• Ces géants qui dominent le commerce agricole mondial

    En quelques décennies, une toute petite poignée d’acteurs a pris le contrôle du commerce mondial agricole, des #terres à la #finance. C’est le constat dressé par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement. Peut-on laisser à quelques groupes le destin de la sécurité alimentaire mondiale ?

    C’est un #oligopole dont on ne sait presque rien, parfois même pas son nom. Une poignée d’acteurs inconnus du grand public dominent le #commerce_mondial agroalimentaire. Mais ils font tout pour se faire oublier et cacher les empires qu’ils ont construits au fil des ans, ainsi que l’emprise qu’ils ont conquise sur le monde.

    La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) a dénombré quatorze grands groupes régnant sur ce secteur. À eux seuls, les quatre premiers – #Cargill, #Archer_Daniels_Midland, #Bunge, #Louis_Dreyfus – contrôlent quelque 70 % du marché agricole mondial, selon ses estimations.

    L’envolée des #prix alimentaires partout dans le monde, nourrissant une #inflation planétaire mais aussi des pénuries et des risques aggravés de #crise_alimentaire dans les pays les plus pauvres, a amené l’institution internationale à se pencher longuement dans son dernier rapport annuel sur le rôle exercé par ces géants de l’#agrobusiness dans cette période. Il paraît écrasant.

    Si les superprofits des pétroliers ont été au cœur de toutes les discussions, ceux des géants de l’agrobusiness sont passés inaperçus. Pourtant, ils ont été les autres grands gagnants de la succession de crises (sortie de la pandémie, guerre en Ukraine, tensions géopolitiques) qui se sont enchaînées à un rythme effréné au cours des quatre dernières années.

    Celles-ci se sont traduites par une volatilité inédite du cours de toutes les matières premières agricoles (#blé, #soja, #maïs, #tournesol, #riz, #sucre, #café, #cacao) dont ces grands groupes ont su tirer parti au mieux de leurs intérêts. En 2022, Cargill, Archer Daniels Midland, Bunge et Louis Dreyfus ont réalisé un bénéfice cumulé de plus de 17 milliards de dollars, soit près du triple de leurs résultats de 2020. « Les #bénéfices totaux des neuf grandes sociétés d’#engrais au cours des cinq dernières années sont passés d’une moyenne d’environ 14 milliards de dollars avant la pandémie, à 28 milliards de dollars en 2021, puis au chiffre incroyable de 49 milliards de dollars en 2022 », ajoute le rapport de la #Cnuced.

    Les tensions sur les matières premières agricoles se sont un peu dissipées en 2023. Mais l’été dernier, comme le rappelle la Cnuced, « le prix du blé restait deux fois supérieur au cours d’avant la pandémie ». Cela est vrai pour pratiquement tous les prix agricoles, sans parler des cas spécifiques comme le cacao ou le café, qui atteignent actuellement des cours stratosphériques. Penser que des prix agricoles élevés profitent aux producteurs, « c’est ignorer le rôle majeur joué par ces groupes internationaux d’agrobusiness qui contrôlent nombre de liens dans la chaîne de valeur mondiale et dans la dynamique de la formation des prix du système mondial alimentaire », insiste l’institution des Nations unies.

    De ces groupes, on ne sait pratiquement rien. Sur les quatorze groupes repérés comme les plus importants par la Cnuced, « huit seulement sont cotés en bourse et publient leurs comptes », souligne le rapport. Tous les autres prospèrent à l’abri des regards. Jouant des frontières et des gouvernements, tous cultivent l’opacité, utilisent les failles et les porosités du système pour évoluer dans une totale impunité.

    Souvent partis du négoce, ils n’ont cessé d’étendre leur emprise, prenant le contrôle d’usines de transformation, de capacités de stockage, de compagnies de transport. Puis ils ont mis la main sur les semences et les engrais, avant de devenir de gigantesques propriétaires fonciers. Ils contrôlent désormais des centaines de milliers d’hectares en Ukraine, au Brésil, en Argentine, en Australie, au Canada. En un mot, dans tous les grands pays agricoles où ils peuvent pratiquer des cultures intensives à échelle industrielle, en pratiquant des déforestations massives, s’il le faut.

    Ils sont en position de dicter leurs conditions aux producteurs locaux et aux gouvernements, d’influencer les modes d’alimentation de toute la planète. Demain, ils n’hésiteront pas à mettre en danger les approvisionnements mondiaux, beaucoup étant prêts à troquer la production alimentaire pour celle d’agrocarburants, estimée beaucoup plus rémunératrice.

    Au cours de décennies de fusions et d’acquisitions, « de tels groupes ont pu étendre leur influence de haut en bas de la chaîne d’approvisionnement, tout en amassant d’énormes quantités de données de marché. Si une poignée de sociétés continue de détenir un pouvoir démesuré sur les systèmes alimentaires mondiaux, toute politique visant à atténuer les effets à court terme de la flambée des prix alimentaires sera vaine à long terme », prévient la Cnuced.
    Dans les pas de la finance de l’ombre

    Car un autre changement majeur est intervenu au cours des quinze dernières années, qui n’a pas été suffisamment analysé, selon le rapport : ces géants de l’agrobusiness ont non seulement changé de dimension, mais aussi de nature. Ils sont devenus des acteurs financiers à part entière – le manque de régulation sur les marchés des matières premières leur permettant d’exercer un pouvoir déterminant sur les cours et dans la formation des prix.

    Parce que les marchés agricoles sont par nature chaotiques, que les lois de l’offre et de la demande ne s’appliquent pas conformément aux théories classiques, ils ont toujours été très liés à la finance et à la spéculation. Ce sont ces marchés qui, les premiers, ont élaboré et mis en œuvre les produits dérivés financiers, négociés de gré à gré (over the counter – OTC) afin de couvrir les risques de fluctuation des prix à court, moyen et long terme.

    Mais à partir des années 1980, de nouveaux acteurs sont entrés dans le jeu : des banques et surtout nombre d’acteurs de la finance de l’ombre (hedge funds, fonds d’investissement, gestionnaires d’actifs, etc.) sont entrés sur ces marchés. Profitant de la déréglementation des marchés agricoles, ils ont investi les lieux, développé des produits dérivés financiers de plus en plus sophistiqués, ne s’appuyant plus du tout sur des contreparties physiques, et alimentant la spéculation.

    Depuis la crise de 2008, la situation a encore évolué. Les grandes sociétés de négoce ont mis leur pas dans ceux de la finance de l’ombre, allant bien au-delà de la couverture de leurs risques. Ayant à leur disposition des informations de marché que les autres n’avaient pas, elles se sont vite imposées comme des acteurs incontournables.

    « Dans ce contexte, les très grands groupes internationaux de négoce en sont arrivés à occuper une position privilégiée, en termes de fixation des prix, accédant aux financements et participant directement aux marchés financiers, affirme encore le rapport de la Cnuced. Cela a permis non seulement des opérations spéculatives sur les plateformes organisées, mais aussi un volume grandissant de transactions entre individus ou de gré à gré sur lesquelles la plupart des gouvernements des pays avancés n’ont aucune autorité ou contrôle. »
    Démultiplications spéculatives

    Les dernières années de tensions et de risques de pénuries sur les marchés agricoles ont décuplé les appétits, poussés par l’appât du gain. Selon les chiffres publiés par la Banque des règlements internationaux, le montant total des dérivés négociés de gré à gré sur les produits agricoles, l’énergie et les métaux, a atteint un pic de 886 milliards de dollars à la mi-2022, contre une moyenne de 200 milliards de dollars avant 2020. La valeur notionnelle de ces contrats représentait alors plus de 2 000 milliards de dollars.

    L’ampleur de ces sommes illustre la puissance déstabilisatrice de la finance sur ces marchés essentiels. Tous ont empoché des milliards de superprofits au détriment des populations mondiales. Une étude récente de la Société générale indique que le groupe des dix principaux fonds « dynamiques » avait réalisé un profit de 1,9 milliard de dollars sur des contrats de blé, de maïs et de soja, au début de la guerre en Ukraine, quand les cours des produits agricoles s’envolaient, après avoir perdu de l’argent sur les mêmes contrats dans les périodes précédentes.

    Dans quelle mesure les grands groupes qui contrôlent les échanges mondiaux agricoles ont-ils utilisé leur énorme pouvoir de marché pour pousser la spéculation et augmenter leurs profits ? La Cnuced est incapable de le dire. L’opacité qui règne sur ces marchés, le manque de données fiables et l’absence de régulation et de contrôle empêchent d’avoir une vision précise sur ce qu’il se passe.

    Pour la Cnuced, cependant, le fait qu’une poignée de grands groupes ait acquis une telle taille et une telle importance sur les marchés agricoles, possédant à la fois les données essentielles et des moyens financiers immenses, des instruments financiers négociés dans l’ombre, hors du regard de tout régulateur, laisse la porte ouverte à toutes les manipulations et à toutes les manœuvres.

    La faillite de la régulation

    « Les failles dans les systèmes de régulation n’ont cessé de s’élargir », note le rapport, et d’être mises à profit par les grands groupes de négoce et les traders de matières premières. Toutes les tentatives pour apporter de la lumière sur ces marchés et renforcer la réglementation ont jusqu’à présent échoué. Les réglementations restent parcellaires, multiples, changeant souvent d’une frontière à l’autre.

    Lors de la crise financière de 2008, les législateurs se sont bien gardés de toucher aux marchés de matières premières et à la finance de l’ombre, estimant qu’ils ne représentaient que des risques subalternes. De même, rien n’a été fait pour rapprocher les activités sur les marchés de matières premières et celles sur les marchés financiers, les régulateurs estimant qu’il s’agissait de deux mondes séparés.

    Les activités des grands groupes de négoce démontrent désormais que ces deux sphères sont devenues intrinsèquement liées, les opérations financières venant en soutien – en vue souvent de maximiser les profits – des échanges agricoles. « Le profit n’est pas limité à un secteur spécifique mais est spécifique à des firmes particulières. Il est possible que des profits excessifs puissent être liés à une concentration, qui ne bénéficie seulement qu’à quelques acteurs mondiaux du secteur », écrit par euphémisme le rapport.

    La Cnuced estime qu’il est plus que temps de prendre acte de la défaillance des régulations actuelles, compte tenu des risques sous-jacents, menaçant aussi bien la sécurité alimentaire mondiale que la stabilité de la planète financière. Elle propose de multiples axes de réformes. Les uns portant sur la transparence et la limitation et le contrôle des instruments financiers, sur l’instauration d’une régulation mondial, les autres sur l’application renforcée des lois antitrusts : le commerce mondial alimentaire ne pouvant être laissé aux mains d’un oligopole qui agit dans son seul intérêt.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/090424/ces-geants-qui-dominent-le-commerce-agricole-mondial
    #agriculture #industrie_agro-alimentaire #business #financiarisation #régulation

  • Le système alimentaire mondial menace de s’effondrer

    Aux mains de quelques #multinationales et très liée au secteur financier, l’#industrie_agroalimentaire fonctionne en #flux_tendu. Ce qui rend la #production mondiale très vulnérable aux #chocs politiques et climatiques, met en garde l’éditorialiste britannique George Monbiot.

    Depuis quelques années, les scientifiques s’évertuent à alerter les gouvernements, qui font la sourde oreille : le #système_alimentaire_mondial ressemble de plus en plus au système financier mondial à l’approche de 2008.

    Si l’#effondrement de la finance aurait été catastrophique pour le bien-être humain, les conséquences d’un effondrement du #système_alimentaire sont inimaginables. Or les signes inquiétants se multiplient rapidement. La flambée actuelle des #prix des #aliments a tout l’air du dernier indice en date de l’#instabilité_systémique.

    Une alimentation hors de #prix

    Nombreux sont ceux qui supposent que cette crise est la conséquence de la #pandémie, associée à l’#invasion de l’Ukraine. Ces deux facteurs sont cruciaux, mais ils aggravent un problème sous-jacent. Pendant des années, la #faim dans le monde a semblé en voie de disparition. Le nombre de personnes sous-alimentées a chuté de 811 millions en 2005 à 607 millions en 2014. Mais la tendance s’est inversée à partir de 2015, et depuis [selon l’ONU] la faim progresse : elle concernait 650 millions de personnes en 2019 et elle a de nouveau touché 811 millions de personnes en 2020. L’année 2022 s’annonce pire encore.

    Préparez-vous maintenant à une nouvelle bien plus terrible : ce phénomène s’inscrit dans une période de grande #abondance. La #production_alimentaire mondiale est en hausse régulière depuis plus de cinquante ans, à un rythme nettement plus soutenu que la #croissance_démographique. En 2021, la #récolte mondiale de #blé a battu des records. Contre toute attente, plus d’humains ont souffert de #sous-alimentation à mesure que les prix alimentaires mondiaux ont commencé à baisser. En 2014, quand le nombre de #mal_nourris était à son niveau le plus bas, l’indice des #prix_alimentaires [de la FAO] était à 115 points ; il est tombé à 93 en 2015 et il est resté en deçà de 100 jusqu’en 2021.

    Cet indice n’a connu un pic que ces deux dernières années. La flambée des prix alimentaires est maintenant l’un des principaux facteurs de l’#inflation, qui a atteint 9 % au Royaume-Uni en avril 2022 [5,4 % en France pour l’indice harmonisé]. L’alimentation devient hors de prix pour beaucoup d’habitants dans les pays riches ; l’impact dans les pays pauvres est beaucoup plus grave.

    L’#interdépendance rend le système fragile

    Alors, que se passe-t-il ? À l’échelle mondiale, l’alimentation, tout comme la finance, est un système complexe qui évolue spontanément en fonction de milliards d’interactions. Les systèmes complexes ont des fonctionnements contre-intuitifs. Ils tiennent bon dans certains contextes grâce à des caractéristiques d’auto-organisation qui les stabilisent. Mais à mesure que les pressions s’accentuent, ces mêmes caractéristiques infligent des chocs qui se propagent dans tout le réseau. Au bout d’un moment, une perturbation même modeste peut faire basculer l’ensemble au-delà du point de non-retour, provoquant un effondrement brutal et irrésistible.

    Les scientifiques représentent les #systèmes_complexes sous la forme d’un maillage de noeuds et de liens. Les noeuds ressemblent à ceux des filets de pêche ; les liens sont les fils qui les connectent les uns aux autres. Dans le système alimentaire, les noeuds sont les entreprises qui vendent et achètent des céréales, des semences, des produits chimiques agricoles, mais aussi les grands exportateurs et importateurs, et les ports par lesquels les aliments transitent. Les liens sont leurs relations commerciales et institutionnelles.

    Si certains noeuds deviennent prépondérants, fonctionnent tous pareil et sont étroitement liés, alors il est probable que le système soit fragile. À l’approche de la crise de 2008, les grandes banques concevaient les mêmes stratégies et géraient le risque de la même manière, car elles courraient après les mêmes sources de profit. Elles sont devenues extrêmement interdépendantes et les gendarmes financiers comprenaient mal ces liens. Quand [la banque d’affaires] Lehman Brothers a déposé le bilan, elle a failli entraîner tout le monde dans sa chute.

    Quatre groupes contrôlent 90 % du commerce céréalier

    Voici ce qui donne des sueurs froides aux analystes du système alimentaire mondial. Ces dernières années, tout comme dans la finance au début des années 2000, les principaux noeuds du système alimentaire ont gonflé, leurs liens se sont resserrés, les stratégies commerciales ont convergé et se sont synchronisées, et les facteurs susceptibles d’empêcher un #effondrement_systémique (la #redondance, la #modularité, les #disjoncteurs, les #systèmes_auxiliaires) ont été éliminés, ce qui expose le système à des #chocs pouvant entraîner une contagion mondiale.

    Selon une estimation, quatre grands groupes seulement contrôlent 90 % du #commerce_céréalier mondial [#Archer_Daniels_Midland (#ADM), #Bunge, #Cargill et #Louis_Dreyfus]. Ces mêmes entreprises investissent dans les secteurs des #semences, des #produits_chimiques, de la #transformation, du #conditionnement, de la #distribution et de la #vente au détail. Les pays se divisent maintenant en deux catégories : les #super-importateurs et les #super-exportateurs. L’essentiel de ce #commerce_international transite par des goulets d’étranglement vulnérables, comme les détroits turcs (aujourd’hui bloqués par l’invasion russe de l’Ukraine), les canaux de Suez et de Panama, et les détroits d’Ormuz, de Bab El-Mandeb et de Malacca.

    L’une des transitions culturelles les plus rapides dans l’histoire de l’humanité est la convergence vers un #régime_alimentaire standard mondial. Au niveau local, notre alimentation s’est diversifiée mais on peut faire un constat inverse au niveau mondial. Quatre plantes seulement - le #blé, le #riz, le #maïs et le #soja - correspondent à près de 60 % des calories cultivées sur les exploitations. La production est aujourd’hui extrêmement concentrée dans quelques pays, notamment la #Russie et l’#Ukraine. Ce #régime_alimentaire_standard_mondial est cultivé par la #ferme_mondiale_standard, avec les mêmes #semences, #engrais et #machines fournis par le même petit groupe d’entreprises, l’ensemble étant vulnérable aux mêmes chocs environnementaux.

    Des bouleversements environnementaux et politiques

    L’industrie agroalimentaire est étroitement associée au #secteur_financier, ce qui la rend d’autant plus sensible aux échecs en cascade. Partout dans le monde, les #barrières_commerciales ont été levées, les #routes et #ports modernisés, ce qui a optimisé l’ensemble du réseau mondial. On pourrait croire que ce système fluide améliore la #sécurité_alimentaire, mais il a permis aux entreprises d’éliminer des coûts liés aux #entrepôts et #stocks, et de passer à une logique de flux. Dans l’ensemble, cette stratégie du flux tendu fonctionne, mais si les livraisons sont interrompues ou s’il y a un pic soudain de la demande, les rayons peuvent se vider brusquement.

    Aujourd’hui, le système alimentaire mondial doit survive non seulement à ses fragilités inhérentes, mais aussi aux bouleversements environnementaux et politiques susceptibles de s’influencer les uns les autres. Prenons un exemple récent. À la mi-avril, le gouvernement indien a laissé entendre que son pays pourrait compenser la baisse des exportations alimentaires mondiales provoquée par l’invasion russe de l’Ukraine. Un mois plus tard, il interdisait les exportations de blé, car les récoltes avaient énormément souffert d’une #canicule dévastatrice.

    Nous devons de toute urgence diversifier la production alimentaire mondiale, sur le plan géographique mais aussi en matière de cultures et de #techniques_agricoles. Nous devons briser l’#emprise des #multinationales et des spéculateurs. Nous devons prévoir des plans B et produire notre #nourriture autrement. Nous devons donner de la marge à un système menacé par sa propre #efficacité.

    Si tant d’êtres humains ne mangent pas à leur faim dans une période d’abondance inédite, les conséquences de récoltes catastrophiques que pourrait entraîner l’effondrement environnemental dépassent l’entendement. C’est le système qu’il faut changer.

    https://www.courrierinternational.com/article/crise-le-systeme-alimentaire-mondial-menace-de-s-effondrer

    #alimentation #vulnérabilité #fragilité #diversification #globalisation #mondialisation #spéculation

  • #Gluten, l’ennemi public ?

    En abordant le sujet de l’explosion contemporaine d’#intolérance au gluten, ce film raconte en fait d’une bataille menée par certaines des sociétés les plus puissantes de la planète contre la science libre et notre #santé à nous tous. En jeu, en plus, est la survie de millions de petits agriculteurs, tout autour de la planète, qui risquent d’être chassés du marché. Comment ces choses peuvent être liées entre elles ?

    http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/62747_1
    #industrie_agro-alimentaire #gluten #film #documentaire #film_documentaire #blé #céréales #alimentation #gluten-free #allergie #intolérances_alimentaires #business #alimentation #blé #coeliaquie #industrie_chimique #CIMMYT #Fondation_Rockfeller #engrais #engrais_chimiques #Norman_Borlaug #Sonora_64 #révolution_verte #agriculture #industrialisation #glyphosate #ABCD (#Archer_Daniels_Midland, #Bunge, #Cargill, #Louis_Dreyfus_Company) #agriculture_intensive #OGM #Monsanto #herbicide #microbiome #roundup #OMC #barrières_non-tarifaires #protectionnisme #capitalisme

    voir aussi, via @odilon :
    https://seenthis.net/messages/911865

  • #Accaparement_de_terres : le groupe #Bolloré accepte de négocier avec les communautés locales
    –-> un article qui date de 2014, et qui peut intéresser notamment @odilon, mais aussi d’actualité vue la plainte de Balloré contre le journal pour diffamation. Et c’est le journal qui a gagné en Cour de cassation : https://www.bastamag.net/Bollore-perd-definitivement-son-premier-proces-en-diffamation-intente-a

    Des paysans et villageois du Sierra-Leone, de #Côte_d’Ivoire, du #Cameroun et du #Cambodge sont venus spécialement jusqu’à Paris. Pour la première fois, le groupe Bolloré et sa filiale luxembourgeoise #Socfin, qui gère des #plantations industrielles de #palmiers_à_huile et d’#hévéas (pour le #caoutchouc) en Afrique et en Asie, ont accepté de participer à des négociations avec les communautés locales fédérées en « alliance des riverains des plantations Bolloré-Socfin ». Sous la houlette d’une association grenobloise, Réseaux pour l’action collective transnationale (ReAct), une réunion s’est déroulée le 24 octobre, à Paris, avec des représentants du groupe Bolloré et des communautés touchées par ces plantations.

    Ces derniers dénoncent les conséquences de l’acquisition controversée des terres agricoles, en Afrique et en Asie. Ils pointent notamment du doigt des acquisitions foncières de la #Socfin qu’ils considèrent comme « un accaparement aveugle des terres ne laissant aux riverains aucun espace vital », en particulier pour leurs cultures vivrières. Ils dénoncent également la faiblesse des compensations accordées aux communautés et le mauvais traitement qui serait réservé aux populations. Les représentants africains et cambodgiens sont venus demander au groupe Bolloré et à la Socfin de garantir leur #espace_vital en rétrocédant les terres dans le voisinage immédiat des villages, et de stopper les expansions foncières qui auraient été lancées sans l’accord des communautés.

    https://www.bastamag.net/Accaparement-de-terres-le-groupe-Bollore-accepte-de-negocier-avec-les
    #terres #Sierra_Leone #huile_de_palme

    • Bolloré, #Crédit_agricole, #Louis_Dreyfus : ces groupes français, champions de l’accaparement de terres
      –-> encore un article de 2012

      Alors que 868 millions de personnes souffrent de sous-alimentation, selon l’Onu, l’accaparement de terres agricoles par des multinationales de l’#agrobusiness ou des fonds spéculatifs se poursuit. L’équivalent de trois fois l’Allemagne a ainsi été extorqué aux paysans africains, sud-américains ou asiatiques. Les plantations destinées à l’industrie remplacent l’agriculture locale. Plusieurs grandes entreprises françaises participent à cet accaparement, avec la bénédiction des institutions financières. Enquête.

      Au Brésil, le groupe français Louis Dreyfus, spécialisé dans le négoce des matières premières, a pris possession de près de 400 000 hectares de terres : l’équivalent de la moitié de l’Alsace, la région qui a vu naître l’empire Dreyfus, avec le commerce du blé au 19ème siècle. Ces terres sont destinées aux cultures de canne à sucre et de soja. Outre le Brésil, le discret empire commercial s’est accaparé, via ses filiales Calyx Agro ou LDC Bioenergia [1], des terres en Uruguay, en Argentine ou au Paraguay. Si Robert Louis Dreyfus, décédé en 2009, n’avait gagné quasiment aucun titre avec l’Olympique de Marseille, club dont il était propriétaire, il a fait de son groupe le champion français toute catégorie dans l’accaparement des terres.

      Le Groupe Louis-Dreyfus – 56 milliards d’euros de chiffre d’affaires [2] – achète, achemine et revend tout ce que la terre peut produire : blé, soja, café, sucre, huiles, jus d’orange, riz ou coton, dont il est le « leader » mondial via sa branche de négoce, Louis-Dreyfus Commodities. Son jus d’orange provient d’une propriété de 30 000 ha au Brésil. L’équivalent de 550 exploitations agricoles françaises de taille moyenne ! Il a ouvert en 2007 la plus grande usine au monde de biodiesel à base de soja, à Claypool, au Etats-Unis (Indiana). Il possède des forêts utilisées « pour la production d’énergie issue de la biomasse, l’énergie solaire, la géothermie et l’éolien ». Sans oublier le commerce des métaux, le gaz naturel, les produits pétroliers, le charbon et la finance.

      Course effrénée à l’accaparement de terres

      En ces périodes de tensions alimentaires et de dérèglements climatiques, c’est bien l’agriculture qui semble être l’investissement le plus prometteur. « En 5 ans, nous sommes passés de 800 millions à 6,3 milliards de dollars d’actifs industriels liés à l’agriculture », se réjouissait le directeur du conglomérat, Serge Schoen [3]. Le groupe Louis Dreyfus illustre la course effrénée à l’accaparement de terres agricoles dans laquelle se sont lancées de puissantes multinationales. Sa holding figure parmi les cinq premiers gros traders de matières premières alimentaires, avec Archer Daniels Midland (États-Unis), Bunge (basé aux Bermudes), Cargill (États-Unis) et le suisse Glencore. Ces cinq multinationales, à l’acronyme ABCD, font la pluie et le beau temps sur les cours mondiaux des céréales [4].

      L’exemple de Louis Dreyfus n’est pas isolé. États, entreprises publiques ou privées, fonds souverains ou d’investissements privés multiplient les acquisitions – ou les locations – de terres dans les pays du Sud ou en Europe de l’Est. Objectif : se lancer dans le commerce des agrocarburants, exploiter les ressources du sous-sol, assurer les approvisionnements alimentaires pour les États, voire bénéficier des mécanismes de financements mis en œuvre avec les marchés carbone. Ou simplement spéculer sur l’augmentation du prix du foncier. Souvent les agricultures paysannes locales sont remplacées par des cultures industrielles intensives. Avec, à la clé, expropriation des paysans, destruction de la biodiversité, pollution par les produits chimiques agricoles, développement des cultures OGM... Sans que les créations d’emplois ne soient au rendez-vous.

      Trois fois la surface agricole de la France

      Le phénomène d’accaparement est difficile à quantifier. De nombreuses transactions se déroulent dans le plus grand secret. Difficile également de connaître l’origine des capitaux. Une équipe de la Banque mondiale a tenté de mesurer le phénomène. En vain ! « Devant les difficultés opposées au recueil des informations nécessaires (par les États comme les acteurs privés), et malgré plus d’un an de travail, ces chercheurs ont dû pour l’évaluer globalement s’en remettre aux articles de presse », explique Mathieu Perdriault de l’association Agter.

      Selon la base de données Matrice foncière, l’accaparement de terres représenterait 83 millions d’hectares dans les pays en développement. L’équivalent de près de trois fois la surface agricole française (1,7% de la surface agricole mondiale) ! Selon l’ONG Oxfam, qui vient de publier un rapport à ce sujet, « une superficie équivalant à celle de Paris est vendue à des investisseurs étrangers toutes les 10 heures », dans les pays pauvres [5].

      L’Afrique, cible d’un néocolonialisme agricole ?

      L’Afrique, en particulier l’Afrique de l’Est et la République démocratique du Congo, est la région la plus convoitée, avec 56,2 millions d’hectares. Viennent ensuite l’Asie (17,7 millions d’ha), puis l’Amérique latine (7 millions d’ha). Pourquoi certains pays se laissent-il ainsi « accaparer » ? Sous prétexte d’attirer investissements et entreprises, les réglementations fiscales, sociales et environnementales des pays les plus pauvres sont souvent plus propices. Les investisseurs se tournent également vers des pays qui leur assurent la sécurité de leurs placements. Souvent imposées par les institutions financières internationales, des clauses garantissent à l’investisseur une compensation de la part de l’État « hôte » en cas d’expropriation. Des clauses qui peuvent s’appliquer même en cas de grèves ou de manifestations.

      Les acteurs de l’accaparement des terres, privés comme publics, sont persuadés – ou feignent de l’être – que seul l’agrobusiness pourra nourrir le monde en 2050. Leurs investissements visent donc à « valoriser » des zones qui ne seraient pas encore exploitées. Mais la réalité est tout autre, comme le montre une étude de la Matrice Foncière : 45% des terres faisant l’objet d’une transaction sont des terres déjà cultivées. Et un tiers des acquisitions sont des zones boisées, très rentables lorsqu’on y organise des coupes de bois à grande échelle. Des terres sont déclarées inexploitées ou abandonnées sur la foi d’imageries satellites qui ne prennent pas en compte les usages locaux des terres.

      40% des forêts du Liberia sont ainsi gérés par des permis à usage privés [6] (lire aussi notre reportage au Liberia). Ces permis, qui permettent de contourner les lois du pays, concernent désormais 20 000 km2. Un quart de la surface du pays ! Selon Oxfam, 60% des transactions ont eu lieu dans des régions « gravement touchées par le problème de la faim » et « plus des deux tiers étaient destinées à des cultures pouvant servir à la production d’agrocarburants comme le soja, la canne à sucre, l’huile de palme ou le jatropha ». Toujours ça que les populations locales n’auront pas...

      Quand AXA et la Société générale se font propriétaires terriens

      « La participation, largement médiatisée, des États au mouvement d’acquisition massive de terre ne doit pas masquer le fait que ce sont surtout les opérateurs privés, à la poursuite d’objectifs purement économiques et financiers, qui forment le gros bataillon des investisseurs », souligne Laurent Delcourt, chercheur au Cetri. Les entreprises publiques, liées à un État, auraient acheté 11,5 millions d’hectares. Presque trois fois moins que les investisseurs étrangers privés, propriétaires de 30,3 millions d’hectares. Soit la surface de l’Italie ! Si les entreprises états-uniennes sont en pointe, les Européens figurent également en bonne place.

      Banques et assurances françaises se sont jointes à cette course à la propriété terrienne mondiale. L’assureur AXA a investi 1,2 milliard de dollars dans la société minière britannique Vedanta Resources PLC, dont les filiales ont été accusées d’accaparement des terres [7]. AXA a également investi au moins 44,6 millions de dollars dans le fond d’investissement Landkom (enregistré dans l’île de Man, un paradis fiscal), qui loue des terres agricoles en Ukraine. Quant au Crédit Agricole, il a créé – avec la Société générale – le fonds « Amundi Funds Global Agriculture ». Ses 122 millions de dollars d’actifs sont investis dans des sociétés telles que Archer Daniels Midland ou Bunge, impliquées comme le groupe Louis Dreyfus dans l’acquisition de terres à grande échelle. Les deux banques ont également lancé le « Baring Global Agriculture Fund » (133,3 millions d’euros d’actifs) qui cible les sociétés agro-industrielles. Les deux établissement incitent activement à l’acquisition de terres, comme opportunité d’investissement. Une démarche socialement responsable ?

      Vincent Bolloré, gentleman farmer

      Après le groupe Louis Dreyfus, le deuxième plus gros investisseur français dans les terres agricoles se nomme Vincent Bolloré. Son groupe, via l’entreprise Socfin et ses filiales Socfinaf et Socfinasia, est présent dans 92 pays dont 43 en Afrique. Il y contrôle des plantations, ainsi que des secteurs stratégiques : logistique, infrastructures de transport, et pas moins de 13 ports, dont celui d’Abidjan. L’empire Bolloré s’est développée de façon spectaculaire au cours des deux dernières décennies « en achetant des anciennes entreprises coloniales, et [en] profitant de la vague de privatisations issue des "ajustements structurels" imposés par le Fonds monétaire international », constate le Think tank états-unien Oakland Institute.

      Selon le site du groupe, 150 000 hectares plantations d’huile de palme et d’hévéas, pour le caoutchouc, ont été acquis en Afrique et en Asie. L’équivalent de 2700 exploitations agricoles françaises ! Selon l’association Survie, ces chiffres seraient en deçà de la réalité. Le groupe assure ainsi posséder 9 000 ha de palmiers à huile et d’hévéas au Cameroun, là où l’association Survie en comptabilise 33 500.

      Expropriations et intimidations des populations

      Quelles sont les conséquences pour les populations locales ? Au Sierra Leone,
      Bolloré a obtenu un bail de 50 ans sur 20 000 hectares de palmier à huile et 10 000 hectares d’hévéas. « Bien que directement affectés, les habitants de la zone concernée semblent n’avoir été ni informés ni consultés correctement avant le lancement du projet : l’étude d’impact social et environnemental n’a été rendue publique que deux mois après la signature du contrat », raconte Yanis Thomas de l’association Survie. En 2011, les villageois tentent de bloquer les travaux sur la plantation. Quinze personnes « ont été inculpées de tapage, conspiration, menaces et libérées sous caution après une âpre bataille judiciaire. » Bolloré menace de poursuivre en justice pour diffamation The Oakland Institute, qui a publié un rapport en 2012 sur le sujet pour alerter l’opinion publique internationale.

      Au Libéria, le groupe Bolloré possède la plus grande plantation d’hévéas du pays, via une filiale, la Liberia Agricultural Company (LAC). En mai 2006, la mission des Nations Unies au Libéria (Minul) publiait un rapport décrivant les conditions catastrophiques des droits humains sur la plantation : travail d’enfants de moins de 14 ans, utilisation de produits cancérigènes, interdiction des syndicats, licenciements arbitraires, maintien de l’ordre par des milices privées, expulsion de 75 villages…. La LAC a qualifié les conclusions de la Minul « de fabrications pures et simples » et « d’exagérations excessives ». Ambiance... Plusieurs années après le rapport des Nations Unies, aucune mesure n’a été prise par l’entreprise ou le gouvernement pour répondre aux accusations.

      Une coopératives agricole qui méprise ses salariés

      Autre continent, mêmes critiques. Au Cambodge, la Socfinasia, société de droit luxembourgeois détenue notamment par le groupe Bolloré a conclu en 2007 un joint-venture qui gère deux concessions de plus de 7 000 hectares dans la région de Mondulkiri. La Fédération internationale des Droits de l’homme (FIDH) a publié en 2010 un rapport dénonçant les pratiques de la société Socfin-KCD. « Le gouvernement a adopté un décret spécial permettant l’établissement d’une concession dans une zone anciennement protégée, accuse la FIDH. Cette situation, en plus d’autres violations documentées du droit national et des contrats d’investissement, met en cause la légalité des concessions et témoigne de l’absence de transparence entourant le processus d’approbation de celles-ci. » Suite à la publication de ce rapport, la Socfin a menacé l’ONG de poursuites pour calomnie et diffamation.

      Du côté des industries du sucre, la situation n’est pas meilleure. Depuis 2007, le géant français du sucre et d’éthanol, la coopérative agricole Tereos, contrôle une société mozambicaine [8]. Tereos exploite la sucrerie de Sena et possède un bail de 50 ans (renouvelable) sur 98 000 hectares au Mozambique. Le contrat passé avec le gouvernement prévoit une réduction de 80% de l’impôt sur le revenu et l’exemption de toute taxe sur la distribution des dividendes. Résultat : Tereos International réalise un profit net de 194 millions d’euros en 2010, dont 27,5 millions d’euros ont été rapatriés en France sous forme de dividendes. « De quoi mettre du beurre dans les épinards des 12 000 coopérateurs français de Tereos », ironise le journaliste Fabrice Nicolino. Soit un dividende de 2 600 euros par agriculteur français membre de la coopérative. Pendant ce temps, au Mozambique, grèves et manifestations se sont succédé dans la sucrerie de Sena : bas salaires (48,4 euros/mois), absence d’équipements de protection pour les saisonniers, nappe phréatique polluée aux pesticides... Ce doit être l’esprit coopératif [9].

      Fermes et fazendas, nouvelles cibles de la spéculation

      Connues ou non, on ne compte plus les entreprises et les fonds d’investissement français qui misent sur les terres agricoles. Bonduelle, leader des légumes en conserve et congelés, possède deux fermes de 3 000 hectares en Russie où il cultive haricots, maïs et pois. La célèbre marque cherche à acquérir une nouvelle exploitation de 6 000 ha dans le pays. Fondée en 2007 par Jean-Claude Sabin, ancien président de la pieuvre Sofiproteol (aujourd’hui dirigée par Xavier Beulin président de la FNSEA), Agro-énergie Développement (AgroEd) investit dans la production d’agrocarburants et d’aliments dans les pays en développement. La société appartient à 51% au groupe d’investissement LMBO, dont l’ancien ministre de la Défense, Charles Millon, fut l’un des directeurs. Les acquisitions de terres agricoles d’AgroEd en Afrique de l’Ouest sont principalement destinées à la culture du jatropha, transformé ensuite en agrocarburants ou en huiles pour produits industriels. Mais impossible d’obtenir plus de précisions. Les sites internet de LMBO et AgroED sont plus que discrets sur le sujet. Selon une note de l’OCDE, AgroEd aurait signé un accord avec le gouvernement burkinabé concernant 200 000 hectares de Jatropha, en 2007, et négocient avec les gouvernements du Bénin, de Guinée et du Mali.

      « Compte tenu de l’endettement massif des États et des politiques monétaires très accommodantes, dans une optique de protection contre l’inflation, nous recommandons à nos clients d’investir dans des actifs réels et notamment dans les terres agricoles de pays sûrs, disposant de bonnes infrastructures, comme l’Argentine », confie au Figaro Franck Noël-Vandenberghe, le fondateur de Massena Partners. Ce gestionnaire de fortune français a crée le fond luxembourgeois Terra Magna Capital, qui a investi en 2011 dans quinze fermes en Argentine, au Brésil, au Paraguay et en Uruguay. Superficie totale : 70 500 hectares, trois fois le Val-de-Marne ! [10]

      Le maïs aussi rentable que l’or

      Conséquence de ce vaste accaparement : le remplacement de l’agriculture vivrière par la culture d’agrocarburants, et la spéculation financière sur les terres agricoles. Le maïs a offert, à égalité avec l’or, le meilleur rendement des actifs financiers sur ces cinq dernières années, pointe une étude de la Deutsche Bank. En juin et juillet 2012, les prix des céréales se sont envolés : +50 % pour le blé, +45% pour le maïs, +30 % pour le soja, qui a augmenté de 60 % depuis fin 2011 ! Les prix alimentaires devraient « rester élevés et volatils sur le long terme », prévoit la Banque mondiale. Pendant ce temps, plus d’un milliard d’individus souffrent de la faim. Non pas à cause d’une pénurie d’aliments mais faute d’argent pour les acheter.

      Qu’importe ! Au nom du développement, l’accaparement des terres continuent à être encouragé – et financé ! – par les institutions internationales. Suite aux famines et aux émeutes de la faim en 2008, la Banque mondiale a créé un « Programme d’intervention en réponse à la crise alimentaire mondiale » (GFRP). Avec plus de 9 milliards de dollars en 2012, son fonds de « soutien » au secteur agricole a plus que doublé en quatre ans. Via sa Société financière internationale (SFI), l’argent est distribué aux acteurs privés dans le cadre de programme aux noms prometteurs : « Access to land » (accès à la terre) ou « Land market for investment » (marché foncier pour l’investissement).

      Des placements financiers garantis par la Banque mondiale

      Les deux organismes de la Banque mondiale, SFI et FIAS (Service Conseil pour l’Investissement Étranger) facilitent également les acquisitions en contribuant aux grandes réformes législatives permettant aux investisseurs privés de s’installer au Sierra Leone, au Rwanda, au Liberia ou au Burkina Faso… Quels que soient les continents, « la Banque mondiale garantit nos actifs par rapport au risque politique », explique ainsi l’homme d’affaire états-unien Neil Crowder à la BBC en mars 2012, qui rachète des petites fermes en Bulgarie pour constituer une grosse exploitation. « Notre assurance contre les risques politiques nous protège contre les troubles civils ou une impossibilité d’utiliser nos actifs pour une quelconque raison ou en cas d’expropriation. »

      Participation au capital des fonds qui accaparent des terres, conseils et assistances techniques aux multinationales pour améliorer le climat d’investissement des marchés étrangers, négociations d’accords bilatéraux qui créent un environnement favorable aux transactions foncières : la Banque mondiale et d’autres institutions publiques – y compris l’Agence française du développement – favorisent de fait « la concentration du pouvoir des grandes firmes au sein du système agroalimentaire, (...) la marchandisation de la terre et du travail et la suppression des interventions publiques telles que le contrôle des prix ou les subventions aux petits exploitants », analyse Elisa Da Via, sociologue du développement [11].

      Oxfam réclame de la Banque mondiale « un gel pour six mois de ses investissements dans des terres agricoles » des pays en développement, le temps d’adopter « des mesures d’encadrement plus rigoureuses pour prévenir l’accaparement des terres ». Que pense en France le ministère de l’Agriculture de ces pratiques ? Il a présenté en septembre un plan d’action face à la hausse du prix des céréales. Ses axes prioritaires : l’arrêt provisoire du développement des agrocarburants et la mobilisation du G20 pour « assurer une bonne coordination des politiques des grands acteurs des marchés agricoles » Des annonces bien vagues face à l’ampleur des enjeux : qui sont ces « grands acteurs des marchés agricoles » ? S’agit-il d’aider les populations rurales des pays pauvres à produire leurs propres moyens de subsistance ou de favoriser les investissements de l’agrobusiness et des fonds spéculatifs sous couvert de politique de développement et de lutte contre la malnutrition ? Les dirigeants français préfèrent regarder ailleurs, et stigmatiser l’immigration.

      Nadia Djabali, avec Agnès Rousseaux et Ivan du Roy

      Photos : © Eric Garault
      P.-S.

      – L’ONG Grain a publié en mars 2012 un tableau des investisseurs

      – La rapport d’Oxfam, « Notre terre, notre vie » - Halte à la ruée mondiale sur les terres, octobre 2012

      – Le rapport des Amis de la Terre Europe (en anglais), janvier 2012 : How European banks, pension funds and insurance companies are increasing global hunger and poverty by speculating on food prices and financing land grabs in poorer countries.

      – Un observatoire de l’accaparement des terres

      – A lire : Emprise et empreinte de l’agrobusiness, aux Editions Syllepse.
      Notes

      [1] « En octobre 2009, LDC Bioenergia de Louis Dreyfus Commodities a fusionné avec Santelisa Vale, un important producteur de canne à sucre brésilien, pour former LDC-SEV, dont Louis Dreyfus détient 60% », indique l’ONG Grain.

      [2] Le groupe Louis Dreyfus ne publie pas de résultats détaillés. Il aurait réalisé en 2010 un chiffre d’affaires de 56 milliards d’euros, selon L’Agefi, pour un bénéfice net de 590 millions d’euros. La fortune de Margarita Louis Dreyfus, présidente de la holding, et de ses trois enfants, a été évaluée par le journal Challenges à 6,6 milliards d’euros.

      [3] Dans Le Nouvel Observateur.

      [4] L’ONG Oxfam a publié en août 2012 un rapport (en anglais) décrivant le rôle des ABCD.

      [5] Selon Oxfam, au cours des dix dernières années, une surface équivalente à huit fois la superficie du Royaume-Uni a été vendue à l’échelle mondiale. Ces terres pourraient permettre de subvenir aux besoins alimentaires d’un milliard de personnes.

      [6] D’après les ONG Global Witness, Save My Future Foundation (SAMFU) et Sustainable Development Institute (SDI).

      [7] Source : Rapport des Amis de la Terre Europe.

      [8] Sena Holdings Ltd, via sa filiale brésilienne Açúcar Guaraní.

      [9] Une autre coopérative agricole, Vivescia (Ex-Champagne Céréales), spécialisée dans les céréales, investit en Ukraine aux côtés Charles Beigbeder, fondateur de Poweo (via un fonds commun, AgroGeneration). Ils y disposent de 50 000 hectares de terres agricoles en location.

      [10] La liste des entreprises françaises dans l’accaparement des terres n’est pas exhaustive : Sucres & Denrée (Sucden) dans les régions russes de Krasnodar, Campos Orientales en Argentine et en Uruguay, Sosucam au Cameroun, la Compagnie Fruitière qui cultive bananes et ananas au Ghana…

      [11] Emprise et empreinte de l’agrobusiness, aux Editions Syllepse.


      https://www.bastamag.net/Bollore-Credit-agricole-Louis
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    • Crime environnemental : sur la piste de l’huile de palme

      L’huile de palme est massivement importée en Europe. Elle sert à la composition d’aliments comme aux agrocarburants. Avec le soutien de la région Languedoc-Roussillon, une nouvelle raffinerie devrait voir le jour à Port-la-Nouvelle, dans l’Aude. À l’autre bout de la filière, en Afrique de l’Ouest, l’accaparement de terres par des multinationales, avec l’expropriation des populations, bat son plein. Basta ! a remonté la piste du business de l’huile de palme jusqu’au #Liberia. Enquête.

      Quel est le point commun entre un résident de Port-la-Nouvelle, petite ville méditerranéenne à proximité de Narbonne (Aude), et un villageois du comté de Grand Cape Mount, au Liberia ? Réponse : une matière première très controversée, l’huile de palme, et une multinationale malaisienne, #Sime_Darby. D’un côté, des habitants de Port-la-Nouvelle voient d’un mauvais œil la création d’« une usine clés en main de fabrication d’huile de palme » par Sime Darby, en partie financée par le conseil régional du Languedoc-Roussillon. À 6 000 km de là, les paysans libériens s’inquiètent d’une immense opération d’accaparement des terres orchestrée par le conglomérat malaisien, en vue d’exploiter l’huile de palme et de l’exporter vers l’Europe, jusqu’à Port-la-Nouvelle en l’occurrence. Un accaparement de terres qui pourrait déboucher sur des déplacements forcés de population et mettre en danger leur agriculture de subsistance.

      Le petit port de l’Aude devrait donc accueillir une raffinerie d’huile de palme. Deux compagnies, la néerlandaise #Vopak et le malaisien #Unimills – filiale du groupe Sime Darby – sont sur les rangs, prêtes à investir 120 millions d’euros, venant s’ajouter aux 170 millions d’euros du conseil régional. La Région promet la création de 200 emplois, quand Sime Darby en annonce 50 pour cette usine qui prévoit d’importer 2 millions de tonnes d’huile de palme par an [1].

      Du Languedoc-Roussillon au Liberia

      Une perspective loin de réjouir plusieurs habitants réunis au sein du collectif No Palme [2]. Ces riverains d’une zone Seveso ont toujours en tête l’importante explosion de juillet 2010 dans la zone portuaire, après qu’un camion transportant du GPL se soit renversé. « La population n’a jamais été consultée ni informée de ce projet de raffinerie, relève Pascal Pavie, de la fédération Nature et Progrès. Ces installations présentent pourtant un risque industriel surajouté. » Le mélange du nitrate d’ammonium – 1 500 tonnes acheminées chaque mois à Port-la-Nouvelle – avec de l’huile végétale constituerait un explosif cocktail. Avec les allers et venues de 350 camions supplémentaires par jour. Cerise sur le gâteau, l’extension du port empièterait sur une zone côtière riche en biodiversité. « Notre collectif s’est immédiatement intéressé au versant international et européen de ce projet », explique Pascal.

      L’opérateur du projet, Sime Darby, est un immense conglomérat malaisien, se présentant comme « le plus grand producteur mondial d’huile de palme ». Présent dans 21 pays, il compte plus de 740 000 hectares de plantations, dont plus d’un tiers au Liberia. Et c’est là que remonte la piste de l’huile que l’usine devra raffiner.

      De Monrovia, la capitale, elle mène à Medina, une ville de Grand Cape Mount. D’immenses panneaux de Sime Darby promettent « un avenir durable ». Scrupuleusement gardés par des forces de sécurité privées recrutées par la compagnie, quelques bâtiments en béton émergent au milieu des pépinières d’huile de palme. C’est là que les futurs employés pourront venir vivre avec leurs familles. 57 « villages de travail » seront construits d’ici à 2025, promet la firme. Mais quid des habitants qui ne travailleront pas dans les plantations ? L’ombre d’un déplacement forcé de populations plane. « Quand Sime Darby a commencé à s’installer, ils ont dit qu’ils nous fourniraient des centres médicaux, des écoles, du logement… Mais nous n’avons rien vu, se désole Radisson, un jeune habitant de Medina qui a travaillé pour l’entreprise. Comment pourraient-ils nous déplacer alors qu’aucune infrastructure n’est prévue pour nous accueillir ? »

      Agriculture familiale menacée

      Le village de Kon Town est désormais entouré par les plantations. Seuls 150 mètres séparent les maisons des pépinières d’huile de palme. « Le gouvernement a accordé des zones de concession à la compagnie sans se rendre sur le terrain pour faire la démarcation », déplore Jonathan Yiah, des Amis de la Terre Liberia. Un accaparement qui priverait les habitants des terres cultivables nécessaires à leur subsistance. Les taux d’indemnisation pour la perte de terres et de cultures sont également sous-évalués. « Comment vais-je payer les frais scolaires de mes enfants maintenant ? », s’insurge une habitante qui ne reçoit qu’un seul sac de riz pour une terre qui, auparavant, donnait du manioc, de l’ananas et du gombo à foison.

      La compagnie Sime Darby se défend de vouloir déplacer les communautés. Pourtant, un extrait de l’étude d’impact environnemental, financée par la compagnie elle-même, mentionne clairement la possibilité de réinstallation de communautés, si ces dernières « entravent le développement de la plantation » [3]. Du côté des autorités, on dément. Cecil T.O. Brandy, de la Commission foncière du Liberia, assure que le gouvernement fait tout pour « minimiser et décourager tout déplacement. Si la compagnie peut réhabiliter ou restaurer certaines zones, ce sera préférable ». Faux, rétorque les Amis de la Terre Liberia. « En laissant une ville au milieu d’une zone de plantations, et seulement 150 mètres autour pour cultiver, plutôt que de leur dire de quitter cette terre, on sait que les habitants finiront par le faire volontairement », dénonce James Otto, de l’ONG. Pour les 10 000 hectares déjà défrichés, l’association estime que 15 000 personnes sont d’ores et déjà affectées.

      Des emplois pas vraiment durables

      L’emploi créé sera-t-il en mesure de compenser le désastre environnemental généré par l’expansion des monocultures ? C’est ce qu’espère une partie de la population du comté de Grand Cape Mount, fortement touchée par le chômage. Sime Darby déclare avoir déjà embauché plus de 2 600 travailleurs permanents, auxquels s’ajouteraient 500 travailleurs journaliers. Quand l’ensemble des plantations seront opérationnelles, « Sime Darby aura créé au moins 35 000 emplois », promet la firme. Augustine, un jeune de Kon Town, y travaille depuis deux ans. D’abord sous-traitant, il a fini par être embauché par la compagnie et a vu son salaire grimper de 3 à 5 dollars US pour huit heures de travail par jour. Tout le monde ne semble pas avoir cette « chance » : 90 % du personnel de l’entreprise disposent de contrats à durée déterminée – trois mois en général – et sous-payés ! Les chiffres varient selon les témoignages, de 50 cents à 3 dollars US par jour, en fonction de la récolte réalisée. « Dans quelle mesure ces emplois sont-ils durables ?, interroge Jonathan, des Amis de la Terre Liberia. Une fois que les arbres seront plantés et qu’ils commenceront à pousser, combien d’emplois l’entreprise pourra-t-elle maintenir ? »

      L’opacité entourant le contrat liant le gouvernement à Sime Darby renforce les tensions [4]. Malgré l’adoption d’une loi sur les droits des communautés, les communautés locales n’ont pas été informées, encore moins consultées. « Sime Darby s’est entretenu uniquement avec les chefs des communautés, raconte Jonathan Yiah. Or, la communauté est une unité diversifiée qui rassemble aussi des femmes, des jeunes, qui ont été écartés du processus de consultation. »

      Contrat totalement opaque

      Même de nombreux représentants d’agences gouvernementales ou de ministères ignorent tout du contenu du contrat, certains nous demandant même de leur procurer une copie. C’est ainsi que notre interlocuteur au ministère des Affaires intérieures a découvert qu’une partie du contrat portait sur le marché des crédits carbone. Des subventions qui iront directement dans la poche de la multinationale, comme le mentionne cet extrait en page 52 du contrat : « Le gouvernement inconditionnellement et irrévocablement (...) renonce, en faveur de l’investisseur, à tout droit ou revendication sur les droits du carbone. »

      « C’est à se demander si les investisseurs son vraiment intéressés par l’huile de palme ou par les crédits carbone », ironise Alfred Brownell, de l’ONG Green Advocates. « Nous disons aux communautés que ce n’est pas seulement leurs terres qui leur sont enlevées, ce sont aussi les bénéfices qui en sont issus », explique Jonathan Yiah.

      La forêt primaire remplacée par l’huile de palme ?

      Les convoitises de la multinationale s’étendent bien au-delà. Le militant écologiste organise depuis des mois des réunions publiques avec les habitants du comté de Gbarpolu, plus au nord. Cette région abrite une grande partie de la forêt primaire de Haute-Guinée. Sime Darby y a obtenu une concession de 159 827 hectares… Du contrat, les habitants ne savaient rien, jusqu’à ce que les Amis de la Terre Liberia viennent le leur présenter. La question de la propriété foncière revient sans cesse. « Comment le gouvernement peut-il céder nos terres à une compagnie alors même que nous détenons des titres de propriété ? », interrogent-ils. La crainte relative à la perte de leurs forêts, de leurs terres agricoles, d’un sol riche en or et en diamants s’installe.

      Lors d’une réunion, au moment où James énonce la durée du contrat, 63 ans – reconductible 30 ans ! –, c’est la colère qui prend le pas. « Que deviendront mes enfants au terme de ces 63 années de contrat avec Sime Darby ? », se désespère Kollie, qui a toujours vécu de l’agriculture, comme 70 % de la population active du pays. Parmi les personnes présentes, certaines, au contraire, voient dans la venue de Sime Darby la promesse d’investissements dans des hôpitaux, des écoles, des routes, mais aussi dans de nouveaux systèmes d’assainissement en eau potable. Et, déjà, la peur de nouveaux conflits germent. « Nous ne voulons de personne ici qui ramène du conflit parmi nous », lance Frederick. Les plaies des deux guerres civiles successives (1989-1996, puis 2001-2003) sont encore ouvertes. Près d’un million de personnes, soit un Libérien sur trois, avaient alors fui vers les pays voisins.

      Mea culpa gouvernemental

      « En signant une série de contrats à long terme accordant des centaines de milliers d’hectares à des conglomérats étrangers, le gouvernement voulait relancer l’économie et l’emploi, analyse James, des Amis de la Terre Liberia. Mais il n’a pas vu toutes les implications ». D’après un rapport de janvier 2012 réalisé par le Centre international de résolution des conflits, près de 40 % de la population libérienne vivraient à l’intérieur de concessions privées ! Aux côtés de Sime Darby, deux autres compagnies, la britannique Equatorial Palm Oil et l’indonésienne Golden Veroleum, ont acquis respectivement 169 000 et 240 000 hectares pour planter de l’huile de palme.

      Dans le comté de Grand Cape Mount, en décembre 2011, des habitants se sont saisis des clés des bulldozers de Sime Darby afin d’empêcher la poursuite de l’expansion des plantations et d’exiger des négociations. Une équipe interministérielle a depuis été mise en place, où siègent des citoyens du comté. « Oui, il y a eu des erreurs dans l’accord », reconnait-on à la Commission foncière. « Nous essayons de trouver des solutions pour que chacun en sorte gagnant », renchérit-on au ministère des Affaires intérieures. Difficile à croire pour les habitants du comté, qui n’ont rien vu, jusque-là, des grandes promesses philanthropes de Sime Darby.

      De l’huile de palme dans les agrocarburants

      Et si le changement venait des pays où l’on consomme de l’huile de palme ? Retour dans l’Aude, au pied du massif des Corbières. En décembre 2011, Sime Darby a annoncé geler pour un an son projet d’implantation de raffinerie à Port-la-Nouvelle. Les prévisions de commandes d’huile de palme sont en baisse, alors que le coût de l’usine grimpe. L’huile de palme commence à souffrir de sa mauvaise réputation, alimentaire et environnementale. De nombreuses marques l’ont retirée de la composition de leurs produits. L’huile de palme contribuerait à la malbouffe. Une fois solidifiée par injection d’hydrogène, elle regorge d’acides gras qui s’attaquent aux artères : un cauchemar pour les nutritionnistes. Dans les enseignes bios, elle commence également à être pointée du doigt comme l’une des causes de la déforestation, en Indonésie, en Afrique ou en Amérique latine. Pourtant, bien que la grande distribution réduise son besoin en huile de palme, cette dernière demeure aujourd’hui, et de loin, la première huile végétale importée en Europe. Merci les agrocarburants…

      « La consommation moyenne d’un Européen est d’environ 12 litres/an d’huile de palme, ce qui représente un accaparement d’environ 25 m2 de plantation de palmiers à huile dans un autre pays », souligne Sylvain Angerand, des Amis de la Terre France. « Relocaliser l’économie, développer les transports en commun, lutter contre l’étalement urbain seraient autant de mesures structurelles permettant de réduire notre consommation de carburant », propose l’écologiste. Réduire nos besoins ici, en Europe, pourrait diminuer partiellement l’accaparement des terres dans le Sud. À Port-la-Nouvelle, le collectif No Palme planche déjà sur des plans de développement alternatif pour le port. Avec en tête, les témoignages de leurs compères libériens.

      https://www.bastamag.net/Crime-environnemental-sur-la-piste

  • Un rapport de 2012 de #Oxfam sur les #céréales mais qui peut toujours être utile...

    CEREAL SECRETS The world’s largest grain traders and global #agriculture

    The world’s largest commodity traders have a significant impact on the modern agri-food system. #Archer_Daniels_Midland (#ADM), #Bunge, #Cargill and #Louis_Dreyfus, are dominant traders of grain globally and central to the food system, but their role is poorly understood.


    https://www.oxfam.org/en/research/cereal-secrets-worlds-largest-grain-traders-and-global-agriculture
    #matières_premières #industrie_agro-alimentaire #multinationales #globalisation #mondialisation

    Lien vers le rapport :
    https://www.oxfam.org/sites/www.oxfam.org/files/rr-cereal-secrets-grain-traders-agriculture-30082012-en.pdf

    #ABCD #sécurité_alimentaire #alimentation #prix