De la sorte, la CEDH rappelle incidemment que le magistrat du ministère public ne remplit pas, « au regard de l’article 5, § 3, de la Convention, les garanties d’indépendance exigées par la jurisprudence pour être qualifié, au sens de cette disposition, de ‟juge ou […] autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires” » (V. CEDH, 23 nov. 2010, Moulin c. France, req. n° 37104/06, AJDA 2011. 889, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2011. 338, obs. S. Lavric , note J. Pradel ; ibid. 2010. 2761, édito. F. Rome ; ibid. 2011. 26, point de vue F. Fourment ; ibid. 277, note J.-F. Renucci ; RFDA 2011. 987, chron. H. Labayle et F. Sudre ; RSC 2011. 208, obs. D. Roets ; Gaz. Pal. 8-9 déc. 2010, p. 6, note O. Bachelet). Elle précise, toutefois, que « l’intervention d’un membre du ministère public au début et pendant le déroulement de la garde à vue ne soulève pas, en soi, de difficulté, pourvu que la personne gardée à vue soit ensuite présentée à un ‟juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires” dans un délai conforme aux exigences de l’article 5, § 3 ». Ceci peut donc laisser penser que le contrôle exercé par le parquet lors des quarante-huit premières heures de garde à vue est conforme aux exigences conventionnelles.
Néanmoins, la Cour ajoute que « sa jurisprudence relative à des délais de deux ou trois jours, pour lesquels elle a pu juger que l’absence de comparution devant un juge n’était pas contraire à l’exigence de promptitude [V. par ex. CEDH, gde ch., 29 avr. 1999, Aquilina c. Malte, req. n° 25642/94] n’a pas pour finalité de permettre aux autorités d’approfondir leur enquête » et qu’il ne saurait en être déduit « une quelconque volonté de mettre à la disposition des autorités internes un délai dont elles auraient la libre jouissance pour compléter le dossier de l’accusation : en effet, le but poursuivi par l’article 5, § 3, de la Convention est de permettre de détecter tout mauvais traitement et de réduire au minimum toute atteinte injustifiée à la liberté individuelle afin de protéger l’individu, par un contrôle automatique initial, et ce dans une stricte limite de temps qui ne laisse guère de souplesse dans l’interprétation ».
Certes, ces dernières affirmations doivent être placées dans le contexte d’une garde à vue ayant été décidée à la suite d’une privation de liberté de dix-huit jours. Pour autant, la généralité des termes employés par les juges européens fragilisent le maintien, décidé par la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 (Dalloz actualité, 15 avr. 2011, obs. E. Allain ), du contrôle exercé par le procureur de la République sur les quarante-huit premières de garde à vue, celle-ci étant principalement conçue comme un acte d’investigation (V. Crim. 11 juill. 1994, n° 94-82.220, Bull. crim. n° 273 ; D. 1995. 141 , obs. J. Pradel ) destiné à favoriser la manifestation de la vérité (C. pr. pén., art. 62-2).