Espagne en direction du Sénégal en novembre dernier afin d’expulser une trentaine de Sénégalais arrivées illégalement dans le pays.

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  • En Tunisie, les migrants subsahariens désormais sous la menace de réseaux de kidnappeurs
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/12/27/en-tunisie-les-migrants-subsahariens-desormais-sous-la-menace-de-reseaux-de-

    En Tunisie, les migrants subsahariens désormais sous la menace de réseaux de kidnappeurs
    Par Monia Ben Hamadi (Tunis, correspondance)
    Depuis plus d’une semaine, Koné, un jeune Ivoirien, n’a plus de nouvelles de sa demi-sœur. Tout juste sait-il que Mariam, 15 ans, est séquestrée par d’autres migrants à Sfax, la deuxième ville de Tunisie. Mariam n’est pas seule dans ce cas. Depuis octobre, des signalements inquiétants d’un nouveau trafic se multiplient dans le pays. Des migrants subsahariens de différentes nationalités sont enlevés et détenus dans des logements à Sfax en vue de rançonner leurs proches. Leur libération peut coûter plusieurs centaines d’euros.
    Le Monde Afrique a pu recueillir plusieurs témoignages concordants de proches de victimes, des informations sur leur localisation ainsi que des documents prouvant plusieurs transferts d’argent pour leur libération. Les autorités collaborent discrètement avec des avocats et des organisations de droits humains pour mettre fin à ce phénomène, lié à la répression que subissent les migrants en provenance d’Afrique subsaharienne en Tunisie. (...)
    Suite aux déclarations du président Kaïs Saïed en février 2023, affirmant que l’arrivée de Subsahariens dans le pays relèverait d’un « plan criminel pour changer la composition du paysage démographique », les conditions de vie des migrants en Tunisie se sont rapidement dégradées. Un pic de violence est survenu en juillet, lorsque des centaines de ressortissants d’Afrique subsaharienne ont été expulsées de Sfax par les forces de l’ordre et abandonnés dans le désert sans moyens de subsistance. Depuis, les autorités tunisiennes ont menacé de sanctionner ceux qui transporteraient des personnes se trouvant en situation irrégulière. Les prix du marché parallèle ont aussitôt augmenté. Pour régler le trajet de Mariam, Koné a pu compter sur le virement d’un proche en Europe, versé au chauffeur. Mais arrivé à Sfax, celui-ci « la vend à des Camerounais et des Ivoiriens », assure son demi-frère. Les ravisseurs réclament 1 000 dinars (environ 300 euros) pour relâcher l’adolescente. Arrivé en Tunisie depuis moins de deux mois, le jeune homme n’a aucune source de revenus et ne s’est jamais rendu dans la ville de Sfax où la captive se trouverait encore. « Je leur ai dit qu’actuellement je n’avais pas d’argent. Maintenant, ils ont bloqué tous les numéros que je connais, je suis sans nouvelles depuis plus d’une semaine. La famille est très inquiète et m’appelle tous les jours, mais je ne sais pas quoi faire », déplore-t-il.En charge de deux affaires similaires, Hamida Chaieb, avocate et membre du comité directeur de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH), a reçu plusieurs signalements d’enlèvements depuis le mois d’octobre. « Ce phénomène n’existait pas avant », affirme-t-elle, décrivant les mêmes procédés : « Ce sont des migrants qui viennent d’Algérie ou qui ont été expulsés à la frontière par les forces de l’ordre. Dans les zones frontalières, des transporteurs tunisiens les emmènent généralement à Sfax où ils les remettent à des migrants subsahariens qui les séquestrent. Les montants diffèrent, ça peut monter jusqu’à 2 000 dinars tunisiens. »
    Selon l’avocate, les affaires sont à présent gérées en étroite collaboration avec le parquet et la brigade criminelle de Tunis. Plusieurs arrestations auraient déjà eu lieu, malgré des réticences et des lenteurs constatées après les premiers signalements. « Au début, les policiers n’y ont pas cru parce qu’il y a eu des cas de personnes qui ont menti à leurs proches pour que ces derniers leur envoient de l’argent », précise Me Chaieb.
    La réalité s’est finalement imposée avec la multiplication des enlèvements. Le Monde en a recensé au moins cinq. « La police a alors eu peur d’intervenir car certains individus sont armés. Dans les cas dont je m’occupe, ils y sont finalement retournés mais ne les ont pas trouvés, ils avaient déjà changé de lieu », poursuit Me Chaieb, qui affirme qu’au moins deux personnes libérées après avoir payé une rançon sont en mesure de témoigner. Bamba, 37 ans, vit depuis plusieurs mois à El Oued, dans le désert algérien, près de la frontière avec la Tunisie. Cet Ivoirien a été contacté par au moins trois victimes de ce trafic à Sfax. Elles avaient enregistré son numéro avant de quitter El Oued. Bamba a ainsi été en mesure d’aider leurs proches à leur envoyer les montants demandés par les ravisseurs. Issa, un jeune Guinéen et ancien compagnon de route, en fait partie.
    « Ils leur ont laissé un téléphone pour qu’ils puissent contacter leurs proches », explique Bamba, qui a communiqué au Monde la dernière localisation connue de son ami et de ses deux autres connaissances, ainsi que les reçus de transferts d’argent en francs CFA, en dollars et en euros envoyés par les proches des victimes. Selon lui, Issa est parti d’El Oued vers la Tunisie le 12 décembre.
    Arrivé à Sfax par ses propres moyens, il a suivi de « jeunes Ivoiriens » qui lui auraient proposé de passer la nuit chez eux. « Il a tenté de joindre son correspondant là-bas qui devait l’aider à se loger, mais il était tard, la personne n’a pas décroché », relate-t-il. Le lendemain matin, les « bandits » empêchent Issa de sortir et lui réclament de l’argent, arguant qu’il devait payer « le prix du taxi et du logement » : 350 euros. « Pour eux, c’est comme un travail. Ils ont commencé à le tabasser et lui ont donné le téléphone pour qu’il appelle sa famille. Je suis entré en contact avec son grand frère qui a payé 300 dollars. Il ne voulait pas que son frère soit torturé. »
    Depuis, Bamba n’a plus de nouvelles de son ami. Après un long périple par la Libye et l’Algérie, il a décidé quant à lui de « se calmer un peu » et de subir quelque temps de plus les conditions de vie du désert d’El Oued, après avoir constaté le sort réservé en Tunisie à ses compagnons lancés sur le chemin de l’Europe.

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  • Tunis annonce 70 000 interceptions en mer, et reste accusée de renvois vers la Libye - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/53791/tunis-annonce-70-000-interceptions-en-mer-et-reste-accusee-de-renvois-

    Tunis annonce 70 000 interceptions en mer, et reste accusée de renvois vers la Libye
    Par Charlotte Boitiaux Publié le : 11/12/2023
    Près de 70 000 migrants ont été arrêtés depuis le début de l’année par les forces tunisiennes alors qu’ils tentaient de traverser la Méditerranée. C’est plus du double par rapport à 2022. Dans le même temps, de nombreux exilés accusent ces militaires tunisiens de les envoyer dans le désert, aux frontières algérienne et libyenne, juste après leur interception en mer.Selon les autorités tunisiennes, près de 70 000 migrants ont été interceptés cette année alors qu’ils tentaient de traverser la Méditerranée depuis la Tunisie vers l’Italie. C’est plus du double par rapport à la même période l’année précédente. Plus précisément, 69 963 personnes ont été arrêtées dans leur tentative de traversée, contre 31 297 en 2022, selon des graphiques transmis à l’AFP par le porte-parole de la Garde nationale, Houssem Eddine Jebabli.
    Sur ce total, 77,5% (54 224) étaient des ressortissants d’Afrique subsaharienne, et le reste des Tunisiens (15 739), contre 59% de migrants étrangers en 2022 (18 363) et 12 961 Tunisiens.
    En 2023, l’essentiel des migrants (82%) ont été interceptés sur le littoral proche de Sfax, dans le centre du pays, distante d’à peine 150 km de l’île italienne de Lampedusa – contre 66% pour 2022, selon la Garde nationale.
    Mais que deviennent ces migrants une fois interceptés ? La polémique est là. Depuis le mois de septembre, InfoMigrants a recueilli plusieurs témoignages d’exilés subsahariens qui racontent avoir été immédiatement expulsés vers les frontières algérienne et libyenne après leur interception en mer au large de Sfax.
    Nouvelles expulsions aux frontières du pays Des déclarations que le porte-parole de la Garde nationale, contacté par InfoMigrants, nie en bloc. « Ces propos sont inacceptables. Il n’y a aucune opération d’expulsion. Il ne se passe rien à la frontière libyenne », a déclaré Houssem Eddine Jebabli. « Nous proposons uniquement des retours volontaires pour les migrants qui le souhaitent ». Et de préciser que Tunis lutte contre les trafics d’êtres humains. « En Tunisie, il y a des passeurs, comme dans tous les pays, et nous essayons de les arrêter ».Ces expulsions rappellent celles observées durant l’été lorsque des milliers de migrants avaient été arrêtés à Sfax puis abandonnés dans les zones frontalières de Libye et d’Algérie en plein désert. Des images de migrants subsahariens, à bout de force sous un soleil de plomb, avaient été largement diffusées sur les réseaux sociaux.
    Selon plusieurs sources humanitaires contactées récemment par l’AFP, « au moins 5 500 migrants ont été expulsés vers la frontière avec la Libye et plus de 3 000 vers celle avec l’Algérie depuis juin ».
    Plus de 100 exilés sont morts dans le désert tuniso-libyen pendant l’été, selon les sources humanitaires.Ces sources, à l’instar d’InfoMigrants, ont confirmé que les « expulsions collectives vers la Libye et l’Algérie continuent ». Les départs des migrants ont connu une accélération après un discours fin février du président tunisien Kaïs Saïed, dénonçant l’arrivée « de hordes de migrants clandestins » en provenance d’Afrique subsaharienne et imputant leur présence à un « plan criminel » visant à « changer la composition démographique » de son pays. Ces propos ont déclenché une violente campagne anti-migrants incitant plusieurs pays africains (Côte d’Ivoire et Guinée notamment) à rapatrier des milliers d’entre eux. Beaucoup d’autres ont pris la mer au péril de leur vie pour tenter de fuir vers l’Europe.
    Des experts des Nations unies avaient même appelé le gouvernement tunisien à stopper ces refoulements illégaux d’exilés subsahariens, une pratique illégale au regard du droit international. Dans le même communiqué du mois de juillet 2023, l’ONU exhortait par ailleurs le gouvernement tunisien à prendre des mesures immédiates « pour mettre fin aux discours de haine raciste dans le pays ».

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  • VIH : les migrantes d’origine subsaharienne, victimes oubliées du virus en France
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/12/01/vih-les-migrantes-d-origine-subsaharienne-victimes-oubliees-du-virus-en-fran

    VIH : les migrantes d’origine subsaharienne, victimes oubliées du virus en France
    Les nouvelles contaminations ne baissent pas chez les femmes hétérosexuelles nées à l’étranger, selon le bilan de Santé publique France publié à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, vendredi 1ᵉʳ décembre. Des associations tentent de diffuser le traitement préventif.
    Par Julien Lemaignen
    Elles sont nigérianes, guinéennes, camerounaises, ivoiriennes. Aux femmes qui lui téléphonent depuis l’Ile-de-France, la Libye ou l’île italienne de Lampedusa, Caroline Andoum n’hésite pas à « parler cru ». Elle évoque avec elles leur santé sexuelle et les moyens de se protéger du sida. Mme Andoum est la directrice générale de Bamesso et ses amis, une association de santé basée au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis). Alors que le 1er décembre se déroule la Journée mondiale de lutte contre le sida, et que 2023 marque le quarantième anniversaire de la découverte du virus, elle a fort à faire pour prévenir les infections parmi les femmes migrantes, qui demeurent l’un des publics qui accèdent le plus difficilement à la prévention et au traitement.
    Selon le bilan publié par Santé publique France (SPF) le 28 novembre, entre 4 200 et 5 700 personnes ont découvert leur séropositivité en 2022. C’est moins qu’en 2019, ce qui est « encourageant quant à la dynamique de l’épidémie », d’après l’agence. Toutefois, « sur la totalité de la période 2012-2022, le nombre de découvertes est quasi stable chez les femmes hétérosexuelles nées à l’étranger », selon SPF, alors qu’il a diminué pour les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH) nés en France, les femmes hétérosexuelles nées en France, les usagers de drogue par injection et les hommes hétérosexuels.
    Les femmes représentent ainsi 31 % des découvertes de séropositivité. Parmi elles, beaucoup viennent d’Afrique subsaharienne. « Une part importante des contaminations survient après la migration », relève SPF, qui renvoie à l’étude ANRS-Parcours de 2015 ayant estimé ce taux entre 25 et 35 % pour les femmes originaires de la région.Les hommes que ces femmes rencontrent en France appartiennent souvent à leur communauté, souffrant d’une forte prévalence du VIH. Or, relève Caroline Andoum, les femmes qui arrivent sans papiers et sans ressources sont en position de faiblesse pour négocier le préservatif auprès de leurs partenaires s’ils le refusent. A plus forte raison lorsqu’elles se prostituent pour survivre.
    Dans ces conditions, le comprimé quotidien à prendre dans le cadre du traitement préventif par prophylaxie pré-exposition (PrEP), autorisé en France depuis 2016 et remboursé par la Sécurité sociale, présente le double avantage de pouvoir être décorrélé du rapport sexuel et de laisser aux femmes le contrôle de leur protection. Encore faut-il le faire connaître, et « il n’y a qu’avec les associations communautaires qu’on peut être efficients », selon le docteur Thomas Huleux, chef du bureau des maladies infectieuses au conseil départemental de Seine-Saint-Denis. (...)
    Ces efforts ne peuvent faire oublier que si les démarrages de PrEP ont connu une hausse de 31 % entre 2022 et 2023 à l’échelle nationale, cela concerne encore des hommes à 97 %, selon les données de l’enquête Epi-Phare publiée le 29 novembre, pour un total de 85 000 traitements commencés entre 2016 et juin 2023. Que les femmes représentent un tiers des nouveaux cas mais une infime minorité des PrEP constitue un « parfait exemple d’inégalité de genre en santé, tempête le professeur Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Tenon à Paris et spécialiste du VIH. On a de bonnes mesures mais personne ne les connaît. Or la PrEP s’applique à toute personne qui s’estime en situation de risque, c’est très large ». SPF a annoncé, le 28 novembre, la poursuite de sa campagne d’information contre le VIH avec deux volets spécifiquement orientés vers les HSH et vers les personnes migrantes d’origine subsaharienne.
    En plus d’une meilleure diffusion des traitements existants, la prévention pourrait s’enrichir d’un nouvel outil, la PrEP injectable à base de cabotégravir. A la différence des comprimés qui doivent être pris tous les jours à horaire fixe, les injections – à effectuer par du personnel qualifié – peuvent être espacées de huit semaines. D’après une étude auprès de plus de 3 000 femmes dans sept pays d’Afrique subsaharienne, baptisée HPTN 084 et publiée en mai 2022 dans The Lancet, cette méthode est plus efficace que la voie orale pour prévenir les infections dans ce public. (...) La PrEP injectable est recommandée par l’OMS, autorisée par la Food and Drug Administration américaine et par l’Agence européenne des médicaments. Pour envisager sa mise en œuvre en France, il faudrait que la Haute Autorité de santé (HAS) statue sur son intérêt et sur l’opportunité du remboursement par la Sécurité sociale.
    Aux yeux de Bruno Spire, directeur de recherche à l’Inserm et président d’honneur d’Aides, rien ne dit que la HAS va donner son feu vert. « HPTN 084 est un essai clinique impliquant des participantes volontaires et motivées, souligne-t-il. Ce qui manque, ce sont des données démontrant une plus-value en santé publique. » D’après lui, il faudrait établir que la PrEP injectable permet d’augmenter le nombre de personnes traitées et ne se résume pas à une alternative plus commode.Pour Thomas Huleux, la PrEP injectable a vocation à compléter le panel des moyens. « Si on n’en a qu’un seul, il ne convient pas à tout le monde », souligne-t-il, rappelant que « si le tout-préservatif fonctionnait, on ne serait plus là à parler du VIH ». A Aulnay, Caroline Andoum attend la PrEP injectable « avec impatience », car elle promet une discrétion accrue par rapport aux tablettes qui peuvent susciter de la stigmatisation. Aujourd’hui, avec les femmes suivies par son association, elle discute souvent de la meilleure façon de cacher les boîtes.

    #Covid-19#migrant#migration#france#sante#vih#femme#afriquesubsaharienne#HAS

  • Le Maroc repousse des centaines de migrants qui tentaient d’entrer dans l’enclave espagnole de Ceuta
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/11/18/le-maroc-repousse-des-centaines-de-migrants-qui-tentaient-d-entrer-dans-l-en

    Le Maroc repousse des centaines de migrants qui tentaient d’entrer dans l’enclave espagnole de Ceuta
    Par Alexandre Aublanc (Casablanca, correspondance)
    Un millier de migrants d’Afrique subsaharienne ont, selon la presse marocaine, tenté de franchir la clôture qui sépare le Maroc de l’enclave espagnole de Ceuta, vendredi 17 novembre au matin. Divisés en plusieurs groupes, ils ont convergé vers trois endroits : au nord de la ville, au niveau du quartier de Benzú, au sud, à proximité de la plage de Tarajal, et plus à l’est, dans la zone de Finca Berrocal. La plupart a été stoppée en territoire marocain par les forces de l’ordre, mais une centaine a réussi à s’approcher de la barrière extérieure de Ceuta, quelques-uns parvenant à l’escalader sans toutefois la franchir, selon la Guardia Civil espagnole.
    Citée par des médias marocains, la préfecture de Fnideq a fait état de nombreuses arrestations parmi les migrants. Certains ont « recouru à une violence excessive en utilisant des armes blanches », affirment les autorités marocaines qui chiffrent à quatre-vingt le nombre des blessés « légers », dont une cinquantaine parmi les forces de sécurité. Partagées sur les réseaux sociaux par des riverains, des vidéos montrent des centaines d’hommes courant le long d’une route, sans que l’on ne sache s’ils se dirigent vers la frontière ou fuient les forces de l’ordre. D’autres sont à l’arrêt, tandis qu’un hélicoptère les survole.
    Selon l’agence de presse espagnole EFE, c’est la troisième fois en vingt jours que des migrants tentent de franchir la frontière à Ceuta. Ils n’ont jamais été aussi nombreux depuis 2019, indiquent des ONG. Si aucun mort n’est à signaler, cette énième tentative en rappelle une autre, meurtrière cette fois : le 24 juin 2022, près de trente migrants avaient été tués en essayant d’entrer à Melilla. Plusieurs dizaines sont toujours portées disparus, selon l’Association marocaine des droits humains. « Ce qui s’est passé à Ceuta vendredi est une scène qui se répète inlassablement, la conséquence de l’externalisation des contrôles aux frontières de l’Europe, explique Mohamed Balga, secrétaire général de Pateras de la vida, une association marocaine qui veille aux droits des immigrés subsahariens. Cette fermeture des frontières est synonyme de drames humains, elle se fait avec l’assentiment de l’Europe et la complicité des autorités marocaines et espagnoles, qui ont fait de l’immigration une monnaie d’échange. »
    Depuis la reprise de leurs relations en avril 2022, après un an de gel diplomatique en raison de l’hospitalisation en Espagne du chef du Front Polisario, les rapports entre Rabat et Madrid sont au beau fixe. Le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, a déclaré soutenir le plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental, rompant avec la neutralité historique de l’Espagne dans ce dossier. En retour, Madrid s’est assuré l’appui des autorités marocaines dans la lutte contre l’immigration irrégulière, octroyant au royaume des financements supplémentaires – plus de 30 millions d’euros en octobre 2022. Au premier trimestre 2023, le nombre des entrées illégales en Espagne depuis Ceuta et Melilla a chuté de 80 %, selon
    Le contraste est saisissant entre la situation actuelle et celle qui prévalait encore il y a deux ans. En mai 2021, le gouvernement espagnol n’avait pas eu de mots assez durs pour dénoncer une « agression » du Maroc après le passage de plus de 8 000 migrants à Ceuta, allant jusqu’à dénoncer un « chantage » de Rabat, accusé d’instrumentaliser « des mineurs » pour faire pression sur Madrid.
    Sur fond de réconciliation, les critiques ont désormais cédé la place aux amabilités. D’un côté comme de l’autre, le partenariat migratoire entre les deux pays est jugé « exceptionnel ». « C’est un modèle de coopération Nord-Sud », relevait en juin la secrétaire d’Etat espagnole aux migrations. C’est cette même collaboration qui a permis « de contenir la tentative de franchissement » à Ceuta, selon la presse ibérique. Les forces de l’ordre marocaines auraient en effet averti dans la nuit de jeudi à vendredi leurs homologues espagnoles de la présence d’un premier groupe « d’environ 150 migrants » à proximité de la frontière. L’action « préparée et combinée » des autorités des deux pays a fait le reste.

    #Covid-19#migrant#migration#maroc#espagne#ue#ceuta#melila#frontiere#partenariatmigratoire#droitshumains#afriquesubsaharienne#sante

  • Aux Canaries, près de 1 500 migrants africains arrivés pendant le week-end
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/10/23/aux-canaries-pres-de-1-500-migrants-africains-arrives-pendant-le-week-end_61

    Aux Canaries, près de 1 500 migrants africains arrivés pendant le week-end
    Près de 1 500 migrants africains sont arrivés sur les côtes des îles Canaries depuis samedi 21 octobre, notamment à bord d’une embarcation qui transportait un nombre record de 321 personnes, ont annoncé dimanche les services de secours de l’archipel espagnol au large du Maroc.
    Au total, 1 427 migrants ont atteint les îles dans différentes embarcations précaires entre la nuit de vendredi à samedi et la matinée de dimanche, ont annoncé les services d’urgence sur le réseau social X (ex-Twitter). Les arrivées de migrants sont en hausse ces dernières semaines.
    Les migrants viennent d’Afrique subsaharienne, a précisé à l’AFP un porte-parole des services d’urgence. Samedi, une pirogue en bois a atteint l’île El Hierro avec 321 personnes à son bord, a précisé à l’AFP une porte-parole des services d’urgence. Le précédent record du nombre de passagers sur une seule embarcation arrivée aux Canaries était de 280 personnes, le 3 octobre.
    La chaîne de télévision publique TVE a montré des images de l’arrivée au port samedi de l’embarcation colorée, bondée de migrants souriants et saluant autour d’eux. Selon les derniers chiffres du ministère de l’intérieur espagnol, l’archipel a reçu 23 537 migrants entre le 1er janvier et le 15 octobre, soit près de 80 % de plus que sur la même période l’année dernière.
    Pendant les deux premières semaines d’octobre, 8 561 migrants sont arrivés, un chiffre record selon les médias espagnols depuis une précédente crise migratoire en 2006. Cette « recrudescence » des arrivées est liée à « la déstabilisation au Sahel », a estimé le ministre de l’intérieur espagnol, Fernando Grande-Marlaska lors d’une visite aux Canaries cette semaine.
    La route migratoire passant par les Canaries a été très fréquentée ces dernières années en raison du durcissement des contrôles opérés dans la mer Méditerranée. Mais les naufrages sont fréquents lors de ces longues et dangereuses traversées à bord de petites embarcations depuis le Maroc ou le Sahara occidental, distant d’une centaine de kilomètres, mais aussi, plus au sud, depuis la Mauritanie, le Sénégal et même la Gambie, à environ un millier de kilomètres.

    #covid-19#migration#migrant#espagne#canaries#sahel#migrationirreguliere#routemigratoire#traversee#atlantique#maroc#mauritanie#gambie#senegal#afriquesubsaharienne

  • En Espagne, 280 migrants arrivent à bord d’une embarcation aux Canaries
    https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/04/en-espagne-280-migrants-arrivent-a-bord-d-une-embarcation-aux-canaries_61922

    En Espagne, 280 migrants arrivent à bord d’une embarcation aux Canaries
    Il s’agit du plus grand nombre de passagers jamais arrivés sur un seul bateau, en empruntant l’une des routes migratoires les plus dangereuses au monde.
    Le Monde avec AFP
    Publié le 04 octobre 2023 à 03h10, modifié le 04 octobre 2023 à 07h15
    Deux cent quatre-vingts migrants, tous vivants, sont arrivés, mardi 3 octobre, à bord d’un seul et même bateau sur une île de l’archipel espagnol des Canaries, ont fait savoir, à l’Agence France-Presse (AFP), les secours en mer. Parmi ces personnes, 278 étaient des hommes et dix étaient des mineurs, ont-ils précisé. Il s’agit du plus grand nombre de passagers jamais arrivés sur une seule embarcation.
    Les migrants, d’origine « subsaharienne » selon les sauveteurs en mer, ont été pris en charge à leur arrivée alors que leur bateau était proche du port de La Restinga, sur l’île d’El Hierro.Pour la seule journée de mardi, El Hierro a vu un demi-millier d’arrivées, un chiffre rare pour cette petite île, la plus à l’ouest des Canaries. Les services d’urgence évoquent un autre bateau secouru avec 127 personnes à bord, ainsi qu’une autre embarcation avec 79 migrants. L’Espagne, et tout particulièrement l’archipel des Canaries, au large des côtes africaines, est l’une des principales portes d’entrée des migrants clandestins en Europe. Les Canaries ont vu arriver 14 976 migrants entre le 1er janvier et le 30 septembre, soit une hausse de 19,8 % par rapport à la même période de 2022, d’après les derniers chiffres du ministère de l’intérieur espagnol.
    Depuis quelques années, la route migratoire vers les Canaries est particulièrement empruntée en raison du durcissement des contrôles en Méditerranée. Les naufrages y sont fréquents, la traversée étant particulièrement dangereuse. Des ONG font régulièrement état de naufrages meurtriers – dont les bilans non officiels se chiffrent, selon elles, en dizaines, sinon centaines de morts – dans les eaux marocaines, espagnoles ou internationales. Depuis le début de 2023, 140 migrants sont morts ou ont disparu dans cette traversée, selon des données de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) reçues début septembre. L’ONG espagnole Caminando Fronteras, qui, à la différence de l’OIM, s’appuie sur des appels d’urgence avec les clandestins en mer ou leurs proches, estime que 778 migrants sont morts ou ont disparu sur cette route migratoire au premier semestre.

    #Covid-19#migrant#migration#espagne#canaries#routemigratoire#atlantique#maroc#migrationirreguliere#ue#oim#mediterranee#afriquesubsaharienne

  • En Italie, le gouvernement Meloni dans l’impasse sur la gestion des flux migratoires
    https://www.lemonde.fr/international/article/2023/08/29/en-italie-le-gouvernement-meloni-dans-l-impasse-sur-la-gestion-des-flux-migr

    En Italie, le gouvernement Meloni dans l’impasse sur la gestion des flux migratoires
    Le rythme des arrivées sur l’île de Lampedusa, depuis la Tunisie, ne cesse d’augmenter en dépit de la politique de voisinage menée par Rome.
    Par Allan Kaval(Rome, correspondant)
    Le gouvernement de Giorgia Meloni avait fait de la réduction des arrivées irrégulières de migrants en Italie l’une de ses priorités. Lundi 28 août, leur nombre, sur les huit premiers mois de l’année, s’élevait à près de 113 500, soit plus du double de celui enregistré à la même période en 2022. Face à une rapide augmentation des départs depuis la Tunisie, les mesures d’urgence prises par l’exécutif depuis le début de son mandat, fin octobre, n’ont pas suffi. De nouveau, l’île de Lampedusa concentre les arrivées. Du 25 au 27 août, plus de 4 000 personnes y ont ainsi accosté après une traversée commencée depuis les rivages tunisiens. Du côté du gouvernement, entre promesses de mesures plus restrictives, attaques ou appels à l’aide en direction de Bruxelles et efforts diplomatiques encore improductifs en Méditerranée, les données de la gestion de la question migratoire restent les mêmes.
    « La situation des derniers jours est la plus critique depuis le 1er juin », indique au Monde Rosario Valastro, le président de la Croix-Rouge italienne qui gère le « hot spot » de Lampedusa, un centre à partir duquel les migrants sont transférés vers le continent lorsque les conditions météorologiques le permettent. Lundi, en fin de journée, 3 000 personnes y étaient hébergées, dans une structure initialement conçue pour en accueillir 600. « Ce qui nous préoccupe avec ce rythme d’arrivées c’est de pouvoir continuer à garantir une assistance à des personnes qui viennent dans des conditions très critiques, dont beaucoup de mineurs », déplore M. Valastro. En trois mois, plus de 48 000 personnes sont passées par le centre pour être ensuite dirigées vers un système d’accueil national dont des élus locaux et acteurs associatifs dénoncent la saturation.
    La grande majorité a transité par la région de Sfax, dans l’est de la Tunisie, devenue le point de passage principal pour des migrants majoritairement originaires d’Afrique subsaharienne. Cette situation persiste en dépit de la politique de voisinage menée par Rome en Tunisie et présentée comme le modèle de son approche diplomatique en Méditerranée. Depuis son entrée en fonction, Mme Meloni prône la conclusion d’accords avec les pays de départ et de transit censés garantir des investissements et des financements en échange d’un contrôle accru des flux migratoires en amont des frontières italiennes. La présidente du conseil a obtenu de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qu’elle souscrive à cette approche en se rendant à Tunis, le 16 juillet, afin de signer avec elle et le président autoritaire tunisien, Kaïs Saïed, un accord de cette nature dont les traductions pratiques doivent encore prendre forme.
    Mardi, Mme Meloni est attendue à Athènes, Rome ayant l’ambition, entre autres dossiers, de rallier la Grèce à sa vision de la politique migratoire régionale. Le vice-président du conseil italien, Antonio Tajani, également ministre des affaires étrangères et secrétaire national de Forza Italia (centre droit), a appelé à une « action européenne » en réponse aux flux migratoires en provenance d’Afrique. L’autre vice-président du conseil et ministre des infrastructures, Matteo Salvini, s’est appuyé sur la situation à Lampedusa, mais aussi à Trieste, ville italienne située sur la route des Balkans, pour blâmer Bruxelles. Son parti, la Ligue (extrême droite), a construit ses succès sur un discours violemment hostile aux migrants et multiplie, en vue des élections européennes de juin 2024, les prises de position dissonantes au sein de la majorité. « Après tant de bavardages et de bavardages, l’Europe doit se réveiller, se bouger et nous aider », a-t-il déclaré, en jugeant nécessaire un nouveau « décret sécurité » porteur de mesures plus dures contre les migrants.
    La politique préconisée de l’exécutif emmené par Mme Meloni s’inscrit pour l’instant dans le sillage de décrets déjà pris depuis le début de la législature pour restreindre les activités des ONG de sauvetage et le régime de protection internationale en vigueur. En avril, le gouvernement italien avait par ailleurs instauré un état d’urgence sur le dossier migratoire, une mesure censée simplifier et accélérer le travail des administrations, mais servant aussi d’affichage politique alors que l’augmentation des arrivées en provenance de Tunisie se faisait déjà sentir. Pour le maire de Lampedusa, Filippo Mannino, cité dimanche par l’agence Adnkronos, « la déclaration [de l’état] d’urgence n’a produit aucun effet » sur son île et se limite à « des annonces ».Avec l’augmentation des arrivées, la gestion de l’accueil a également conduit les maires de centre gauche à demander davantage d’implication de l’Etat. Elle provoque aussi des critiques virulentes d’élus de la Ligue mécontents de devoir accueillir des migrants dans leurs villes. Ils réclament une répression plus dure à Matteo Salvini et au ministre de l’intérieur, Matteo Piantedosi, sommés de leur donner des gages au seuil d’une nouvelle période électorale. Des nouvelles mesures ont toutefois été annoncées après les arrivées massives depuis le 25 août. Elles sont censées aboutir à une rationalisation de la gestion de la politique migratoire, centralisée au niveau de la présidence du conseil.
    Face au gouvernement, le monde catholique italien dont les structures sont impliquées dans la délégation de l’accueil, prône un changement d’approche plus franc. « La question migratoire doit cesser d’être traitée comme une urgence et devenir une politique planifiée et ordinaire pour dissiper une atmosphère qui génère des politiques menaçant les droits des personnes », explique le prêtre Marco Pagniello, directeur de Caritas Italie qui appelle à plus de solidarité européenne envers l’Italie, pays de transit vers lequel la France renvoie les migrants interceptés à sa frontière. « Nous devons construire avec tous les acteurs associatifs impliqués et le gouvernement une structure permanente de gestion des flux qui s’inscrive dans la durée, car on ne peut pas arrêter le mouvement », juge-t-il. Pour le gouvernement Meloni, cela reviendrait à renoncer à endiguer un phénomène qu’il s’est engagé à faire disparaître.

    #Covid-19#migrant#migration#italie#politiquemigratoire#droit#frontiere#transit#caritas#accueil#fluxmigratoire#tunisie#afriquesubsaharienne#postcovid

  • Naufrages en Méditerranée : avec plus de 2 000 morts depuis le début de l’année, le bilan de 2022 est déjà dépassé
    https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/08/10/naufrages-en-mediterranee-avec-plus-de-2-000-morts-depuis-le-debut-de-l-anne

    Naufrages en Méditerranée : avec plus de 2 000 morts depuis le début de l’année, le bilan de 2022 est déjà dépassé
    EN GRAPHIQUES - Le nombre de migrants morts ou disparus en mer Méditerranée recensés depuis le début de l’année 2023 est déjà supérieur aux bilans sur douze mois des quatre années précédentes.
    Par Dorian Jullien
    Samedi 5 août, deux embarcations de migrants ont fait naufrage au large de l’île de Lampedusa (Italie), en mer Méditerranée. La mort d’une femme et celle d’un enfant âgé de 2 ans ont été confirmées, et une trentaine de victimes sont portées disparues, tandis que cinquante-sept personnes ont survécu. Cette traversée tragique s’ajoute aux tentatives mortelles relayées par la presse quasi quotidiennement.
    Le centre d’accueil de Lampedusa est déjà saturé, avec environ 2 500 migrants pour 600 places, selon la Croix-Rouge italienne, en raison de l’intensification des arrivées de demandeurs d’asile. En Italie, principale porte d’entrée en Europe, le Haut Conseil des Nations unies pour les réfugiés (HCR) estime que 90 763 migrants sont arrivés entre janvier et août 2023, soit presque autant que les 105 131 enregistrés sur l’ensemble de l’année 2022. Pour le seul mois de mars 2023, l’UNHCR a décompté 13 267 entrées en Italie, contre 1 358 sur la même période de l’année précédente.
    Un bilan 2023 déjà équivalent aux quatre années précédentes
    Depuis la crise migratoire européenne de 2014-2015, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) tient un recensement des migrants morts, portés disparus et survivants au cours de leur migration. Sont comptés « les migrants morts aux frontières extérieures des Etats ou au cours du processus de migration vers une destination internationale, quel que soit leur statut juridique ». Sont exclus les morts dans les camps de réfugiés, pendant les expulsions, ceux résultant de l’exploitation du travail ou d’un retour forcé dans le pays d’origine, ainsi que les morts de personnes déplacées au sein de leur pays d’origine. Par définition, le décompte de l’OIM est donc probablement sous-évalué. Le bilan reste pourtant vertigineux : en neuf ans, plus de 27 000 personnes ont payé de leur vie leur tentative de passage vers l’Europe.
    27 364 morts et portés disparus recensés en mer Méditerranée depuis 2014
    Données collectées de différentes sources par l’Organisation internationale pour les migrations (organisation liée aux Nations unies)
    Après un pic en 2016, avec plus de 5 000 morts, le nombre de migrants morts ou portés disparus en mer Méditerranée s’est stabilisé autour de 2 000 à partir de 2018, avant de connaître une baisse en 2020 en raison de la pandémie de Covid-19. Mais, après seulement sept mois, le bilan 2023 est déjà plus lourd que ceux des quatre années passées.
    La Méditerranée centrale : cette route part des côtes d’Afrique du Nord et finit en Italie, ou à Malte dans une moindre mesure. Historiquement, c’est celle dont proviennent le plus d’arrivées, selon le HCR, mais c’est aussi la plus risquée. L’OIM chiffre à 4,78 % le taux de mortalité en 2019, soit 1 migrant sur 21 qui meurt lors d’une tentative de traversée.La Méditerranée occidentale : il s’agit de la voie entre le Maroc et l’Espagne, en traversant le détroit de Gibraltar ou en posant pied à Melilla ou Ceuta, les deux enclaves espagnoles situées sur le continent africain. Le taux de mortalité est estimé à 1,67 %. La Méditerranée orientale : c’est la route qui relie la Turquie à la Grèce, principalement. Ce passage fut la première route empruntée en 2015, après la crise syrienne : selon le HCR, 856 723 personnes sont arrivées de la Turquie en Grèce cette année-là. Cette route est désormais moins empruntée. En 2019, le taux de mortalité y était de 0,05 %, selon l’OIM. Un chiffre possiblement sous-estimé, selon l’organisation, qui reconnaît un manque d’exhaustivité des données et des biais temporels.
    La Méditerranée occidentale est la route privilégiée, aussi la plus mortelle, pour les migrants qui tentent de rallier l’Europe
    Dans près de deux tiers des cas, l’OIM n’est pas en mesure de retracer la région d’origine des personnes mortes ou portées disparues en mer. Parmi les victimes dont l’origine géographique est connue, la plus grande partie provient d’Afrique subsaharienne. Ce sont les migrants de ces pays qui sont depuis plusieurs semaines victimes de violences (délogements, violences physiques, expulsions et abandons dans le désert…) commises par les autorités tunisiennes. Plus de 6 000 migrants morts ou portés disparus en mer Méditerranée sont originaires d’Afrique subsaharienne

    #Covid-19#migrant#migration#OIM#europe#afriquesubsaharienne#HCR#mortalite#traversee#migrationirreguliere#mediterranee#routemigratoire#postcovid

  • Au Niger, l’incertitude politique pèse sur la politique migratoire de l’Europe
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/08/08/au-niger-l-incertitude-politique-pese-sur-la-politique-migratoire-de-l-europ

    Au Niger, l’incertitude politique pèse sur la politique migratoire de l’Europe
    Depuis 2016, les autorités de Niamey ont aidé l’Union européenne à endiguer les flux d’arrivées de migrants subsahariens en Afrique du Nord.
    Par Frédéric Bobin
    Des migrants sur la route connectant Assamakka et Arlit, au sud de la frontière entre l’Algérie et le Niger, le 12 novembre 2022. Chaque année, l’Algérie expulse des milliers d’Africains subsahariens vers le Niger, les abandonnant à un endroit appelé Point-Zéro sur la frontière au milieu du Sahara. Le village nigérien d’Assamaka, à quelques heures de marche au sud, a été submergé par ces vagues de refoulements successifs.
    Une crise peut en cacher une autre. Derrière l’effervescence diplomatique et militaire autour du coup d’Etat à Niamey se profile un lourd enjeu pour les Européens : la question de la migration subsaharienne. Le Niger occupe en effet une place stratégique sur les routes migratoires du continent en sa qualité couloir de transit privilégié vers la Libye, plate-forme de projection – aux côtés de la Tunisie – sur l’Italie. A Rome, l’inquiétude est déjà palpable.
    Depuis le putsch ayant renversé le 26 juillet le président Mohamed Bazoum, les dirigeants italiens multiplient les mises en garde contre la tentation d’une intervention militaire à Niamey qui risque à leurs yeux d’approfondir le chaos sahélien. Evoquant le rebond de la courbe d’arrivées de migrants sur la Péninsule par la Méditerranée (87 000 sur les sept premiers mois 2023, soit plus qu’un doublement par rapport à la même période de 2022), le ministre italien des affaires étrangères Antonio Tajani a averti lundi 7 août dans le quotidien La Stampa : « Le problème de la nouvelle vague d’immigrants est déjà une réalité. Chaque jour qui passe, si aucun accord n’est trouvé, la situation risque de s’aggraver. Si une guerre éclate au Niger, ce sera une catastrophe. »
    Le Niger a pleinement pris sa place dans la stratégie de l’Union européenne (UE) de contrôle des flux au lendemain du sommet de La Valette (Malte) en novembre 2015, dominé par la crise migratoire à laquelle le Vieux Continent faisait alors face sur une échelle inédite. Sous pression de Bruxelles, les autorités de Niamey ont globalement joué le jeu, mettant en œuvre toute une série de mesures visant à freiner l’accès à sa frontière septentrionale avec la Libye. A partir de 2017, elles ciblent la ville d’Agadez, « capitale » du pays touareg, qui officiait jusque-là comme le grand carrefour des migrants se préparant à la traversée du Sahara.
    A cette fin, le grand architecte de ce plan d’endiguement, le ministre de l’intérieur de l’époque – un certain… Mohamed Bazoum – décide d’appliquer avec la plus grande sévérité une loi de 2015 réprimant le trafic illicite de migrants, jusqu’alors mollement respectée. Les ressortissants du Sénégal, de Côte d’Ivoire, du Mali ou du Nigeria font subitement l’objet de multiples tracasseries administratives – le plus souvent en contradiction avec les règles de libre-circulation prévues au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) – dans leurs tentatives de rallier Agadez par bus en provenance de Niamey.
    Surtout, le gouvernement s’attaque aux réseaux de passeurs, au risque de raréfier les ressources du nord du pays. L’oasis d’Agadez, par où avaient transité en 2016 près de 333 000 migrants vers l’Algérie et la Libye, avait longtemps prospéré sur une vibrante économie migratoire. Ultime porte d’accès au désert, là où on harnache les convois de 4x4 et de camions pour l’odyssée saharienne, la ville fourmillait de prestataires de « services migratoires » – criminalisés du jour au lendemain – guidant, logeant, nourrissant, équipant et transportant les migrants. Dans les années 2010, la floraison de ces activités était venue opportunément compenser l’effondrement du tourisme, victime des rébellions touareg (1990-1997 et 2007-2009), ainsi que les aléas de l’exploitation minière régionale (uranium, or). A partir de 2017, Agadez n’était plus que l’ombre d’elle-même. Certains notables locaux se plaignaient ouvertement que l’Europe avait réussi à « imposer sa frontière méridionale à Agadez ».
    Cette soudaine répression des réseaux de passeurs a avivé les crispations locales et fragilisé le délicat équilibre politico-ethnique qui avait permis à Niamey d’apaiser les revendications irrédentistes touareg. Conscient du danger, le gouvernement a confié à Abou Tarka, le président de la Haute Autorité à la consolidation de la paix (HACP), institution qui avait joué un rôle-clé dans la stabilisation du nord touareg, le soin de superviser la reconversion professionnelle des anciens passeurs – désormais pudiquement appelés « acteurs de la migration » – à partir de financements de l’UE. Mission semée d’embûches et génératrice de frustrations, les nouveaux emplois n’étant pas aisés à trouver.
    D’où la résilience des réseaux de passeurs, toujours actifs bien que plus discrets. « Les flux de migrants ont diminué mais les réseaux contournent désormais Agadez », témoigne Amadou Moussa Zaki, magistrat et ancien procureur à Agadez. Les nouveaux itinéraires évitent également les grands axes trop contrôlés menant aux postes-frontières de Toummo (en Libye) et d’Assamakka (frontière avec l’Algérie), situés respectivement à 1 150 km et 418 km d’Agadez, pour emprunter des routes sahariennes secondaires impossibles à surveiller. Ce redéploiement des circuits explique que les chiffres de migrants parvenant à gagner l’Algérie et la Libye à partir du Niger sont repartis à la hausse : 8 800 en février 2003, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), comparé à une moyenne mensuelle de 5 400 en 2017. On reste certes loin du pic de 27 000 traversées par mois en 2016 mais le rebond est là, témoignant de la fragilité des acquis de la pression de l’UE.
    La reconfiguration des routes comporte en outre un coût humain élevé, le moindre accident à l’écart des grands axes étant susceptible de virer en tragédie. Selon l’OIM, 5 600 personnes transitant par le désert du Sahara depuis 2014 sont mortes ou disparues. L’insécurité à laquelle sont désormais soumis les migrants a récemment pris une autre dimension avec une politique d’expulsion sans état d’âme menée par les autorités d’Alger. Ces dernières ont refoulé 20 000 migrants subsahariens vers le Niger depuis le début de l’année, selon l’organisation Alarm Phone Sahara. Les turbulences actuelles à Niamey remettront-elles en cause cette nouvelle équation migratoire autour du nord du Niger ? Toute réponse est à ce stade prématurée

    #Covid19#migrant#migration#niger#UE#routemigratoire#politiquemigratoire#OIM#tunisie#algerie#afriquesubsaharienne#Alarmphonesahara#cedeao#assamakka#arlit#crise

  • « Cela fait déjà 3 semaines » : à bout de forces, des migrants manifestent dans le désert pour revenir en Tunisie - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/50801/cela-fait-deja-3-semaines--a-bout-de-forces-des-migrants-manifestent-d

    « Cela fait déjà 3 semaines » : à bout de forces, des migrants manifestent dans le désert pour revenir en Tunisie
    Par Louis Chahuneau Publié le : 02/08/2023
    Près de 150 migrants subsahariens sont toujours bloqués, depuis le début du mois de juillet, en plein désert, à Ras Jedir, dans la zone transfrontalière entre la Tunisie et la Libye. Ils ont été abandonnés là par les autorités de Tunis. Mardi, ils ont improvisé une manifestation pour réclamer leur retour en Tunisie et l’aide de la communauté internationale, pour l’instant sourde à leurs appels. La situation est toujours aussi déplorable à la frontière entre la Tunisie et la Libye, où des centaines de migrants subsahariens se sont fait expulser par les autorités de Tunis, en plein désert, au début du mois de juillet. A Ras Jdir, dans la zone transfrontalière, un groupe de 150 migrants ivoiriens, maliens ou encore nigérians, sont bloqués en pleine nature, sans eau sans nourriture et sans abris contre la chaleur depuis maintenant trois semaines.
    Face au silence assourdissant des autorités internationales et à l’inertie de la Tunisie, ils ont organisé ce mardi une manifestation en plein désert pour réclamer de l’aide, un retour en Tunisie, un accueil dans un camp de réfugiés ou même un départ vers l’Europe. « Cela fait déjà 3 semaines que nous sommes là, témoigne Kelvin un jeune nigérian de 33 ans joint au téléphone par InfoMigrants. Nous avons manifesté pour interpeller les autorités car on nous traite comme des animaux, mais le président tunisien ne veut pas répondre à nos appels ». Dans une vidéo envoyée par le jeune homme, on peut voir quelques dizaines d’exilés à la frontière tunisienne brandir des pancartes en carton indiquant en anglais ou en arabe « We need your help » ou encore « Please Tunisian government, take us back ». D’autres tapent sur des casseroles en métal à seulement quelques mètres de militaires tunisiens qui se contentent de les observer.
    Arrivé en Tunisie il y a un peu moins d’un an avec son frère pour travailler dans le bâtiment, Kelvin n’a plus de nouvelles de lui depuis leur expulsion en bus dans le désert par les forces de l’ordre tunisiennes. Selon lui, son frère a été expulsé à la frontière algérienne. D’après l’ONG américaine Human Rights Watch, au moins « 1 200 ressortissants subsahariens » ont été expulsés de Tunisie à la frontière libyenne ou algérienne, depuis début juillet.
    Le groupe de migrants a reçu il y a 5 jours quelques colis humanitaires déposés par le Croissant Rouge libyen et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), mais ils n’ont désormais plus rien : « Nous n’avons ni eau ni nourriture, beaucoup de gens sont malades dont des enfants », témoigne Kelvin, l’un des rares exilés à avoir réussi à charger son téléphone portable avec la complicité de « bons policiers libyens ». Les migrants ont tendu des bâches sur les rares arbres pour se protéger du soleil, mais ils souffrent également du froid pendant la nuit. « J’aimerais pouvoir revenir en Tunisie, certains d’entre nous ont de la famille là-bas, et des activités commerciales, mais les militaires nous ont prévenus qu’ils nous tireraient dessus si on essayait de franchir la frontière. On appelle n’importe qui à nous venir en aide, car on ne pourra pas se battre à mains nues contre les militaires armés », prévient Kelvin.
    Pour l’instant, quasiment aucune autorité internationale n’a réagi aux exactions qui se multiplient depuis début juillet en Tunisie, à la suite du discours xénophobe de Kaïs Saïed en février dernier. « Nous sommes profondément préoccupés par l’expulsion de migrants, réfugiés et demandeurs d’asile de Tunisie vers les frontières avec la Libye, et aussi avec l’Algérie », a déclaré ce mardi Farhan Haq, le porte parole du secrétaire adjoint des Nations unies.
    Quelques jours plus tôt, le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) et l’OIM avaient réclamé des « solutions urgentes » concernant les centaines de migrants bloqués à la frontière tunisienne, mais cet appel semble être resté lettre morte, et ce malgré la vingtaine de morts décomptés par InfoMigrants dans le désert depuis début juillet. Un bilan qui pourrait être bien plus élevé en raison de l’étendue de la zone. L’Union européenne, qui vient pourtant de passer un « partenariat stratégique » avec la Tunisie à hauteur de 105 millions d’euros pour limiter les traversées maritimes vers l’Europe, n’a pour l’instant pas réagi.
    De son côté, la Tunisie a rejeté « les allégations » de mauvais traitements contre des migrants subsahariens fin juillet. La Tunisie « n’hésite pas à accomplir son devoir d’aide humanitaire aux immigrés africains et autres étrangers sur le sol tunisien », pouvait-on lire dans ce communiqué publié par le ministère de l’Intérieur.

    #Covid-19#migrant#migration#tunisie#UE#HCR#algerie#libye#frontiere#migrationirreguliere#expulsion#routemigratoire#afriquesubsaharienne

  • Un naufrage de migrants marocains fait au moins cinq morts au large du Sahara occidental
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/07/26/un-naufrage-de-migrants-marocains-fait-au-moins-cinq-morts-au-large-du-sahar

    Un naufrage de migrants marocains fait au moins cinq morts au large du Sahara occidental
    Selon l’Association marocaine des droits humains, le bilan pourrait s’alourdir car plusieurs personnes présentes à bord de l’embarcation sont portées disparues.
    Cinq jeunes Marocains ont trouvé la mort dans un nouveau naufrage de migrants au large du Sahara occidental et le bilan pourrait s’alourdir, a indiqué une ONG locale de défense des droits humains, mardi 25 juillet. « Le naufrage a eu lieu [lundi] près de Dakhla, d’après des témoignages de rescapés qui nous sont parvenus », a déclaré à l’AFP Mohamed Zendour, un membre de l’Association marocaine des droits humains (AMDH).

    « L’embarcation, qui comptait près d’une soixantaine de migrants, a chaviré non loin de la côte à cause des vagues, a expliqué M. Zendour. Certains ont pu nager jusqu’au rivage, d’autres ont perdu la vie. Cinq à notre connaissance, mais le bilan pourrait s’alourdir car d’autres migrants sont portés disparus. » Il n’a pas été possible d’obtenir confirmation auprès des autorités marocaines.Les victimes étaient originaires du village de Tighassaline, situé dans une région rurale déshéritée du Moyen-Atlas, près de la ville de Khenifra. « L’entière responsabilité de ce drame revient aux élus et aux autorités locales, et à travers eux à l’Etat marocain », a estimé M. Zendour, président de la section de l’AMDH à Khenifra, en réclamant l’ouverture d’une enquête et l’arrestation des passeurs dans tout le Maroc.
    Les tentatives de migration clandestine au départ du nord-ouest de l’Afrique et des côtes du Maroc et du Sahara occidental à destination de l’Europe se multiplient depuis début juin. En fin de semaine dernière, six candidats à l’émigration sont morts noyés lors d’une tentative de traversée vers l’Espagne au large de la province de Nador (nord du Maroc), selon les autorités locales. Une cinquantaine de rescapés avaient pu regagner le littoral à la nage. Selon l’AMDH à Nador, les six migrants décédés étaient marocains.La marine marocaine a annoncé avoir porté secours à près de 900 migrants irréguliers durant la période allant du 10 au 17 juillet, en majorité d’origine subsaharienne. Des ONG font régulièrement état de naufrages meurtriers – dont les bilans non officiels se chiffrent selon elles en dizaines voire en centaines de morts – dans les eaux marocaines, espagnoles ou internationales. Les autorités marocaines disent avoir déjoué 26 000 tentatives d’émigration irrégulière durant les cinq premiers mois de l’année.

    #Covid-19#migrant#migration#maroc#routemigratoire#atlantique#mortalite#migrationirreguliere#afriquesubsaharienne#postcovid

  • Libye : cinq corps de migrants découverts à la frontière avec la Tunisie
    https://www.dakaractu.com/Libye-cinq-corps-de-migrants-decouverts-a-la-frontiere-avec-la-Tunisie_a2

    Libye : cinq corps de migrants découverts à la frontière avec la Tunisie
    Le gouvernement libyen a annoncé mardi dans un communiqué la découverte de cinq corps de migrants qui ont péri dans le désert dans une zone à la frontière avec la Tunisie. Les gardes-frontières libyens « ont découvert cinq corps non identifiés de migrants clandestins d’origine africaine lors d’une patrouille dans la zone de Dahr al-Khass à Tawilat al-Ratba », le long de la frontière avec la Tunisie, selon le communiqué du ministère de l’Intérieur. Les corps « ont été remis aux autorités », a indiqué à l’AFP une source des gardes-frontières ayant requis l’anonymat. Depuis dix jours, les gardes-frontières libyens viennent au secours de migrants subsahariens expulsés par les autorités tunisiennes qui les ont déposés, selon eux, dans une zone inhabitée, près d’Al’Assah, à environ 150 km au sud-ouest de Tripoli. Abandonnés sans eau, nourriture ou abris par des températures qui dépassent les 50 degrés, ils ont marché pendant des kilomètres, pénétrant jusqu’à 15 km à l’intérieur du territoire libyen, d’après des gardes- frontières libyens. Une équipe de l’AFP qui s’était rendue sur place a pu photographier et filmer plusieurs groupes de jeunes hommes et quelques femmes, assis ou couchés sur le sable, tentant de s’abriter sous des arbustes décharnés. De nombreuses vidéos circulent depuis sur les réseaux sociaux, prises par les gardes eux-mêmes lors de leurs patrouilles, documentant l’arrivée à pied depuis la frontière tunisienne de femmes et d’hommes de tous âges, épuisés et assoiffés, selon eux. A la suite d’affrontements ayant coûté la vie à un Tunisien le 3 juillet, des centaines de migrants africains ont été chassés de Sfax, deuxième ville du pays et principal point de départ en Tunisie pour l’émigration clandestine.
    Le 18 juillet, des experts de l’ONU ont appelé la Tunisie à cesser les expulsions collectives de migrants subsahariens après des informations faisant état de l’abandon de dizaines d’entre eux par la police tunisienne dans les zones désertiques de la frontière avec la Libye. « Nous appelons les autorités à cesser immédiatement toute nouvelle expulsion et à poursuivre et élargir l’accès humanitaire à une zone dangereuse à la frontière tuniso-libyenne où de nombreuses personnes, y compris des femmes enceintes et des enfants, ont déjà été expulsées », ont-ils déclaré. La Libye, qui abrite au moins 600.000 migrants subsahariens, a été accusée à plusieurs reprises de multiples abus à leur encontre, dont des « meurtres, disparitions forcées, tortures, esclavage, viols » par des ONG et des organisations internationales.

    #Covid-19#migrant#migration#tunisie#afriquesubsaharienne#politiquemigratoire#migrationirreguliere#expulsion#mortalite#postcovid

  • Chassés de Tunisie, des dizaines de Subsahariens secourus dans le désert par les autorités libyennes
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/07/17/chasses-de-tunisie-des-dizaines-de-subsahariens-secourus-dans-le-desert-par-

    Chassés de Tunisie, des dizaines de Subsahariens secourus dans le désert par les autorités libyennes. Selon des témoignages recueillis par l’AFP, les migrants avaient été déposés par la police tunisienne dans une zone désertique à la frontière entre les deux pays.
    Le Monde avec AFP
    Publié aujourd’hui à 09h53, modifié à 10h14
    Des gardes-frontières libyens ont secouru des dizaines de migrants subsahariens déposés selon eux par les autorités tunisiennes dans une zone désertique à la frontière entre les deux pays, et laissés sans eau, nourriture ou abri, a constaté une équipe de l’AFP, dimanche 16 juillet. Ces journalistes ont pu photographier et filmer plusieurs groupes de jeunes hommes et quelques femmes, visiblement épuisés et assoiffés, assis ou couchés sur le sable, tentant de s’abriter sous des arbustes décharnés, par des températures dépassant les 40 °C.A la suite d’affrontements ayant coûté la vie à un Tunisien le 3 juillet, des centaines de migrants africains ont été chassés de Sfax, deuxième ville de Tunisie et principal point de départ pour l’émigration clandestine vers l’Europe. Ils ont été conduits par la police tunisienne, selon des ONG, et abandonnés à leur sort dans des zones inhospitalières près de la Libye à l’est et l’Algérie à l’ouest.
    Les migrants secourus par les gardes-frontières libyens erraient dans une zone inhabitée, près d’Al-Assah, à environ 150 km au sud-ouest de Tripoli et une quinzaine de kilomètres à l’intérieur du territoire libyen. « Le nombre de migrants ne cesse d’augmenter chaque jour. Là, nous avons secouru entre 50 et 70 migrants. Nous leur offrons des soins médicaux, des premiers secours, considérant le trajet qu’ils ont fait dans le désert », a déclaré à l’AFP le lieutenant Mohamad Abou Snenah, membre d’une brigade qui effectue des patrouilles frontalières. L’AFP a pu rencontrer un groupe de femmes et d’enfants, dont des bébés, accueillis dans un centre où on les voit allongés sur des matelas ou manger des yaourts. « Ils nous ont raconté comment ils ont été maltraités par les autorités tunisiennes et ont dit avoir été frappés et torturés », a poursuivi l’officier, précisant que sa brigade est « chargée de sécuriser ce tronçon de la frontière ».
    Abou Kouni, un Ivoirien, a dit à l’AFP être arrivé en Tunisie il y a sept ans et avoir été brutalement interpellé avec sa femme dans la rue, la semaine passée, avant d’être embarqué dans un camion. Selon lui, les policiers leur ont dit qu’ils allaient « les jeter en Libye ». A la question de savoir pourquoi, ils lui auraient répondu : « On n’a pas besoin de vous en Tunisie », avant de lui prendre son téléphone et ceux de sa femme. M. Kouni a affirmé à l’AFP que les policiers l’ont « frappé » au torse et dans le dos, et menacé de le tuer. « Ils nous ont mis dans le désert et ils ont tiré dans notre direction en disant : “Allez en Libye !” », a-t-il dit, soulignant qu’après un périple dans le désert, ils ont croisé la police libyenne, qui leur a donné de l’eau, de la nourriture et des médicaments. « Je marche dans le désert depuis deux jours. Il y a 30 autres personnes de l’autre côté. Je ne veux plus retourner en Tunisie », a dit à l’AFP Moussa, un Malien de 20 ans.
    Selon des ONG tunisiennes, de 100 à 150 personnes se trouvaient encore abandonnées à leur sort, vendredi, dans des zones désertiques à la frontière entre la Libye et la Tunisie. Les jours précédents, le Croissant-Rouge tunisien avait mis à l’abri plus de 600 migrants, lâchés après le 3 juillet près du poste-frontière libyen à Ras Jedir, à 40 km au nord d’Al-Assah. La Libye abrite au moins 600 000 migrants subsahariens et a été accusée à de nombreuses reprises de mauvais traitements à leur encontre par des ONG et des organisations internationales.

    #Covid-19#migrant#migration#tunisie#libye#migrationirreguliere#expulsion#afriquesubsaharienne#frontiere#sante#postcovid

  • Les violences contre les migrants en Tunisie divisent la diaspora tunisienne
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/07/13/les-violences-contre-les-migrants-en-tunisie-divisent-la-diaspora-tunisienne

    Les violences contre les migrants en Tunisie divisent la diaspora tunisienne
    Par Emma Larbi
    Publié le 13 juillet 2023 à 19h00
    « Quand j’arriverai en Tunisie pour les vacances, je sourirai aux migrants, ce n’est pas grand-chose, mais qu’ils ressentent qu’on n’est pas tous les mêmes », promet Mayssa Ben Abdallah, une étudiante en commerce de 22 ans qui appréhende son prochain voyage dans le pays de son père.
    Depuis la mort, le 3 juillet, d’un Tunisien, lors d’affrontements à Sfax entre habitants et migrants subsahariens, la Tunisie est en proie à des violences racistes, encouragées par les déclarations du président Kaïs Saïed. En février, le chef de l’Etat dénonçait les « hordes de migrants » dont la présence serait le fruit d’un complot « pour changer la composition du paysage démographique en Tunisie ». Depuis, plusieurs centaines de personnes originaires d’Afrique subsaharienne, dont des femmes et des enfants, ont été expulsées de Sfax et conduites aux frontières libyenne et algérienne.
    En France, la diaspora tunisienne, qui comptait 328 200 personnes en 2022 selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), est divisée. Certains condamnent les violences à l’encontre des migrants, d’autres leur présence sur le sol tunisien et soutiennent la politique gouvernementale, voire justifient les brutalités sur les étrangers.Sur le marché de Belleville, à Paris, l’absence d’empathie envers les migrants est criante. « Y en a plus que marre ! », martèle un homme en rangeant ses marchandises. L’homme d’une trentaine d’années, qui n’a pas souhaité donner son nom, estime que le nombre de migrants a augmenté en Tunisie, les viols, les crimes, et même les actes de cruauté sur les animaux ont explosé. « Avant, on leur tendait la main, maintenant, ils violent les femmes et ils tuent », renchérit un passant anonyme. Des dénonciations sans précisions ni éléments de preuves mais qui éclairent sur l’état des relations. « Qu’on les renvoie dans le désert ! », conclut ce dernier.
    Pour l’étudiante Mayssa Ben Abdallah, le rejet des migrants serait une question d’âge : « C’est vrai qu’une partie de la génération plus âgée tient le même discours que tiennent les Français d’extrême droite. » Mohamed Bhar, ex-coordinateur de la Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives, dans le 19e arrondissement de Paris, condamne sans réserve les violences racistes observées de l’autre côté de la Méditerranée. Le 6 juin, comme chaque été, il est parti à Ksour Essef, à 200 km au sud de Tunis. Quelques jours après son arrivée, dans un supermarché, « quelqu’un s’est mis à lancer que les Subsahariens nous colonisent », témoigne-t-il.
    « J’ai très peur des vacances que je vais passer en Tunisie, des discussions qui vont sans doute nous diviser », anticipe la psychiatre et écrivaine franco-tunisienne Fatma Bouvet de la Maisonneuve. « En France, l’extrême droite s’exprime comme on aurait jamais imaginé il y a quinze ans, ajoute Wafa Dahman, journaliste et enseignante à Lyon. En Tunisie, il se passe exactement la même chose. » Après les violences qui ont suivi la mort de Nahel, tué par un policier le 27 juin, une partie de la classe politique française a fait le lien entre immigration et émeutes. Pour certains immigrés tunisiens, leur pays d’origine répète ce schéma de stigmatisation. « Alors que les Tunisiens peuvent subir cette situation en France, nous, Tunisiens, exerçons la même chose sur nos frères Africains ? », s’indigne Fatma Bouvet de la Maissonneuve. Parmi les personnes interrogées, les difficultés économiques actuelles de la Tunisie sont mises en avant comme première piste d’explication à la dérive raciste. « Avec la pauvreté, certains ne trouvent pas un bout de pain sec pendant trois jours », assure Ali Choubani, 80 ans, installé devant un lait fraise sur la terrasse d’un café de Belleville.
    « Il y a des files d’attente pour acheter du pain et il manque des produits de base comme la semoule ou le café, poursuit Mohammed Bhar. Certains rejettent les migrants à cause de ça, mais ce n’est qu’une justification, une partie de la population est simplement tombée dans le rejet de l’autre. » Pourtant, au sein de la société civile, certains se sont mobilisés. Des vidéos, filmées notamment à Sfax, montrent des habitants distribuer eau et nourriture aux migrants.
    Par-delà la politique et les difficultés du quotidien, l’étudiante en commerce rappelle que la Méditerranée ne fait pas de préférence : « Les Tunisiens vivent la même chose vers l’Europe, ils galèrent et se noient. » Si de janvier à mai 2023, 3 432 Tunisiens, dont 864 mineurs, ont atteint les côtes italiennes, selon le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, chaque année, des dizaines de jeunes harraga (littéralement des brûleurs de frontières) meurent en mer. Ces violences sont advenues dans un contexte de négociation de « partenariat global » entre la Tunisie et l’Union européenne, qui souhaite que Tunis renforce ses contrôles migratoires.
    L’épisode d’attaques racistes sur les migrants semble passé, mais « personne n’en sortira indemne », s’inquiète Fatma Bouvet de la Maisonneuve. « Ici, j’ai vu des Français pleurer pour les jeunes de banlieue. Nous, on pleure pour ce qu’on fait aux Noirs dans notre pays », raconte la psychiatre, « que deviendra la femme qui a accouché dans le désert ? Son enfant ? Les gamins, assoiffés, qu’on a laissés traîner dans la chaleur ? Tous auront des séquelles, que l’on ne verra pas. »

    #Covid-19#migrant#migration#tunisie#afriquesubsaharienne#migrationirreguliere#racisme#discrimination#violence#UE#controlemigratoire#harraga#italie#frontiere#economie#postcovid

  • En Tunisie, des Subsahariens expulsés de Sfax, sur le rivage de la Méditerranée, vers le désert
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/07/06/en-tunisie-des-subsahariens-expulses-de-sfax-vers-le-desert_6180768_3212.htm

    En Tunisie, des Subsahariens expulsés de Sfax, sur le rivage de la Méditerranée, vers le désert
    Selon les témoignages recueillis par « Le Monde », des dizaines de migrants présents dans la ville portuaire ont été emmenés par les forces de sécurité à la frontière libyenne.
    Par Monia Ben Hamadi(Sfax, Tunisie, envoyée spéciale)
    Publié le 06 juillet 2023 à 10h51, modifié le 06 juillet 2023 à 13h21
    Des migrants subsahariens à Sfax, le 5 juillet 2023. IMED HADDAD / AFP
    « Nous sommes sur une plage au milieu du désert. » Mercredi 5 juillet vers 10 heures du matin, Ismaël, un jeune Ivoirien installé en Tunisie depuis 2019, vient d’envoyer au Monde sa localisation exacte, grâce à l’application de messagerie instantanée WhatsApp. Le repère placé sur la carte fait la jonction entre la Tunisie, à gauche, la Libye, à droite, et en face, la mer Méditerranée. La nuit précédente, Ismaël et des dizaines d’autres ressortissants d’Afrique subsaharienne ont été transférés de force de la ville portuaire de Sfax (centre-est) vers ce no man’s land, une zone tampon située à proximité du poste-frontière de Ras Jdir, à quelque 350 kilomètres de la deuxième ville du pays.
    Dans une vidéo transmise au Monde vers 17 h 30 par Isaac, un ressortissant guinéen également déplacé dans la nuit de mardi à mercredi, plusieurs dizaines de personnes – voire quelques centaines selon trois témoins sur place – sont toujours amassées sur cette plage, dont des femmes, des enfants et des nourrissons. « On boit l’eau de la mer, on n’a rien mangé depuis hier », alerte une des femmes, son bébé dans les bras, sous le soleil.
    Militaires et agents de la garde nationale nient ces transferts forcés. « Si les migrants sont là-bas, c’est qu’ils doivent venir de Libye », assure l’un d’eux, présent dans la zone frontalière. Les autorités, elles non plus, ne reconnaissent pas ces rafles de migrants. Seul un député, Moez Barkallah, a évoqué ces opérations. Dans une déclaration à l’agence tunisienne de presse, la TAP, il s’est félicité que plus d’un millier de migrants subsahariens aient été expulsés, depuis l’Aïd-el-Kébir, vers les régions frontalières de la Libye et de l’Algérie. Des pays qui, selon lui, parrainent ces opérations.Les témoignages de ces migrants sont de plus en plus nombreux. D’après Ismaël et ses compagnons, des policiers sont venus les chercher dans leur quartier de Sfax et les ont fait monter à bord de leurs véhicules, sous les acclamations de certains habitants, en leur promettant de les mettre « en sécurité » dans la capitale, Tunis. Mais, au lieu d’aller vers le nord, ils ont roulé vers le sud et le désert.
    Cette opération fait suite à des journées d’extrême tension consécutives à la mort d’un Tunisien, lundi 3 juillet, tué dans une rixe avec des migrants subsahariens, selon le porte-parole du parquet de Sfax. Trois hommes, de nationalité camerounaise, selon les autorités, ont été arrêtés. Dans la foulée, certains quartiers de Sfax ont été le théâtre de violents affrontements. Des habitants tunisiens se sont regroupés pour s’attaquer aux migrants et les déloger. « On ne les veut plus chez nous, on va s’en occuper nous-mêmes, assure l’un d’eux, torse nu, son tee-shirt sur la tête pour masquer son visage, dans une vidéo partagée sur Facebook. Sortez tous, nous allons reprendre nos maisons. »
    Mardi, dans un communiqué, le président tunisien, Kaïs Saïed, a affirmé que son pays refuse d’être « une zone de transit ou d’accueil pour les arrivants de plusieurs pays africains ». A l’intention de l’Union européenne, qui veut obtenir de la Tunisie qu’elle empêche les départs en Méditerranée, il a ajouté que son pays « ne protège que ses propres frontières ».
    Cela fait des mois que la défiance s’installe dans la ville portuaire, où les migrants sont de plus en plus nombreux, y attendant de pouvoir embarquer à bord d’un bateau pour l’Europe. Fin février 2023, alors qu’une campagne contre les migrants subsahariens lancée par le Parti nationaliste tunisien était largement diffusée sur les réseaux sociaux et dans les médias, la haine s’est exacerbée après le discours de Kaïs Saïed accusant des « hordes de migrants clandestins » d’être source de « violence, de crimes et d’actes inacceptables ».Dans les semaines qui ont suivi, des organisations de défense des droits humains ont recensé des dizaines d’agressions, d’expulsions et de licenciements de migrants. Le gouvernement tunisien s’est défendu de tout « racisme », évoquant « une campagne orchestrée et de source bien connue ».
    Déjà difficiles, les conditions de vie d’Ismaël, le jeune Ivoirien, se sont encore détériorées. Les manifestations contre les migrants à Sfax se sont multipliées, de même que les accusations de crimes et de violences, reprises une nouvelle fois par le chef de l’Etat. A à peine 30 ans, Ismaël n’a alors plus eu qu’une idée en tête : partir vers l’Europe. Il a tenté de le faire une première fois à la fin de l’hiver, mais son aventure a échoué après l’interception de son bateau par la garde maritime. Il a alors été relâché à Sfax, où il pensait faire profil bas, en attendant des jours meilleurs.
    Depuis que les informations sur les expulsions de migrants ont circulé, mercredi, des dizaines d’autres Subsahariens se sont regroupés dans les gares ferroviaires et les stations de bus pour fuir Sfax. Le soir même, la tension est redescendue d’un cran dans les rues de la ville. Dans un petit parc du centre-ville, près d’une mosquée, des dizaines de migrants sont regroupés, des femmes dorment, quelques-uns discutent, deux sont blessés à la tête.Leurs discussions sont rythmées par les sirènes de la police ou le bruit de motards tunisiens qui semblent faire des rondes. « Les policiers sont là pour nous protéger », se rassure Abdallah, même s’il craint d’être attaqué à tout moment. Expulsés de chez eux, empêchés de traverser la mer vers l’Europe, ils attendent de pouvoir fuir la ville ou retrouver des conditions de vie « acceptables ».Depuis le sud du pays, alors que le soleil s’apprête à se coucher, Ismaël rappelle, apeuré. « Beaucoup de militaires sont arrivés près de l’endroit où nous sommes, on ne sait pas ce qu’ils vont nous faire », précise-t-il.

    #Covid-19#migrant#migration#tunisie#UE#transit#afriquesubsaharienne#politiquemigratoire#expulsion#violence

  • Tunisie : déferlement de haine à Sfax contre les Subsahariens
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/07/04/tunisie-deferlement-de-haine-a-sfax-contre-les-subsahariens_6180467_3212.htm

    Tunisie : déferlement de haine à Sfax contre les Subsahariens
    Après la mort d’un Tunisien poignardé à mort par des migrants, de graves heurts ont eu lieu dans la ville portuaire.
    Par Nissim Gasteli(Tunis, correspondance)
    Publié hier à 14h50, modifié hier à 14h51
    Les images de la nuit de lundi 3 au mardi 4 juillet à Sfax, largement diffusées sur les réseaux sociaux, témoignent d’une rare violence entre Tunisiens et Subsahariens. Jets de pierre, individus masqués avec des barres de fer, cartouches de gaz lacrymogène, maisons incendiées : un nouveau niveau de violence a été franchi dans la ville du centre de la Tunisie, traversée depuis dimanche par d’importantes tensions.A l’origine de ce dernier déferlement de haine, l’agression d’un Tunisien, poignardé par des migrants africains, en banlieue nord de la ville. Une information rapidement diffusée via une vidéo postée sur Facebook par le député Tarek Mahdi aux alentours de 22 heures : on y voit un homme gisant au sol inconscient, baignant dans le sang, entouré d’habitants du quartier qui s’agglomèrent peu à peu autour de la victime. Les agresseurs sont « Africains », affirme alors Tarek Mahdi, qui leur reproche d’« être partout » et réclame une réaction de la population sfaxienne. « Il faut que les gens se bougent », enjoint-il son public.
    La vidéo récolte plusieurs milliers de « J’aime », est partagée massivement, souvent accompagnée d’appels à la vengeance. Quelques heures plus tard, l’annonce de la mort des suites de ses blessures du jeune homme agressé échauffe encore un peu plus les esprits. Dans la rue, les violences éclatent dans de nombreux quartiers de Sfax : des Tunisiens prennent à partie des Africains subsahariens et certaines sources rapportent que des groupes à moto entament une « chasse aux Noirs ». Selon le parquet de Sfax cité par l’AFP, « trois migrants soupçonnés d’implication dans ce meurtre et qui seraient de nationalité camerounaise, selon les informations préliminaires, ont été arrêtés ».Sfax, ville portuaire et pôle économique majeur du pays, a longtemps accueilli travailleurs et étudiants du reste du continent venus y chercher un avenir. Depuis le début de l’année, elle s’est transformée en plate-forme de départ majeur pour les candidats à l’exil vers l’Europe. En 2023, plus de 30 000 personnes ont déjà rejoint l’île italienne de Lampedusa depuis ses côtes.Une situation qui a accru le racisme dans la ville. Dimanche 28 mai, une nouvelle manifestation avait eu lieu devant le siège du gouvernorat pour réclamer des actions des autorités pour endiguer le phénomène migratoire et expulser les Subsahariens du pays. Un contexte qui laissait déjà envisager le pire, déclarait le porte-parole du Forum tunisien des droits économiques et sociaux, Romdhane Ben Amor. « Certains groupes profitent de l’absence de l’Etat pour tenter de chasser les migrants de leurs maisons en usant de la force et tout ce qui en résulte de violence », a-t-il dénoncé, qualifiant la situation de « dramatique ».
    « On croirait revivre les sombres jours de fin février 2023 mais en pire », réagi Franck Yotedje, directeur de l’association Afrique Intelligence qui œuvre pour les droits des migrants et la cohésion sociale, en référence aux vagues de violences subies par les migrants après les propos de Kaïs Saïed. Le président tunisien avait alors attribué aux « hordes de migrants clandestins » un prétendu complot « pour changer la composition du paysage démographique en Tunisie ». Ces mots avaient déclenché plusieurs jours d’actes de défiance – chasse à l’homme, expulsion des logements – contre les 21 000 Subsahariens, la plupart en situation irrégulière dans le pays.

    #Covid-19#migrant#migration#tunisie#afriquesubsaharienne#migrationirreguliere#crise#racisme#violence#postcovid

  • Tunisie : dans la ville portuaire de Sfax, l’espoir blessé des migrants subsahariens
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/06/29/tunisie-dans-la-ville-portuaire-de-sfax-l-espoir-blesse-des-migrants-subsaha

    Tunisie : dans la ville portuaire de Sfax, l’espoir blessé des migrants subsahariens
    Depuis le début de l’année, six fois plus de migrants qu’à la même période en 2022 sont partis de Tunisie vers l’Europe. Mais beaucoup d’Africains viennent dans le pays maghrébin pour s’y installer pour étudier et travailler.
    Par Nissim Gasteli(Sfax, Tunisie, envoyé spécial)
    Publié hier à 19h00, modifié hier à 19h00
    La lumière des projecteurs déchire le crépuscule. Sur la pelouse synthétique du stade de la faculté des sciences économiques de Sfax, Baba Car, le capitaine de la sélection estudiantine sénégalaise, dépose le ballon au point de penalty avant de faire quelques pas en arrière. L’arbitre siffle. Le jeune homme s’élance et frappe avec force et précision. Le malheureux gardien ne peut rien. Le stade exulte. En cette soirée de début mai, le Sénégal l’emporte 2 à 1 face au Tchad dans ce match de poule de la Coupe d’Afrique des nations universitaires de football.
    Au bord du terrain, un homme s’agite comme un gamin. « Bravo les gars ! Bravo ! », répète-t-il en félicitant les vainqueurs. Jogging, sweat-shirt, casquette, Franck Yotedje a troqué ses habits de membre actif de la société civile pour la tenue de coach. Ce Camerounais de 31 ans, installé à Sfax depuis sept ans, préside l’association Afrique Intelligence. C’est à son initiative qu’a été organisée la compétition dans le but de rassembler, autour du sport, les jeunes originaires d’Afrique subsaharienne venus étudier dans le pays et leurs camarades tunisiens. A travers ce type d’événement, l’association œuvre ces dernières années à favoriser l’intégration des migrants. Elle agit particulièrement à Sfax, cité portuaire à la riche tradition marchande et deuxième ville du pays, où une communauté relativement importante d’étudiants, de stagiaires et de travailleurs est établie. Mais elle se bat surtout depuis quelques mois pour préserver un semblant de cohésion sociale, fortement ébranlée par la vague de violences racistes libérée le 21 février par le discours du président Kaïs Saïed à l’encontre des « hordes de migrants clandestins ».
    En désignant la migration subsaharienne comme « un plan criminel pour changer la composition du paysage démographique en Tunisie », le chef de l’Etat tunisien a fait de tout migrant subsaharien un complice présumé de ce prétendu complot. Tout s’est enchaîné dans la foulée de la harangue. Expulsés par leurs bailleurs, licenciés par leurs employeurs, les étrangers ont en outre dû essuyer des attaques physiques.
    « Pendant le Covid, il y a eu un énorme élan de solidarité avec les migrants. Beaucoup de choses se sont mises en place pour venir en aide aux plus précaires. Après la pandémie, ça a permis l’organisation d’activités de cohésion sociale, de plaidoyer et on a obtenu certaines avancées. » Mais aujourd’hui, « tout est à refaire ».
    Dans les semaines qui ont suivi la saillie présidentielle, Afrique Intelligence a recensé 246 agressions contre des migrants. Plus récemment, dans la nuit du 22 au 23 mai, une attaque raciste au couteau et au sabre perpétrée par des Tunisiens contre des migrants subsahariens a fait un mort et deux blessés. A Sfax, le climat est devenu électrique. Dimanche 25 juin, plusieurs centaines de personnes sont descendues dans les rues de la cité portuaire devant le siège du gouvernorat pour protester contre la présence des migrants dans la ville. Les quelques écriteaux « Live together but live in peace » (« vivre ensemble mais vivre en paix ») et « No to racism » (« non au racisme ») ne sauraient faire oublier les chants de la foule : « Sfax n’est pas à vendre ! », « Fermez les frontières ! », « Le peuple veut l’expulsion des migrants ! ». A l’issue de la manifestation, certains protestataires ont même jeté des pierres vers des migrants soudanais installés dans un parc à proximité. Nombre d’habitants de Sfax opposés à la présence de ces derniers justifient leur véhémence par une « augmentation visible du nombre de migrants », responsable selon eux d’une « explosion de la criminalité ». L’un d’eux brandit son téléphone pour montrer la vidéo de ce qui semble être une rixe intracommunautaire entre plusieurs migrants dont l’un porte une machette. Les manifestants insistent : ils ne sont pas « racistes ». Ils se soucient juste, disent-ils, de « leur sécurité ».
    « Quand on voit ça, on se sent rejetés, on se dit que la Tunisie ne veut pas de nous. C’est bien pour cela que beaucoup de gens sont partis », se désole Loïc Oyono, sept années passées à Sfax. Attablé à un café, cet entrepreneur camerounais de 29 ans à la voix suave, au style soigné, lunettes de soleil sur la tête malgré la nuit ambiante, s’affiche « solidaire avec les autres migrants ». Mais il précise que derrière les catégories globalisantes des « Africains » ou des « Subsahariens », il y a en réalité une pluralité de parcours. Les étudiants et stagiaires composent un premier groupe. Loïc Oyono en fait partie. Ils sont près de 8 000 à avoir choisi de venir poursuivre leurs études en Tunisie. A leurs côtés s’ajoutent des travailleurs et de travailleuses venus – généralement par avion – d’Afrique de l’Ouest pour occuper des emplois délaissés dans les secteurs du travail domestique, de l’agriculture, de la manufacture et du bâtiment. « Nombre d’entre eux ne sont pas en transit [vers l’Europe]. Ils ont trouvé un petit cocon, ils gagnent un peu d’argent et ils arrivent à vivre », rapporte M. Oyono. Puis, plus récemment, « il y a eu du changement » , ajoute-t-il. « On a noté une augmentation des migrants subsahariens issus de trajectoires différentes, notamment ceux arrivés par les frontières de la Libye et de l’Algérie », relève le Camerounais. Sfax, jusqu’alors port d’attache pour de nombreux citoyens du continent venus y chercher un avenir universitaire ou professionnel, s’est transformé en plateforme de départ vers l’Europe, alternative aux bases d’embarquement libyennes, sous pression croissante des garde-côtes du littoral tripolitain. La Tunisie a d’ailleurs supplanté son voisin comme premier point de départ vers le Vieux Continent : depuis le début de l’année, 30 000 personnes ont déjà rejoint les côtes italiennes, dont une grande majorité en partant du littoral nord de Sfax. C’est six fois plus qu’à la même période de 2022.
    (...) Aux abords du marché, dans un parc peu fréquenté, de nouveaux migrants sont récemment apparus : plusieurs dizaines de Soudanais arrivés à la suite de l’éclatement à la mi-avril de la guerre dans leur pays. Précaires parmi les précaires, ils attendent une traversée pour l’Europe. Certains ont déjà tenté plusieurs fois le périple, mais ont été rattrapés au large par la Garde nationale maritime et ramenés au port de Sfax. Si la variété des trajectoires migratoires peut produire une confusion auprès de la population, entretenue au sommet de l’Etat, le patronat local, lui, sait tout ce qu’il doit à une population de travailleurs qu’il ne souhaite pas voir filer. « Il est vrai qu’aujourd’hui nous avons des difficultés à trouver de la main-d’œuvre », reconnaît Slim Marrakchi, porte-parole de l’antenne sfaxienne de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica). « Ce qu’on propose, c’est la régularisation de ces migrants », lance-t-il comme un appel aux autorités. Les propositions de l’organisation sont précises : des cartes de séjour provisoires de trois ou six mois, lesquelles seraient prolongées « s’ils réussissent à trouver un emploi ». La position peut surprendre dans le contexte actuel mais elle reste pragmatique. Car Sfax est une ville industrielle, souvent qualifiée de poumon économique de la Tunisie. Et elle a besoin de bras, notamment dans des emplois non qualifiés que les Tunisiens ont tendance à délaisser, malgré le chômage.« Sfax, c’est la ville où il faut être, car il y a cette âme du travail », abonde Loïc Oyono, dont l’esprit d’entreprise a trouvé ici de quoi s’épanouir. Il est fort dommage, déplore-t-il, que nombre de résidents ne voient « la migration qu’à travers quelque chose de néfaste, de négatif ». Car, souligne-t-il, beaucoup parmi les nouveaux arrivants « apportent du positif » avec leur parcours « d’entrepreneurs, de membres de la société civile et de brillants étudiants », autant de profils qui « sont une force pour le pays ».

    #Covid-19#migrant#migration#tunisie#afriquesubsaharienne#libye#immigrationirreguliere#politiquemigratoire#routemigratoire#economie#etudiant#travailleur#postcovid#regularisation

  • La France octroie une aide à la Tunisie pour lutter contre l’immigration irrégulière
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/06/19/la-france-octroie-une-aide-a-la-tunisie-pour-lutter-contre-l-immigration-irr

    La France octroie une aide à la Tunisie pour lutter contre l’immigration irrégulière
    Cette enveloppe de 26 millions d’euros devra servir « à contenir le flux irrégulier de migrants et à favoriser leur retour dans de bonnes conditions », a précisé le ministre de l’intérieur.
    Le Monde avec AFP
    Publié aujourd’hui à 17h44
    Les ministres de l’intérieur allemand (Nancy Faeser) et français (Gérald Darmanin), avant une conférence de presse à Tunis, en Tunisie, le 19 juin 2023. FETHI BELAID / AFP
    Le ministre de l’intérieur français, Gérald Darmanin, a annoncé lundi 19 juin à Tunis, en Tunisie, l’octroi par la France de près de 26 millions d’euros à la Tunisie pour l’aider à lutter contre l’immigration irrégulière. Cette « aide bilatérale de 25,8 millions [consacr]ée aux questions migratoires » va permettre à la Tunisie d’« acquérir des équipements nécessaires et [d’]organiser les formations utiles, notamment des policiers et gardes-frontières tunisiens ». Elle s’ajoutera à une enveloppe de 105 millions d’euros annoncée il y a une semaine par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, pour soutenir la Tunisie dans la lutte « contre l’immigration irrégulière ». Le don français devra servir « à contenir le flux irrégulier de migrants et à favoriser leur retour dans de bonnes conditions », a précisé M. Darmanin. Après avoir rencontré, avec son homologue allemande, Nancy Faeser, le président Kaïs Saïed, il a repris une formule utilisée récemment par ce dernier, selon laquelle « la Tunisie n’est pas le garde-frontière de l’Europe ».
    « Ce n’est pas la vocation de la Tunisie d’être le garde-frontière de l’Europe », a-t-il ajouté, considérant qu’il revenait aux pays d’origine des migrants d’Afrique subsaharienne transitant par la Tunisie « de faire en sorte qu’il y ait un minimum de départs ». De nombreux migrants originaires d’Afrique subsaharienne arrivent en Tunisie pour tenter ensuite d’immigrer clandestinement par la mer vers l’Europe, certaines portions du littoral tunisien se trouvant à moins de 150 kilomètres de l’île italienne de Lampedusa. « La Tunisie est la première victime de cette immigration irrégulière et nous voulons l’assurer de toute notre solidarité », a dit le ministre français. Il a défendu « une approche européenne face au défi migratoire ainsi qu’avec les pays d’Afrique », afin « de lutter contre les réseaux de passeurs » et d’« accompagner le retour et la réinstallation [des migrants] dans leurs pays d’origine ».Evoquant le récent naufrage d’un bateau de migrants en Grèce, il a jugé que « trop de personnes prennent des risques inconsidérés, souvent exploitées par des passeurs qui sont de véritables criminels qu’[ils] d[oivent] combattre ». Mme Faeser a, pour sa part, estimé indispensable de « mettre fin à ces terribles morts en mer ».
    Selon l’Organisation internationale pour les migrations, 2 406 migrants sont morts ou ont disparu en Méditerranée – orientale, centrale et occidentale – en 2022 (+ 16,7 % sur un an). Depuis début 2023, 1 166 décès ou disparitions ont déjà été répertoriés.

    #Covid-19#migrant#migration#france#tunisie#afriquesubsaharienne#postcovid#politiquemigratoire#UE#transit#retour#reinstallation#italie

  • Azizou Chehou, l’homme qui sauve la vies de migrants naufragés dans le Sahara
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/05/10/niger-azizou-chehou-l-homme-qui-sauve-des-vies-au-sahara_6172825_3212.html

    Azizou Chehou, l’homme qui sauve la vies de migrants naufragés dans le Sahara
    Grâce aux tricycles de l’association Alarme Phone Sahara, l’ancien enseignant vient en aide aux migrants refoulés par les autorités algériennes de l’autre côté de la frontière avec le Niger.
    Par Amaury Hauchard
    Une carrière de trente ans dans l’éducation, une petite maison familiale dans un quartier périphérique de la ville nigérienne d’Agadez, une Toyota Corolla poussiéreuse qu’il traîne depuis onze ans… La vie d’Azizou Chehou n’a, à première vue, rien d’extraordinaire. Pourtant, l’homme de 56 ans qui vient en aide aux naufragés du désert sauve, chaque année, presque autant de vie qu’un médecin.
    Semaine après semaine, ils sont des centaines à errer ainsi dans les sables, refoulés par les autorités algériennes de l’autre côté de la frontière avec le Niger. Des hommes originaires d’Afrique de l’Ouest, jetés des bennes des camions où ils ont été entassés, qui n’ont d’autre choix que de marcher jusqu’au village d’Assamaka, traversant quinze kilomètres de désert. C’est ce tronçon que sillonnent les tricycles de l’association Alarme Phone Sahara
    Avec leurs véhicules, ils viennent en aide à ceux qui ne peuvent plus marcher, les emmènent jusqu’au village où un centre de transit de l’ONU doit les accueillir. Dans ce bout de désert, il y a beaucoup d’ennemis des migrants : bandits côté nigérien, patrouilles militaires côté algérien.
    Ces dernières semaines, les expulsions par l’Algérie n’ont jamais été aussi nombreuses : tandis qu’environ 20 000 personnes avaient été refoulées sur l’ensemble de l’année 2022, APS en a déjà recensé près de 15 000 jetées dans le Sahara durant les quatre premiers mois de 2023.
    Parfois, quand les gilets jaunes d’APS les trouvent, les migrants sont déjà morts. « C’est une honte ce qui se passe là-bas, souligne Azizou Chehou. En Méditerranée au moins, la mer rejette les corps, alors que le Sahara les avale. On ne pourra jamais savoir combien de personnes sont mortes ici dans l’indifférence. » (...) Dans les pages du seul journal papier du nord du Niger, il écrit sur tout, mais la migration revient page après page : ici, elle a toujours été un business florissant. « Etre à un carrefour de migrations a amené à une époque beaucoup de travail ici. Opérer dans ce trafic a été criminalisé [en 2015]. Tout a changé », souligne-t-il. Alors quand M. Diallo lâche les rênes en 2018 de la petite association APS qu’il avait lancé avec des soutiens associatifs allemands, c’est une évidence : Azizou Chehou doit reprendre le flambeau. Lui hésite : il prépare sa thèse et doit déjà gérer son autre association d’aide aux jeunes désœuvrés de son quartier.Quelques mois plus tard, la thèse est bouclée et la crise migratoire s’accentue sur la frontière algérienne. Les tricycles d’APS n’arrêtent pas de circuler dans le sable et le téléphone du coordinateur Chehou sonne en permanence. Quant au village d’Assamaka, il devient ce déversoir où s’agglutinent des milliers de migrants dans l’attente d’être pris en charge par l’ONU et des ONG internationales.

    #Covid-19#migrant#migration#niger#sahara#afriquesubsaharienne#algerie#corps#mortalité#trafic#crisemigratoire#routemigratoire#postcovid

  • En Tunisie, les cadavres de migrants s’accumulent à Sfax
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/05/09/en-tunisie-les-cadavres-de-migrants-s-accumulent-a-sfax_6172663_3212.html

    En Tunisie, les cadavres de migrants s’accumulent à Sfax
    En 2023, le pays est devenu le principal point de départ des migrants souhaitant traverser la Méditerranée, devant la Libye.
    Par Nissim Gasteli(Sfax, Tunisie, envoyé spécial)
    Sur le quai du port de Sfax, deux corps d’enfants sans vie gisent sur le sol, recouverts d’une simple couverture. Leur mère, assise à côté, pleure ses filles, mortes noyées sous ses yeux quelques heures plus tôt au large des côtes de Tunisie. Elles tentaient de rejoindre l’Italie sur une embarcation de fortune, comme une quarantaine d’autres personnes.Rattrapé puis percuté par un semi-rigide de la garde nationale maritime, comme le relatent les survivants, le rafiot métallique s’est retourné, envoyant tous ses occupants à l’eau. Trente-six personnes ont été secourues par les autorités et deux corps repêchés, ceux de Macire et Saran-soumah, 10 et 12 ans, originaires de Guinée.(...) Parce que ces décès ont lieu lors de tentatives de franchissement illégal des frontières du pays, les autorités tunisiennes sont tenues enquêter sur les embarcations qui ont fait naufrage. Les corps, qu’ils soient récupérés en mer par les gardes nationaux ou après leur échouage, doivent être autopsiés avant inhumation. Une procédure d’autant plus longue et complexe que les hôpitaux et les cimetières croulent sous les cadavres. En 2023, la Tunisie est devenue le principal point de départ des migrants souhaitant traverser la Méditerranée, devant la Libye. Entre janvier et mars, la marine nationale a intercepté 14 000 personnes, soit cinq fois plus qu’en 2022. Selon les Nations unies, le premier trimestre a aussi été le plus meurtrier depuis six ans. « L’augmentation des départs signifie une augmentation des naufrages et donc une augmentation du nombre de corps », résume Filippo Furri, dont les recherches portent sur les décès en contexte migratoire. (...) « L’identification n’est pas obligatoire pour les autorités. Ce qui l’est, c’est de déterminer les causes de la mort », explique Filippo Furri. Faute d’information sur l’identité des migrants, un dossier est constitué pendant l’examen médico-légal comprenant des éléments sur le naufrage s’il y en a, les caractéristiques du cadavre, des photographies et un échantillon ADN. Puis un numéro est attribué « pour permettre aux familles d’identifier leurs proches a posteriori, si elles se manifestent », explique un activiste local. C’est ce processus, particulièrement long, qui explique en partie la congestion des morgues.
    A une dizaine de kilomètres au nord de Sfax, le cimetière municipal d’Essadi a récemment accueilli de nombreux migrants comme en témoignent les tombes anonymes marquées d’un simple numéro... les cimetières, comme les chambres froides sont saturés. Les autorités de Sfax s’étaient engagées en 2022 à réserver aux migrants subsahariens, chrétiens pour beaucoup, des zones d’inhumations spéciales. (...) Mais les infrastructures restent insuffisantes. « Cette pérennisation de la crise fait que le problème n’est plus seulement lié à la médecine légale », observe M. Furri. Le 20 avril, trente corps ont dû être enterrés en une seule journée. Contactés par Le Monde, le ministère de la santé, la direction régionale de la santé et les médecins de l’hôpital se refusent à tout commentaire.

    #Covid-19#migration#migrant#tunisie#libye#europe#routemigratoire#mediterranee#afriquesubsaharienne#mortalite#corps#postcovid

  • En Tunisie, les migrants subsahariens ciblés par des arrestations et des agressions
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/02/27/en-tunisie-les-migrants-subsahariens-cibles-par-des-arrestations-et-des-agre

    En Tunisie, les migrants subsahariens ciblés par des arrestations et des agressions
    Par Lilia Blaise(Tunis, correspondance)
    Publié le 27 février 2023 à 19h10, mis à jour hier à 09h52
    Jeudi 23 février, deux jours après le discours du président Kaïs Saïed sur les « hordes de migrants clandestins », source, selon lui, « de violences, de crimes et d’actes inacceptables » et destinés à changer la composition démographique de la Tunisie afin d’estomper son caractère « arabo-musulman », Dorothée a été licenciée de son travail de femme de ménage.
    Le lendemain, la mission diplomatique ivoirienne a lancé une vaste opération de recensement de ses ressortissants « désireux de quitter la Tunisie définitivement ». Une démarche d’autant plus urgente que les autorités tunisiennes ont accentué la pression sur les Subsahariens, malgré la manifestation contre le racisme qui a rassemblé un millier de personnes à Tunis, samedi, et les protestations venues de l’étranger. Les associations tunisiennes et subsahariennes ont enregistré ces dernières semaines de nombreux cas de migrants expulsés de leur domicile. Des évictions précipitées par l’application stricte d’une loi de 2004 qui oblige, sous peine de sanction, les propriétaires à demander une carte de séjour et à signaler au commissariat qu’ils hébergent un étranger. Cette loi, tout comme le code du travail, était jusqu’à présent très peu respectée dans le pays. « Elle pose problème depuis longtemps puisque la carte de séjour est très difficile à obtenir en Tunisie de manière générale », rappelle Alaa Talbi, directeur du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), une organisation non gouvernementale. (...)
    Du côté des autorités, le durcissement est net, revendiqué. Les Tunisiens qui ne respectent pas la loi sur l’hébergement d’un étranger sont passibles de quinze jours de prison et d’une amende, a souligné, jeudi, le porte-parole du tribunal de Sfax. Des sanctions sévères sont aussi prévues pour l’employeur qui embauche un étranger sans contrat de travail, a renchéri, le lendemain, le porte-parole de la garde nationale tunisienne, Houssem Jebali, à la télévision. Le 16 février, plusieurs associations tunisiennes de défense des droits humains étaient montées au créneau pour dénoncer l’interpellation, en une seule semaine, de 300 migrants. Dix jours plus tard, la garde nationale a annoncé l’arrestation de 151 Subsahariens accusés d’avoir « franchi illégalement la frontière tuniso-algérienne ». Près d’une cinquantaine de ces étrangers, parmi lesquels figurent des Congolais en majorité, sont aujourd’hui détenus à El Ouardia, un centre de détention administrative de Tunis dont le manque de statut juridique clair dans la loi tunisienne a souvent fait polémique. Parmi les prisonniers, certains sont des étudiants inscrits dans des universités. Kaïs Saïed avait pourtant assuré, dans un nouveau discours, jeudi, que les migrants en situation régulière n’étaient pas concernés par les mesures sécuritaires. Une garantie qui avait été aussi donnée aux associations estudiantines par le ministère de l’enseignement supérieur. (...)De nombreuses agressions à caractère raciste ont été également signalées. (...) Les autorités tunisiennes, elles, nient tout caractère raciste dans le discours du président ou les mesures prises par le gouvernement. « C’est vraiment un mauvais procès d’interprétation fallacieuse des propos des hautes autorités tunisiennes à ce sujet. Cela fait quelques jours que cela s’est produit, et il faut maintenant garder la tête froide, il faut apaiser, et les messages d’apaisement ont déjà été transmis par les canaux officiels et autres », a déclaré lundi, à l’AFP, le ministre des affaires étrangères, Nabil Ammar. Selon des chiffres officiels cités par le FTDES, la Tunisie compte plus de 21 000 ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne, la plupart en situation irrégulière. « Pour les migrants qui sont légaux, il n’y a aucun problème. Au contraire, nous en voulons plus, a affirmé le ministre. Et les migrants illégaux sont appelés à retourner chez eux, mais dans le respect de leurs droits et de leur dignité. »

    #Covid-19#migrant#migration#tunisie#afriquesubsaharienne#etudiant#travailleurmigrant#travail#logement#racisme#droit#retour#migrationirreguliere#postcovid

  • En Tunisie, les migrants subsahariens ciblés par des arrestations et des agressions
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/02/27/en-tunisie-les-migrants-subsahariens-cibles-par-des-arrestations-et-des-agre

    En Tunisie, les migrants subsahariens ciblés par des arrestations et des agressions
    Par Lilia Blaise(Tunis, correspondance)
    Publié le 27 février 2023 à 19h10, mis à jour hier à 09h52
    Jeudi 23 février, deux jours après le discours du président Kaïs Saïed sur les « hordes de migrants clandestins », source, selon lui, « de violences, de crimes et d’actes inacceptables » et destinés à changer la composition démographique de la Tunisie afin d’estomper son caractère « arabo-musulman », Dorothée a été licenciée de son travail de femme de ménage.
    Le lendemain, la mission diplomatique ivoirienne a lancé une vaste opération de recensement de ses ressortissants « désireux de quitter la Tunisie définitivement ». Une démarche d’autant plus urgente que les autorités tunisiennes ont accentué la pression sur les Subsahariens, malgré la manifestation contre le racisme qui a rassemblé un millier de personnes à Tunis, samedi, et les protestations venues de l’étranger. Les associations tunisiennes et subsahariennes ont enregistré ces dernières semaines de nombreux cas de migrants expulsés de leur domicile. Des évictions précipitées par l’application stricte d’une loi de 2004 qui oblige, sous peine de sanction, les propriétaires à demander une carte de séjour et à signaler au commissariat qu’ils hébergent un étranger. Cette loi, tout comme le code du travail, était jusqu’à présent très peu respectée dans le pays. « Elle pose problème depuis longtemps puisque la carte de séjour est très difficile à obtenir en Tunisie de manière générale », rappelle Alaa Talbi, directeur du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), une organisation non gouvernementale. (...)
    Du côté des autorités, le durcissement est net, revendiqué. Les Tunisiens qui ne respectent pas la loi sur l’hébergement d’un étranger sont passibles de quinze jours de prison et d’une amende, a souligné, jeudi, le porte-parole du tribunal de Sfax. Des sanctions sévères sont aussi prévues pour l’employeur qui embauche un étranger sans contrat de travail, a renchéri, le lendemain, le porte-parole de la garde nationale tunisienne, Houssem Jebali, à la télévision. Le 16 février, plusieurs associations tunisiennes de défense des droits humains étaient montées au créneau pour dénoncer l’interpellation, en une seule semaine, de 300 migrants. Dix jours plus tard, la garde nationale a annoncé l’arrestation de 151 Subsahariens accusés d’avoir « franchi illégalement la frontière tuniso-algérienne ». Près d’une cinquantaine de ces étrangers, parmi lesquels figurent des Congolais en majorité, sont aujourd’hui détenus à El Ouardia, un centre de détention administrative de Tunis dont le manque de statut juridique clair dans la loi tunisienne a souvent fait polémique. Parmi les prisonniers, certains sont des étudiants inscrits dans des universités. Kaïs Saïed avait pourtant assuré, dans un nouveau discours, jeudi, que les migrants en situation régulière n’étaient pas concernés par les mesures sécuritaires. Une garantie qui avait été aussi donnée aux associations estudiantines par le ministère de l’enseignement supérieur. (...)De nombreuses agressions à caractère raciste ont été également signalées. (...) Les autorités tunisiennes, elles, nient tout caractère raciste dans le discours du président ou les mesures prises par le gouvernement. « C’est vraiment un mauvais procès d’interprétation fallacieuse des propos des hautes autorités tunisiennes à ce sujet. Cela fait quelques jours que cela s’est produit, et il faut maintenant garder la tête froide, il faut apaiser, et les messages d’apaisement ont déjà été transmis par les canaux officiels et autres », a déclaré lundi, à l’AFP, le ministre des affaires étrangères, Nabil Ammar. Selon des chiffres officiels cités par le FTDES, la Tunisie compte plus de 21 000 ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne, la plupart en situation irrégulière. « Pour les migrants qui sont légaux, il n’y a aucun problème. Au contraire, nous en voulons plus, a affirmé le ministre. Et les migrants illégaux sont appelés à retourner chez eux, mais dans le respect de leurs droits et de leur dignité. »

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