person:bertrand cantat

  • Le #Prix_Nobel de la #paix 2018 a été décerné à #Denis_Mukwege et #Nadia_Murad, pour dénoncer les victimes de #violences_sexuelles.

    J’étais surpris que l’on récompense un homme pour son action en faveur des femmes, et une femme comme simple victime, mais comme beaucoup se sont réjoui ici de la récompense de Denis Mukwege, je n’ai rien dit.
    https://seenthis.net/messages/726904
    https://seenthis.net/messages/726918

    Et puis on apprend que Nadia Murad ne cesse de prendre Israël comme exemple et comme soutien.
    https://seenthis.net/messages/727264
    https://seenthis.net/messages/727820

    Alors on se rappelle des calculs géopolitiques du comité Nobel et on réalise que pour dénoncer les victimes de violences sexuelles, on ne prend que des cas de violences perpétrées par des Noirs et des Arabes, ce qui permet d’invisibiliser les violences faites aux femmes par de riches hommes blancs comme Harvey Weinstein, Woody Allen, Roman Polanski, Donald Trump, Bertrand Cantat, Dominique Strauss Kahn, Luc Besson, Brett Kavanaugh...

    #racisme

    • on ne prend que des cas de violences perpétrées par des Noirs et des Arabes, ce qui permet d’invisibiliser les violences faites aux femmes par de riches hommes blancs comme Harvey Weinstein, Woody Allen, Roman Polanski, Donald Trump, Bertrand Cantat, Dominique Strauss Kahn, Luc Besson, Brett Kavanaugh...

      @sinehebdo Depuis l’affaire Weinstein il n’y a pas une semaine sans que les médias occidentaux ne parlent des violences sexuelles perpétrés dans ces même pays occidentaux par des hommes blancs (l’affaire Polanski reprise aussi très régulièrement et actions contre Cantat ) alors que par ailleurs, absolument rien dans les médias sur les viols en RDC (juste quelques travaux universitaires sur le viol comme arme de guerre) et tu parles d’invisibiliser les violences faites aux femmes par de riches hommes blancs ?

    • @odilon , désolé, je ne parlais pas (et je ne voulais pas) d’invisibiliser les victimes racisées (Nafissatou Diallo en sait quelque chose, mais aussi les enfants violés par les soldats de l’armée française en Centrafrique), mais de la tentative d’invisibiliser les #grands_hommes prédateurs sexuels occidentaux, et de perpétuer l’idée qu’il n’y a que les Noirs et les Arabes qui sont violents et sexistes (là bas comme ici).

      En d’autres termes, je ne conteste pas à Denis Mukwege d’avoir mérité son prix, mais vu qu’il y avait une troisième place sur le podium, une organisation comme #metoo qui dénonce le sexisme aux Etats-Unis (par exemple) aurait peut-être pu partager ce prix...

    • Question : qui auriez-vous récompensé comme personnalité ou organisation symbolique de la lutte contre les violences faites aux femmes en occident ?

      Harvey Weinstein, Woody Allen, Roman Polanski, Donald Trump, Bertrand Cantat, Dominique Strauss Kahn, Luc Besson, Claude Lanzmann, Brett Kavanaugh... et j’en oublie un : Jean-Claude Arnault !

      (...) la légitimité même de l’académie suédoise qui est en cause et sa gestion d’une crise historique, qui a débuté en novembre 2017, en plein mouvement #metoo. Dix-huit femmes accusaient le mari d’une des académiciennes de viols et d’agressions sexuelles. Un Français, Jean-Claude Arnault, 71 ans, directeur d’un lieu d’expositions culturelles dans la capitale du royaume. Un audit, mené par un cabinet d’avocats, a depuis révélé que l’académie lui versait de généreuses subventions. Le parquet financier a ouvert une enquête.

      Le prix Nobel de littérature en 2018 reporté d’un an
      Anne-Françoise Hivert, Le Monde, le 4 mai 2018
      https://abonnes.lemonde.fr/livres/article/2018/05/04/l-academie-suedoise-ne-decernera-pas-de-prix-nobel-de-litterature-en ?

      A la place, le prix nobel alternatif de littérature a été décerné à la Guadeloupéenne Maryse Condé :

      Maryse Condé remporte le Nobel « alternatif » de littérature
      La Libre Belgique, le 12 octobre 2018
      https://seenthis.net/messages/728549

  • Gilles Bertin, les vies déglinguées d’un enfant du punk, Henri Haget - Il s’est rendu à la justice « comme on se rend à l’évidence », écrit le Monde...
    https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/06/04/gilles-bertin-les-vies-deglinguees-d-un-enfant-du-punk_5309072_1653578.html

    https://www.youtube.com/watch?v=bJGQf99pm5s

    Après s’être rendu à la justice au terme de trente ans de cavale, cet homme de 57 ans, tout à tour chanteur du groupe Camera Silens et braqueur, est jugé, mercredi 6 juin, à Toulouse, pour le casse d’un dépôt de la Brink’s, en 1988.

    Ce matin-là, un orage de printemps a transformé les rues de Toulouse en rizières. Sous la pluie battante, au milieu de la foule des employés de bureau qui se presse, l’ancien chanteur du groupe punk Camera Silens s’avance d’un pas ankylosé. Sa capuche bat au vent, son grand corps trop maigre a l’air de flotter. A 57 ans, Gilles Bertin semble égaré parmi tous ces gens qui n’ont pas une seconde à perdre. Il a dilapidé tellement plus que cela…

    Démarche d’échassier, il a l’air d’un type émergeant d’une nuit sans fin. La sienne a duré trente ans. Pour lui aussi, la période des crêtes et du « no future » est un souvenir lointain. Mais sa vie de damné ne lui a pas laissé le temps de refermer cette parenthèse de jeunesse. Et son passé n’a jamais cessé de le hanter, au Portugal, en Espagne et même ici, dans ce bistrot bondé de la place des Carmes où le bruit des conversations lui donne des maux de tête et où il ne peut s’empêcher de promener un regard anxieux sur les tables voisines, comme si toutes les polices d’Europe étaient encore à ses trousses.

    Avec ses boucles blondes, ses larges lunettes qui lui barrent le visage pour compenser la perte de son œil gauche, éteint par une infection virale, il n’a pourtant plus grand-chose du chien fou qui jappait sa révolte en mordant les mollets des bourgeois. Il ressemble plutôt à un touriste allemand ou, mieux, au chanteur Dick Annegarn, ce barde folk du siècle dernier. Il a effacé les tatouages qui ornaient ses mains et le coin de ses yeux. Il semble presque étranger à la dévotion posthume que les fans de punk portent au groupe dont il fut autrefois la figure de proue. Ecoute-t-il seulement, de temps à autre, Pour la gloire, l’hymne de Camera Silens qui électrocuta la scène rock bordelaise au début des années 1980 ? Il sourit, un peu gêné. « Déjà, à l’époque, j’avais du mal… »

    Grand escogriffe sorti des limbes

    Punk et junky à 20 ans, gangster en cavale à 30, rescapé du sida à 40 et, désormais, repenti soucieux de mettre de l’ordre dans ce chaos intime, Gilles Bertin s’apprête à comparaître, le 6 juin, devant la cour d’assises de la Haute-Garonne pour le braquage du dépôt toulousain de la Brink’s, le 27 avril 1988. Un bail, donc. Condamné à dix ans de prison par contumace en 2004, donné pour disparu puis pour mort par l’administration française, il aurait pu réchauffer sa conscience une poignée d’années supplémentaires dans la chaleur de son foyer barcelonais, auprès de sa compagne Cécilia et de leur fils de 6 ans, Tiago, en attendant la prescription. Il a choisi de courir un dernier risque.

    Muni d’un sac à dos et d’une valise de remords, il a franchi la frontière à pied, un jour de novembre 2016, puis il a pris le train pour Toulouse et il s’est rendu à la justice de son pays. Au fond de lui-même, il s’était préparé à cette scène-là depuis longtemps. Maintes et maintes fois, il s’était vu ressortir du palais de justice les menottes au poignet. Mais la juge des libertés et de la détention a dû être touchée par la sincérité de cet escogriffe sorti des limbes, vieux jeune homme timide poursuivi par une affaire presque oubliée de tous, puisqu’elle s’est contentée de le placer sous contrôle judiciaire dans l’attente de son procès. Il s’est retrouvé dans la rue, un peu sonné.

    « J’étais persuadé de passer ma première nuit au ballon. Du coup, je ne savais même pas où dormir… »
    Après avoir trouvé refuge ici ou là pendant plus d’un an, Gilles Bertin a fini par établir ses quartiers chez une tante éloignée, dans un pavillon au fin fond d’une impasse du fin fond d’un faubourg toulousain. Il vit dans une pièce éclairée au néon, en surplomb du garage, fait sa popote sur un réchaud de camping, repose son corps éreinté sur un sommier métallique. Ce n’est pas le Pérou, mais c’est bien mieux qu’à Bordeaux, le creuset de sa jeunesse et de sa gloire destructrice, où il a eu l’idée saugrenue de séjourner peu de temps après son retour en France.

    Mort en 2010, selon l’administration

    Le pote qui l’hébergeait lui rebattait tant les oreilles avec ses souvenirs d’ancien combattant que sa tension est montée en flèche et qu’il s’est mis à faire des crises d’angoisse. Et puis, sous les façades fraîchement ravalées et les ruelles pavées de frais du Bordeaux d’Alain Juppé, il ne reconnaissait pas sa ville, celle des squats du quartier Saint-Pierre et des bars miteux du cours de la Somme. « C’est l’horreur tellement c’est beau… », lâche-t-il avec la candeur d’un revenant dont la vie se serait arrêtée l’année où Le Grand Bleu cartonnait sur les écrans.

    Depuis qu’il s’est mis à la disposition de la justice, voici dix-huit mois, sa situation est presque aussi bancale qu’au temps où il vivait dans la clandestinité. Il n’a plus rien de commun avec Didier Ballet, son nom d’emprunt durant toutes ces années, mais il n’est pas redevenu tout à fait Gilles Bertin. Après l’avoir fait mourir en 2010, l’administration peine à le ressusciter : il n’arrive toujours pas à obtenir ses papiers d’identité. Du coup, la moindre démarche est un casse-tête. « En même temps, s’ils veulent me juger, ils sont bien obligés de me remettre vivant », croit-il comprendre.

    « SHOOTÉ, J’ÉTAIS UN ZOMBIE ; EN MANQUE, J’ÉTAIS CAPABLE DE FAIRE N’IMPORTE QUOI »
    GILLES BERTIN
    Pour s’y retrouver dans sa propre vie, il écrit le roman vrai d’un enfant du XXe siècle, un enfant terrible, au carrefour des années Guy Lux et du premier septennat de François Mitterrand. Une maison d’édition parisienne lui a signé un contrat ; un ami, presque un frère, Jean-Manuel Escarnot, correspondant de Libération à Toulouse, supervise l’avancée des travaux. « Heureusement que j’ai l’écriture pour tenir, sinon, je finirais par me demander ce que je fous là », note-t-il avec un pâle sourire qui éclaire sa peau mâchée par les hépatites à répétition.

    Ces derniers temps, pourtant, il a ralenti la cadence. Son livre est un peu comme lui, en suspens, entre la France et l’Espagne, ses années de déglingue et son douloureux chemin vers la contrition. « Je bloque, je n’arrive plus à me concentrer. C’est l’angoisse du procès qui me noue les tripes. » La première partie, en revanche, lui est venue d’un seul jet. Net et sans bavure. Comme à l’époque de Camera Silens, où il jetait ses couplets sur un sous-bock, entre deux bières, au Chiquito : « Qui saura nous faire exploser/Qui vaincra pour s’exprimer/Tous unis pour réussir/Tous unis pour en finir/Pour la gloire, eh, eh ! »

    « C’était comme ça sous Giscard »

    En finir, oui. Au commencement, Gilles Bertin veut surtout tordre le cou à une enfance aussi enjouée qu’une complainte de Nana Mouskouri. A Paris, son père est fonctionnaire à l’Hôtel des monnaies ; sa mère, atteinte du cancer, enchaîne les dépressions. « Les seuls moments où l’on ressemblait à une famille vaguement heureuse, c’est quand on partait en vacances sur la Côte d’Azur, dans un camping du ministère des finances. Le reste du temps, on vivait repliés sur la maladie de maman. On ne voyait jamais personne. »

    Il grandit dans ce huis clos pesant, d’abord à Orly, puis à Pessac, près de Bordeaux, lorsque l’Hôtel des monnaies déménage en Gironde. Le déracinement ne produit pas de miracle. Usé par son sacerdoce conjugal, son père est à cran et la scolarité chaotique de l’élève Bertin lui ouvre une autoroute vers le collège technique. Il est tout juste adolescent quand Michèle, sa sœur aînée, part suivre ses études de prof de gym à Paris. Elle était le seul rayon de soleil dans la maison. Dès lors, il ne sortira plus de sa chambre que pour se rendre à son atelier d’apprenti mécanicien et se brosser les dents.

    Dans son antre, les disques s’empilent. Après s’être fait l’oreille sur le glam-rock d’Alice Cooper, Gilles Bertin saute dans la première vague punk venue d’Angleterre. Nous sommes en 1977. Les Clash, les Sex Pistols éclaboussent l’ordre établi. Une révélation. Meurtri par l’atmosphère de veillée funèbre qui l’escorte depuis l’enfance, il se dit qu’il y a urgence à renaître ailleurs. Vivre ou mourir, peut-être. Mais vite.

    Il a 18 ans, un CAP de tourneur-fraiseur, une piaule dans le quartier Mériadeck. Il paye le loyer grâce à un petit job décroché pendant les vacances d’été. « C’était comme ça sous Giscard, on bossait deux mois et on avait presque droit à un an de chômage. » Très vite, pourtant, il passe l’essentiel de ses jours et de ses nuits avec une petite bande qui effraie les honnêtes gens de la place Gambetta. Tee-shirts déchirés, épingles à nourrice, blousons cloutés.

    « Quelque chose d’animal »

    Avec eux, il a trouvé sa nouvelle famille. Il décolore sa tignasse de paille en jaune fluo, fait graver une bombe siglée d’un A comme « anarchie » sur sa main gauche. Pour manger, on vole à l’étalage, pour dormir, on force une porte. Entre deux parties de rigolade, Gilles et ses frères de rue se défoncent avec ce qu’ils trouvent : le shit, la colle, les coupe-faim… No future ! L’attitude y est, pas encore la musique. Mais ça ne saurait tarder.

    L’avantage avec le punk, c’est qu’on peut fonder un groupe en un claquement de doigt avec deux musiciens sur trois qui ne savent pas jouer d’un instrument. Camera Silens – du nom des cellules d’isolement où étaient emprisonnés les membres de l’organisation terroriste d’extrême gauche allemande Fraction armée rouge – voit le jour à l’été 1981, lors d’une fête où Gilles Bertin croise la route de Benoît Destriau et Philippe Schneiberger. Ce dernier assure à la batterie, Benoît grattouille la guitare, Gilles se dévoue pour la basse et le chant.

    Pendant six mois, le groupe répète dans des caves, avant de partir à Londres pour Noël. Gilles a un pote, là-bas, Philippe Rose, qui squatte du côté de Vauxhall. Ensemble, ils se rendent à Leeds pour assister au festival punk Christmas on Earth. Sur scène, des groupes comme The Exploited, Sham 69, UK Subs… La crème du street-punk anglais, prolétaire, gueulard, belliqueux. Un vrai coup de foudre. Le style Camera Silens est né.

    Dès sa première prestation, au tremplin Rockotone, à Bordeaux, le trio sorti de nulle part casse la baraque et décroche la palme, ex aequo avec Noir Désir. A la basse et au micro, Gilles Bertin n’est pas en manque de charisme face au jeune Bertrand Cantat. Torse nu dès la fin du premier morceau, vomissant illusions perdues et rêves de chaos de sa génération, il aimante tous les regards. « Il ne bougeait pas beaucoup, car il était très crispé sur ses accords de basse, mais il dégageait quelque chose d’animal », souligne Eric Ferrer qui, plus tard, intégrera le groupe pour pallier son absence. Une poignée de concerts suffit alors à figer l’image de Camera Silens : un groupe âpre, hors système, traînant dans son sillage une horde de punks prêts à semer le souk partout où ils pointent leurs Doc Martens.

    « L’adrénaline plus que le fric »

    Mais c’est loin, tout ça. Dans la mémoire de Gilles Bertin, les dates de concert, les souvenirs de pogos se mélangent comme dans un kaléidoscope aux couleurs défraîchies. Il a vécu tant d’autres vies… La seule chose dont il se souvient clairement, c’est qu’un ressort s’est cassé en lui au moment précis où le groupe accédait au gratin de la scène punk hexagonale. Invité au Chaos Festival, à Orléans, à l’automne 1984, Camera Silens se produit dans une atmosphère d’émeute face à un public presque exclusivement composé de skinheads descendus de la région parisienne. « Si j’avais fait tout ça, c’était aussi pour plaire aux filles. Pas pour jouer devant 2 000 crânes rasés qui se foutent sur la gueule. »

    DÉBUT 1984, IL EST PRIS EN FLAGRANT DÉLIT DE CAMBRIOLAGE. UNE BELLE VILLA SUR LES BOULEVARDS. MANQUE DE POT, C’ÉTAIT LA MAISON D’UN JUGE
    Déjà, il est en train de passer à autre chose. En début d’année, il a séjourné six mois derrière les barreaux après avoir été pris en flagrant délit de cambriolage. Une belle villa sur les boulevards. Manque de pot, c’était la maison d’un juge. En prison, il a décroché de l’héroïne. Ça faisait près de deux ans qu’il était tombé dedans. Un gramme par jour, minimum. « Shooté, j’étais un zombie ; en manque, j’étais capable de faire n’importe quoi. » A l’été 1984, sevré, à la dure, il retrouve sa place dans le groupe. Comme chanteur, uniquement. Eric Ferrer tient désormais la basse. Gilles pourrait se sentir plus léger ; c’est le contraire.

    L’héroïne lui manque ; en concert, il ne s’éclate plus comme avant. Il cherche, presque malgré lui, une addiction de substitution. Elle va lui être offerte sur un plateau par Didier Bacheré, le roadie du groupe, et son beau-frère, José Gomez, alias « Inaki », un Basque proche des commandos autonomes anticapitalistes. Après avoir sévi dans le trafic de drogue, le duo s’apprête à monter au braquage. Gilles Bertin sent un délicieux frisson courir le long de son échine. « Plus que le fric, c’est l’adrénaline que je voulais par-dessus tout. » Désormais, quand il n’est pas sur les routes avec Camera Silens, il part à l’aventure avec ses deux complices. Il croit mener sa double vie en secret, mais il ne trompe pas grand monde. A l’époque, Jean-Marc Gouaux, le manager du groupe, est aussi organisateur de concerts et n’en sort pas toujours gagnant. Un soir de banqueroute, il croise Gilles dans le public. « Il te manque combien ? – 7 000 francs… – Tiens, les voila, mon pote ! »

    Un coup rondement mené

    Ses proches font mine de ne rien voir, pas la police. Au printemps 1986, après avoir cassé une bijouterie, à Nantes, le trio surprend une conversation sur son scanner. Les policiers sont sur leurs traces. Panique à bord. Quelques jours plus tard, Camera Silens doit se produire à Brest. Son chanteur oublie de se présenter au départ du bus. Il a juste livré un dernier couplet à ses collègues : « On se mettra en cavale/A pied ou à cheval/Et l’humeur vagabonde/On ira de l’autre côté du monde… » Pour Gilles Bertin, c’est le début de la fin.

    Que fait-il durant les deux ans qui suivent ? Il se planque, déjà. A Bordeaux, puis à quelques encablures de Toulouse, dans une ferme où se côtoie une faune hétéroclite de punks, de proches de l’ETA, de militants des Sections carrément anti-Le Pen (Scalp) et de junkies. Il essaye d’avoir un embryon de vie de famille avec Nathalie, son premier amour, une jeune Bordelaise aux yeux très bleus, aux cheveux trop blonds, prisonnière de l’héroïne. Leur fils, Loris, est né au début de l’année 1986. Gilles cherche à les extirper de cet abîme. Il réussit à franchir la frontière espagnole et s’installe à Gijon pour travailler sur les marchés. Mais il ne parle pas la langue, Nathalie non plus, et son petit pactole a bien fondu. L’expérience tourne court. Retour en France.

    Lors du procès d’assises de 2004, le casse du dépôt toulousain de la Brink’s, au printemps 1988, a été assimilé au fait d’arme d’une bande de marginaux qui n’avaient plus rien à perdre, car presque tous atteints du sida. Pour Gilles Bertin, c’est un raccourci. Lui, par exemple, n’a appris sa maladie que sept ans plus tard. « Ce qui est vrai, c’est qu’en l’espace de quelques mois, le sida était passé du statut de rumeur à celui de pandémie, explique-t-il. A Bordeaux, les premiers copains tombaient. Il régnait comme un état d’urgence. » Ça n’exclut pas la minutie.

    Avec ses comparses braqueurs, dont les inévitables beaux-frères Didier et « Inaki », mais aussi Philippe Rose, le squatteur de Vauxhall, il ausculte les habitudes des employés de la Brink’s et la procédure d’ouverture de la chambre forte pendant près d’un an. Et le 27 avril 1988, tout se passe comme sur des roulettes. Le détenteur des codes d’ouverture est enlevé à son domicile, les employés sont neutralisés en douceur par de faux gendarmes, aucune détonation d’arme à feu ou d’explosif ne retentit. Butin : 11,7 millions de francs (environ 1,8 million d’euros) en espèces. Du travail de pro accompli par un escadron de losers. « Pour se déguiser, on avait acheté de vieux uniformes aux Puces de Saint-Ouen, et on les avait repeints en bleu », se souvient Gilles Bertin, presque ébahi.

    « Des gangsters, j’en voyais passer tous les jours »

    Commence alors sa deuxième vie. Ou sa troisième, on ne sait plus très bien. Il file en Espagne avec Philippe Rose. Il loue une villa de prince sur la Costa Brava, s’éclate à Ibiza au son nouveau de la musique électronique. Il rêve surtout de partir loin, en Australie ou en Argentine, avec Nathalie et Loris. Rose est chargé d’accueillir la jeune femme et son bambin à l’aéroport de Barcelone. Gilles suit le petit cortège à distance. Sage précaution : sa compagne et son fils sont filés par la Guardia Civil… Place de Catalogne, au point de rendez-vous, les policiers sont partout. Gilles achète un journal allemand, le déplie pour cacher son visage, s’approche des siens, donne l’alerte. Philippe Rose et lui détalent dans les rues adjacentes. Nathalie et Loris restent plantés là. Il ne reverra pas son fils pendant vingt-huit ans. Nathalie, elle, est morte du sida en 1994.

    « EN THÉORIE, MON CLIENT RISQUE UNE PEINE DE VINGT ANS DE RÉCLUSION, MAIS IL Y A QUELQUES RAISONS DE SE MONTRER OPTIMISTE »
    ME CHRISTIAN ETELIN, AVOCAT DE GILLES BERTIN
    Pendant deux ans, il erre à travers l’Espagne dans de discrètes pensions de famille sous le nom d’emprunt de Didier Ballet. Entre-temps, Philippe Rose s’est fait arrêter à Valence alors qu’il s’apprêtait à braquer un dealer. Gilles l’a appris dans le journal. Il n’appelle plus la France, tous ses proches sont sur écoute.

    « J’avais peur pour eux, pour moi. C’est pour ça que j’ai décidé de larguer les dernières amarres. »
    Il finira par trouver un port d’attache. Elle s’appelle Cécilia. Ses parents tiennent un café à la périphérie de Barcelone, à Poligono Canyelles, un quartier populaire où s’entassent les ouvriers venus du sud de l’Espagne, un coupe-gorge dévasté par le trafic de drogue. Elle est étudiante en journalisme, brune, fougueuse, gauchiste. Et très amoureuse. Elle sait tout de Gilles depuis leur première rencontre. Ça ne la démonte pas. « Des gangsters, j’en voyais passer tous les jours dans le café de mes parents, souligne-t-elle. Pour moi, Gilles était à l’opposé de ça. C’est quelqu’un qui souffrait. »

    Et ce n’est qu’un début. Pour l’heure, le couple décide de s’expatrier. Direction le Portugal. Le sac de toile dont Gilles Bertin ne se sépare jamais et qui, trois ans plus tôt, contenait l’équivalent de 350 000 euros, est désormais bien léger. Juste de quoi louer un petit appartement et un pas-de-porte dans une galerie commerçante du centre-ville de Lisbonne. « Cécilia s’est occupé de toutes les démarches, dit-il. Moi, je n’existais pas. » Très vite, leur boutique de disques vinyles attire le chaland grâce, notamment, aux imports qu’il demande à sa compagne d’aller chercher à Londres, une fois par mois. Pour autant, il ne crie pas victoire. Dès qu’il aperçoit une voiture immatriculée en France, son cœur s’accélère. Et quand Noir Désir vient jouer sur les docks de Lisbonne, il se terre chez lui pendant cinq jours de peur de croiser une tête connue.

    « Dans la peau d’un tricheur »

    Au départ, c’est un détail insignifiant, une mauvaise toux, une simple grippe. C’est ce qu’il croit. Sauf qu’elle dure six mois et qu’il est perclus de fièvre. Et quand un ami de Cécilia l’emmène aux urgences, il a déjà perdu près de trente kilos. Le médecin exige un test du sida. Positif. L’annonce lui est faite, de manière très solennelle, dans un salon où sont réunis tous les pontes de l’établissement. On lui tend des calmants et des somnifères. « En 1995, séropositif, ça signifiait qu’on était condamné à mort », rappelle-t-il.

    Pendant deux ans, il repousse l’échéance, tant bien que mal. Alors qu’il n’a ni papier ni couverture sociale, les médecins de l’hôpital du Barreiro, une commune communiste de la périphérie de Lisbonne, lui administrent des traitements de riche. Il souffle comme un scaphandrier, un cytomégalovirus lui coûte son œil gauche, une neuropathie anesthésie ses jambes, mais il résiste jusqu’à l’arrivée des trithérapies. Il est sauvé. Et pourtant, il déprime. « Ce n’est pas évident, quand on se prépare à mourir, de revenir à la vie. »

    Il est en piteux état, mais il est encore là, libre, quand tous les autres ont été fauchés par la justice ou la maladie : Philippe Rose, au placard pendant trois ans en Espagne puis en France, « Inaki », arrêté à un péage, mort du sida, Didier Bacheré idem… Il sait tout ça. Il lit les journaux français. Et sa cavale, au fil du temps, s’est alourdie de ce fardeau moral. « Parfois, je me sentais un peu dans la peau d’un tricheur… » Cécilia, seule détentrice de ses secrets, le soutient de toutes ses forces mais, au magasin, il erre comme un fantôme. Pour ne rien arranger, l’invasion des CD finit par avoir raison de leur petit commerce de vinyles.

    Au début des années 2000, le couple revient à Barcelone pour reprendre le café des parents de Cécilia. Les horaires et la clientèle sont rudes, mais Gilles finit par comprendre l’argot du coin et à se fondre dans le paysage. Les années passent et sont presque ordinaires en comparaison des précédentes. Il est épuisé du matin au soir, et son traitement à l’interféron pour soigner une hépatite C n’arrange rien. Mais l’on s’habitue à tout, surtout lui. Quand naît le petit Tiago, en 2011, au terme d’une fécondation in vitro, ça pourrait presque être le bonheur. Presque.

    Se rendre à la justice et à l’évidence

    Depuis qu’il est revenu à Barcelone, Gilles a pris l’habitude d’appeler son père, une fois par an, depuis une cabine téléphonique. Besoin de renouer un lien. Tant pis pour le risque. En entendant la voix de son fils, la première fois, le vieil homme a eu du mal à masquer son émotion. Gilles, aussi, quand il a appris que sa mère était morte de son cancer depuis dix ans. Et puis, en 2010, la sonnerie a résonné dans le vide. Il a tout de suite compris. Il a raccroché tristement. Et, une fois de plus, il s’est maudit de mener cette vie où, à force de passer pour un autre, il s’était perdu lui-même.

    Finalement, il s’est rendu à la justice comme on se rend à l’évidence. Il n’en menait pas large en passant la frontière, ce 17 novembre 2016, et encore moins quelques jours plus tard quand il a revu, pour la première fois, Loris, son fils, ce bout de chou de 31 ans… Les deux hommes se sont retrouvés dans un boui-boui à couscous, à Toulouse. Gilles ne savait pas par où commencer alors il lui a dit qu’il avait les mêmes yeux bleus que sa mère. Loris a souri d’un air timide, le même que le sien. « Merci papa », a-t-il soufflé presque naturellement. Pas de reproche. Pas de jugement. Ça, c’est l’affaire de la cour d’assises, quatorze ans après un premier procès organisé en son absence, qui avait tourné au fiasco : la plupart des policiers appelés à la barre étaient déjà à la retraite, les experts guère plus fringants, la moitié des accusés avaient été emportés par le sida au siècle précédent…

    « Pour retrouver sa liberté d’homme, Gilles Bertin a pris le risque de la perdre, c’est admirable, avance son avocat, Christian Etelin. Le procès prévu pour s’étaler sur trois jours ne va durer qu’un seul. En théorie, mon client risque une peine de vingt ans de réclusion, mais il y a quelques raisons de se montrer optimiste… » C’est quoi, l’optimisme ? Gilles Bertin a oublié ce sentiment depuis si longtemps. Il revient de si loin. Dans le bistrot de la place des Carmes, il observe d’un air songeur la pluie sur la vitre. Tout à l’heure, il a appris qu’un organisateur de concert était prêt à débourser 20 000 euros pour la reformation de Camera Silens. Il a haussé les épaules comme s’il connaissait la chanson. Pour la gloire ? Eh, eh, répondit l’écho.

    #punk #braquage

  • Raphaël Liogier : « La façon de faire l’amour est politique » - The Dissident - The Dissident
    https://the-dissident.eu/raphael-liogier
    https://the-dissident.eu/wp-content/uploads/2018/05/bloggif_5ae869485daf1.jpeg
    J’ai un gros doute sur l’#historicité de la #domination du #corps des #femmes

    Depuis le Néolithique, les femmes sont perçues comme des objets, au sens économique du terme. Elles sont source d’une jouissance symbolique. On accumule du prestige en couchant avec une ou plusieurs femmes. Pour que le prestige soit renforcé il faut qu’elles-mêmes soient les plus « neuves » possibles. Cela explique la valorisation de la virginité. D’où ce que j’appelle dans le livre « la jalousie rétrospective » caractéristique des hommes : « Avec combien de mecs as-tu couché avant ? » C’est quelque chose qui existe très peu en sens inverse et par imitation. Ce capitalisme sexuel fait qu’on nie la jouissance des femmes dont elles sont l’objet. Cette négation est allée jusqu’à l’excision physique dans certaines ethnies. Mais en réalité, dans nos sociétés, il y a une « excision morale » se traduisant par cette construction de la féminité comme étant sans cesse liée à des valeurs de retrait, de pudeur, de retenue. L’attente est valorisée. On le voit avec le mythe du prince charmant. La princesse attend d’être prise dans les bras du prince , qui la juche fièrement sur son cheval. Il échange sa prestance contre le corps de la femme

    • Je suis assez de ton avis @monolecte quelquesoit l’origine ou l’ancienneté de la domination des hommes sur les femmes faut changer ca.

      Pour néanderthal j’ai vu que c’etait les femmes qui étaient échangées dans les unions par les relevés ADN de cretains sites, mais les paléoanthropologue disaient que c’etait peut être variable d’une région à l’autre.

      Il y a aussi une découverte récente avec néanderthal VS cro-magnon. A cause d’un allèle dans le gène Y mais je me rappel plus exactement. Les femmes cro-magnon ne pouvaient pas avoir des enfants avec les néanderthaliens ou alors c’est l’inverse. Ca peu avoir favorisé une forte culture de rapte et de viol chez les cro-magnon a des fins génocidaires. Mais comme c’est seulement pour l’europe et que la culture du viol est présente partout, ca me semble pas suffisant. Je vais voire si je retrouve les infos là dessus.

      Je croi que c’est là dedans mais pas sur : https://seenthis.net/messages/645099

    • J’ai pas fini de lire mais pour l’instant je voie un mec qui s’approprie les recherches féminises sans cité ses sources et le seul nom auquel il se refère c’est Kant.

      et quant il dit que la virilité a commencé à se sentir menacé en 2000 !!! En fait dans l’antiquité romaine les mecs se trouvaient déjà dévirilisé et menacé par une féminisation. C’est le bullshit habituel des mecs féministe. essentialisme tout pourris. Je vais pas pouvoir arrivé au bout.

    • Il fait pas vraiment d’archéologie, il mentionne le néolythique et passe à Bertrand Cantat...
      Bon il y a des choses interessantes dans ce qu’il dit, en particulier au début sur #metoo et le faible nombre de noms d’agresseurs que les utilisatrices de ce tag ont balancé et l’idée que les pratiques sexuelles sont culturelles.

  • PATRIARCantAT vs Sorcières Grenobloises
    https://grenoble.indymedia.org/2018-04-02-PATRIARCantAT-vs-Sorcieres

    Retour sur deux belles soirées électriques Les 13 et 14 mars dernier, nous avons appelé à des rassemblements devant les concerts de Bertrand Cantat à la Belle Electrique (Grenoble) pour dénoncer sa présence indécente sur scène et la banalisation des violences faites aux femmes. Le premier soir, nous étions une bonne centaine de personnes de tous horizons réunies sur l’esplanade devant la salle pendant plus de trois heures. Beaucoup étaient venues avec des pancartes aux slogans explicites et tou-te-s (...)

    #Articles

    / #Infos_locales, Féminisme / Genres / Sexualités

    #Féminisme_/_Genres_/_Sexualités

    • A 18h30, Bertrand Cantat est sorti de la salle et s’est dirigé vers nous, vite rejoint par les vigiles de la salle.

      Que raconter de ce moment : La façon dont il a attrapé la tête d’une manifestante pour l’embrasser ? Comment il nous a toisé avec mépris, sans dire un mot, refusant de prendre le tract qu’on lui tendait ? La bousculade qui s’en est suivie ?

      Il nous semble inutile de revenir plus en détail là-dessus. Pour nous, il est plus important d’expliquer comment son acte était clairement calculé, de la provocation, une démonstration de force, une façon de montrer qu’il avait le droit d’être partout tout le temps et même d’embrasser contre leur consentement des femmes qu’il dégoûte.

      #féminicide #culture_du_viol #fraternité #domination_masculine #pervers-sadique

  • Bertrand Cantat en concert à Lyon le 21 mars : pourquoi nous demandons l’annulation ici et ailleurs
    https://rebellyon.info/Bertrand-Cantat-en-concert-a-Lyon-le-21-18854

    Nous, militantes féministes, sommes profondément choquées et scandalisées de la venue de Bertrand Cantat à Lyon sur la scène du Transbordeur ce mercredi 21 mars 2018 à 19h00. Nous demandons la déprogrammation immédiate de ce concert.

    #Infos_locales

    / #Rapports_sociaux_de_genre, Une

  • Avant j’étais féministe (écologiste et égalitariste aussi)
    https://reflets.info/articles/que-faire-du-tribunal-populaire-2-0

    Quand l’arène numérique embarque tout A un moment, quand tout est récupéré de manière bornée et agressive, on se dit qu’en fait tout ça n’a plus aucun sens et ne mènera nulle part. Autant alors se dégager de toute forme de défense d’idéal social ou quoi que ce soit d’équivalent. Avant j’étais féministe, parce que — certainement — ma mère était une militante féministe des années 70. Certainement. Parce que j’ai bien vu et senti — très tôt — que mépriser les femmes était une idée absurde, dégueulasse et humainement inacceptable. Ou même leur assigner des fonctions spécifiques quotidiennes. J’étais aussi écologiste : mes parents étaient des anti-nucléaires de la première heure et s’étaient lancés dans l’agro-biologie. La Terre allait crever de la pollution humaine, déjà, et (...)

    • L’affaire Cantat-Trintignant parle de la complexité des rapports hommes-femmes, des pulsions les plus violentes qui animent ces relations, de la difficulté à vivre les uns avec les autres, à se maitriser, à se faire du mal les uns les autres. Pas seulement d’un « monstre tabasseur et meurtrier de femme ». Ca c’est bon pour Twitter et pour les foules avides de sensationnel. Cette affaire parle aussi du rapport à la célébrité, aux drames médiatisés, puisqu’il n’y a personne pour venir pleurer ou défendre les femmes tuées chaque année sous les coups de leur maris…

      Ben si si, yen a même pas mal de plus en plus qui mettent ce #féminicide ça s’appelle, sur le devant de la scène, et des médias même grand public.

      Et notamment pour rappeler que dans l’écrasante majorité des cas, c’est la femme justement qui est tué. Pur hasard ? C’est juste des gens qui ont des relations compliqués où on se fait du mal l’un et l’autre ?

    • Je l’avais lu il y a quelques heures, je l’avais laissé en suspens sur mon écran après avoir réagi plutôt de façon négative ; le voici en entier, à vous de juger...

      A un moment, quand tout est récupéré de manière bornée et agressive, on se dit qu’en fait tout ça n’a plus aucun sens et ne mènera nulle part. Autant alors se dégager de toute forme de défense d’idéal social ou quoi que ce soit d’équivalent.


      Avant j’étais féministe, parce que — certainement — ma mère était une militante féministe des années 70. Certainement. Parce que j’ai bien vu et senti — très tôt — que mépriser les femmes était une idée absurde, dégueulasse et humainement inacceptable. Ou même leur assigner des fonctions spécifiques quotidiennes. J’étais aussi écologiste : mes parents étaient des anti-nucléaires de la première heure et s’étaient lancés dans l’agro-biologie. La Terre allait crever de la pollution humaine, déjà, et il fallait la préserver, pour préserver aussi les humains, leur santé. Les remettre en harmonie avec la nature. C’était il y a plus de 40 ans.

      J’étais aussi égalitariste dans le sens où l’injustice me faisait mal. Je pensais que si l’on créait plus de choses pour aider les gens à faire « plus ce qu’ils voulaient », ce serait mieux pour tout le monde et qu’en créant plus d’égalité — dans le sens d’offrir des outils qui donnent leur chances à tous — on s’éclaterait plus, en gros. Ca irait mieux. Mais ça n’a pas bien fonctionné. A tous les niveaux, que ce soit d’un point de vue politique ou social. Chez les gens aussi, dans leur tête, ça n’a pas bien fonctionné.

      Mon féminisme à moi…

      Aujourd’hui, être féministe c’est assez compliqué pour quelqu’un comme moi. On a été quelques uns — avec quelques potes — à montrer l’exemple en fait. Je pense. On n’est pas allé dans la rue avec des pancartes revendiquer des trucs pour les femmes, non. On a fonctionné avec les femmes de façon juste et équilibrée. Partage des tâches ménagères, quotidiennes, s’occuper des enfants, et au final entretenir des relations avec elles exactement comme si elles étaient nos égaux, ce qui était le cas. Une femme reste un individu pour un féministe « vieille école » comme moi. Je l’envisage comme n’importe qui. De la même manière qu’une personne avec une couleur de peau différente de la mienne est « quelqu’un » et rien de plus ou de moins, une femme est quelqu’un. Quelqu’un qui peut être très pénible, avenant, perturbé, intéressant ou totalement superficiel pour mon propre jugement. Mais au fond, mon féminisme est en réalité universaliste : je crois à l’indifférence à l’égard des genres, des origines, du milieu social, de tout. Je ne m’envisage pas comme « homme, mâle, blanc, hétéro gagnant telle somme annuelle ». Je ne m’envisage pas en réalité. En face, par contre, on envisage méchamment. On catégorise. On pointe. On dénonce. On milite. On lutte. On attaque.

      Le féminisme n’est pas un bloc unifié

      Je ne sais pas comment on en est arrivé là. Mais on y est. Le militantisme 2.0, qu’il soit féministe ou autre est devenu le fer de lance des luttes pour l’égalité. Il est sans nuances. Il est très agressif. Il a besoin de bourreaux et de victimes. Il stigmatise. Il refuse le débat. Il est une forme de tribunal de l’instant, violent et aveugle. Ce féminisme 2.0 pense qu’il va faire progresser les droits des femmes en exposant — entre autres — des hommes à la vindicte populaire. Ce féminisme oblige à une seule forme de participation, celle de l’adhésion pleine et entière, sinon, le rejet et l’opprobre. « Si vous n’êtes pas avec nous c’est que vous êtes contre nous » disait Georges W. Bush en 2001 après les attaques du 11 septembre. Suivez mon regard.

      Le concept du féminisme est ancien, il a plus d’un siècle, et il est difficile de le réduire à une seule poche de réflexion binaire. Comme si dire « frapper les femmes c’est mal » vous protégeait définitivement de toute forme de critique, vous mettait dans le camp des « bons » et vous permettait ensuite de chercher sur qui « taper » virtuellement — pouvant représenter ce « mal ». Oui, frapper les femmes c’est mal. Mais en réalité, frapper les gens c’est mal. Et si les femmes sont plus frappées que les hommes dans les couples, ce n’est pas si simple : il suffit de lire les témoignages de femmes battues, mariées le plus souvent, pour le comprendre. Le monde des hommes et des femmes n’est pas en noir et blanc et les rapports de domination, d’exercice du pouvoir, qu’il soit sexuel ou sentimental, économique, social ne sont pas réductibles à une phrase et une sentence. Sachant qu’il faudrait surtout mettre en place le maximum de travailleurs sociaux et d’accès à des d’écoute pour réduire, voire peut-être faire quasiment disparaître ce phénomène des femmes battues. Hurler sa propre sentence ne sert à rien. Juste à exciter les foules et faire croire qu’on s’est emparé du problème. Alors qu’il n’en est rien.

      Paye ton militantisme 2.0

      Chasser en bande. Taper sur tout ce qui bouge. Tenter d’expliquer à tout prix ses choix de militants ou militantes même les plus grossiers et les plus violents, comparer les souffrances, asséner, mépriser est devenu la règle du militantisme féministe 2.0. Du féminisme tout court puisque des voix plus modérées et cherchant la réflexion mesurée ont plus que du mal à se faire entendre. Voire, sont bâillonnées, ou tout du moins fatiguées de devoir se défendre en permanence. Au point de se taire.

      Le féminisme plus ancien appelait les hommes à changer, tout comme les femmes. Le rapport homme-femme dans la société n’est pas réductible à la seule demande de « changement des hommes », uniques responsables de situations désagréables, injustes ou archaïques envers les femmes. Les femmes doivent changer elles aussi. Se mettre en question. Tout comme les hommes. Que ne font-elles pas, que font-elles pour que leur situation soit encore aussi « désagréable » dans les rapports hommes-femmes ? Et les femmes qui se sentent l’égal des hommes, celles qui n’ont aucun problème pour se positionner dans la société, dans les rapports aux hommes, qu’ont-elle à dire, pourrait-on les entendre ? Parler de ce qui fonctionne pourrait donner des idées pour améliorer le sort du plus grand nombre, au lieu de ne parler seulement de ce qui dysfonctionne ? Ou bien le militantisme 2.0 ne peut-il que se contenter de clivages binaires et manichéens pour faire son office ?

      Dystopie contre-culturelle ?

      La brève sur le message de Cantat et le communiqué de l’Observatoire sur la création artistique n’était pas là pour défendre Bertrand Cantat. Elle exprimait juste une inquiétude et soulignait un problème en cours de constitution, celui du tribunal populaire Vs le tribunal institutionnel. Que les internautes, les militants et militantes estiment que Bertrand Cantat est un « tueur de femmes », un promoteur du « féminicide », soit, c’est un peu leur problème. La justice a elle, considéré — après enquête — que Marie Trintignant et Bertrand Cantat, solidement alcoolisés et défoncés, s’étaient — une nouvelle fois — battus dans leur chambre d’hôtel, et que la mort — tragique — de Marie Trintignant était survenue après des coups très violents portés par Bertrand Cantat, sans intention de la donner.

      Il y a plusieurs manières de s’emparer ou non de ce fait divers, puisque c’en est un. Des morts de femmes — injustes, atroces — de ce type, surviennent tous les ans, particulièrement lorsque les personnes sont sous l’emprise de l’alcool, et particulièrement dans des relations sentimentales. Le coupable est dans ces cas là, jugé, purge une peine, se repend aussi, et paye sa dette ainsi à la société. Il a fauté. Il a commis l’irréparable. Mais il n’est pas pour autant un monstre sans pitié, cruel, qui a monstrueusement retranché la vie de la femme avec qui il partageait sa vie de façon froide et meurtrière et qui devrait payer alors son crime odieux jusqu’à la fin de ses jours. Philippe Laflaquière, le juge d’application des peines qui a décidé en 2007 d’accorder sa libération conditionnelle à l’artiste après qu’il a purgé la moitié de sa peine dénonce son impossible réinsertion sur franceinfo :

      C’était sans compter la montée en puissance des réseaux sociaux, formidable caisse de résonance d’une "dictature de l’émotion" depuis longtemps dénoncée. Bien évidemment, le magistrat et le citoyen que je suis ne peuvent qu’approuver la libération de la parole et l’action des mouvements féministes. Mais ce combat pleinement légitime tourne maintenant à la vindicte publique. Sans autre forme de procès, une véritable mise au pilori en place médiatique.

      Ceux qui voient cette histoire sous le prisme du monstre assassin qui parade sur scène sont plus des lecteurs du "Nouveau Détective" qu’autre chose. Et des ardents défenseurs, au final, de la fameuse "société autoritaire et ferme" que certains appellent de leurs vœux par les urnes.

      L’affaire Cantat n’est pas seulement une histoire de meurtre de femme sous les coups d’un homme. Ce serait trop simple et trop facile. Surtout quand ceux qui viennent — 15 ans après — donner la leçon du bien et du mal, assoir leur morale de bons citoyens respectables auprès de ceux qui rappellent juste que la justice et la loi ont encore un poids dans cette société, face à la vindicte populaire.

      Compréhensible de la part d’une famille endeuillée, l’utilisation du terme d’"assassin" appliquée à un homme qui n’a jamais voulu donner la mort, et moins encore avec préméditation [Bertrand Cantat a été condamné pour "coups mortels" et non pour "assassinat" qui retient la préméditation], me semble difficilement acceptable, car fausse et démagogique, de la part de responsables associatifs ou politiques.

      L’affaire Cantat-Trintignant parle de la complexité des rapports hommes-femmes, des pulsions les plus violentes qui animent ces relations, de la difficulté à vivre les uns avec les autres, à se maitriser, à se faire du mal les uns les autres. Pas seulement d’un "monstre tabasseur et meurtrier de femme". Ca c’est bon pour Twitter et pour les foules avides de sensationnel. Cette affaire parle aussi du rapport à la célébrité, aux drames médiatisés, puisqu’il n’y a personne pour venir pleurer ou défendre les femmes tuées chaque année sous les coups de leur maris…

      Ce qui est le plus gênant au final dans les réactions "féministes" qui fusent de toute part autour de ces sujets, est l’incapacité de la plupart à se situer dans les problèmes évoqués. Comme si dans cette nouvelle société très "pure", personne n’avait de pulsion violente, meurtrière. Comme si personne ne dépassait les limites, que personne ne vivait des relations tourmentées, limites, glauques parfois. Comme si personne ne pratiquait l’injustice. Cette nouvelle forme de dystopie contre-culturelle ne manque pas de m’étonner chaque jour qui passe. Cette identification des foules aux victimes (et à leurs familles), cette compassion parfaitement fabriquée, ce refus de voir la réalité en face, remplacée par la création d’histoires manichéennes, cette capacité incroyable à plonger dans le marigot du pire et d’en faire un combat personnel, tout ça est décidément stupéfiant.

      Ceux ou celles qui un jour vont trouver le moyen de faire circuler les histoires constructives et positives des rapports hommes-femmes, montrer par l’exemple comment mieux vivre ensemble, ceux-là arriveront à quelque chose.

      En attendant, je ne suis plus féministe (ni écologiste ni égalitariste).

  • Encore Cantat
    https://blog.monolecte.fr/2018/03/15/encore-cantat

    Dans l’absolu, je ne changerai pas une virgule du texte que j’avais écrit au sujet de Bertrand Cantat, il y a 10 ans. Par contre, j’ai bien noté depuis que, comme souvent, la prison n’a pas réellement conduit le condamné à une remise en question, une contrition ou surtout, un changement de paradigme quant à […] L’article Encore Cantat est apparu en premier sur Le Monolecte.

    #violence #femmes #médias

  • Bertrand Cantat, le temps de la réinsertion et celui du pardon
    https://www.franceculture.fr/emissions/le-billet-culturel/le-billet-culturel-du-mercredi-14-mars-2018

    Pour la famille, nous le savons, et elle l’aura toujours répété notamment par la voix de Nadine Trintignant, mère de Marie, il n’y pas eu de « #condamnation normale », et que #Cantat veuille reprendre sa carrière sous les projecteurs est indécent. [...]

    Moi aussi la foule du tribunal populaire m’inquiète, moi aussi je veux vivre dans un état qui respecte le droit à la réinsertion, et à la présomption d’innocence, même si on le sait d’autres témoignages de violences accablent le chanteur. Mais pour lui, qu’en est-il du sens de sa peine ? Qu’en fait-il en tant qu’artiste ? Ne pas comprendre que le contexte actuel de la lutte contres les #violences_faites_aux_femme ne peut pas accueillir tranquillement cette tournée c’est étonnant. Refermer la parenthèse dans un mélange de #contrition et d’#arrogance c’est perturbant. Le temps de la #réinsertion est un #droit, celui du #pardon ne se décrète pas. #Voilà_tout.

  • Bertrand Cantat et la haine ordinaire populiste
    https://reflets.info/articles/bertrand-cantat-et-la-haine-ordinaire-populiste

    texte cantat - facebook - facebook Le populisme français actuel révèle aujourd’hui son vrai visage, celui d’une haine féroce envers la justice et les institutions démocratiques, en général. Son leitmotiv est simple, à ce populisme : le peuple sait mieux que le « système ». Même le système judiciaire. Condamner quelqu’un à la prison n’est pas suffisant pour les populistes, il faudrait en sus le brimer, le punir à vie, l’empêcher d’exercer son métier. Quitte à faire pratiquer la censure et aller contre l’esprit de la loi. C’est ainsi que des associations, dont des associations « féministes » ont appelé à faire annuler les concerts de Bertrand Cantat, et le pousser à ne pas participer aux festivals d’été. Il s’en est expliqué sur sa page Facebook : (...)

  • Appel à Rassemblement contre le concert de Bertrand Cantat à La Belle Électrique
    https://grenoble.indymedia.org/2018-03-11-Appel-a-Rassemblement-contre-le

    Les 13 et 14 mars 2018, Bertrand Cantat sera en concert à La Belle Électrique à Grenoble. Il nous est impensable de ne pas réagir face à ce choix de programmation. De plus, l’histoire de ce chanteur nous semble emblématique et donc une bonne occasion de revenir sur la notion de justice, et sur la manière dont notre société se comporte face aux violences faites aux femmes. Pour ceux et celles qui pensent que le meurtre de Marie Trintignant n’était qu’un accident, une erreur de parcours. Revenons (...)

    #Editos

  • Appel à Rassemblement contre le concert de Bertrand Cantat à La Belle Electrique
    https://grenoble.indymedia.org/2018-03-06-Appel-a-Rassemblement-contre-le

    Tout d’abord, lien vers une pétition pour l’annulation du concert : https://www.change.org/p/%C3%A9ric-... (Pour une version annotée du texte cf. pièce jointe) Appel à rassemblement le 13 mars à 19h pour dire NON au concert de Bertrand Cantat à La Belle Electrique ! Les 13 et 14 mars 2018, Bertrand Cantat sera en concert à La Belle Électrique à Grenoble. Il nous est impensable de ne pas réagir face à ce choix de programmation. De plus, l’histoire de ce chanteur nous semble emblématique et donc une (...)

    #Articles

    / #Infos_locales, Féminisme / Genres / Sexualités

    #Féminisme_/_Genres_/_Sexualités
    https://www.change.org/p/%C3%A9ric-piolle-le-maire-de-grenoble-doit-annuler-le-concert-de-bertrand-ca
    http://www.lepoint.fr/societe/bertrand-cantat-accuse-de-harcelement-17-02-2018-2195748_23.php
    http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/05/12/violences-sexuelles-pourquoi-un-tel-decalage-entre-le-nombre-de-victimes-et-
    https://www.bastamag.net/Mais-pourquoi-donc-ne-portent-elle-pas-plainte
    https://www.lesrepliques.com/18-mois-de-prison-avec-sursis-pour-le-viol-de-sa-fille_a1769.html
    https://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/bertrand_cantat_l_interview_indecente_des_inrocks_qui_ne_passe_pas_406322
    https://genius.com/Orelsan-sale-pute-lyrics
    https://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%A9minicide
    https://lesmotstuent.tumblr.com
    http://www.liberation.fr/apps/2017/06/220-femmes-tuees-conjoints-ignorees-societe
    https://www.youtube.com/watch?v=2fWVQVsI-F4


    https://www.youtube.com/watch?v=bmUzl1e_cW4

  • #MeToo : à force de « mais », on n’avance pas | Slate.fr
    https://www.slate.fr/story/158344/metoo-mouvement-general

    MAIS il faut faire attention. MAIS ça va trop loin. MAIS les réseaux sociaux ne doivent pas être un tribunal populaire. MAIS il faut laisser la justice faire son travail. MAIS il y a des femmes qui mentent. MAIS il y a des femmes qui se victimisent. MAIS il y a des hommes qui sont persécutés. MAIS la séduction.

    Arrivée au point « séduction », en général, je sucre mon café avec un comprimé de valium, en me demandant si je vis sur la même planète que les personnalités qui se répandent dans les médias, toutes pétries d’inquiétudes face aux hordes féministes qui terrorisent le pays.

    Sur ma planète à moi, ça ne va pas trop loin : ça ne va nulle part

    Il ne se passe rien. Je cherche des exemples d’hommes dont la vie professionnelle et personnelle aurait été ébranlée par des accusations, mensongères ou pas. Je n’en vois aucun. Quel homme a été cloué au pilori du féminisme vengeur ?

    Prenons les cas les plus connus sur lesquels on prétend que les féministes enragées, comme moi, s’acharnent : la promo du dernier film de Woody Allen s’est bien passée, Roman Polanski devrait être un personnage du prochain film de Tarantino, Bertrand Cantat est en tournée (le 29 mai prochain il sera à l’Olympia et c’est déjà complet), Gérald Darmanin est toujours ministre de la République, Nicolas Hulot n’a pas perdu un point dans les sondages de popularité et reste le politique le plus apprécié des Français, le journaliste de LCP, Frédéric Haziza, qui était accusé d’agression sexuelle, a réintégré son poste et son accusatrice a démissionné, la cagnotte « Free Tariq Ramadan » a dépassé les 100.000 euros en quelques jours.

    Dans les médias, je ne peux citer qu’un cas où il s’est passé quelque chose. Patrice Bertin, célèbre voix de France Inter, mis en cause par plusieurs journalistes pour harcèlement et tentative de viol, est parti en retraite anticipée en novembre dernier. Je ne vais pas me prononcer sur ces cas, au demeurant forts différents les uns des autres. J’aimerais simplement qu’on se rende compte du décalage entre un discours général du « ça va trop loin » et le réel.

    À LIRE AUSSI Harvey Weinstein, Woody Allen, Roman Polanski... Comment juger l’œuvre des artistes visés par #MeToo ?
    Vous savez où est Harvey Weinstein ?

    Quand on nous dit que ça va trop loin, on se fout tout bonnement de notre gueule. Vous savez où est Harvey Weinstein ? En Arizona, où il se fait des hôtels et des restaurants de luxe. On pense qu’il est aussi allé se dorer les poils du cul dans un centre qui traite les problèmes d’addiction, The Meadows (les prairies), où a également séjourné Kevin Spacey. Ça se trouve ils se sont fait des apéros sympas au bord de la piscine.

    Photo officielle tirée du site de la clinique The Meadows.

    Je crois que j’ai rarement assisté à un tel décalage entre un discours et le réel. Ça me rappelle la campagne électorale de Jacques Chirac en 2002, la manière dont il avait martelé sans cesse le mot « insécurité », qui était une nouveauté lexicale, et même « sentiment d’insécurité », réussissant à créer une impression de danger qui, peu de temps avant, était inexistante.

    Mais les détracteurs du mouvement #MeToo n’ont pas seulement décorrélé l’impression générale de la situation concrète. Ils ont enterré le mouvement grâce à un magnifique tour de passe-passe qui a consisté à déplacer des questions sociétales sur le terrain judiciaire en évoquant la présomption d’innocence, et sur le terrain moral en évoquant le puritanisme. Chapeau bas.

    Ce faisant, ils ont réussi à faire oublier le plus important. Si des centaines de milliers de femmes ont parlé, ce n’était pas pour faire condamner par le tribunal d’internet des centaines de milliers d’hommes. D’abord, ce ne sont pas les pires histoires qui ont été racontées. Ensuite, l’écrasante majorité n’a pas donné de nom. Il s’agissait de montrer la réalité massive des agressions sexuelles, que ce problème concernait tout le monde et méritait une prise de conscience collective. Ce qui comptait, ce n’était pas les noms mais le nombre.
    On a dit quoi ?

    On a parlé de cette sensation étrange que nos corps ne nous appartiennent pas vraiment, que n’importe qui s’autorise à les toucher, à les commenter, à les juger

    Comment peut-on s’approprier son propre corps quand on nous répète que ce qui est constitutif de lui, comme la cellulite ou les règles, est dégoûtant ? Il a fallu attendre 2016 pour populariser un peu la véritable forme du clitoris. On nous dit encore des trucs comme « il faut souffrir pour être belle » –et est-ce que ça, ça ne parasite pas aussi complètement notre rapport au corps ? Et le consentement, combien de fois je n’ai pas été pleinement consentante ? Est-ce qu’on ne peut l’être qu’à moitié ? On parle de tout ça, on s’interroge, on se questionne. Et en face, on nous répond quoi ? « Elles veulent changer la fin du Carmen de Bizet. » À un tel niveau d’incompréhension, j’ai du mal à croire à un simple malentendu.
    Ce dont #MeToo témoignait, c’est qu’être une femme en 2018 ce n’est pas être l’égale d’un homme

    Et cette inégalité fondamentale est protéiforme.

    C’est être perçue comme un objet sexuel, c’est être discréditée, ne pas avoir la même liberté de déplacement dans l’espace public, ne pas être prise au sérieux au travail, être moins écoutée, moins payée, se taper les tâches ménagères, c’est appartenir encore et toujours à la sphère privée et être au service des autres parce que nous sommes là pour rendre leur vie plus douce. Et c’est, quand on tente de sortir de ces cases, se trimballer le sentiment d’être une imposture vivante, de perpétuellement devoir quelque chose à quelqu’un, de n’être pas à la hauteur, soumise au jugement permanent de la société.

    À LIRE AUSSI En 2017, la Women’s March était une réaction ; en 2018, elle est une révolution

    Être une femme, c’est ne pas s’appartenir pleinement. Face à tout ça, un homme qui réécrit la fin de Carmen, je m’en contrecarre le cul.
    On s’épuise... et parfois je me demande si ce n’est pas un peu fait exprès

    Mais polémiquer dessus, je reconnais que c’était une excellente diversion. À chaque « fake news » sur « les féministes », il faut que l’on perde du temps et de l’énergie à rétablir les choses, à expliquer que non, il n’y a pas une internationale vaginale qui exigerait de brûler toutes les copies de Blow-up ou que désormais les parents doivent s’échanger des exemplaires de la Belle au bois dormant sous le manteau sous risque d’être arrêtés par une milice féministe. Alors, on est là, on reste calmes, on répète que les oeuvres questionnent la société, et qu’à l’inverse, on a le droit de les questionner, de les analyser, de les décortiquer. Que critiquer, ce n’est pas censurer.

    Et on s’épuise à ça. Et parfois, je me demande... si ce n’est pas un tout petit peu fait exprès.

    Un peu comme le botté en touche des « il faut laisser la justice faire son travail ». C’est pratique ça, la justice doit faire son travail. Mais un mouvement, ce ne sont pas des cas particuliers alignés les uns derrière les autres. Ce mouvement dit quelque chose de notre société, et ce n’est pas la justice qui va changer la société. La justice s’occupe du cas particulier, le reste, l’addition de ces cas, c’est notre problème à tous. À nous de regarder la somme en face.

    Tous ces arguments qui suivent le « MAIS » sont une vaste mascarade.

    À LIRE AUSSI Quand la presse américaine écrit l’histoire, la nôtre choisit la réaction…

    Arrêtez de vous cacher derrière l’institution judiciaire ou la peur de la censure pour ne surtout pas réfléchir à tous les comportements au quotidien qui ne vont pas, à toutes les inégalités qu’on accepte et qu’on nourrit, à tous les stéréotypes qui font passer pour acceptable ce qui ne devrait pas l’être.

    #backlash #sexisme #misogynie #domination_masculine #masculinisme #féminisme

  • L’affaire Cantat dans les médias | Isabelle Alonso

    http://www.isabelle-alonso.com/laffaire-cantat-dans-les-medias

    L’affaire Trintignant/Cantat a suscité beaucoup de réactions dans la presse. Le texte suivant se propose d’examiner quelques réactions marquantes sur cette affaire, qui ont adopté une position de compréhension, voire de soutien plus ou moins explicite à Bertrand Cantat, son propos n’étant pas de juger BC mais d’analyser les arguments invoqués pour expliquer, voire excuser son acte et atténuer sa responsabilité.

    les femmes « poussent à bout », elles provoquent la violence en harcelant verbalement les hommes.

    Marie Trintignant doit forcément avoir provoqué verbalement Bertrand Cantat pour qu’il l’ait tuée de coups. C’est la thèse de Jacques Lanzman dans son article du Monde, « Les mots qui tuent » : « on frappe pour faire taire les mots qui tuent » et « qui castrent » (1). L’article de Samuel Lepastier dans le Nouvel Obs en ligne n’opère pas un transfert de responsabilité aussi explicite vers la victime mais ses arguments sont du même ordre (2). Ces deux articles proposent un scénario hypothétique, mais néanmoins présenté comme une quasi-certitude, de la scène qui s’est terminée par la mort de Marie : d’après eux, c’est l’agression verbale de la victime qui a déclenché la violence. Tous les deux invoquent identiquement une parole féminine humiliante et castratrice (ou perçue comme telle) qui agirait sur la psyché masculine comme le chiffon rouge sur un taureau : « beaucoup d’hommes n’arrivent pas à avoir le dernier mot sur leur compagne, plus habile à manier le langage. Ils n’arrivent pas à mettre des mots pour traduire leur agressivité. Ils

    #féminicide #meurtre

  • Bertrand Cantat, la #violence, les #femmes et l’omerta : les révélations du Point
    http://www.midilibre.fr/2017/11/30/bertrand-cantat-la-violence-les-femmes-et-l-omerta-les-revelations-du-poin
    http://images.midilibre.fr/images/2017/11/30/le-chanteur-bertrand-cantat-sur-scene-lors-d-un-concert-a-la_263666
    L’article du Point est sous #paywall

    Un ancien membre de Noir Désir explique ce qui s’est passé à ce moment-là : « Kristina m’a vu et elle m’a demandé, à moi et à tous les autres membres du groupe, de cacher ce que l’on savait. Elle ne voulait pas que ses enfants sachent que leur père était un homme violent. Je savais qu’il avait frappé la femme avec qui il était avant Kristina. Je savais qu’il avait tenté d’étrangler sa petite amie, en 1989. Je savais qu’il avait frappé Kristina. Mais ce jour-là, nous avons tous décidé de mentir. Nous étions tous sous son emprise. Et nous pensons qu’il se soignerait (...) Beaucoup de gens dans le milieu bordelais savaient que Kristina avait été battue avant l’affaire Vilnius, mais ils se sont tus ».

    • https://www.reddit.com/r/france/comments/7gmder/bertrand_cantat_enquête_sur_une_omerta_article_en

      ...
      Le 3 juillet à 13 heures, Kristina envoie à François ce mail que nous avons pu consulter : « Je suis à bout de forces, Bertrand est extrêmement jaloux de toi, et depuis que tu lui as décrit comment on faisait l’amour, il a des coups de colère, il vérifie tout, chaque mot peut faire éclater une dispute, et il s’interroge sur ce qui s’est passé le week-end dernier. Il me harcèle de a [sic] et s’il apprend quoi que ce soit, ce sera la fin de mon histoire ici-bas. Je n’arrête pas de courir d’un psy à l’autre pour trouver des solutions à ses coups de colère, mais ça ne marche pas. Je t’en supplie, n’appelle pas, l’iPhone a déjà été cassé lundi pour cela. L’autre, comme tu continuais, j’ai dû le cacher, car s’il apprend que tu connais mon numéro, c’est fini pour moi. »
      ...
      Le même jour, Kristina appelle ses parents, qui vivent à Budapest. Le téléphone sonne dans le vide. Ils sont partis au lac Balaton, où ils possèdent une maison. À leur retour de vacances, quelques jours plus tard, ils trouvent sur leur répondeur un message glaçant, de 7 minutes et 33 secondes : « Allô, salut Maman, salut Papa, c’est Cini [...] Ici beaucoup de choses se sont passées et des pas bonnes [...] Pourtant il aurait semblé que quelque chose de très bon m’arrive, mais en l’espace de quelques secondes Bertrand l’a empêché et l’a transformé en un vrai cauchemar qu’il appelle amour. Et j’en suis maintenant au point, alors que j’avais du travail pour tout ce mois-ci, ce qu’il ne supporte pas, qu’hier j’ai failli y laisser une dent, tellement cette chose que je ne sais comment nommer ne va pas du tout, mon téléphone, mes lunettes, m’a jeté quelque chose, de telle façon que mon coude est complètement tuméfié et malheureusement un cartilage s’est même cassé, mais ça n’a pas d’importance tant que je pourrai encore en parler. Mais... puisque nous avons donc décidé de revivre ensemble et que Bertrand, n’est-ce pas, est à nouveau amoureux de moi et ne peut vivre qu’avec moi, ce qui serait bien s’il était possible de vivre avec lui, mais on ne peut pas. [...] J’ai essayé, et j’essaie, de vivre de telle manière que je ne sois pas obligée de fuir, car soit il sera déjà trop tard pour fuir faute d’être encore en état pour le faire, soit je réunis mes forces maintenant et je m’enfuis avec Liszka [Alice, leur fille, NDLR]. [...] Naturellement, vous pouviez deviner qu’une série [d’événements] encore plus regrettable a eu lieu que celle de 2003, car à l’époque cela ne m’était pas arrivé à moi, tandis que maintenant cela m’arrive, et déjà à plusieurs reprises j’ai échappé au pire, et puis c’est intenable [...] Bertrand est fou, il croit que c’est là le plus grand amour de sa vie et que, mis à part quelques petits déraillements, tout va bien. Et tout le monde, bien sûr, dans la rue le considère comme une icône, comme un exemple, comme une star, et tout le monde désire que pour lui tout aille bien, et après il rentre à la maison et il fait des choses horribles avec moi devant sa famille. [...] J’espère qu’on va pouvoir s’en sortir et que vous pourrez encore entendre ma voix, et sinon, alors vous aurez au moins une preuve que... mais des preuves il y en a, les gens dans la rue et nos amis, car ce qu’ils ont vu hier quand Bertrand a tout cassé, et j’ai eu peur que pour une fois, cela ne se passe pas chez nous mais chez nos amis, et donc si telle chose devait arriver, ils pourraient témoigner, même si un témoignage n’aurait aucun sens car tel que je connais Bertrand, il se suiciderait, et alors les enfants resteraient là, orphelins. »
      ...
      Un des membres de Noir Désir nous raconte que Kristina lui avait déjà confié avoir peur pour sa vie. Il a essayé de parler au chanteur, l’a supplié d’aller voir un psy. « Je n’ai pas un problème avec les femmes, ce sont les femmes qui ont un problème avec moi », lui aurait répondu celui-ci.

    • c’est très optimiste de ta part, tout de même, d’avoir supposé une seconde un tel degré de clarté et de franchise de la part des Inrocks, non ?
      J’ai trouvé ça vraiment bien, en tout cas ; en général, c’est assez raté ces tentatives, jamais vraiment aussi drôle que ça le voudrait, trop soucieux d’être évalué dès le départ à la bonne distance, comme par crainte de n’être par reconnu par les siens (les pages de procès qui finissaient le Plan B étaient toujours ratées, par exemple, dans un canard qui pourtant avait une super tenue sur tout le reste). Je connais pas l’auteur belge du texte sur Les Inrocks et Cantat, mais ça me rend curieux.

    • Optimiste ! oui, surement un peu. Bon client, plutôt. Je gobe beaucoup de connerie mais tout de même pas au point de m’abonner aux inrocks. J’attends que ça arrive sur @seenthis.
      et des fois, il n’y a que l’embarras du choix entre Le Monde, Télérama, Marianne, Ouest-France, Le nouvel Obs, Libération...
      Il faudrait que je balance des liens de La Croix où du pélerin pour voir.
      Sinon, ici, il y a un auteur local : Hubert le Hobbit, que tu connais peut-être ? il annonce la couleur des le départ, #sardonique et #sarcastique dont voici le 5ème épisode de sa seconde saison : https://fr.scribd.com/document/365936936/S2E5-Retour-Vers-l-Avant-garde#fullscreen&from_embed
      http://hubertlehobbit.blogspot.fr/p/episode-5-retour-vers-lavant-garde.html

    • oui, je connais ces trucs. Je pensais même en avoir causé sur Seenthis pour en dire tout le mal que j’en pensais, d’ailleurs (ça sortait à la période où la Maison du peuple était prise, et une émission de radio Croco devait avoir, entre autres sujets - je voulais faire un truc un peu général sur la caricature, qui faisait l’objet d’un dossier dans CQFD - ces farces ringardes, avec leurs auteurs et bibi en face pour dire tout le bien que j’en pensais. Et c’est parti en couille juste avant l’émission). On peut difficilement faire plus raté. J’imagine que ça pouvait faire rire en 1830. Si les élus locaux n’ont que des ennemis de cette force comique et de cette verve politique, ils peuvent dormir tranquilles pour les mille ans à venir.

    • Ce blog tenu par on–ne-sait-pas-qui fait déjà grincer des dents. On nous rapporte même que certains élus tentent d’en savoir un peu plus afin de connaître la source. Nous, nous avons bien notre petite idée mais garder le mystère semble bien plus passionnant que de tout dévoiler.

      voici une itw de l’auteur de ce blog par alter1fo, un peu plus dans l’esprit de rtbf.be
      http://alter1fo.com/hubert-hobbit-tonton-flingueur-rennesquonaime-103089
      ça n’empêche peut-être pas les élu.es locaux de dormir ni de leur couper l’appétit mais tout le monde n’a pas le talent de @cqfd


      Pendant les grêves de la faim, l’assiette au beurre continue !

    • @vanderling ah mais je ne veux pas laisser croire que dans mon cher canard c’est forcément mieux sous le prétexte que j’y bosse, hein ! Ma position sur la caricature, par exemple, dans ce numéro spécial, était clairement en porte à faux avec celle du reste des dessinateurs, sinon de l’équipe, ce qui ne les a pas empêché de publier mon article assez brutal (voilà un point sur lequel CQFD affirme sa tenue devant pas mal de publications, quand même).

      https://seenthis.net/messages/465434#message465776

      ce qui est dit dans ce texte sur le dessin n’est pas moins vrai pour les pochades du Hobbit.

  • La banalité du mâle
    https://nantes.indymedia.org/articles/38881

    La lamentable Une offerte la semaine passée par Les Inrockuptibles à Bertrand Cantat n’a rien d’une anomalie : elle s’inscrit au contraire dans une longue tradition française de complaisance face à la violence sexiste, jusque dans ses formes les plus extrêmes, #en particulier quand elle est le fait d’un « grand artiste » ou d’un « grand penseur ». Une longue tradition d’occultation, de dénégation, de relativisation et d’hyper-euphémisation notamment du viol ou du meurtre, dont a déjà pu bénéficier un autre « grand génie » : le philosophe Louis Althusser, coupable du meurtre d’Hélène Legotien, sa femme, le 16 novembre 1980. Dans un article publié initialement dans Nouvelles Questions féministes en 2015, Francis Dupuis-Déri revient sur la thèse qui s’est alors imposée, très vite, dans les débats publics : celle de (...)

    #contrôle #social #-ismes #tout #genres #_anarch-fémin #contrôle,social,-ismes,en,tout,genres,_anarch-fémin…

  • Derrière Bertrand Cantat en héros romantique, l’histoire d’une presse française machiste
    https://www.franceculture.fr/medias/derriere-bertrand-cantat-en-heros-romantique-l-histoire-d-une-presse-f

    O.J. Simpson, Oscar Pistorius, #Bertrand_Cantat... Ce n’est pas la première fois qu’en France, le traitement médiatique d’affaires de violences conjugales prend des allures de feuilleton romanesque. D’où vient cette tradition, très française, de romantiser les fémicides, de tenter de polir les contours d’une réalité terrible (rappelons que 123 femmes sont mortes de violences conjugales en 2016), avec des expressions vides de sens juridique, comme « crime passionnel » ?

    Nous avons posé la question à Annik Houel, professeure émérite en psychologie sociale à l’Université Lumière-Lyon 2, et auteur de Crime passionnel, crime ordinaire (2008), et Psychosociologie du #crime : à la vie, à la mort (2008), aux PUF. Elle a notamment travaillé sur le décalage entre ce que disait la #presse, et la réalité crue des dossiers d’assises.

    Que pensez vous de cette Une des #Inrockuptibles ?

    Barbu, les cheveux un peu dans tous les sens… il ressemble vraiment à un grand romantique, un héros. Il n’y a pas de doute sur la présentation qu’on en donne. Da manière générale, Cantat est très souvent présenté comme une #victime. Dans toutes ces histoires de #fémicides, ce qui est frappant c’est qu’il n’y a pas d’analyse sociale ou politique. Ça reste étonnant, passionnel, donc ça concerne tout le monde. Mais on n’analyse pas. Le Monde, à l’époque, avait traité l’affaire dans la rubrique « #fait_divers », celle des chats et des chiens écrasés. C’est un « fait divers », donc un truc qu’on n’analyse pas. Et puis ensuite, c’est devenu une affaire passionnée et passionnelle. On était au mois d’août 2003, et ça remplissait les pages. On voit qu’au tout début, cette histoire est présentée comme une histoire de passion à laquelle on ne comprend rien. On ne peut rien en dire car il s’agit de passion. Il faut savoir qu’en France il n’y a pas de « #crime_passionnel » dans la loi, ça n’existe pas ! Cantat s’est fait juger en Lituanie [où a eu lieu le meurtre de Marie Trintignant, NDR], où le crime passionnel existe comme catégorie juridique. En France ça ne se serait pas passé comme ça. Là-bas, il n’a écopé que de huit ans de prison. Il est sorti assez vite d’ailleurs, il n’a pas purgé entièrement sa peine, et il est sorti [au bout de trois ans de prison, NDR]. Si ça avait été reconnu en France comme « #violence_conjugale », il aurait pu prendre vingt ans.

    #femmes #sexisme via @mona

  • Marie | En Beauté
    http://www.diasteme.net/2017/10/11/marie

    Perdre le sens commun, cela s’appelle, oui, je ne vois pas d’autre excuse. Ce n’est pas vendre des journaux. Les Inrocks n’est pas un magazine qui cherche à vendre, ce n’est pas TF1, ce n’est pas Hanouna, ce sont des gens intelligents, c’est un bon magazine. J’ai été journaliste, je peux comprendre que l’on ait envie de suivre Cantat, ce qu’il devient, ce qu’il fait – il sort un disque, comment ose-t-il, mais d’accord, très bien. Nous connaissons tous des auteurs qui ont commis des crimes, ou qui se sont vraiment mal comportés, mais dont l’œuvre perdure, que l’on continue à suivre, sans excuser, qui peuvent toujours nous intéresser, mais de là à les mettre en couverture de son journal pour une chanson sur le Brexit !?

    Une femme, tous les trois jours, en France, meurt sous les coups d’un homme.

    Je ne connais pas Bertrand Cantat, et je ne m’en fous pas : il a tué quelqu’un que j’aimais beaucoup à coups de poing. Comme je ne connais pas Harvey Weinstein, et je ne m’en fous pas : cet homme a fait un mal fou à plein de femmes, dont une de mes meilleures amies, et aujourd’hui il tombe enfin, tant mieux, et j’admire le courage d’Emma, et je suis tellement fier d’elle.

    On ne fait pas de publicité pour ces gens.

    On ne les met pas en couverture.

    On ne perd pas tout sens commun.

    On pense à Marie Trintignant, on se souvient de la grande actrice qu’elle est, qu’elle a été, qu’elle sera toujours.

    C’est elle qu’on met en couverture.

    #Les_Inrockuptibles #Bertrand_Cantat #sens_commun #féminicide