person:henry laurens

  • Un accord douteux entre le mouvement sioniste et l’Allemagne nazie
    Henry Laurens > 25 février 2019
    https://orientxxi.info/magazine/un-accord-douteux-entre-le-mouvement-sioniste-et-l-allemagne-nazie,2916
    https://orientxxi.info/local/cache-vignettes/L800xH399/c8b86187bc635cb5409e8c250e0c63-5fad2.jpg?1551008786

    À l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir en janvier 1933, l’Allemagne est menacée par une campagne de boycott international. Pour tenter de la contrecarrer, le nouveau pouvoir va signer un accord avec le mouvement sioniste, qui survivra jusqu’à l’éclatement de la guerre en 1939. Et le sionisme sera le seul mouvement politique juif autorisé en Allemagne durant cette période.

    #Haavara

  • Antisémitisme et antisionisme : une assimilation absurde dans le monde arabe - Caroline HAYEK et Anthony SAMRANI - L’Orient-Le Jour
    https://www.lorientlejour.com/article/1158662/antisemitisme-et-antisionisme-une-assimilation-absurde-dans-le-monde-

    Au Proche-Orient, c’est le sionisme et plus largement la politique israélienne qui ont fait le lit de l’antisémitisme.
    Caroline HAYEK et Anthony SAMRANI | OLJ
    23/02/2019

    C’est un débat qui se joue en France mais qui est suivi avec attention de l’autre côté de la Méditerranée. Emmanuel Macron a annoncé mercredi vouloir intégrer l’antisionisme – dans le sens de la négation du droit d’Israël à exister – à la définition juridique de l’antisémitisme. Le président français considère que « l’antisionisme est une des formes modernes de l’antisémitisme », alors que les actes antisémites en France étaient en hausse de 74 % en 2018 par rapport à l’année précédente.

    Plusieurs voix critiques ont fait remarquer que cela pouvait conduire à des incohérences – la plus absurde étant d’être amené à considérer certains juifs antisionistes comme des antisémites – et à créer une confusion entre une idéologie politique et une identité religieuse. Cela revient aussi à faire le jeu du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, pour qui les deux termes sont indissociables, et à donner l’impression qu’il n’est pas permis en France de critiquer la politique israélienne, même si ce n’est pas du tout le sens de l’initiative présidentielle.

    Vue du monde arabe, l’assimilation entre ces deux termes apparaît pour le moins inadaptée. Si l’antisionisme peut parfois, comme en Europe, cacher des relents d’antisémitisme, c’est bien le sionisme qui apparaît comme la cause première de la montée de l’antisémitisme, et non l’inverse. L’antisémitisme est un terme inventé au XIXe siècle pour évoquer la discrimination à l’égard des populations juives au sein des sociétés européennes. Outre l’argument un peu simpliste que les Arabes sont eux-mêmes un peuple sémite, la notion n’a pas vraiment de sens dans le contexte arabe. Malgré un statut particulier les empêchant, à l’instar des chrétiens, d’accéder aux hautes fonctions politiques et administratives, les juifs étaient bien intégrés au sein des sociétés arabes et n’ont pas subi de persécutions comparables à ce qu’ont pu être les pogroms en Europe.

    « La communauté juive a connu un moment de gloire et de puissance à l’époque ottomane, notamment lors de l’arrivée massive des juifs chassés d’Espagne », note Henry Laurens, professeur au Collège de France et titulaire de la chaire d’histoire contemporaine du monde arabe, interrogé par L’Orient-Le Jour. « Avant la déclaration Balfour et tout ce qu’elle entraînera par la suite, les juifs sont une communauté parmi d’autres dans le monde arabe, qui, depuis l’ère ottomane en particulier, a été organisée sur une base communautaire », confirme à L’OLJ Gilbert Achcar, professeur à la School of Oriental and African Studies (SOAS, University of London), auteur d’un ouvrage sur Les Arabes et la Shoah : la guerre israélo-arabe des récits (2013).

    Dégradation continue

    La diffusion des thèses sionistes développées par l’intellectuel autrichien Theodor Herzl va peu à peu changer la donne jusqu’au tournant de la création d’Israël en 1948, véritable choc pour les populations arabes. Au début du XXe siècle, les populations locales ne font pas nécessairement la distinction entre juifs et sionistes, le second terme n’étant pas encore véritablement assimilé. « Les habitants de la Palestine historique avaient l’habitude de désigner les juifs comme juifs. Certains étaient sionistes, mais beaucoup ne l’étaient pas. Ils étaient pour la plupart des juifs religieux et asionistes ou antisionistes », décrit à L’OLJ Tarek Mitri, ancien ministre et directeur de l’institut d’études politiques Issam Farès de l’AUB.

    « Les Arabes ont d’abord connu le sionisme de façon indirecte, en lisant la presse européenne. En Palestine, les premières réactions ne sont pas nécessairement négatives, mais les choses changent à partir de la déclaration Balfour, et le sionisme est progressivement considéré comme un danger pour les Palestiniens d’une part, et pour les Arabes du Proche-Orient d’autre part. Cela conduit à une dégradation continue de la situation des communautés juives du Proche-Orient à partir des années 1930 », dit Henry Laurens.

    Les relations se compliquent à mesure que l’immigration juive s’accélère en raison de la répression dont ils sont victimes en Europe.

    « Dans les discours, il y avait une distinction entre les juifs et les mouvements sionistes. Dans la pratique, ce qui inquiétait particulièrement les Arabes, c’est le fait de voir une communauté parmi d’autres se doter d’un territoire, de passer de la communauté à la nation », note Henry Laurens.Dans les années 1930 et 1940, c’est l’histoire européenne qui rencontre frontalement celle du Proche-Orient, de façon encore plus brutale après l’Holocauste et jusqu’à la création de l’État hébreu. Durant cette période, le grand mufti de Jérusalem Hajj Amine al-Husseini – qui n’était toutefois pas représentatif des Palestiniens – va collaborer avec l’Allemagne hitlérienne, au départ pour contrecarrer les projets anglais d’établissement d’un foyer juif, jusqu’à approuver sa politique génocidaire contre les juifs. Cet épisode va être largement instrumentalisé par la propagande israélienne pour démontrer un soi-disant antisémitisme arabe, au point que Benjamin Netanyahu va même aller jusqu’à présenter le mufti comme l’inspirateur de la solution finale.

    Complotisme et négationnisme

    La création de l’État hébreu va profondément changer les rapports entre les juifs et les autres communautés dans le monde arabe. Si, pour les sionistes, l’aboutissement du projet étatique est avant tout le fruit d’une volonté collective de plusieurs décennies, il apparaît aux yeux des Arabes comme une injustice liée à un génocide dont ils ne sont en aucun cas responsables. Les juifs du monde arabe n’accueillent pas forcément avec enthousiasme la naissance d’Israël. « Les communautés juives du monde arabe, surtout d’Égypte et d’Irak, n’étaient pas vraiment tentées au début par la migration vers la Palestine. Mais il y a eu deux facteurs qui ont encouragé ce mouvement. D’une part, la politique israélienne qui a tout fait pour les attirer, au point que le Mossad a organisé des attentats contre des synagogues pour leur faire peur. D’autre part, il y a une méfiance arabe qui s’est installée et qui faisait que les juifs pouvaient être perçus comme une sorte de 5e colonne », explique Tarek Mitri.

    Après la proclamation de l’indépendance d’Israël par David Ben Gourion, l’antisionisme va devenir dominant dans le monde arabe. Le sionisme apparaît comme un projet colonial avalisé par les puissances occidentales visant à déposséder les Arabes de leurs terres. La distinction devient très nette dans les discours entre juifs et sionistes. « Dans leurs discours, Nasser ou Arafat ne font pas d’amalgame entre sioniste et juif, bien au contraire. Au début de son combat, le projet politique de Arafat était d’instaurer un débat laïc et démocratique en Palestine où juifs, chrétiens et musulmans coexisteraient », explique Tarek Mitri.

    Le double sentiment d’injustice et d’humiliation que les Arabes ont vis-à-vis de l’État hébreu va toutefois être le moteur d’un antisémitisme qui va avoir un certain écho au sein des classes populaires arabes – où le terme juif est parfois utilisé comme une insulte – et va être largement relayé par les mouvements islamistes. Cela va être particulièrement visible à travers la propagation de deux phénomènes intimement liés : le complotisme et le négationnisme.

    « Les théories du complot qui sont dans le discours antisémite occidental ont pu facilement trouver un public dans le monde arabe, parce que, de fait, c’est une région qui a connu de vrais complots, à commencer par les fameux accords secrets Sykes-Picot », constate Gilbert Achcar. L’idée complotiste des protocoles des sages de Sion, qui attribuent aux juifs des plans de domination du monde, est largement répandue au sein du monde arabe. « Chez les islamistes, il y a eu un moment où on a ressuscité une vieille littérature parareligieuse qui ridiculise et avilie les juifs. Ils puisent dans les textes sacrés ce qui est de nature à susciter la méfiance ou même la haine à l’égard des juifs », note Tarek Mitri.

    Le négationnisme concernant l’Holocauste trouve aussi ses adeptes, même s’ils restent minoritaires. Dans un article publié en 1998 dans le Monde diplomatique, le grand intellectuel palestino-américain Edward Saïd s’indignait que « la thèse selon laquelle l’Holocauste ne serait qu’une fabrication des sionistes circule ici et là. Pourquoi attendons-nous du monde entier qu’il prenne conscience de nos souffrances en tant qu’Arabes si nous ne sommes pas en mesure de prendre conscience de celles des autres, quand bien même il s’agit de nos oppresseurs ? » ajoutait-il non sans une certaine verve. « La plupart des gens qui ont un peu de culture savent que la Shoah n’est pas une invention, mais un certain négationniste a pu trouver un écho favorable chez les gens étroits d’esprit, qu’ils soient ultranationalistes ou intégristes », dit Gilbert Achcar.

    Ce dernier insiste toutefois sur le fait qu’il n’y a pas d’antisémitisme propre au monde arabe, mais que la diffusion des thèses antisémites dans cette région n’est pas comparable à ce qui se passe en Occident. « Toute l’équation entre le monde occidental et le monde arabe est complètement faussée par le fait que les juifs étaient opprimés pendant des siècles en Europe, tandis que dans le monde arabe, ce qu’on peut qualifier de haine envers les juifs est surtout le produit d’une histoire moderne marquée par la présence d’un État oppresseur, qui insiste lui-même à se faire appeler État juif », résume Gilbert Achcar. Et Tarek Mitri de conclure, pour insister sur la nécessité de distinguer les deux termes dans le monde arabe : « Il y avait une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU en 1975 qui disait que le sionisme était une forme de racisme et de discrimination. Elle a été révoquée en 1991, mais elle avait suscité un grand enthousiasme dans le monde arabe. »

  • Si quelqu’un n’a que ça à faire dans la vie, je suggère d’étudier la notion de Syrie utile, qui a fleuri entre, disons, 2013 et 2016. Tout le monde s’y est mis, et c’est devenu une sorte d’incantation familière. Si tu voulais faire « expert de la Syrie », tu disais « Syrie utile » et voilà…

    Le thème est tellement banal qu’il fait l’objet d’un fiche (particulièrement indigente) sur Wikipédia :
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Syrie_utile

    Il faudrait étudier l’intérêt d’une telle expression, qui peut se justifier dans une logique de pure stratégie militaire (le régime n’a pas intérêt à perdre ses grandes villes et ses principaux centres de production, parce que sinon, ça s’appelle assez bêtement « perdre la guerre »), mais ça devient très problématique au-delà. Or, le terme est devenu clairement la prétention à définir le « but de guerre » du régime syrien, puis de la Russie (on a de très beaux articles de 2016 qui regrettent que « Bachar », contrairement aux Russes, voudrait reconquérir « plus » que la Syrie utile). Exemple :
    http://www.lefigaro.fr/international/2016/12/13/01003-20161213ARTFIG00280-contre-l-avis-de-moscou-assad-veut-plus-que-la-sy

    Alors à aucun moment il n’est expliqué :
    – comment le régime structuré autour du parti Baas pourrait maintenir sa cohérence et sa « légitimité » interne (je mets les guillemets exprès : c’est une dictature) en revendiquant soudainement juste une « Syrie utile » ;
    – comment le Hezbollah, dont le fondement idéologique même est la défense (au mètre près) de l’intégrité territoriale, accepterait de se battre pour un régime dont le but serait d’abandonner des pans entiers du territoire national (les Fermes de Chebaa, si on va par là, font-elles partie du « Liban utile » ?) ;
    – comment le PSNS, qui est un des premiers partis impliqués dans le conflit aux côtés du régime, y compris chez les druzes syriens, aurait soudainement redéfini les frontières de la Syrie naturelle (dite, plus couramment, « Grande Syrie ») comme celle d’une « Syrie utile » amputée de près des deux tiers de sa superficie…
    – comment les Iraniens accepteraient l’idée d’une Syrie « à l’Ouest », rompant sa ligne stratégique jusqu’à la Méditerranée ;
    – et comment les Russes pourraient tolérer la création d’un État né d’une rébellion largement islamique, alors que toute une partie de sa doctrine stratégique est liée à l’Afghanistan et à la Tchétchénie et au rôle, selon elle, des milices islamistes comme outil de sédition à son encontre depuis les années 1980.

    Je pense qu’au delà de la pure logique militaire, le concept de « Syrie utile », attribué comme but de guerre au régime syrien, est devenu une façon à la fois de dénoncer la duplicité de ce régime (voyez, il serait prêt à sacrifier une partie de son territoire), renforcer l’idée que ce régime serait purement sectaire (à la libanaise, il viserait à créer une « petite Syrie » constituée d’alaouites et de chrétiens), prétendre qu’une possible partition de la Syrie serait en réalité un souhait du régime (ou une conséquence de sa stratégie), « à l’insu du plein gré des gentils miliciens révolutionnaires » et de leurs soutiens en quelque sorte, et enfin soutenir que, même si « personne » ne peut gagner la guerre (et notamment pas l’opposition présentable), l’issue de la guerre ne serait pas forcément une victoire totale du régime, celui-ci étant uniquement intéressé par son petit territoire « utile » (comprendre : même si le régime tient « la Syrie utile », à terme on doit pouvoir lui arracher assez facilement une partition où les rebelles auraient droit à leur part de Syrie-pas-utile).

    Un intérêt est également de faire passer l’idée que, si le régime tient cette partie du territoire, c’est uniquement parce qu’il met les moyens militaires sur cette « Syrie utile », et non parce que les habitants de cette région préfère ce régime aux joyeux drilles de l’autre camp (même pour des raisons discutables). Or c’est un des points de Balanche (et, je crois de Landis et Cole) : le régime a tenu en large partie parce qu’une grosse partie de la population reste derrière lui ; ce que le terme « Syrie utile » permet d’occulter.

    Or, l’idée que le régime et ses alliés auraient soudainement rallié une idéologie de la « Syrie utile », j’aimerais savoir d’où ça sort, en dehors de quelques lectures extrêmement biaisées des discours d’Assad. Et à quel moment les Russes auraient fait savoir que leur but de guerre était de… ne pas gagner la guerre mais de laisser la situation s’enliser face à une rébellion à forte teneur islamique, je trouve ça extrêmement mystérieux.

    Dit autrement : je pense que le concept de « Syrie utile » restera comme un des éléments de langage centraux de la propagande de guerre en Syrie.

    • petite recherche vite fait (ngrams viewer)

      Et sur gg (tout court) un seul lien avant 2010, un article du Diplo (avec cartes de @reka)

      Comment l’Empire ottoman fut dépecé, par Henry Laurens (Le Monde diplomatique, avril 2003)
      https://www.monde-diplomatique.fr/2003/04/LAURENS/10102

      En 1918, la question pétrolière devient dominante. Selon l’accord, la France devrait contrôler la région de Mossoul, où se trouvent d’importantes réserves potentielles, mais les Britanniques, eux, ont les droits de concession. Georges Clemenceau veut bien satisfaire le groupe de pression colonial, mais en se limitant à une « Syrie utile » ne comprenant pas la Terre sainte, mais permettant un accès aux ressources pétrolières. Une trop grande extension territoriale impliquerait de lourdes charges d’administration sans commune mesure avec les revenus que l’on pourrait en tirer. C’est l’abandon de la revendication de la « Syrie intégrale » (on dirait actuellement « Grande Syrie »). Au lendemain de l’armistice, il traite directement et sans témoin avec Lloyd George du partage du Proche-Orient.

    • En anglais, je ne trouve pas d’occurrences avant novembre 2015. Les deux premières…

      6/11/2015 (assez éloquent, présenté comme une « création » du « régime »,…)
      USEFUL SYRIA or WHOLE SYRIA ?
      http://orient-news.net/en/news_show/93549/0/USEFUL-SYRIA-or-WHOLE-SYRIA

      The “Assad regime” has always bragged about a sovereign powerful and formidable state; but when Syrians rose against this regime, Syria became the country for only those who defend the regime. That is in the words of the head of the regime himself. Early on the first days of the people’s rise, Syria turned into something so cheap in the regime’s eyes to the extent that it spread the slogan that says: “We either rule it, or we put it into flames”. Due to the Syrian opposition’s resistance and the influx of Isis, the Syria under the regime’s control began to shrink to a point where the regime- with all the help of Iran, Hezbollah and other mercenaries- does not control more than 18% of the Syria known before March 2011. Those 18% came to be known and referred to by the regime and its allies, in particular Iran, as USEFUL SYRIA.

      et le 19/11/2015 MEI, particulièrement clairvoyant
      Will Assad Create a « Useful Syria » ? | Middle East Institute
      https://www.mei.edu/content/at/will-assad-create-useful-syria

      After nearly five years of throwing its own forces and Iranian assets against the rebellion, the Syrian regime remains unsuccessful in its attempt to quell it. With a further injection of forces through Russian intervention, a new chapter of the Syrian conflict has commenced. However, the assumption that Russia will succeed where neither the regime nor Iran have prevailed ignores the structural weaknesses in Damascus’ capacity that make such a situation unlikely. The prospects of the regime regaining control of Syria as a whole, or even a “Useful Syria," comprised of already controlled territories, seem faced with insurmountable obstacles.

    • En France, on a bien des choses dès le début 2013 : Syrie : chronique d’une lente agonie du 15 mars 2013
      https://www.franceinter.fr/emissions/partout-ailleurs/partout-ailleurs-15-mars-2013

      Débordé dans les premiers mois, Bachar Al-Assad a compris qu’il ne pourrait controler le territoire dans sa totalité. Damas s’est concentré sur une stratégie de contre-insurrection qui lui permet de garder le pouvoir sur une « Syrie utile », entendons les axes stratégiques comme les grandes villes.

    • La première mention que j’ai trouvée, c’est du Malbrunot en juin 2012 : Syrie : pourquoi le régime durcit la répression
      http://www.lefigaro.fr/international/2012/06/13/01003-20120613ARTFIG00732-syrie-pourquoi-le-regime-durcit-la-repression.php

      Face à la persistance de la guérilla, Assad aurait opté pour une stratégie de défense de la « Syrie utile », c’est-à-dire des trois plus importants bassins de population : autour de Damas, d’Alep et de Homs (là où sont rassemblés la majorité des 70 % de Syriens encore passifs).

  • INTERVIEW – Henry Laurens : « Les Palestiniens ont pour eux le droit mais n’ont pas la force » | Middle East Eye
    http://www.middleeasteye.net/fr/reportages/interview-henry-laurens-les-palestiniens-ont-pour-eux-le-droit-mais-n

    il y a la réalité du terrain et celle des conférences internationales, que ce soit à Astana ou à Genève. Sur le terrain pullulent les milices, qu’elles soient d’un côté ou de l’autre. Le régime de Bachar al-Assad n’est plus qu’un agrégat de milices. Il ne se fait pas respecter par telle milice qui contrôle telle sous-région ou telle autre. Du côté de la révolution syrienne, se trouvent les Kurdes, les islamistes, des milices locales aussi. Il n’y a pas d’autorité centralisée qui pourrait imposer que les armes cessent. C’est ce qui est inquiétant d’ailleurs sur la longue durée.

    #syrie

  • Les provinces arabes de l’Empire ottoman à la fin du XIXe siècle (1/13 : 25.01.2017 ) : Jeu d’influences vers 1880
    par Henry Laurens
    https://www.franceculture.fr/emissions/les-cours-du-college-de-france

    Dans son prochain ouvrage, intitulé, Les crises d’Orient, qui va paraître chez Fayard le 13 février 2017, Henry Laurens note en introduction :

    "En 2016, on n’a jamais autant parlé d’un Empire ottoman pourtant disparu il y a près d’un siècle" (p.11).

    L’historien évoque

    "la charge mémorielle que comprend cette question d’Orient. Si, pour les Occidentaux, cette dernière appartient à un temps passé, tout aussi exotique que celui de la colonisation, pour les États et les peuples concernés elle reste vivante parce qu’elle a laissé d’innombrables traces alimentant meurtrissures, souffrances et ressentiments. La question d’Orient, et son corollaire le Grand Jeu, cette configuration spécifique des rapports internationaux dans une zone géographique déterminée, écrit-il encore, demeure toujours présente aujourd’hui alors qu’elle a plus de deux siècles d’existence. » (p.11)

    Et nous voici confrontés à un jeu très vivant d’influences et de manoeuvres, avec sa part de calcul et d’irrationnel, qu’Henry Laurens nous présente aux lendemains de la guerre russo-turque de 1877-78 où l’on peut se demander qui craint qui et qui manipule qui.

    Aujourd’hui, trois personnages émergent en particulier : le capitaine français, de Torcy, perçu comme, « l’expert conseil numéro un sur la Syrie », Midhat Pacha, le gouverneur de Syrie, à la réputation de « réformateur ottoman énergique », mais sur lequel « pèse le soupçon par les Français de vouloir établir à son profit une vice royauté syrienne qui serait sous protection britannique ». Quant à notre 3e personnage, le sultan Abdülhamid, celui-ci partage les mêmes soupçons que les Français "mais n’ose pas se débarrasser de Midhat Pacha du fait du soutien supposé des Anglais au nouveau gouverneur" (p. 213). Le sultan instrumentalise la rivalité anglo-française, tandis que Français et Anglais essaient de gagner leur part dans l’empire ottoman.

    Les impérialismes s’affirment sur fond de pression russe. Des financiers britanniques, sans grand capital, rodent autour des possibles concessions de chemin de fer en Syrie qui leur permettraient de s’enrichir vite et bien tandis qu’émerge un premier nationalisme arabe.

    • C’est exactement la réflexion que je me faisais, autant le travail d’Henry Laurens est passionnant, autant l’écouter demande beaucoup de concentration. De plus il lit lui-même de longs documents, là il pourrait passer la voix à un orateur professionnel.

  • Accords Sykes-Picot : Aux origines du chaos au Moyen-Orient. Par Jonathan Lefèvre — 15 novembre 2016 - RipouxBlique des CumulardsVentrusGrosQ
    http://slisel.over-blog.com/2016/11/accords-sykes-picot-aux-origines-du-chaos-au-moyen-orient.par-jona

    La « nouvelle » carte post-Empire ottoman signée par Mark Sykes et François Georges-Picot en 1916. La France s’approprie la partie en bleu, la Grande-Bretagne celle en rouge.
    Dessinez un cercle sur du sable avec un ami. Tracez avec lui une ligne au milieu de ce cercle. Décidez que ce qui est au nord vous appartient et que ce qui est au sud lui revient. Vous êtes la France et votre ami est la Grande-Bretagne. Nous sommes en 1916 et vous venez d’entériner les accords dits de Sykes-Picot qui dépècent l’Empire ottoman.
    « La ligne de partage n’avait pas de rationalité autre qu’une idée simpliste : tout ça, c’est du sable, on trace un trait, on ne tient pas compte des territoires des tribus, des tracés de fleuves, des voies de communication, de la géographie. C’est une ligne purement géométrique. Tout a été fait avec désinvolture. » Voici en résumé les accords Sykes-Picot selon l’historien James Barr.1
    L’Empire ottoman (1299-1923) connait son apogée à la fin du 17e siècle. A l’époque, il compte, outre la Turquie (son cœur), les Balkans, la péninsule arabique, l’Afrique du Nord et une partie de l’Europe centrale. Il n’a rien à envier aux États européens.
    « Bien avant les révolutions industrielles du 19e siècle en Europe du Nord, l’Empire ottoman était très avancé sur le plan agricole et sur le plan commercial, ses réseaux s’étendant jusqu’en Chine, contrôlant l’Afrique du Nord, disposant de bases militaires dans la mer Rouge… », explique Mohammed Hassan, ancien diplomate éthiopien et spécialiste du Moyen-Orient.2
    Mais cette puissance n’allait pas durer éternellement. Depuis 1830, l’Empire perd des territoires. La Grèce déclare son indépendance. La Serbie devient autonome. La France occupe l’Algérie. L’Egypte se soulève… « Depuis un certain temps, ce même Empire ottoman devait se battre pour une politique de centralisation. (…) Cette lutte entre pouvoir central et régions séparatistes a affaibli l’Empire face aux autres grandes puissances. Or, de son côté, la Grande-Bretagne s’était industrialisée très rapidement, elle était même devenue une sorte de superpuissance. (…) De plus en plus endetté, l’Empire ottoman s’est retrouvé étranglé par les prêts accordés par les puissances française et britannique. Alors est apparu un nouvel acteur puissant sur la scène impérialiste : l’Empire allemand », continue Mohammed Hassan.
    Colère sociale au sein de l’Empire
    Qui poursuit : « Le rapport de force évoluait au désavantage des autorités ottomanes : l’augmentation des dettes, la montée d’une bourgeoisie compradore (par opposition à la bourgeoisie nationale, la compradore est entièrement liée aux intérêts extérieurs, NdlR) et l’accroissement du pouvoir financier du système bancaire international, tout cela faisait perdre à l’Empire ottoman son indépendance économique et politique. (…) Tout ceci a augmenté la pauvreté dans l’Empire ottoman, provoquant une véritable colère sociale. » 
    En 1914, c’est donc un empire en déclin qui entre en guerre aux côtés de l’Allemagne lors de la Première Guerre mondiale. Des nationalistes arabes s’activent depuis un siècle à combattre l’empire de l’intérieur et rêvent d’un État démocratique qui s’étendrait sur toute l’Arabie.
    Les autorités de l’empire veulent à tout prix le sauvegarder et reprendre des territoires perdus au fil des ans. Mais même au sein du peuple turc, des divisions sont là. Des nationalistes, qui porteront Mustafa Kemal Atatürk au pouvoir de la toute nouvelle République de Turquie en 1923, se font de plus en plus nombreux.
    Alors que la bataille de Verdun fait rage (700 000 morts entre Français et Allemands en 9 mois), les Français et les Britanniques pensent déjà à l’après-guerre. Deux diplomates, Mark Sykes et François Georges-Picot, travaillent à un projet qui tient très à cœur aux deux puissances de la Manche : le partage du Moyen-Orient.
    Les deux pays ont depuis longtemps des convoitises sur la région. La France avait été avec les puissances européennes à l’origine du statut spécial de semi-autonomie dont bénéficiait depuis 1864 le Mont Liban (chaîne de montagnes qui traverse le pays et une partie de la Syrie). Ce statut fut mis en place à la suite des massacres de chrétiens en 1860 dans la montagne libanaise. Sous Napoléon III, Paris avait alors dépêché une force navale pour les secourir. Du moins, c’était là la raison officielle de cette première « ingérence humanitaire »…
    Les Britanniques, eux, veulent à tout pris consolider « leur » route des Indes et s’inquiètent de « leurs » frontières égyptiennes et du Canal de Suez.
    Les capitalistes britanniques et français ont donc leurs propres intérêts dans la région. « Les Britanniques exercent une hégémonie stratégique, tandis que les Français ont une implication principalement territoriale et sont à la manœuvre dans les chemins de fer turcs, les ports, les routes, l’électricité. Le modèle français s’exprime dans l’éducation et la culture des élites locales, ce qui induit un autre niveau d’exigence que celui des Anglais. Avant même la guerre, en 1912, la Grande-Bretagne renonce à toute ambition sur la Syrie et le Liban, qui n’ont pas, à ses yeux, d’importance stratégique ; la France, elle, estime avoir sur cette zone des droits historiques qui remontent aux Croisades. En revanche, les Britanniques tiennent tout particulièrement à contrôler la rive orientale du canal de Suez, qu’ils détiennent », explique James Barr.3
    Pour un État arabe indépendant

    Fayçal (à l’avant-plan), fils du chérif de la Mecque, Hussein, mène la « Grande révolte arabe » contre l’Empire ottoman en 1916 mais sera trahi par la Grande-Bretagne. Après avoir été défait par la France, il est nommé roi d’Irak.
    Face au nationalisme turc, les nationalistes arabes pensent pouvoir se servir des volontés britanniques de combattre l’Empire ottoman pour revendiquer un État indépendant. Pour cela, il leur faut un chef qui les représente afin de négocier un tel État avec la superpuissance britannique. « Les leaders nationalistes arabes de Damas et de Bagdad craignent que leurs pays n’échappent à l’oppression ottomane que pour subir un partage entre la France et l’Angleterre. Par le Protocole de Damas (mai 1915), ils précisent leur revendication d’un État arabe unique et indépendant et se placent, pour y parvenir, sous la bannière de la famille Hachémite, dont le chef est le chérif de La Mecque, Hussein ben Ali. Il s’agit de monnayer leur appui total dans la guerre contre la promesse de leur indépendance. De son côté, la Grande-Bretagne, soucieuse de trouver des alliés dans la lutte contre l’armée ottomane appuyée par les Allemands, accepte sur le papier la constitution d’un Empire arabe, sous la conduite de Hussein. L’accord se réalise, tant bien que mal, sous la forme d’échanges de lettres entre Hussein, qui expose ses demandes le 14 juillet 1915, et le Haut-Commissaire britannique au Caire, Mac-Mahon, qui précise ses intentions notamment dans une lettre du 24 octobre 1915. La correspondance se poursuivra afin de limiter les points de divergence. »4
    Chérif Hussein et Lawrence d’Arabie

    Sir Mark Sykes. Ce conseiller diplomatique signera les accords pour la Grande-Bretagne.
    Les accords Sykes-Picot sont conclus le 16 mai 1916. Ils tiennent en fait en un échange de lettres entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays : Paul Cambon et Edward Grey. L’Italie et la Russie tsariste sont tenus au courant de ces accords secrets, qui prévoient deux zones d’influence, dites bleue et rouge, qui seront confiées à la France et à la Grande-Bretagne pour qu’elles y créent des États sous administration directe ou indirecte. L’accord prévoit aussi deux autres zones où serait édifié le futur État arabe indépendant, avec des conseillers français et anglais.
    Le chérif Hussein accepte donc d’engager la lutte. Conduites par l’un de ses fils, Fayçal, et conseillées par Thomas Edward Lawrence (ou Lawrence d’Arabie, voir encadré), des services de renseignement britanniques, les troupes du chérif Hussein entrent dans la bataille le 5 juin 1916. Connue comme la « Grande révolte arabe », la guérilla a pour but de refouler l’armée ottomane vers le nord et de faciliter les manœuvres britanniques dans la même direction, mais à partir de l’Égypte.
    L’URSS dénonce les accords
    Les accords Sykes-Picot, secrets, trahissent la promesse faite aux Arabes qui s’étaient soulevés contre les Turcs. C’est Moscou qui brise le silence diplomatique. Dès leur arrivée au Kremlin en 1917, les communistes découvrent ces accords et les rendent publics.
    L’annonce de ces accords secrets qui tuent dans l’œuf toute possibilité d’indépendance pour les nationalistes arabes met ces derniers en colère.
    Après la fin de la guerre, en 1919, la Conférence de la paix de Paris entérine ces accords. La Société des nations (SDN, ancêtre de l’ONU) confie la Syrie et le Liban à la France pendant que les Britanniques« reçoivent » l’Irak, la Transjordanie et la Palestine. Un an plus tard, le traité de Sèvres confirme le partage au profit des deux puissances occidentales.
    Fayçal, mis au courant de l’accord par la France et la Grande-Bretagne avant que l’URSS ne le rende public, ne peut accepter. Poussé par l’élan de la « Grande révolte », il déclare la guerre à la France qui, en 1920, a pris possession des terres qui lui revenaient selon les termes de l’accord. En juillet, les troupes de Fayçal sont défaites aux portes de Damas (Syrie). Cet échec signe la fin de l’appui des Britanniques à sa famille, les Hachémites, au profit des Saoud, famille encore au pouvoir aujourd’hui en Arabie saoudite. En compensation, les Hachémites reçoivent l’Irak (Fayçal) et la Transjordanie (Abdallah, un autre fils d’Hussein) de la part de la Grande-Bretagne.
    La source de nombreuses turbulences
    « Sykes-Picot appartient au passé. Cependant, les règles qui ont sous-tendu sa rédaction et les conduites qui ont présidé à son application sont plus que jamais à l’œuvre », observe le professeur de sociologie politique et de relations internationales Joseph Maïla.5
    Le peuple irakien, parmi tant d’autres exemples, peut en témoigner. Le 17 janvier 1991, 29 pays (dont la Belgique) envahissent l’Irak. Le but était de chasser l’armée irakienne du Koweït, qu’elle avait envahi en août 1990… et de préserver les intérêts stratégiques des Occidentaux dans la région.
    En 43 jours, cette coalition internationale effectue 100 000 bombardements aériens, lance 450 roquettes Tomahawk et largue 265 000 bombes. Une grande partie des infrastructures sociales et économiques d’Irak sont détruites. Le pays est rejeté dans l’ère pré-industrielle pour une très longue période. Après le retrait irakien du Koweït, le Conseil de sécurité des Nations Unies décrète un embargo jusqu’en mai 2003, après la chute du président Saddam Hussein.
    Le nombre de morts dus à l’embargo est énorme. D’après les chiffres du ministère irakien de Santé publique (chiffre pour fin 2002), 1 806 915 civils, dont 750 000 enfants de moins de 5 ans, sont morts à cause de l’étranglement économique.
    Aujourd’hui encore, des plans américains ou autres pour « refaire » les frontières du Moyen-Orient sont à l’œuvre. Le peuple syrien, irakien, libyen ou palestinien peut en témoigner.
    Lawrence d’Arabie (1888-1935)

    T.E. Lawrence, plus connu sous le nom de Lawrence d’Arabie, à gauche. (Photo Thomas Lowell)
    Des millions de personnes ont entendu parler des accords Sykes-Picot sans le savoir. En effet, dans la superproduction hollywoodienne de 1963, Lawrence d’Arabie, le héros se sent trahi par ces accords.
    Thomas Edward Lawrence est un jeune officier britannique passionné d’architecture et d’archéologie qui a passé quelques années en Orient avant le début de la Première Guerre mondiale. Envoyé là-bas, il va rejoindre Fayçal dans son combat pour un État arabe indépendant. Du moins dans le film qui l’a rendu célèbre au monde entier.
    Car, dans les faits, Lawrence d’Arabie, s’il a bien combattu les Turcs aux côtés des Arabes, ne voulait pas d’un État arabe indépendant, mais d’une Syrie indépendante.
    Pour celui qui voua une admiration sans bornes à l’armée britannique jusqu’à sa mort, son pays ne devait pas se désengager de la région.
    Néanmoins, il est resté dans l’histoire comme un des rares Occidentaux à comprendre la révolte dirigée par Fayçal, et il prendra les accords Sykes-Picot comme une trahison de sa hiérarchie.
    La Palestine et la déclaration Balfour
    Dans les accords Sykes-Picot, il y a une zone bleue et une zone rouge. Il y a aussi une zone brune. Cette zone, c’est celle de la Palestine. La « déclaration Balfour », qui suivra en 1917, amorce la création d’un État juif.
    Pour revenir à la naissance d’Israël, il faut retourner au début du 19e siècle. « Quels facteurs expliquent la convergence entre les objectifs de l’Organisation sioniste mondiale, présidée par le Dr Chaïm Weizmann, et les buts de l’Angleterre impériale au Moyen-Orient ? (…) Les sionistes qui, comme Weizmann et ses amis, misent sur la victoire alliée, font le siège du Premier ministre britannique Lloyd George et de son ministre des Affaires étrangères Lord Balfour. Ceux-ci semblent avoir été sensibles à l’argument selon lequel promettre aux juifs un foyer national constitue le moyen le plus efficace pour aider Wilson, fort de l’appui de la communauté juive américaine, à engager les Etats-Unis dans la guerre aux côtés des Alliés ; de plus la création de ce “foyer juif” en Palestine permettrait de renforcer la sécurité de l’accès au canal de Suez et à l’Egypte. Assuré ensuite de l’acquiescement de Paris, Rome et Washington, Lord Balfour cherche une formule acceptable pour ses collègues du gouvernement », explique l’historien et spécialiste du Moyen-Orient Jacques Thobie.6

    « Weizmann avait suggéré à Londres de reconnaître la Palestine “en temps que patrie du peuple juif” qui aurait le droit “d’y établir une vie nationale”. A l’intérieur du Cabinet, Lord Curzon insiste sur les dangers de la réaction des Arabes. Finalement, la lettre de Balfour – dite improprement “déclaration” – à Lord Rothschild, représentant le comité politique de l’Organisation sioniste, se contente d’“envisager favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif”, étant entendu que seront sauvegardés les “droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine”. (…) La relative prudence britannique est liée à ses objectifs mêmes : en offrant des garanties aux immigrants juifs, l’Angleterre s’assure dans la guerre le soutien de nombreux juifs de Russie et d’Europe centrale, alors que se développe en Russie un processus révolutionnaire où des juifs jouent un rôle actif, affermit son implantation dans la province de Palestine, prépare entre Arabes et sionistes d’inévitables conflits imposant la présence de l’arbitre anglais dans cette région charnière des possessions africaines et asiatiques de l’Empire.
    Sykes utilise dans ce sens le mouvement sioniste, ce qui conduira à la déclaration Balfour du 2 novembre 1917 annonçant l’établissement “en Palestine” d’un Foyer national juif. La stratégie britannique va reposer sur l’occupation du terrain avec l’encouragement donné à la révolte arabe de s’étendre à la Syrie (mais non à la Palestine) et sur une succession de déclarations officielles allant dans le sens de l’autodétermination. Pour Londres, le droit des peuples signifie le droit de choisir la tutelle britannique ».7
    Et les États-Unis dans tout ça ?
    Officiellement, les États-Unis du président Woodrow Wilson se sont tenus à l’écart du morcellement du Moyen-Orient et des accords Sykes-Picot en raison d’une politique étrangère basée sur la « liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Hum…
    « Quand Wilson appelle au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, il parle des peuples blancs. C’est quelqu’un de raciste. Un des pires présidents ségrégationnistes de l’histoire des États-Unis. Donc les Arabes poseront problème parce qu’il ne sait pas s’ils sont blancs ou pas », constate l’historien français Henry Laurens.8
    « Le président Woodrow Wilson ne se sent aucunement lié par les accords “secrets” contractés par ses partenaires. Il se pose en défenseur du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, bien qu’il ne soit pas très clair dans son esprit si cela vaut aussi pour les peuples non blancs, comme les “bruns” (les Arabes) et les “jaunes” – pour les “noirs”, il n’en est pas question. »9
    Surtout, durant ses deux mandats (1913-1921), il va justement sortir de la logique « isolationniste » pour occuper le Mexique (1914-1917), Haïti (une occupation qui durera de 1915 à 1934), la République dominicaine (1916-1924) ou le Nicaragua(tout au long de son mandat).
    « Aucune nation ne peut vivre longtemps refermée sur elle-même et l’Ouest finirait nécessairement par dominer l’Est. L’Est doit être ouvert et transformé, qu’on le veuille ou non ; les standards de l’Ouest doivent lui être imposés. »10
    Bref, ce défenseur du Klu Klux Klan et du ségrégationnisme défend le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes »… quand ça l’arrange …
    Jonathan Lefèvre | 18 octobre 2016
    1.« A line in the sand », James Barr, Simon & Schuster, 2011. Citation parue dans L’Obs le 16 mai 2016 •
    2. « La stratégie du chaos, impérialisme et Islam », Grégoire Lalieu et Michel Collon, entretiens avec Mohammed Hassan, Investig’Action et Couleur Livres, 2011, p. 63 •
    3. « La division du Moyen-Orient fut un calcul stratégique », L’Express, 23 décembre 2014 •
    4. « Ali et les 40 voleurs », Jacques Thobie, éditions Messidor, Paris, 1985, p. 42 •
    5. « Les accords Sykes-Picot, cent ans après », Joseph Maïla, Études mai 2016 
    6. « Ali et les 40 voleurs », Jacques Thobie, éditions Messidor, Paris, 1985, pages 45-46 •
    6. Idem .
    8. « Les Français et les Anglais ont dessiné les frontières, et les Arabes ont colorié la carte », L’Orient-Le Jour, 16 mai 2016 •
    9. « Comment l’Empire ottoman fut dépecé », Henry Laurens, Le Monde Diplomatique, avril 2003 •
    10. Cité dans « American colonial Empire : The limit of power’s reach », Items & Issues (Social Science Research Council)
    Source : Pour la Palestine

  • Le président que le #Liban n’attendait plus : le dessous ultra-géopolitique de la très probable élection de Michel Aoun
    http://www.atlantico.fr/decryptage/president-liban-dessous-ultra-geopolitique-tres-probable-election-michel-a

    La #France a-t-elle influencé Saad Hariri en faveur de Michel Aoun ?

    [Fabrice Balanche :] Non, bien au contraire. C’est l’évolution de la situation en #Syrie en faveur de Bashar al-Assad et la levée du véto saoudien qui sont responsables du déblocage de la présidentielle libanaise. Alain Juppé a récemment déclaré au quotidien italien La Repubblica : « La voix de la France ne pèse plus. Nous avons été laissés en marge de nombreuses négociations ». Cela vaut malheureusement aussi pour le Liban.

  • « Je veux Mossoul », dit Lloyd George, par Henry Laurens
    https://www.monde-diplomatique.fr/2014/07/LAURENS/50614 #st

    En 1916, en pleine guerre mondiale, Paris et Londres négocient le démembrement de l’Empire ottoman. Un premier schéma est entériné par les diplomates François Georges-Picot et Mark Sykes. Les frontières du Proche-Orient tracées par les vainqueurs après la fin du conflit seront finalement différentes. Mais ce partage restera connu sous le nom d’« accords Sykes-Picot ». Extraits.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/38359 via Le Monde diplomatique

  • Henry Laurens : « Je suis aujourd’hui d’un pessimisme total sur le conflit israélo-palestinien et la région »
    Propos recueillis par Lina KENNOUCHE | OLJ | 28/10/2015
    http://www.lorientlejour.com/article/951732/henry-laurens-je-suis-aujourdhui-dun-pessimisme-total-sur-le-conflit-

    (...) Vous avez affirmé que l’« occupation pacifique » n’existe pas et le soulèvement actuel prouve une fois de plus que l’occupation a un coût élevé. Quelles sont les implications de cette situation pour Israël ?
    Le problème d’Israël est un problème de définition du temps. La question est de savoir si sur le temps long, en maintenant sa coercition sur la population palestinienne, Israël peut renforcer son emprise sur les territoires occupés, c’est-à-dire profiter d’une absence de solution pour continuer à renforcer sa base, l’absence de solution étant considéré par les Israéliens comme la solution la plus sûre. Des voix dans la presse affirment aujourd’hui que les Palestiniens sont hostiles aux Israéliens parce qu’ils sont juifs, j’insiste sur le fait qu’ils sont hostiles aux Israéliens parce que ce sont des occupants.
    Dans ce contexte, on m’a accusé de ne « mentionner aucun auteur juif » dans ma bibliographie. Tout d’abord c’est faux, mais de toute évidence faire ce genre de réflexion nous amène aux heures les plus sombres de l’histoire de l’Europe où l’on essayait de déterminer qui était juif et qui ne l’était pas, c’est-à-dire les lois de Nuremberg en Allemagne ou le statut des juifs sous le régime de Vichy. 

    Depuis le début du soulèvement, la répression féroce menée contre les Palestiniens a suscité l’indignation de l’Autorité palestinienne (AP). Pourtant, aux yeux de nombreux analystes, les forces de sécurité de l’AP sont intégrées au dispositif d’occupation et agissent comme sous-traitant de l’État occupant. Ce soulèvement pourrait-il remettre en cause la coopération sécuritaire de l’AP avec Israël ?
    Il faut bien comprendre le dilemme dans lequel se trouve l’Autorité palestinienne. D’un côté, c’est la seule réalisation concrète que le Fateh et l’OLP ont réussi à construire. De l’autre, ce sont des milliers d’emplois pour les fonctionnaires et les services de sécurité, des milliers de familles qui vivent des salaires de l’AP qui elle-même dépend essentiellement des subsides extérieurs américains et européens. Si l’AP se lance dans une confrontation avec Israël, on lui coupera les vivres. Ce n’est pas un choix facile ! L’affrontement avec Israël entraînerait des représailles contre l’Autorité. L’effondrement de l’administration risque d’affecter l’ensemble de la structure économique. La stratégie israélienne depuis 1967 a été définie par la carotte et le bâton, et le coup de bâton peut être terrible pour les intérêts de milliers de Palestiniens.(...)

  • Impossible paix israélo-palestinienne
    Deux siècles d’histoire vus par Henry Laurens
    Orient XXI > Lu, vu, entendu > Pierre Prier > 15 juillet 2016
    http://orientxxi.info/lu-vu-entendu/impossible-paix-israelo-palestinienne,1406

    Le dernier chapitre du premier tome s’intitule « L’impossible conciliation ». Il annonce le titre du tome V, dernier paru : La paix impossible (de 1982 à 2001). La boucle est bouclée. L’auteur se dit, dans une récente interview à L’Orient le jour, d’un « pessimisme total » pour l’avenir de la Palestine et même de la région. Le « jeu à somme nulle », où il doit y avoir un perdant et un gagnant, sans possibilité de compromis, est toujours à l’ordre du jour. Sauf qu’il s’agit d’un match inégal. La réserve propre à l’historien ne l’empêche pas de constater que l’un des joueurs ne respecte pas les règles de base. Sans que l’arbitre — les États-Unis — brandisse le carton rouge.

  • De quoi parlaient le président américain et le roi saoudien en février 1945 ?
    > Henry Laurens > 23 février 2016
    http://orientxxi.info/magazine/la-legende-du-pacte-du-quincy,1213

    (...) Les trois textes donnent pour l’essentiel les mêmes informations. La première question abordée a été celle des juifs de Palestine. Les deux chefs d’État sont plutôt d’accord en ce qui concerne les réfugiés juifs en Europe : on peut les réinstaller dans les pays de l’Axe qui les ont opprimés, ou en Pologne. Ibn Saoud marque que les Arabes sont prêts à mourir plutôt qu’à céder la Palestine. C’est alors que Roosevelt prend le seul engagement de la rencontre : le président souhaite assurer au roi qu’il ne fera rien pour aider les juifs contre les Arabes et ne mènera aucune action hostile au peuple arabe ; son assurance concerne non les débats de la presse et du Congrès, qu’il ne peut contrôler, mais sa propre politique en tant que chef de l’exécutif du gouvernement des États-Unis. On évoque ensuite la Syrie et le Liban. Les États-Unis feront tout en revanche pour que la France tienne ses engagements en ce qui concerne l’indépendance de ces deux pays. Enfin, les deux hommes s’accordent sur la nécessité de développer l’agriculture. On voit ici l’absence complète d’un « pacte du Quincy ».

    En ce qui concerne la Palestine, Roosevelt avait bien envisagé une sorte de solution saoudienne durant la guerre, cependant cela a fait long feu et à bord du Quincy le président a senti la résolution arabe sur ce sujet. À son retour, il affirmera qu’il a davantage appris sur la Palestine en cinq minutes de la part d’Ibn Saoud que dans toute sa vie précédente ; son fidèle second Harry Hopkins notera qu’il a seulement découvert ce que tout le monde savait : que les Arabes ne voulaient pas un juif de plus en Palestine.(...)

  • iReMMO - Institut de Recherche et d’Etudes sur la Méditerranée et le Moyen Orient
    http://www.iremmo.org/spip/spip.php?article653

    Journée de décryptage organisée en partenariat par l’iReMMO et La Cimade à Montpellier, 11 décembre 2015.

    Premier panel Introduction et perspectives historiques

    La paix impossible

    Henry Laurens, professeur au Collège de France - chaire "Histoire contemporaine du monde arabe" - et à l’INALCO - Institut national des langues et civilisations orientales

    Modératrice : Chloé Fraisse-Bonnaud, directrice adjointe de l’iReMMO

    Deuxième panel : Réalité d’une situation et perceptions

    Comment nommer les choses ? Le mur, clé de voute du système d’occupation israélien

    René Backmann, ancien rédacteur en chef du service étranger de l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur, aujourd’hui à Médiapart, auteur de l’ouvrage « Un Mur en Palestine ».

    Comment en est-on arrivé là ?

    Michel Warschawski, militant anticolonialiste israélien, président du Centre d’information alternative de Jérusalem

    Modérateur : Alain Bosc, membre de La Cimade

    Troisième panel : Perspectives – résilience- résistance

    La Palestine à la lumière des nouveaux développements internationaux

    Leïla Shahid, ancienne ambassadrice de Palestine de 1989 à 2015

    Les ilots de résistance en Israël et en Palestine

    Michel Warschawski, militant anticolonialiste israélien, président du Centre d’information alternative de Jérusalem

    Comment répondre au « Kairos » aujourd’hui ? Quelles formes de résilience et de résistance pour aboutir à une paix juste ?

    Nora Carmi, Coordinatrice de projets internationaux, Kairos Palestine

    L’accueil des réfugiés et des migrants : un véritable enjeu démocratique pour les associations israéliennes

    Geneviève Jacques, Présidente de La Cimade

    Modératrice : Chloé Fraisse-Bonnaud, directrice-adjointe de l’iReMMO

  • Des états à l’Empire

    Cette semaine d’"Histoire Vivante" est consacrée à l’Empire Ottoman (1299 à 1923). Nous sommes au Collège de France en compagnie d’Henry Laurens titulaire de la chaire d’histoire contemporaine du monde arabe qui, après des années consacrées à l’Histoire de la Palestine, agrandit son territoire de recherche pour l’orienter en direction de l’Empire Ottoman.

    Dimanche 11 octobre 2015, vous pouvez découvrir sur RTS Deux : « La fin des Ottomans : Les nations contre l’Empire », une série documentaire de Mathilde Damoisel (France / 2015) :

    « Installé sur trois continents, carrefour géographique et culturel sans égal, mosaïque de peuples et terre des trois grandes religions monothéistes, l’Empire ottoman a rayonné pendant des siècles. Sa disparition progressive a eu un impact considérable, dont les effets se font encore sentir aujourd’hui. »
    Entretien avec Yves Ternon et Ahmet Insel

    Rencontre avec Yves Ternon, historien spécialiste des questions de crime contre lʹhumanité. Avec lui, on voyage de lʹapogée à la chute de lʹEmpire Ottoman (1299 à 1923).

    En deuxième partie Frédéric Pfyffer est en compagnie dʹAhmet Insel, politologue et économiste. Ahmet Insel enseigne et coordonne le consortium des universités françaises pour la coopération au sein de lʹUniversité de Galatasaray en Turquie.

    http://www.rts.ch/docs/histoire-vivante/7141215-les-ottomans-1-5.html

    Entretien avec Henry Laurens

    Premier épisode de ce grand entretien réalisé avec Henry Laurens, dans son bureau au Collège de France autour de la question de la recherche dans le champ de lʹhistoire et des liens qui existent entre la Palestine et lʹEmpire Ottoman. Henry Laurens est professeur au Collège de France et titulaire de la chaire dʹhistoire contemporaine du monde arabe.

    http://www.rts.ch/docs/histoire-vivante/7141222-les-ottomans-2-5.html

    Entretien avec Henry Laurens

    Suite de cette rencontre au Collège de France avec le professeur Henry Laurens, historien et titulaire de la chaire dʹhistoire contemporaine du monde arabe autour des questions de lʹémergence du nationalisme dans lʹEmpire Ottoman et sur lʹimplication des interventions répétées de lʹOccident dans cette région du monde.

    http://www.rts.ch/docs/histoire-vivante/7141224-les-ottomans-3-5.html

    Entretien avec Henry Laurens

    Dans cet épisode, dernière partie de ce grand entretien fait auprès dʹHenry Laurens au Collège de France à Paris autour de la question judéo chrétienne, de la rencontre du #wahabisme et dʹun certain #Ibn_Quelle qui serait la traduction possible de l’émergence de l’#Intégrisme.

    http://www.rts.ch/docs/histoire-vivante/7141223-les-ottomans-4-5.html

    Entretien avec la réalisatrice

    Rencontre avec #Mathilde_Damoisel, réalisatrice des documentaires « La fin des Ottomans : Les nations contre l’Empire » que vous pourrez découvrir dimanche soir sur RTS Deux :

    « L’histoire de la chute du grand Empire ottoman signe la fin d’un règne de plusieurs siècles, qui dominait une grande partie des régions européennes et orientales. Ce #documentaire propose une exploration historique des faits marquants pour mieux appréhender les enjeux d’aujourd’hui - dans ces régions.

    Six siècles durant, l’Empire ottoman a imposé sa puissance sur trois continents et sept mers. Un empire immense, terre des lieux saints, des trois monothéismes, mosaïque de langues, de cultures et de religions - sans comparaison dans l’histoire des hommes. Une puissance exceptionnelle. Pourtant, il aura fallu moins d’un siècle pour que cet empire s’effondre. Sur ses ruines s’est dessiné le monde moderne.

    L’ambition de ce documentaire en deux parties est double : dire la richesse et la puissance politique, économique et culturelle de l’Empire ottoman vers 1876 quand sa fin s’annonce et comprendre combien notre présent demeure façonné par sa disparition. »

    http://www.rts.ch/docs/histoire-vivante/7141221-les-ottomans-5-5.html

    #nationalisme #Empire_Ottoman #Turquie #ex-Yougoslavie #histoire

  • L’impossible cartographie du terrorisme de Didier Bigo, article intéressant écrit en 2005, à mettre en parallèle avec celui d’Henry Laurens publié aijourd’hui dans Orient XXI sous le titre : « Terrorisme, l’impossible éradication de l’ennemi » (http://orientxxi.info/magazine/terrorisme-l-impossible-eradication-de-l-ennemi,0953).

    Le terrorisme n’existe pas : ou plus exactement, ce n’est pas un concept utilisable par les sciences sociales et la stratégie. En revanche l’usage du terme a une forte signification politique. Pour expliquer ce paradoxe apparent, il est nécessaire d’analyser les usages du terme terrorisme et leurs implications. Nous qu’adversaires en présence comme tiers, victimes, font du terrorisme une forme de conflit spécifique qui aurait sa propre unité et qui pourrait être analysé selon une grille de lecture géopolitique à travers le monde. Pourtant la diversité des logiques conflictuelles, des modalités d’action, des formes sociologiques d’insertion dans les sociétés et entre les États, empêchent semble-t-il de conserver le terme et de l’élever au niveau d’un concept ou même d’une notion commode. Loin d’expliquer, le terme de terrorisme embrouille les situations, les « polémisent » et doit être remplacé par d’autres notions qui, elles, permettront de mieux comparer et cartographier des phénomènes de violence politique recouverts par ce vocable.

    Ceci peut paraître choquant et provocateur à l’excès. Après tout, le terme terrorisme à une forte valeur émotionnelle et symbolique pour tout un chacun. Le sens commun en fait une forme de violence s’attaquant à des individus innocents, le plus souvent par le biais d’attentats spectaculaires afin de paralyser, d’intimider tous les autres membres de la société ou de la communauté visée. Cette violence serait barbare, illégitime dans la mesure où elle s’en prendrait à des individus innocents, non concernés par le conflit et parc qu’elle s’exercerait le plus souvent dans le cadre d’États qui permettent d’autres moyens d’expression que la violence pour faire connaître son opposition à la politique gouvernementale. Seulement le problème tient au caractère très partiel d’une telle « définition » et à son instrumentalisation fréquente, à des fins de politique intérieure ou de politique étrangère, par les États. Certes, certaines organisations clandestines luttant dans des États de droit par des moyens d’attentats dits aveugles (Ordine Nero en Italie avec la Piazza Fontana ou la gare de Bologne par exemple, les CSPPA en France avec les attentats de 1985 et 1986, les Galeries Lafayette et Printemps, Gibert, le RER, le magasin Tati rue de Rennes…) semblent en être l’incarnation, mais qu’en est-il des autres organisations clandestines qui frappent des individus symbolisant leur adversaire direct (la PIRA frappant les soldats anglais en Irlande du Nord, ETA contre la guardia civil au pays basque espagnol, Action Directe s’en prenant à l’ingénieur général Audran ou à Georges Besse) ? Comment séparer les innocents des autres ? Tout le monde est-il innocent ou personne ? L’anonymat et l’absence d’exercice de responsabilité peuvent-ils être des critères de différenciation ? L’attentat est-il véritablement un crime de guerre, voire un crime contre l’humanité ?

    L’innocence des victimes est un critère délicat à l’utilisation. L’idée que le terrorisme terroriserait, intimiderait, outre son caractère tautologique, est quant à elle très douteuse. Les attentas, loin de terroriser, ont plutôt tendance à scandaliser, révolter, réaffermir les solidarités avec les garants de l’ordre public ou à lasser des spectateurs blasés de violence télévisuelle, relativement indifférents. Le terrorisme ne terrorise pas. Il faut se méfier des étymologies faciles et de ce que l’on veut leur faire dire. En revanche, il fascine sans doute, comme d’autres formes spectaculaires de violence, provoquant ainsi des angoisses pouvant générer un imaginaire de l’insécurité qui placera le terrorisme parfois en tête des angoisses des Français devant la guerre nucléaire ou les conflits conventionnels. Mais il s’agit plus d’une imaginaire que d’une appréhension rationnelle d’un risque, le terrorisme ne représentant, même dans son acception la plus large que 0,2% de la criminalité. Il faut alors se demander si n’entre pas dans cet imaginaire des attentes morbides que l’on préfère taire et qui renvoient à la fascination quasi sacrée qu’exercent certaines formes de violence. Comme au théâtre, le terrorisme provoque mimesis et catharsis ; comme au théâtre il reconduit une distance entre les participants et les spectateurs que ces derniers n’oublient jamais, malgré les artifices, et qui explique pour beaucoup cette indifférence structurelle à l’engagement dans le combat qui fait échouer les stratégies de mobilisation des adversaires : que ce soit l’organisation clandestine qui croit au grand soir, à la lutte de décolonisation ou le gouvernement qui en appelle à la défense des valeurs démocratiques. Cette indifférence des tiers à l’égard du conflit en cours, cette coupure entre les adversaires directs et les autres, est sans doute un des critères les plus significatifs pour caractériser l’originalité de l’exercice de la violence dite terroriste. C’est elle qui exacerbe la volonté des protagonistes directs que sont l’organisation clandestine et les pouvoirs publics, de se combattre et qui explique leur stratégie commune : rallier les indifférents à leur cause en délégitimant l’adversaire.

    Or, ils pensent chacun qu’il existe un moyen efficace de délégitimer le combat de l’autre, c’est justement de l’appeler terroriste. En effet, le terme de terroriste devient entre les adversaires directs, une arme dans un combat symbolique au moins aussi important que le combat militaire au sens strict. Si l’on arrive à convaincre les tiers que l’autre est le terroriste, alors ils se mobiliseront sans doute en votre faveur, renversant ou approfondissant le rapport de force dissymétrique qui lie l’organisation clandestine et ses éventuels parrains aux pouvoirs publics d’un État donné. Essayant de s’appuyer sur le sens commun, on qualifiera sa violence de réponse à l’agression barbare et terroriste ou à l’oppression feutrée et permanente que subissent les tiers. C’est en leur nom que l’on combat l’autre. On voit à quel point l’usage du terme terroriste ne peut être neutre, il a une valeur polémique, « polémogène » : il sert plus qu’à qualifier, à disqualifier la violence de l’autre. Celui n’est plus humain, c’est un barbare, un sauvage, un « porc »… qui s’attaque à des innocents sans raison valable et qui doit donc être combattu sans merci, sans pitié, par toutes les méthodes. Ainsi la violence terroriste est définie d’une autre manière : c’est celle de l’autre, de l’adversaire, de l’ennemi du genre humain. A contrario, sa propre violence n’est qu’une réponse légitime à une telle agression. Le mécanisme accusatoire, lorsqu’il fonctionne bien, non seulement délégitime l’usage de la violence de l’adversaire, mais purifie, sanctifie la « réponse ». Les États ont bien compris l’avantage qu’ils pouvaient tirer d’un tel mécanisme, et si les États de droit sont soucieux de ne pas en profiter pour criminaliser toute opposition, il n’en va pas de même pour certains gouvernements qui, usant eux-mêmes de la violence envers leur population, accusent leurs opposants armés d’être des terroristes et ont souvent le soutien d’autres États pour des raisons de géopolitique et d’intérêt bien compris. D’ailleurs, il est fréquent que les organisations ou leurs parrains incriminés, cherchent à se disculper et à retourner l’accusation contre les États. Les Brigades rouges, les Fractions armées révolutionnaires libanaises, le gouvernement libyen, ont tous fait des déclarations pour accuser à leur tour les États italiens, français ou américains d’être les « vrais » terroristes. Croire après cela à une définition objective du phénomène qui pourrait éviter de prendre parti (et de prendre parti pour le vainqueur du combat sur la légitimité, c’est à dire pas forcément le plus juste mais celui qui dispose des ressources les plus efficaces en matière de propagande et plus généralement de discours et de symbole à forte efficacité symbolique) relève d’une certaine naïveté, utilisée par certains en fonction d’intérêts politiques. Il faut donc admettre que le terme de terrorisme oscillera en fonction des options éthiques et politiques, non par mauvaise volonté, absence dommageable de consensus sur des valeurs, mais avant tout parce que son usage, à la différence de termes comme guérilla ou combattant, est une arme dans le combat politique et symbolique entre les adversaires.

    Ainsi, si l’on comprend pourquoi les acteurs de la vie sociale usent spontanément du terme terroriste et pourquoi certains d’entre eux instrumentalisent à leur profit l’usage du terme à travers des définitions tautologiques, on pourra au moins s’en dégager tout en expliquant pourquoi le terme a fait fortune et n’est pas prêt de disparaître du langage malgré les mises en garde fréquentes faites par les sociologues et les stratèges quant à son aptitude à désigner clairement une forme particulière de conflit.

    Si l’on devait brièvement signaler ce qu’il recouvre et rend confus, on pourrait distinguer premièrement les logiques « d’inversion » ou de « distanciation » par lesquelles une organisation clandestine se coupe du travail militant des partis politiques et croit que l’usage d’une violence spectaculaire aura par elle-même des vertus pédagogiques de mobilisation (propagande par exemple). Elle finit ainsi par vivre en monde clos, espérant s’imposer comme seul interlocuteur des pouvoirs publics et seul représentant des populations alors qu’elle tient un discours et a des pratiques qui, immédiatement ou au cours du processus dynamique de la relation terroriste, en viennent à dénoncer le contraire de l’idéologie populaire dont ce discours se veut l’héritier et se retournent contre les acteurs de ce dernier encore plus fréquemment que contre l’adversaire désigné : Action directe, la RAF, les Brigades rouges en sont sans doute les incarnations les plus connues. Certains gouvernements peuvent aussi s’enfoncer dans cette logique face à un conflit qu’ils ne maîtrisent plus comme le montre ces derniers temps l’action du président Fujimori. Une seconde logique anime les organisations clandestines qui font partie d’une constellation où usage de la violence et usage du bulletin de vote sont considérés comme deux volets de la même stratégie. Si parfois l’organisation se coupe des légalistes et tombe dans le premier cas de figure, fréquemment le découplage est limité. La violence est alors tout à fait calculée, rationnelle. Elle vise à faire pression pour obtenir des concessions. Elle entre dans une logique de marchandage : l’IRA, ETA, le FLNC ou certains groupes dissidents palestiniens, adossés à des communautés qui les « comprennent » sans forcément les soutenir, savent user de ce type de violence calculée. Les pouvoirs publics des États de droit ont aussi parfois recours à ce genre de stratégie comme l’a montré l’exemple du GAL en Espagne, même si le secret est de ce côté-là de mise. Troisième logique, le plus originale sans doute, celle qui s’inscrit dans la transnationalisation du monde contemporain et qui permet à des groupes représentant des diasporas ou des communautés religieuses ou ethniques (palestiniennes, arménienne, kurdes, libanaises…) d’user d’une violence spectaculaire afin de faire connaître leur combat et de jouer directement sur la scène internationale. Il s’agit pour ces organisations d’entrer dans le jeu politique à l’échelon international et de perturber la diplomatie étatique traditionnelle en l’obligeant à prendre en compte ses revendications. Seulement, fréquemment, cette modalité d’action, est récupérée, parasitée par des gouvernements qui ont leurs propres objectifs. Seuls points communs sans doute de ces trois logiques qui les distinguent des luttes de minorités combattantes, c’est qu’elles sont fortement engagées dans une rivalité mimétique avec l’État malgré l’asymétrie de leurs positions de départ, qu’elles sont obligées d’être clandestines car elles ne contrôlent pas une zone territoriale, qu’elles sont plus tournées vers un combat symbolique visant à délégitimer l’adversaire que vers un combat militaire qui viserait à se substituer à lui par la force (même si les organisations clandestines prétendent qu’elles en sont capables), qu’elles théâtralisent leur violence beaucoup plus qu’elles n’en font un usage opérationnel, qu’elles sont incapables de mobiliser politiquement les tiers en leur faveur sauf dans de rares cas de stratégies du martyr réussies, qu’elles ont une dynamique d’action erratique et qu’elles sont souvent instrumentalisées, parasitées par des acteurs qui ont plus de ressources dans le jeu politique qu’elles.

    Agréger ces logiques différentes surtout à l’échelle mondiale et vouloir en tirer des leçons est alors quasi impossible. Si l’on prend comme exemple la meilleure des cartographies du terrorisme produite par le gouvernement américain, nous aurons un exemple des difficultés et des pièges méthodologiques qui attendent l’analyste.

    Chaque année le département d’État établit un document « Patterns of global terrorism » très bien informé, qui sous la conduite de leur ambassadeur spécialisé dans la lutte contre le terrorisme, produit des statistiques par aires régionales (on comptabilise les attentats à partir du lieu à partir du lieu où ils ont été commis dans une logique de victimisation), des statistiques par origine supposée des attentats sponsorisés par la liste des États terroristes (pour l’année 1990, la dernière parue à ce jour : Corée du Nord, Cuba, Iran, Irak, Libye, Syrie), une chronologie des incidents les plus significatifs de l’année et des organisations dangereuses, ainsi que la carte mondiale que nous reproduisons.

    Considérant que le terrorisme est une classe particulière de violence qui regroupe les attentats, les assassinats, les prises d’otage motivées politiquement, celui-ci se retrouve sur toute la planète sans distinction des contextes politiques et idéologiques des différents États. Dès qu’une organisation commet des attentats contre un gouvernement en place, ceux-ci sont donc théoriquement recensés par le département d’État. La notion d’internationale renvoie elle à l’action d’organisations contre des intérêts étrangers au pays. En croisant ces deux critères, cela nous donne dans l’ordre de ce « palmarès » des pays victimes d’attentats internationaux : les actions des diverses factions palestiniennes ou libanaises pro-iranienne contre Israël, auxquelles on inclut semble-t-il certaines manifestations de rue du soulèvement palestinien de l’Intifada : les attentas d’ETA en Espagne lorsqu’ils frappent de intérêts étrangers ; les actions des services afghans contre les réfugiés sur le territoire pakistanais ; les actions militaires armées du Sentier Lumineux au Pérou contre les intérêts américains ; les actions du Cartel de Medellin contre le gouvernement colombien dans la guerre de la drogue lorsqu’elles détruisent des immeubles appartenant à des sociétés étrangères, ainsi que les actions des groupes de guérilla FARC, ELN, EPL ; celles du front patriotique Manuel Rodriguez contre les intérêts américains au Chili, les actions de la NAP et d’anciens partisans de Marcos contre les intérêts américains aux Philippines…

    L’hétérogénéité de la liste est frappante : des organisations clandestines de quelques dizaines de personnes en plein processus d’inversion, coupées de tout mouvement social et luttant contre des États de droit côtoient des organisations appuyées par un mouvement politique nationalitaire et des organisations liées à des diasporas. Mais l’on trouve aussi dans la même liste des groupes de guérilla qui sont à même d’empêcher le gouvernement et son armée de pénétrer dans des zones complètes du territoire, sans parler d’actions de services secrets d’un État contre ses ressortissants à l’étranger. A part le fait d’avoir commis un attentats ayant produit des victimes, cette liste, mariage monstrueux de la carpe et du lapin, fait penser à certaines énumérations dadaïstes. Pourtant, ne nous y trompons pas, elle a un sens, une rationalité. Mais pas celle que le discours qui l’accompagne voudrait donner.

    Au delà des critiques sur le caractère politico-idéologique d’une liste qui se veut positiviste et sans a priori, il faut comprendre qu’une telle carte en agrégeant des statistiques disparates de phénomènes différents de violence politique, en prenant une échelle qui utilise la délimitation d’État comme l’unité pertinente, en coloriant en rouge les pays victimes, génère chez le lecteur un sentiment de fascination et d’insécurité. Le terrorisme apparaît comme une menace omniprésente sur la planète et justifie une action déterminée de tous les gouvernements (quel que soit la nature de leur régime ?) sous la houlette des États Unis. C’est là sans doute le message qui doit passer. L’instrumentalisation effective des sentiments d’angoisse du public prime sur les autres caractéristiques. N’y voyons pas pour autant un calcul cynique ou un complot de ceux qui produisent ces statistiques et ces cartes qui recensent malgré tout des violences bien réelles mais plutôt l’engagement d’acteurs qui se servent de cet instrument qu’est l’artefact sémantique du terrorisme pour décrédibiliser globalement certaines formes de lutte politique impliquant l’usage de la violence. Or, si on peut l’admettre pour certaines organisations clandestines, qui sans aucun soutien se lancent dans l’aventure d’une contestation du pouvoir par des actions sanglantes, peut-on en faire autant pour des organisations qui luttent contre des systèmes iniques qui usent aussi de la violence d’État ? Peut-on mettre l’ANC en Afrique du Sud dans la même catégorie que les narcotrafiquants colombiens ou Action directe ?

    Pour conclure, une cartographie du terrorisme international, dans son projet même, est lourde d’ambiguïté car elle agrège et homogénéise des données socio-politiques par trop différentes et ressortant de logiques contradictoires dans leurs dynamiques d’évolution. Comme tout phénomène d’agrégation, il est nécessaire de réfléchir sur la pertinence de la collection de faits recensés qu lieu de se laisser impressionner par le résultat. La cartographie est de plus mal adaptée pour rendre compte d’un phénomène aussi minoritaire, aussi marginal, et qui pourtant peut parfois prendre une dimension transnationale. Il faudrait sans doute une carte, au moins à l’échelle murale, où l’unité serait la ville dans laquelle ont eu lieu les attentats et non le pays (ce qui diminuerait sensiblement l’impression de danger) et surtout il faudrait soigneusement distinguer les différentes logiques d’actions en mettant l’accent sur leur champ particulier d’expression, souvent une seule région ou un seul État et ne conserver sur la carte mondiale que les logiques d’action transnationales d’un nombre limité d’organisations clandestines issues souvent de communautés diasporisées.

    http://conflits.revues.org/1149
    #terrorisme#conflits#sociologie_des_conflits

  • Et voilà que, l’air de rien, Henry Laurens justifie l’islamophobie (c’est la faute aux musulmans) :
    http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2015/01/16/31002-20150116ARTFIG00424-henry-laurensal-qaida-et-daechen-competition.php

    Je dis toujours que le plus grand responsable de l’islamophobie au monde est Ben Laden. Je pense que la première cause de l’islamophobie vient de certains musulmans qui incitent à la haine, ce qui diffère d’ailleurs de l’antisémitisme classique, qui n’était pas une réaction à un comportement ou à une action.

    Quant à la conclusion, c’est… comment dire…

    Ce qui domine est une culture du ressentiment aussi bien par rapport à l’histoire des deux derniers siècles que pour la réalité contemporaine. En ce qui concerne le domaine proprement religieux, ce sont les questions « sociétales » qui importent. C’est tout le vaste domaine des relations de genre et de sexualité. Aujourd’hui, le champ de bataille porte essentiellement sur le corps de la femme. Il peut se résumer de façon lapidaire par le rapport entre voile et dévoilement. Il existe en effet un paradoxe à porter un voile, qui signifie ne pas vouloir être un objet sexuel, dans une société très sexualisée comme la nôtre, les publicités en faisant la démonstration quotidienne. Aussi, le fait de porter le voile attire les regards et est, donc, plus violent sexuellement qu’un nombril à l’air.

  • De la (dé)construction des États-nations depuis les accords de Sykes-Picot... - Anthony SAMRANI - L’Orient-Le Jour

    http://www.lorientlejour.com/article/894240/de-la-deconstruction-des-etats-nations-depuis-les-accords-de-sykes-pi

    État islamique, guerre en Syrie, indépendance kurde : Henry Laurens et Jean-Paul Chagnollaud répondent aux questions de « L’Orient-Le Jour ».

    Sykes-Picot. Voilà un nom hautement symbolique qui suscite de nombreux fantasmes dans le monde arabe depuis bientôt un siècle. Voilà un nom qui a la particularité d’être automatiquement assimilé à une histoire qui dépasse pourtant très largement son ampleur initiale. Voilà un nom qui matérialise une période de rupture dans la région du Proche-Orient, entre des siècles de domination ottomane et une entrée brutale et instrumentalisée dans l’ère de modernité. Une entrée des plus difficile pour le Proche-Orient arabe qui devait, et doit toujours, porter le poids d’un double héritage extérieur : celui du tracé des frontières par les puissances coloniales européennes et celui du système communautaire organisé par la puissance coloniale ottomane.

    La question de la construction des identités nationales a été au cœur de la pensée politique dans le monde arabe depuis la chute de l’Empire ottoman. Ne reconnaissant pas d’identités nationales à part celle de l’Empire, la Grande Porte établissait pourtant un système communautaire pour organiser la vie sociale qui prenait le nom de millet. Cela encourageait donc le sentiment d’appartenance à une communauté, bien que les tendances minoritaires de l’islam, à savoir les chiites, les alaouites, les druzes, demeuraient sous la tutelle sunnite. La chute de l’Empire a donc entraîné un choc traumatique qui remit en question le fonctionnement de l’ensemble de ces sociétés et les a poussées dans la modernité après plusieurs siècles de léthargie politique. Il serait incorrect de nier le fait que ces sociétés ont très largement évolué depuis le début du siècle, mais pourtant la question de la construction des identités nationales reste centrale et pourtant malheureusement irrésolue.

    #is #isis #Irak #syrie

  • La « fronde bretonne » pour ceux qui débarquent | Rue89
    http://www.rue89.com/2013/11/09/fronde-bretonne-ceux-debarquent-247319

    Les poulets surgelés, le « Breizh Power », le vrai état de l’économie, l’« arnaque » Ecomouv, ce qu’on découvre sous les bonnets rouges... : on fait le point.

    Détournons la phrase fameuse de l’historien Henry Laurens : si vous avez compris quelque chose à la Bretagne, c’est qu’on vous l’a mal expliqué.

    La fronde contre l’écotaxe occupe la une des journaux depuis deux semaines sans qu’on saisisse forcément le lien entre les ratés de l’agroalimentaire breton et le « scandale » Ecomouv. De comprendre ce qui fait défiler ensemble les patrons et les licenciés. D’autant que, devant les ultimatums et les destructions de portiques, l’Armorique commence à perdre son capital de sympathie dans le reste de l’Hexagone.

    Pour traduire crûment ce que pensent nombre d’éditorialistes (je ne regarde personne) :

    « Qui sont-ils pour cramer des portiques payés avec nos impôts et venir ensuite réclamer des subventions pour produire de la sous-bouffe à bas coût (et des algues vertes) ? »..

    #écotaxe
    #Bretagne
    #bonnets-rouges
    #arnaque
    #Ecomouv