city:bonnaud

  • LETTRE OUVERTE À HUGUES JALLON, PRÉSIDENT DES EDITIONS DU SEUIL, À PROPOS DE CESARE BATTISTI
    Serge #Quadruppani
    paru dans lundimatin#185

    ... je suis sûr que je ne t’apprendrai rien, cher Hugues, en rappelant que la défense de #Battisti et de tous les exilés menacés d’#extradition (à propos, on compte toujours sur toi pour signer en faveur de ceux qui pourraient être menacés aujourd’hui), entrait et entre toujours dans une bataille contre le #révisionnisme historique dominant en Italie, qui refuse d’admettre que dans les années 60-70, une partie minoritaire mais conséquente de la population de la péninsule est entrée en sécession contre la vieille société. Pour ces centaines de milliers, ces millions d’ouvriers, étudiants, paysans, habitants de quartiers populaires, femmes et homosexuels en lutte, le fait qu’on veuille s’en prendre physiquement à des gros commerçants qui jouaient au shérif en tirant sur des petits voyous braqueurs et qui s’en vantaient, ou à des matons tortionnaires, n’était discutable que d’un point de vue stratégique, pas éthique. Il faut dire que ces Italiens-là savaient que les auteurs des attentats massacres, les penseurs de la #stratégie_de_la_tension, les assassins d’ouvriers dans les usines, de paysans dans les champs et de détenus dans les prisons, étaient à chercher du côté de l’Etat et de ses forces de l’ordre. Faire porter le chapeau d’une violence sociale généralisée à Battisti et à quelques centaines d’individus ensevelis sous les peines de prison et contraints souvent à des rétractations honteuses, est le tour de passe-passe auquel l’#Italie officielle, celle du PC et de la démocratie chrétienne regroupés aujourd’hui dans le PD ont réussi jusqu’ici, y compris à présent avec l’appui des fascistes de la #Ligue et des sinistres bouffons xénophobes #5_étoiles. Le Seuil n’était pas obligé d’apporter sa caution de vieille maison d’édition à cette vérité officielle-là.

    #innocentisme #édition #gauche #strage_di_stato #prison #isolement #écriture #littérature

    https://lundi.am/Lettre-ouverte-a-Hugues-Jallon-President-des-Editions-du-Seuil-a-propos-de

    • Note d’Irène Bonnaud sur FB sur l’écriture, "ceux qui ont la culture" (et ceux qui "ne l’ont pas"), en complément au texte de Serge Quadruppani : "Merci à Serge Quadruppani qui dit ici l’essentiel. J’ajouterais que la prison coûte cher (cantiner, faire venir la famille au fin fond de la Sardaigne, payer les avocats, etc), et qu’un écrivain enfermé dans des conditions carcérales pareilles (isolement, surveillance visuelle 24h/24), sous le feu d’une campagne de propagande massive, quel recours a-t-il sinon écrire et publier pour faire entendre sa voix ? Dans ce contexte, on peut trouver la décision du Seuil encore un peu plus infâme. "L’heure pour Cesare Battisti n’est pas à la littérature" : mais quelle dose de stupidité peut-on avoir dans la cervelle pour prononcer cette phrase ? À moins que cela ne fasse au fond partie du problème.

      Car cette focalisation délirante des autorités italiennes sur le cas Battisti, alors qu’il n’était qu’un parmi des milliers dans les années 70, et qu’un parmi des dizaines d’autres réfugiés en France, est liée à son refus des deux attitudes qu’on lui offrait : se taire, et accepter d’être objet silencieux du discours des autres, tant la production culturelle sur les « années de plomb » était florissante à l’orée des années 2000, ou se repentir, expier en public les erreurs passées, endosser le rôle d’épouvantail aux oiseaux et d’organisateur de l’autocritique des autres, repenti perpétuel et juge du repentir d’autrui, bref servir l’ordre social existant.

      Ce refus était un scandale, et la provocation immense, d’être devenu écrivain sans y avoir été convié. Pour l’Etat italien, il devenait alors urgent de le remettre à sa place, que tout le monde oublie ses livres et qu’il ne soit plus que « le terroriste », « l’assassin », ou au mieux « l’ex terroriste », « l’ex militant d’extrême-gauche », etc. La négation de Cesare Battisti comme écrivain, le fait que ses livres depuis 2002, et les meilleurs et parmi les plus nettement autobiographiques, Cargo Sentimental, Face au mur, ne soient pas publiés en Italie, n’est pas un hasard d’édition. Sans cesse les articles de presse haineux au Brésil comme en Italie insistaient sur le même thème : ce type est mégalomane, il fait le malin, il crâne, il nous nargue, il fanfaronne, il se prétend écrivain, il "joue à l’écrivain" - sous-entendu : il n’est pas un vrai écrivain, sérieux, respectable, bourgeois, c’est un voyou mal élevé et, comme on dirait dans un mauvais polar, « on va lui montrer où est sa place ». Cesare Battisti a le malheur de ne pas être issu de la bourgeoisie intellectuelle. Fils de paysans pauvres, il fait décidément mauvais genre, ragazzo di vita à la Pasolini, squatteur, chômeur, autodidacte, pas idéologue ni théoricien pour un sou, bref pas sérieux, pas présentable.

      Et comment accepter que ces « années de plomb » dont il paraît si important de faire une décennie de tragédies et de désolation aient pu transformer un enfant de prolo en écrivain ? Ce serait laisser voir qu’elles ont été aussi, pour des dizaines de milliers de jeunes gens, un chemin d’émancipation, un air de liberté. Refuser d’aller travailler aux champs ou à l’usine, rompre avec un Parti Communiste qui chantait la dignité du travail et s’alliait avec la droite réactionnaire la plus corrompue, quitter sa famille, son lycée, vivre dans des squats, braquer des magasins pour « se réapproprier les richesses », mais surtout pour refuser l’obéissance aux contremaîtres, aux patrons, aux syndicats - toute cette politique au jour le jour qui a marqué la décennie de l’après 68 et qui a été une formidable source de créativité et de culture, en Italie plus que partout ailleurs dans le monde, est la matrice des romans de Cesare Battisti, leur sujet parfois, mais surtout ce qui les a rendus possibles.

      "J’ai toujours cru que je n’avais pas le droit d’écrire. Je n’en ai pris conscience qu’après février 2004, dans cette situation extrême. Mon arrestation et toutes les infamies qui s’ensuivirent m’avaient rejeté trente-cinq ans en arrière. A l’époque où mon père, qui n’avait jamais terminé l’école primaire, me disait : « On n’écrit que lorsqu’on a une chose importante à dire, et pas n’importe comment. On peut faire beaucoup de dégâts avec un écrit. Il faut laisser cela à ceux qui ont la culture et les responsabilités." (Cesare Battisti, Ma Cavale)

      Du stalinisme paternel à cette décision du Seuil aujourd’hui, on peut dire qu’il y a une certaine continuité, une façon de dire aux "classes dangereuses" et autres subalternes : "la littérature ne vous appartient pas, la littérature est l’affaire des gens respectables, la littérature est notre affaire". Inutile de dire que c’est tout l’inverse, et que ces gens du Seuil viennent de prouver qu’ils ne comprennent, mais alors rien à la littérature."

    • Selon son avocat, Davide Steccanella, les aveux de Cesare Battisti sont avant tout motivés par sa volonté de soulager sa conscience : « Pendant quarante ans, il a été décrit, en Italie, comme le pire des monstres. Avec ce geste, il veut se réapproprier son histoire. » Agé de 64 ans et sans perspective autre que celle de « pourrir en prison » – selon la promesse faite par Matteo Salvini le jour de son retour en Italie –, l’ancien fugitif n’a en effet plus rien à perdre, et pas grand-chose à gagner.

      La demande, présentée par son avocat, de considérer comme prescrite sa condamnation à six mois d’isolement a été rejetée par la justice italienne. Depuis janvier, l’ancien activiste est emprisonné à Oristano, dans une des prisons les plus difficiles du pays, dans une cellule de 3 mètres par 3, où il fait l’objet d’un traitement « sur mesure », surveillé 24 heures sur 24 par les gardiens, il n’a pas grand-chose de plus à espérer qu’un geste de clémence.

      Pour l’ancien membre des Brigades rouges Enrico Porsia (dont la condamnation à quatorze années de prison est prescrite depuis 2013), qui a bien connu Battisti lors de ses années parisiennes, l’ancien membre des PAC a surtout cédé à la pression à laquelle il est soumis depuis son retour en Italie : « Il a été exhibé lors de son arrestation, il est enfermé dans un “aquarium” et soumis à un traitement inhumain, très proche du “41 bis” réservé aux mafieux… En fait, avec ces aveux, l’Etat italien dit : il nous a suffi de trois mois pour le briser. »

      Jérôme Gautheret (Rome, correspondant)

      https://www.lemonde.fr/international/article/2019/03/25/italie-cesare-battisti-reconnait-sa-responsabilite-dans-quatre-meurtres_5441

    • L’AUTODAFÉ DE CESARE BATTISTI, Paolo Persichetti
      https://lundi.am/L-autodafe-de-Cesare-Battisti

      (...) Présentée comme un changement radical après sa libération en mars 2004, la décision soudaine et brutale de faire recours à la catégorie de l’innocence fut assumée dès le début aux dépens de ses compagnons de destin, comme pour souligner que la distance intervenue avec sa vieille communauté serait devenue une valeur ajoutée. Les autres réfugiés furent accusés de l’avoir mis sous pression, carrément bâillonné, le tout sans épargner les jugements dénigrants à l’égard des autres formations politiques armées des années 70 différentes de celles de son petit groupe d’appartenance. Tandis que ses vieux avocats et compagnons d’exil le mettaient en garde, devant le risque que représentait ce choix, en lui rappelant que la procédure d’extradition n’était pas une anticipation du jugement du procès, ni un dernier degré du procès, mais une instance juridique où les requêtes provenant d’Italie étaient évaluées en fonction de leur conformité aux normes internationales et internes, certains de ses soutiens laissaient entendre que la défense nécessaire n’avait pas été développée auparavant parce qu’elle aurait pu « nuire à la protection collective accordée sans distinction des actes commis », à la « petite communauté des réfugiés italiens, protégée pendant plus de 20 ans par la parole de la France » (Le Monde du 23 novembre 2004). En plus d’insinuer, devant l’opinion publique, que la communauté des exilés était une communauté de « coupables » qui empêchaient l’unique « innocent » de se défendre, on leur attribuait un rôle de censeurs jusqu’à dépeindre les exilés comme une bande de cyniques inquisiteurs qui lançaient des excommunications. (...)

      LES AVEUX

      Dans le système judiciaire italien, la notion de culpabilité a été renversée par l’imposant arsenal législatif des récompenses. Le discriminant essentiel est devenu de fait le comportement du prévenu, la démonstration de sa soumission, le degré de repentir ou de collaboration. A égalité de délit et de responsabilité pénale, sont rendus des jugements et des traitements pénitentiaires très différents. La logique des récompenses a modifié les frontières de la culpabilité et de l’innocence. On peut être coupable et récompensé, innocent et puni. Ce que l’on est compte plus que ce qui a été fait. Battisti, malheureusement, n’a pas eu la force de se battre contre cette situation.

  • Contre la saison France-Israël
    4 mai 2018 Par Les invités de Mediapart
    https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/040518/contre-la-saison-france-israel

    Dénonçant une opération où la Culture sert de « vitrine » à l’État d’Israël et à sa politique chaque jour plus dure envers les Palestiniens, 80 personnalités issues du monde des arts affirment leur refus de participer à la « Saison France-Israël » et expliquent les raisons de leur choix. Parmi eux : Alain Damasio, Annie Ernaux, Tardi, Nathalie Quintane ou Jean-Luc Godard.

    • Les signataires :
      Pierre Alferi, écrivain
      Guy Alloucherie, metteur en scène
      Valérie Belin, photographe
      Stéphane Bérard, plasticien
      Christian Benedetti, metteur en scène
      Arno Bertina, écrivain
      Julien Blaine, écrivain
      Simone Bitton, cinéaste
      Irène Bonnaud, metteure en scène et traductrice
      Catherine Boskowitz, metteure en scène
      Nicolas Bouchaud, comédien
      Alain Bublex, plasticien
      Robert Cantarella, metteur en scène
      Laurent Cauwet, écrivain
      Laurence Chable, comédienne
      Fanny de Chaillé, chorégraphe
      Patrick Condé, comédien
      Enzo Cormann, écrivain
      Stéphane Couturier, photographe
      Sylvain Creuzevault, auteur/metteur en scène
      Alain Damasio, écrivain
      Luc Delahaye, photographe
      Philippe Delaigue, metteur en scène
      Eva Doumbia, metteure en scène, auteure
      Valérie Dréville, comédienne
      Dominique Eddé, écrivaine
      Annie Ernaux, écrivaine
      Fantazio, musicien
      Sylvain George, cinéaste
      Liliane Giraudon, auteure
      Sylvie Glissant, Institut du tout monde
      Jean-Luc Godard, cinéaste
      Dominique Grange, chanteuse
      Harry Gruyaert, photographe
      Alain Guiraudie, cinéaste
      Eric Hazan, écrivain-éditeur
      Laurent Huon, comédien
      Imhotep, compositeur, groupe IAM
      Valérie Jouve, photographe
      Nicolas Klotz, cinéaste
      Leslie Kaplan, auteure
      Kadour (HK), chanteur
      La Parisienne Libérée, chanteuse
      Pierre-Yves Macé, compositeur
      Pierre Maillet, comédien et metteur en scène
      Jean-Paul Manganaro, écrivain et traducteur
      André Markowicz, écrivain, traducteur
      Myriam Marzouki, metteure en scène
      Maguy Marin, chorégraphe
      Jean-Charles Massera, artiste, écrivain
      Valérie Massadian, cinéaste
      Daniel Mermet, réalisateur
      Natacha Miche, auteure
      Alexandre Mouawad, éditeur-graphiste
      Nicolas Milhé, plasticien
      Jean-Pierre Moulin, comédien
      Gérard Mordillat, écrivain
      Bernard Noël, écrivain
      Vincent Ozanon, comédien
      Elisabeth Perceval, cinéaste
      Mathieu Pernot, photographe
      Ernest Pignon-Ernest, plasticien
      Christian Prigent, écrivain
      Amandine Pudlo, comédienne
      Nathalie Quintane, auteure
      Adelibe Rosenstein, metteuse en scène
      Mala Sandoz, metteuse en scène
      Eyal Sivan, cinéaste
      Samuel Steiner, écrivain
      Philippe Tancelin, poète
      François Tanguy, metteur en scène
      Tardi, dessinateur
      Serge Teyssot-Gay, musicien
      Mathilde Villeneuve, lab. Aubervilliers
      Martine Vandeville, comédienne
      Jean-Jacques Viton, écrivain
      Martin Winckler, écrivain (et médecin)
      Dominique Ziegler, auteur-metteur en scène

      #Palestine #BDS #Boycott_culturel

  • iReMMO - Institut de Recherche et d’Etudes sur la Méditerranée et le Moyen Orient
    http://www.iremmo.org/spip/spip.php?article653

    Journée de décryptage organisée en partenariat par l’iReMMO et La Cimade à Montpellier, 11 décembre 2015.

    Premier panel Introduction et perspectives historiques

    La paix impossible

    Henry Laurens, professeur au Collège de France - chaire "Histoire contemporaine du monde arabe" - et à l’INALCO - Institut national des langues et civilisations orientales

    Modératrice : Chloé Fraisse-Bonnaud, directrice adjointe de l’iReMMO

    Deuxième panel : Réalité d’une situation et perceptions

    Comment nommer les choses ? Le mur, clé de voute du système d’occupation israélien

    René Backmann, ancien rédacteur en chef du service étranger de l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur, aujourd’hui à Médiapart, auteur de l’ouvrage « Un Mur en Palestine ».

    Comment en est-on arrivé là ?

    Michel Warschawski, militant anticolonialiste israélien, président du Centre d’information alternative de Jérusalem

    Modérateur : Alain Bosc, membre de La Cimade

    Troisième panel : Perspectives – résilience- résistance

    La Palestine à la lumière des nouveaux développements internationaux

    Leïla Shahid, ancienne ambassadrice de Palestine de 1989 à 2015

    Les ilots de résistance en Israël et en Palestine

    Michel Warschawski, militant anticolonialiste israélien, président du Centre d’information alternative de Jérusalem

    Comment répondre au « Kairos » aujourd’hui ? Quelles formes de résilience et de résistance pour aboutir à une paix juste ?

    Nora Carmi, Coordinatrice de projets internationaux, Kairos Palestine

    L’accueil des réfugiés et des migrants : un véritable enjeu démocratique pour les associations israéliennes

    Geneviève Jacques, Présidente de La Cimade

    Modératrice : Chloé Fraisse-Bonnaud, directrice-adjointe de l’iReMMO

  • Irène Bonnaud
    https://www.facebook.com/irene.bonnaud

    La lutte anti-terroriste semble tourner au lynchage politique : le HDP est désormais dans le collimateur.

    Plusieurs déclarations publiques ces derniers jours signalaient une pression croissante sur le Parti démocratique des Peuples (HDP). Maintenant, la machine judiciaire est en marche : un procureur a indiqué ce mardi avoir ouvert une instruction pour établir d’éventuels liens entre ce parti et le PKK, considéré comme une organisation terroriste. La justice doit établir s’il y a dans les actions et les déclarations des responsables du HDP, de quoi constituer un crime d’appel à la violence, qui constituerait la base juridique pour engager une requête en interdiction du parti.

    Ce qui réserverait au HDP (13% des voix aux élections du 7 juin, 80 députés au Parlement) le même sort qu’une dizaine de formations pro-kurdes avant lui, au cours de ces 2 dernières décennies.

    Signe que le HDP n’est plus du tout en odeur de sainteté : quand son président Selahettin Demirtas s’est exprimé devant son groupe parlementaire, aucune des chaînes d’information qui relaient d’habitude ce genre d’intervention (hormis la petite télé kurde IMC) n’a retransmis son discours.

    Le Président Erdogan a lui-même demandé la levée de l’immunité parlementaire des députés du HDP qui auraient ‘‘des liens avec le terrorisme’’ pour ‘‘les juger’’, a-t-il dit. Tout indique, à l’approche de très probables élections anticipées, à l’automne, que les dirigeants turcs cherchent à éliminer toute opposition kurde du paysage politique (et toute opposition de gauche)

    #HDP #coup_d'état #Turquie #Kurdistan

  • Irène Bonnaud - L’intégralité de l’article du Monde sur Zoé...
    https://www.facebook.com/irene.bonnaud/posts/401796069995100

    L’incorruptible de la Vouli, figure de Syriza
    LE MONDE | 07.03.2015
    Par Adéa Guillot (Athènes, correspondance)

    La nuit est tombée depuis longtemps sur Athènes, ce mercredi 4 mars. Dans les couloirs déserts de la Vouli, le Parlement grec, le calme règne sauf dans l’antichambre du bureau de la présidente Zoé Konstantopoulou. Il est plus de 23 heures et plusieurs personnes attendent pour voir la jeune femme. « C’est comme cela tous les jours depuis sa prise de fonction le 6 février », explique une employée venue déposer plusieurs dossiers à traiter pour le lendemain. « La journée, elle enchaîne les rendez-­vous, mène les débats à la tribune puis le soir reçoit jusqu’à 2 ou 3 heures du matin. Cela fait plus de trente ans que je travaille ici, je n’ai jamais connu une telle force de travail », s’étonne cette fonctionnaire qui a pourtant vu défiler une petite dizaine de présidents.

    Zoé Konstantopoulou, députée du parti de la gauche radicale Syriza – qui a gagné les élections législatives du 25 janvier en Grèce –, a été triomphalement élue le 6 février présidente du Parlement avec 235 voix sur un total de 298 députés présents. Un record. Elle est aussi, à 38 ans, la plus jeune présidente de la Vouli et la deuxième femme seulement à exercer cette fonction. « Un alibi pour Syriza qui n’a désigné aucune femme ministre dans son gouvernement et qui a vite rectifié le tir en proposant M Konstantopoulou à la tête du Parlement, ironise un député du parti d’opposition Nouvelle Démocratie (ND, conservateur). Depuis, elle joue les dominatrices à la tribune du haut de son mètre 80, mais elle va devoir apprendre que l’on ne peut pas diriger un Parlement en se mettant à dos les députes eux­mêmes. »

    Ces propos violents ne surprennent pas l’intéressée : « Il y a un véritable problème générationnel et de sexisme parmi ceux qui ont gouverné la Grèce jusqu’ici, mais ils devront s’habituer. Je compte changer ce Parlement, en faire un exemple de démocratie, de liberté mais aussi de responsabilité. »

    Grande, très grande, sa silhouette puissante domine bien souvent l’assemblée dans laquelle elle se trouve. Toujours strictement habillée de tailleurs noirs, perchée à longueur de journée sur des talons de 7 centimètres et avec comme seule parure sa longue chevelure brune, la jeune femme tranche dans une Vouli encore largement masculine. « Avoir seulement 69 femmes sur 300 députés au Parlement montre que la route reste longue en termes de parité, souligne­-t­-elle, installée dans son vaste bureau aux mosaïques murales baroques. Moi, j’ai eu deux grands­-mères exceptionnelles, Zoé et Vasso. Des femmes autodidactes, fortes, qui m’ont appris à complètement choisir ma vie, à ne rien subir. Alors, quoi qu’en pensent certains, je ne suis pas là seulement pour répondre à des impératifs de parité. »

    Bain militant

    Selon Manolis K. Hatziyakoumis, l’un de ses anciens professeurs, « Zoé a toujours eu une flamme, une curiosité et surtout un sens de l’intérêt général développé ». Ce vieux monsieur très digne fut le professeur particulier de toute une génération de Grecs qui sont aujourd’hui à des postes­-clés comme l’actuel maire d’Athènes, Georges Kaminis, ou l’ancien recteur de la faculté de droit et député conservateur, Théodore Fortsakis. Souvent des juristes. « Pour moi, ce qui a toujours compté, c’était de faire de mes élèves des humanistes. La justice est mère de toutes les vertus, disaient les Grecs anciens. J’y crois totalement et, avec les notions de mesure et d’éthique, c’est ce que j’ai enseigné à Zoé et je pense que pour elle la Loi, c’est tout. »

    Issue d’une lignée d’avocats, elle choisit très tôt de suivre l’exemple familial et entreprend des études de droit à l’université d’Athènes, qu’elle complétera par un master 2 en droit pénal européen décroché à la Sorbonne, à Paris, en 2000, puis par un diplôme en droits de l’homme et droit pénal, national et international de l’université Columbia, à New York. Parallèlement, elle s’implique dans les organisations syndicales étudiantes, accorde bénévolement des conseils juridiques et enseigne l’anglais aux détenus de la prison de Fresnes (Val­de­Marne) lors de son passage en France. « Il est très important de donner un peu de ce que tu reçois. Je pense que les étudiants, surtout en droit, peuvent être très rapidement utiles à la société », estime­t­elle. Devenue avocate, elle représente notamment la famille d’Alexis Grigoropoulos, cet adolescent tué en décembre 2008 par un policier grec à Athènes et dont la mort avait provoqué trois semaines d’émeutes urbaines. « Ce n’était qu’un môme de 15 ans sorti boire une limonade avec ses copains. Quand j’ai appris la nouvelle, j’ai ressenti au ventre cette injustice. Nous avons obtenu la prison à vie pour l’assassin et dix ans pour son complice », se félicite­-t-elle, soudain dure.

    Son père, Nikos Konstantopoulos, lui-­même avocat, fut entre 1993 et 2004 le président du Synaspismos, un parti de gauche radicale devenu depuis la principale composante de Syriza. Sa mère, la journaliste Lina Alexiou, a quant à elle souvent dénoncé les injustices sociales dans ses reportages. La jeune Zoé a donc été plongée dans un bain militant dès son enfance. « C’est la fille de son père. Très ambitieuse et voulant depuis toujours se donner les moyens de grimper un jour au sein de Syriza », juge un député ND. « Je portais bien sûr de l’intérêt à la politique, répond Zoé Konstantopoulou, mais je pensais plutôt en rester éloignée ! Car je sais à quel point c’est un processus exigeant et j’adore mon travail d’avocate. » Pourtant, en 2009, la jeune femme rejoint la liste Syriza pour les élections européennes. « Mais ce n’est véritablement qu’avec la crise que j’ai décidé de m’investir. Cela devenait un devoir », affirme­t­elle.

    « Coups de gueule légendaires »

    En juin 2012, elle est élue député. Commence alors une période mouvementée qui va la faire connaître du grand public. La lutte contre la corruption et la fraude fiscale devient son cheval de bataille. Elle écrit le Livre noir de la honte qui compile les affaires politico-­financières que son parti considère comme scandaleuses et surtout se lance dans une véritable croisade autour de la « liste Lagarde » qui contient les noms d’exilés fiscaux grecs en Suisse, « une radiographie parfaite de la corruption et de la collusion à la grecque », selon elle.

    Livrée en 2010 par l’ancienne ministre française de l’économie Christine Lagarde à son homologue grec de l’époque Georges Papaconstantinou, il aura fallu attendre la formation d’une commission parlementaire d’enquête pour qu’elle soit examinée. Zoé Konstantopoulou en est la rapporteuse et se montre la plus offensive lors des auditions de témoins. La jeune femme ne recule devant aucune question qui fâche et provoque des colères sans précédent qui s’entendent depuis l’extérieur de la salle où les débats se passent à huis clos.

    « Ses coups de gueule sont restés légendaires », s’amuse l’un de ses proches. Pour Méliza Méya, son amie d’enfance et témoin à son mariage en 2014 avec le marin Apostolis Mantis, « la Zoé passionnée queles gens ont découverte est celle que je connais depuis toujours. Dès l’école primaire, elle était ultra-sensible à l’injustice et se battait pour ses droits ou ceux de ses camarades. Enfants, nous étions fans de la série américaine “Matlock”, l’histoire d’un avocat qui remportait n’importe quel procès ! » Méliza Méya décrit une femme « simple » et « joyeuse » dans l’intimité, mais « qui doit s’armer de sérieux et de sévérité face à ce monde politique qui a peur de perdre ses privilèges et qui est très violent à son égard ».

    Depuis son arrivée à la tête du Parlement, Zoé Konstantopoulou ne s’est pas fait que des amis. « On la surnomme Robespierre parce qu’elle aime faire tomber les têtes et qu’elle se pose en incorruptible moralisante comme le révolutionnaire français », raconte un député du parti de centre gauche To Potami (« La Rivière »). « Elle ne se comporte pas normalement avec le souci de l’équilibre et du compromis qui doit caractériser un président de Parlement, accuse Manolis Kéfaloyiannis, député ND avec lequel Zoé Konstantopoulou s’est à plusieurs reprises accrochée. Elle est un peu populiste. Elle donne son avis sur tout. » Pour Stavros Theodorakis, le président de To Potami, « elle nous prouve chaque jour qu’elle ne sait pas collaborer et je crois que même le premier ministre Alexis Tsipras regrette de l’avoir mise là ».

    Un esprit farouche d’indépendance

    Une référence directe au refus de Zoé Konstantopoulou de voter, lors d’une réunion du groupe parlementaire le 25 février, en faveur de l’accord conclu cinq jours plus tôt entre le gouvernement grec et ses créanciers et qui prévoit la prolongation de quatre mois du programme de prêts en cours. « Il s’agissait d’une consultation interne au parti, mais je crois qu’il est essentiel que dans les procédures importantes chacun donne son avis franchement », répond sans détour la jeune femme. Cet esprit farouche d’indépendance agace au sein même de son parti. « Zoé roule d’abord pour elle­même et son ambition est certainement aussi de se placer en dauphin potentiel au sein de Syriza », estime un membre du Comité central de Syriza.

    Le 4 mars, Zoé Konstantopoulou a présenté un catalogue de réformes qu’elle souhaite lancer au Parlement. Mettre fin à plusieurs privilèges des députés, lutter contre l’absentéisme parlementaire en menaçant de couper 1/5 de leur salaire aux élus qui ne se présenteraient pas aux sessions plus de cinq fois par mois…

    Certaines de ses annonces font grincer des dents dans une institution peu habituée à tant d’intrépidité. La présidente a surtout promis la création dans les prochaines semaines d’un comité d’audit de la dette grecque. « L’objectif est de déterminer l’éventuel caractère odieux, illégal ou illégitime des dettes publiques contractées par le gouvernement grec », précise-t­-elle, faisant allusion à plusieurs affaires de corruption et à l’opacité qui entoure l’achat d’armes par son pays. « Le peuple a le droit de demander que la partie de la dette qui est illégale – si cela est avéré à l’issue de la commission – soit ef acée. » Une déclaration explosive alors que le gouvernement grec, qui a longtemps souhaité un effacement d’un pan de la dette, semble s’être rendu ces dernières semaines aux arguments de ses créanciers et ne parle plus désormais que de rééchelonnement.

    « Nous n’en sommes qu’au début des négociations avec nos bailleurs de fonds, martèle Zoé Konstantopoulou. Il ne faut pas admettre que l’Eurogroupe soit le seul interlocuteur de la Grèce car l’humanité n’est pas faite que de relations économiques. » Renforcer la démocratie, replacer les peuples et leurs droits au centre des projets politiques, en Grèce comme en Europe, « ce ne sont pas des objectifs romantiques mais indispensables si l’on ne veut pas que l’Europe explose », conclut la jeune femme. Une vraie profession de foi se permet-­on de lui faire remarquer. Et Zoé Konstantopoulou de répondre, malicieuse : « Vous savez que mon bureau, ici, c’était la chapelle de la fille du roi lorsque le Parlement était encore le palais royal ? » Va pour la profession de foi donc, « mais républicaine et démocratique ».

    #Syriza #féminisme #eurogroupe #corruption #dette

  • ▶ Lumières Noires - Bob Swaim (2006 - documentaire) - YouTube

    http://www.youtube.com/watch?v=k-hmL1PM62s&feature=share

    Via Irène Bonnaud

    Lumières Noires - Bob Swaim

    Il y a cinquante ans, surmontant obstacles et préjugés, une poignée de créateurs noirs revendiquant avec fierté l’appellation de nègres » parvenait à rassembler à Paris, à la Sorbonne, de nombreux artistes et écrivains venus du monde entier pour un premier Congrès des intellectuels noirs. À la tribune, Alioune Diop, Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire, Richard Wright, Frantz Fanon.Le documentaire raconte comment et pourquoi un tel événement a pu voir le jour, comment et pourquoi les autorités ont cherché à perturber ce colloque, en dénigrer les conclusions, en étouffer la portée.

    #documentaire #négritude #film

  • « retour à Argos », à Toulon

    http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article5412

    Théâtre Liberté (salle Albert Camus)
    vendredi 24 et samedi 25 mai 2013 à 20h30 [1]

    Retour à Argos d’Eschyle d’après Les Suppliantes et Prométhée enchaîné
    Textes additionnels Violaine Schwartz
    Mise en scène et traduction Irène Bonnaud
    Avec Astrid Bayiha, Ludmilla Dabo, Jean-Christophe Folly, Adeline Guillot, Laetitia Lalle Bi Benie, Jean-Baptiste Malatre, Marius Yelolo

    #migrations #asile

  • Via Irène Bonnaud sur FB

    http://www.facebook.com/photo.php?fbid=105054606335916&set=a.105076849667025.8870.100004941302482&

    En 2008, Philippe Garnier avait raconté son histoire dans Libé, et j’avais acheté les disques.

    Aujourd’hui je suis allée voir « Sugar Man », le documentaire que lui consacre le cinéaste suédois Malik Bendjelloul (mais si, suédois) et j’ai pleuré de bonheur.

    Bref, si vous ne connaissez pas encore le Bob Dylan mexicain de Detroit, héros de la lutte anti-Apartheid en Afrique du Sud, Sixto « Jesus » Rodriguez...

    (Le film part favori pour l’Oscar du meilleur documentaire - je croise les doigts)

    #cinéma #film #documentaire