person:bruno thomé

  • « Dessiner une utopie un peu merdique. »
    Bâtir aussi, de la science-fiction pour ouvrir les imaginaires politiques. Entretien avec les ateliers de l’Antémonde

    Par Nathalia Kloos et Bruno Thomé

    Les ateliers de l’Antémonde ont entrepris d’écrire la vie quotidienne d’un monde révolutionné, anti-autoritaire et anti-capitaliste, dix ans après un soulèvement mondial, l’Haraka. Leurs séances d’écriture collective ont donné naissance au recueil de nouvelles Bâtir aussi, que leurs auteur·es qualifient elles et eux-même d’« utopie ambiguë ». Car si on peut y entrevoir des futurs enthousiasmants, tout est à réinventer collectivement dans ce monde d’après. Le livre, publié en mai 2018 par les éditions Cambourakis, n’a pas clôturé l’exercice : il est devenu le point de départ d’ateliers de réflexion et d’imagination itinérants, les « labo-fictions ». Quand la (science-)fiction devient un levier pour penser la dimension concrète et vivante de possibles processus révolutionnaires.

    https://www.jefklak.org/dessiner-une-utopie-un-peu-merdique

  • « Dessiner une utopie un peu merdique » | Nathalia Kloos et Bruno Thomé
    https://www.jefklak.org/dessiner-une-utopie-un-peu-merdique

    Les ateliers de l’Antémonde ont entrepris d’écrire la vie quotidienne d’un monde révolutionné, anti-autoritaire et anti-capitaliste, dix ans après un soulèvement mondial, l’Haraka. Leurs séances d’écriture collective ont donné naissance au recueil de nouvelles Bâtir aussi, que leurs auteur·es qualifient elles et eux-même d’« utopie ambiguë ». Car si on peut y entrevoir des futurs enthousiasmants, tout est à réinventer collectivement dans ce monde d’après. Le livre, publié en mai 2018 par les éditions Cambourakis, n’a pas clôturé l’exercice : il est devenu le point de départ d’ateliers de réflexion et d’imagination itinérants, les « labo-fictions ». Quand la (science-)fiction devient un levier pour penser la dimension concrète et vivante de possibles processus révolutionnaires. Source : Jef (...)

  • Judge Dredd’s not dead

    Le gouvernement des Juges dans la méga-cité

    Par Bruno Thomé

    http://jefklak.org/judge-dredds-not-dead

    Carlos Ezquerra nous a quitté la semaine dernière. RIP.

    En 1977, deux ans après la mort du général Franco, le dessinateur espagnol avait imaginé l’uniforme aux larges épaulettes dorées de Judge Dredd, personnage phare des comics britanniques, évoluant dans un monde post-apocalyptique régi par un État policier ultra autoritaire. Plus de quarante ans après, l’implacable flic du futur opère toujours dans les BD et au cinéma ; une série TV est même en production. Alors que, selon un récent rapport de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), la police française n’a jamais autant tiré à balles réelles sur la population, le Juge Dredd et son permis de tuer sur place constituent-t-il un modèle pour la police moderne ?

  • « Vivez à vos risques et périls, mais vivez dociles et prévisibles »

    Le grand détournement néolibéral de Foucault.

    Entretien avec Valérie Marange

    Par Bruno Thomé et Nathalia Kloos

    http://jefklak.org/vivez-a-vos-risques-et-perils-mais-vivez-dociles-et-previsibles

    Valérie Marange, philosophe, psychanalyste et praticienne Feldenkrais, a participé aux mouvements d’intermittents et précaires. Dans « L’éthique du bouffon » en 2001 puis dans « L’intermittent et l’immuable » en 2007, elle analyse les falsifications des idées de Michel Foucault opérées par deux bouffons du néolibéralisme : François Ewald, ancien assistant du philosophe et colégataire de son œuvre, et Denis Kessler, alors no 2 du Medef. Leur article « Les noces du risque et de la politique » pose les bases de la contre-réforme de la protection sociale portée par l’organisation patronale pendant les années 2000, avec l’aide de ses alliés syndicaux – CFDT en tête. Ils y font l’éloge de l’« économie politique du risque » et d’une éthique travailliste où le contrat social « trouve sa vérité dans l’assurance ». Retour sur l’individualisation de la responsabilité et le gouvernement par la peur que véhicule l’idéologie néolibérale du risque.

    • D’ores et déjà, tu n’as pas du tout le même accès aux mutuelles selon l’âge, les antécédents médicaux… Pour les prêts immobiliers, n’en parlons pas. C’est ça aussi, l’idéologie du risque : s’assurer de conduites très régulières, très normées, au nom de la prévention du risque. Le discours sur le risque est truffé d’injonctions paradoxales : « Vivez à vos risques et périls, mais vivez docile et prévisible. » Et surtout il « dés-écologise » la notion de risque, puisque l’enjeu, c’est l’imputation des risques : tu assumes la responsabilité des risques que tu prends, tu ne vas tout de même pas la faire porter à quelqu’un d’autre ! Encore moins à la société ! On va donc chercher à débusquer tout ce qui est de ton niveau de responsabilité, tout ce que ne va pas couvrir l’assurance. Le mot « risque » est mis en exergue pour ce qu’il véhicule de positif, le côté chevaleresque, héroïque… Cela peut tenter un certain nombre de gens : « C’est glorieux de vivre dans le risque ! » Mais en réalité, ce n’est pas du tout ce qui est attendu. Ce qui est attendu, c’est de tenir ses promesses, c’est-à-dire de se comporter de manière responsable, comme quand tu as contracté une assurance : tu as lu le contrat d’un bout à l’autre, tu sais précisément dans quoi tu t’es engagé, à quoi t’en tenir si tu prends des risques inappropriés – par exemple, boire au volant.

      Cette notion de responsabilité implique autre chose dont on ne parle pas souvent, mais qui est central dans la gouvernance actuelle : la question de la subsidiarité. C’est-à-dire à quelle échelle placer telle ou telle responsabilité : qui est responsable de quoi ? Cette notion de subsidiarité est par exemple utilisée par les institutions européennes : qu’est-ce qui dépend de l’Europe ? Tout ce qui ne dépend pas d’échelons en dessous. Et quels sont ces échelons ? L’État national, la région, le département, le canton, la commune et, au bout du compte, l’individu lui-même – la plus petite unité de subsidiarité.

      La refondation sociale, pensée contre la prétendue « démoralisation » induite par la couverture sociale collective, est une individualisation extrême de la responsabilité et de la prise de risque. Chacun devrait être un système quasi autosuffisant, ce qui veut dire, paradoxalement, bien adapté, bien branché à la machine globale dont on est tous invité à être dépendant. Parce qu’en revanche, quand tu veux effectivement travailler de manière vraiment autonome, c’est quand même un petit peu compliqué. Je le dis en connaissance de cause, parce que je fais partie de la seule profession libérale qui n’est pas réglementée, la psychanalyse. Ce qui est absolument une survivance – et qui n’est garantie que parce qu’il y a des lacaniens très méchants qui ont montré les dents au moment où l’État a voulu réglementer, et même interdire une pratique qui ne se laisse pas décrire par des protocoles de type industriel. En réalité, la vraie prise de risques, au sens noble de l’engagement sans s’abriter derrière une autorité, est pour ainsi dire proscrite dans nos systèmes de plus en plus réglementés et protocolisés, notamment dans le secteur de la santé.

  • Nou3 : l’humain, le cyborg et les espèces compagnes

    Par Bruno Thomé

    http://jefklak.org/?p=5635

    Et si Médor et Pupuce devenaient des armes de destruction massive ? C’est ce que le tandem écossais Morrison/Quitely a imaginé pour son one shot comic book : Nou3 , pur shoot stroboscopique de gore à fourrure. Histoire de réaliser une bonne fois pour toute que la guerre « zéro mort » n’existe que dans l’imagination des responsables de com’ en kaki.

    (...)

    Nou3 ne prétend pas offrir un point de vue original sur l’humain et les autres animaux – il ne s’agit nullement d’un manifeste cyborg ou en faveur des espèces compagnes. Plutôt un brûlot antimilitariste en forme de mélodrame gore et animalier, où empathie naturelle pour les compagnons à quatre pattes et fantasme de sauvagerie et d’instrumentalisation guerrière s’entrechoquent dialectiquement.

  • « Je lui dis des secrets et il les garde en lui »

    Quatre enfants, dix mille doudous

    Par Jef Klak

    Objet transitionnel pour la psychanalyse ou nid à bactéries pour la médecine, peu importe. La parole est aux enfants. Hugo, Anna, Sara et Meïmouna nous racontent leurs doudous : tour à tour ami·e d’aventures imaginaires, confident·e des nuits parallèles et plus mieux encore…

    Propos recueillis par Mathieu Rivat, Émilie Lebarbier, Noémi Aubry, Hélène Pujol, Bruno Thomé et Julia Zortea

    http://jefklak.org/?p=5546

    Qui a des souvenirs de doudou  ?

    Sara  : Moi, j’ai deux doudous. Un, c’est un animal. Mais c’est Meïmouna qui me l’avait prêté, donc je l’avais volé, en fait. Il s’appelait…

    Meïmouna  : Soussou.

    Sara  : Parce que c’était une souris. Et puis l’autre, sa tête était comme une poupée, et son corps comme un doudou. Elle s’appelait Bibika.

    Et maintenant, tu n’as plus ce doudou  ?

    Sara  : Ben si. Mais je l’ai perdu. Enfin, je l’ai vu il y a cinq jours. Je ne le trouve plus.

    Est-ce que tu as déjà vraiment perdu un doudou  ?

    Sara  : Oui, j’étais triste au début, mais ensuite je me suis habituée. L’année dernière, je l’avais aussi perdu pendant longtemps. En fait, je le perds, et ensuite je le retrouve.

    Et quand tu le retrouves, tu en fais quoi  ?

    Sara  : Ben, je le prends. Pour dormir avec.

    C’est que pour dormir  ?

    Sara  : Oui. Quand j’ai peur. Mais maintenant, j’ai moins peur.

    Tu avais peur de quoi  ?

    Sara  : J’avais peur que la maison s’écroule. Et j’aime pas rester toute seule des fois. Et aussi, j’avais peur qu’il y ait le feu à la maison. Avec le doudou, j’avais moins peur. J’étais pas trop toute seule. [ Baissant la voix ] Parce que moi je pensais que le doudou, il était vivant. Et comme j’en avais deux, eh ben des fois, quand je faisais un câlin au premier, je croyais que l’autre il était jaloux.

  • « Comment se fait-il que ces salauds d’ouvriers ne font pas ce que dit le Parti ? »

    Culture de base, refus du travail, ouvrier-masse et grèves métropolitaines dans l’Italie d’après-guerre.

    Entretien avec le collectif de traduction de La Horde d’or (Partie 1/3)

    Par Bruno Thomé, Claire Feasson et Duccio Scotini

    http://jefklak.org/?p=4581

    Livre d’histoires et d’analyses politique, boîte à outils, auto-enquête, recueil de chansons, collection de tracts, livre partisan qui ne dit jamais « je » mais donne à entendre des centaines de voix, L’Orda d’oro est à ce jour le seul livre qui évoque aussi complètement la foisonnante inventivité sociale, théorique, culturelle et langagière de l’Italie des années 1960-1970. Et il aura fallu attendre le printemps 2017 pour retrouver cette histoire en hexagone, grâce à la traduction aux éditions de l’Éclat, enrichie par le collectif de traduction, d’un appareil de notes indispensable au lecteur français.
    En ces temps de crise « créative, politique, et existentielle », Jef Klak a décidé de mener trois entretiens avec les traducteurs et traductrices afin de parcourir avec eux cette période fondatrice de notre présent, inspirante pour nos luttes.

    Affirmer, comme le fait ce livre, que le mouvement, c’est aussi la chanson sociale, les dissidences intellectuelles, les expériences contre-culturelles, les manières de vivre, etc., c’est rappeler que l’organisation politique échappe à la mainmise du Parti et passe par tous les domaines de la société : école, église catholique, musique, magistrature, médecine, psychiatrie, production éditoriale, etc. Cela permet de retracer une contre-histoire de l’organisation politique au sens large.

  • « Les moutons ont des amis et des conversations »

    Comment les animaux désarçonnent la science
    Entretien avec Vinciane Despret

    Propos recueillis par Romain André et Bruno Thomé

    http://jefklak.org/?p=3895

    Est-ce que ces primatologues revendiquent une histoire féministe ?

    Certaines oui. Elles disent qu’elles ont pu observer ce qu’elles observent parce qu’elles étaient dans une position historique très clairement déterminée, ce qui est déjà un point de vue féministe. D’autres ajoutent que nous étions plus attentives aux relations de pouvoir à cette époque. Remettre en question le rôle des femelles, c’est être attentive aux relations de pouvoir et de subordination, à la conscience de genre, à ce qui fait que nos observations nous confortent trop vite dans l’idée que les femelles sont passives. C’est être attentive aux grandes dichotomies passivité/activité, sujet/objet – catégories que le féminisme avait commencé à sérieusement remettre en cause. C’est être méfiante vis-à-vis de ces grandes théories que sont la hiérarchie et la compétition, suspectes d’un point de vue féministe, car trop proches de la manière dont les humains s’imaginent une société. C’est remettre en cause aussi les notions de harem, de guerre de tous contre tous, de mâle alpha, tout ce qui est schème guerrier, grandes épopées héroïques – l’homme qui se redresse par-dessus les herbes de la savane, invente les armes et compagnie. À cette époque, les féministes ont commencé à revisiter ces grandes histoires, et cela a nourri la primatologie.

  • « Les vaches rêvent-elles du travail ? » | Romain André, Mickaël Correia, Natacha de la Simone et Bruno Thomé
    http://jefklak.org/?p=3752

    Quel point commun entre un cochon élevé à la chaîne par l’industrie agroalimentaire, une professeure de musique en collège, une brebis paissant dans les alpages et un directeur des services vétérinaires pendant la crise de la vache folle ? Tous travaillent. Partant de là, se pose la question de leurs conditions de travail et de leur rapport à cette activité. Jocelyne Porcher, éleveuse de brebis devenue sociologue, étudie les relations de travail entre humains et animaux d’élevage. Lise Gaignard est psychanalyste et chercheuse en psychodynamique du travail. Elle s’intéresse non pas à la « souffrance » ou au « bien être », mais plutôt à « la construction psychique liée à l’activité de travail ». Elles confrontent ici leurs manières de penser cette activité particulière qui lie humains et animaux plus souvent (...)

  • Punk, Pop, & Glycon : Voyage dans les mondes extraordinaires d’Alan Moore
    http://jefklak.org/?p=3477

    Écrivain de comics célèbre pour ses scénarios virtuoses qui mettent en scène la violence du pouvoir de l’État, ainsi que celle des super-héros, Alan Moore se déclare anarchiste, mais également adepte de la magie, qu’il pratique – et qu’il vulgarise dans nombre de ses histoires. Ainsi La Ligue des gentlemen extraordinaires, fresque séculaire qu’il a initiée il y a désormais quinze ans, met en abyme les mythes individualistes et scientistes de l’époque victorienne à nos jours ; l’occasion aussi pour Moore d’approfondir son exploration des mondes magiques.

    Par Bruno Thomé Illustré par Anne-Claire Hello

    #Alan_Moore #comics #magie

  • Super-Slips vs Bat-Masques
    Vérité et Justice vs Terreur et Sécurité

    Par Bruno Thomé

    http://jefklak.org/?p=2857

    Considéré comme le premier véritable super-héros, Superman apparaît en avril 1938, avec sa cape, ses bottes et son slip rouges, son « S » frappé sur un écu de poitrine jaune, et son justaucorps bleu, en couverture du mensuel Action Comics nº1 – édité par le futur DC comics. Face à un succès immédiat, le même éditeur publie un an après un autre personnage en cape et costume, mais sombre et masqué : The Bat-Man, qui fait la une du no 27 de Detective Comics . Si de nombreux autres super-héros apparaissent dans la foulée, Superman et Batman s’imposent comme les plus populaires et les plus emblématiques. Contrairement à la plupart de leurs congénères costumés, la publication mensuelle de leurs aventures ne connaîtra quasiment pas de pause. Ils ont créé et maintenu une véritable industrie, tout en alimentant régulièrement de nombreux autres médias de masse : feuilletons radiophoniques, cartoons, romans, serials, séries TV, jeux vidéos ou superproductions hollywoodiennes. Depuis plus de 75 ans, et alors que Batman V Superman : L’aube de la justice est sorti au cinéma ce mercredi 23 mars, c’est aussi deux visions de l’idéal américain de justice, des mesures antiterroristes ou des dispositifs de maintien de l’ordre qui se confrontent dans les sagas de ces super-héros.