person:larry clark

  • La sortie du film Paris est à nous sur #Netflix, un film sans scénario — hélas, ça finit par se voir — ayant fait l’objet d’un financement participatif, tourné hors plateau, sur plusieurs années, dans le contexte post-attentat et Nuit debout, offre un bel exemple des limites du modèle de financement de la création française. Non pas parce qu’il aurait nécessairement du trouver des financements mais parce qu’il illustre la prégnance du scénario pour l’obtention de ces derniers.

    https://www.youtube.com/watch?v=TKVGVFUWPCE

    Paris est une fête est devenu Paris est à nous car Gallimard demandait trop d’argent pour lâcher les droits du bouquin de Hemingway.

    J’ai interrogé l’équipe du film pour mon papier sur Netflix paru dans le @mdiplo de février pour illustrer le côté « mécène antisystème » de la plate-forme, mais je ne les ai pas cité finalement. Voici leurs réponses :

    Le film que nous portons aujourd’hui sur Netflix a été pensé en réaction d’un certain cinéma français. Le principe de base de tournage était pourtant une “expérimentation”. On a cherché à ramener le cinéma dans le réel, comme a pu le faire la Nouvelle Vague. On a aussi voulu écrire le scénario tout en tournant le film. On est parti avec une trame plutôt simple et on l’a adaptée aux événements qui se déroulaient pendant les années de tournage. De fait, ce procédé excluait la présence d’un scénario “classique”, et nous disqualifiait d’office de toutes les aides disponibles en France (en pré-financement, soit le modèle de production dominant).

    Partant de là, notre modèle de production était nécessairement marginal. Devant le manque flagrant d’intérêt de l’industrie (aucune réponse à nos nombreuses sollicitations, avec un film en parti tourné), nous avons décidé de produire le film nous même, totalement en marge du système.

    Le succès de la campagne de crowdfunding nous a apporté une visibilité et une liberté de production énorme. On aurait pu penser qu’un tel engouement du public allait trouver un réel écho au sein de la profession, et pourtant… Le film a été montré à différents partenaires potentiels, et nous avons été très étonnés de leur retour. Il est important de dire que le film a davantage intéressé les grosses structures de distribution. Les distributeurs indépendants ont montrés une grande réticence face à un engouement né sur internet (un buzz). Les différents interlocuteurs nous demandaient de conformer notre film à ce qu’ils considèrent comme étant les “attentes du public” et aux poncifs d’un certain cinéma français. Il n’en était pas question pour nous. Alors qu’on essayait de capter un contexte social et politique propre aux 4 dernières années, on s’est heurté à l’incompréhension, et l’impossibilité de dialoguer avec une industrie trop sûre d’elle, et aveugle face au malaise dont on voit aujourd’hui l’expression.

    Netflix a été parmi les premiers à nous contacter. La plateforme a été la seule à reconnaître le caractère expérimental du film, et à nous encourager dans cette recherche. Leurs équipes ont suivi le projet et ont visionné différentes versions de montage, sans jamais chercher à bousculer notre manière de faire. Aucune modification du montage n’a jamais été réclamée.

    Tout ça nous a interrogés sur nos choix de distribution pour le film et on a décidé collectivement d’aller vers Netflix.

    Plus jeune on a développé notre cinéphilie grâce à internet, en ayant accès a des chefs-d’oeuvre du cinéma qui ne passaient pas en salles, à côté de chez nous. L’idée qui a émergé de nos discussions c’est que l’accès à l’œuvre prime avant toute chose. C’est-à-dire qu’en l’apportant sur la plateforme la plus fréquentée par les jeunes, on leur donne la possibilité d’avoir très largement accès à un tel film. C’est en ce sens qu’on pense que le cinéma est un art avant d’être un lieu.

    Truc amusant, un film avec le même concept, mais qui lui a passé avec succès le guichet du CNC, L’époque, sortira dans quelques temps. Sera intéressant de comparer les deux films quand il sortira (en avril 2019).

    https://www.youtube.com/watch?v=GhTWW2K96SY

    Lire aussi « Cinéma français, la question qui fâche », par Eugenio Renzi (@mdiplo, février 2013) https://www.monde-diplomatique.fr/2013/02/RENZI/48757

    (…) Il existe pourtant un modèle implicite de ce que doit être un film d’auteur selon le CNC : c’est Le Dernier Métro (1980), de François Truffaut, qui a réinventé une « qualité française » jugée exemplaire — celle-là même que Truffaut avait auparavant dénoncée pour son académisme et sa sujétion aux scénaristes. Les choix de la commission se sont toujours appuyés sur le scénario. Mais, depuis une trentaine d’années, cette prédominance du scénario achevé comme point de départ du processus créatif, accentuée par la nécessité de privilégier une forme académique, centrée sur l’histoire et les dialogues, a conduit à une certaine uniformisation. Rappelons par exemple que pour Nanni Moretti une partie du tournage précède parfois l’écriture : Palombella Rossa (1989), Journal intime (1994)...

    Pour minorer cette tendance, des dispositifs de correction ont récemment été mis en place. Quelques tenants d’un cinéma dégagé des structures narratives traditionnelles — Virgil Vernier, Thomas Salvador, Larry Clark — figurent parmi les lauréats 2012. Mais cette « normalisation », qui se manifeste aussi par des thématiques plutôt monotones, dont celle de l’obsession narcissique des menaces pesant sur l’héritage du cinéma — les films d’Assayas en sont un exemple —, est également liée au poids de la télévision. Depuis 1985, la loi oblige les chaînes à participer à la production en consacrant un pourcentage de leur budget au préachat de films de cinéma. Or elles s’orientent de plus en plus vers les films de coût moyen (entre 4 et 8 millions d’euros), destinés à ressembler aux téléfilms et au cinéma commercial : acteurs fédérateurs, intrigues sans surprise, art cinématographique réduit à sa plus simple expression. Inversement, celui qui ose une mise en scène et un propos par trop distants des règles dominantes risque la marginalisation.

    (…) A long terme, il sera de plus en plus difficile de défendre l’exception industrielle au nom d’une exception culturelle devenue presque invisible.

    #cinéma #scénario #CNC #audiovisuel #industrie_culturelle
    cc @lucile

    • Pour illustrer les limites du système, l’équipe de Paris est à nous m’avait aussi conseillé cet entretien de Soderbergh — bien qu’il concerne le système US : « Steven Soderbergh Unravels Hollywood Chaos » (pas de rapport donc mais intéressant en soi) https://deadline.com/2019/01/steven-soderbergh-sundance-slamdance-icon-interview-1202544513

      Le marché du cinéma s’attend à un vrai boom d’ici deux ans, avec toutes les plateformes de #SVOD qui vont se lancer : « C’est une bonne période pour les créateurs parce qu’il y a beaucoup de studios à aller voir et qu’ils ont tous faim de contenus. C’est une bonne nouvelle. Le problème évident qui se pose alors est comment attirer l’#attention (#eyeballs) sur votre contenu dans cette offre pléthorique, un contexte inimaginable quand j’ai commencé dans le milieu. Je n’aurais jamais imaginé que les gens seraient ciblés à ce point, avec autant de contenu tous les jours, chaque jour. Jamais je ne l’aurais imaginée. »

  • Un peu le vertige en écoutant la RTBF à l’instant. Invité Simon Liberati à propos de son livre Eva . Je découvre la sordide histoire d’Eva Ionesco (la femme de Liberati) donc.

    Les articles complaisants et ambigus sur les abus de la mère sur la fille ne manquent pas. Et le mari qui surfe sur les abus - entre fascination et dénonciation, avec une photo d’elle ado sur la couve du bouquin bien sur.

    Irina Ionesco, photographe libre, mère toxique
    http://www.telerama.fr/scenes/irina-ionesco-photographe-libre-mere-perverse,130438.php

    Elle avait fait de sa fille, encore mineure, un modèle érotique. Au cœur du roman « Eva » de Simon Liberati, l’artiste a été déboutée de sa plainte pour « atteinte à la vie privée ». Portrait d’une femme controversée.

    « Eva » : l’amour fou de Simon Libe­rati
    http://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/eva_l_amour_fou_de_simon_liberati_348681

    Avant d’être son épouse et le sujet-objet de ce nouveau roman, Eva fut, pour Simon Libe­rati, une petite fille 13 ans perdue dans les nuits pari­siennes, et l’inspi­ra­tion d’un person­nage de son premier livre, Antho­lo­gie des appa­ri­tions, sous le nom de Marina. Et puis il y eut la troi­sième rencontre. Eva ne se contenta pas d’en­trer dans le “cabi­net de curio­si­tés” de l’écri­vain soli­taire collec­tion­neur de monstres, elle lui redonna carré­ment goût à la vie, au mariage, à l’amour.

    Je ne sais pas comment tagguer ce truc. #fascination #morbide ?
    cf. http://seenthis.net/messages/338747 @tintin @mad_meg

    J’ai préparé une intervention récemment sur les récits de femmes esclaves. Elles ont fait un travail incroyable pour dénoncer et mettre en évidence les aspects spécifiques de leur exploitation et notamment l’exploitation sexuelle et parturientale (si on peut dire ça comme ça).

    Mais voilà, le viol d’esclave est devenu un type de scène ultra présent dans les films d’exploitation, pas tant pour les dénoncer que par une sorte de fascination érotique, que dénoncent des femmes afro-américaines, même dans les oeuvres de femmes non soupçonnées de complaisante fascination morbide comme Kara Walker. Je compare des trucs pas comparables, mais au final, j’éprouve le même malaise. Ou quand la dénonciation d’abus devient une commodité culturelle abreuvant l’imaginaire pornographique ou érotique. Sur ce, je vais gerber je crois.

    • je voie bien ce que tu veux dire @supergeante par rapport à l’érotisme des scenes de viol au cinéma. Pour les violeurs et pour la plus part des hommes, le viol fait parti de la sexualité. Il y a même du monde pour dire que c’est un acte sexuel au lieu d’un acte de torture.
      Et même quant ca cherche à dénoncé. Je pense par exemple à la scène de fin de « the brave one » avec Judy Foster quant on nous montre la scene de viol complète des fois qu’on ai pas compris. Ou par exemple dans le film « baise moi » (j’ai faillit gerber et j’ai pas pu voire plus de 6 minutes du film) alors que Despentes est clairement féministe et cherche à dénoncé. Pourtant j’avais l’impression de voire un porno.

      J’ai une amie qui refuse de voire tout film qui comporte une scène de viol que ca soit pour s’y complaire ou dénoncé elle ne fait pas le tri. Cela lui limite pas mal la filmographie. Et quant je lui conseil un film je lui signale la scène a faire avancé, je me suis mise à le faire aussi car ca n’apporte rien à l’intrigue à part faire bander les misogynes.
      Et pour les femmes racisées, il y a encore plus l’aspect domination et colonialiste et raciste qui s’ajoute. Avec pour les femmes esclave le myth comme quoi elle auraient eu des privilèges en couchant avec les maitres (alors qu’il s’agit de viol bien sur pas de « coucherie »). Les femmes noirs sont en plus très sexualisées et de manière brutale car dans l’imaginaire racistes elles sont proches de l’animal et comparées souvent à des félines qui en tant qu’animal sauvage ( en rapport aussi avec le myth de la black hungy women) vont pas se laisser faire. Il y a l’idée qu’il faille prendre de force ces « panthères » pour les dresser et leur montrer tout ce qui est bon pour elles. C’est comme une aggravation du cliché de la femme qui dit Non mais pense OUI mais en multiplié de manière exponentielle.
      Le sujet de l’esclave violé par le maitre est évoqué dans « 12 years a slave » et on echappe d’ailleurs pas au sexisme dans ce film comme c’est expliqué ici ; http://www.lecinemaestpolitique.fr/12-years-a-slave-2014-lesclavage-a-travers-les-yeux-dun-heros-h

      Par rapport à Irina Ionesco je ne connais pas cette personne mais je vais aller voire mais pas maintenant. Par contre le tag #lolita me semble utilisable ici. ainsi que #cultur_du_viol et #misogynoir (que j’ai découvert il y a peu et qui désigne le sexisme spécifique aux femmes noirs et qui nous viens des féministes US.
      https://en.wikipedia.org/wiki/Misogynoir

      Il y a aussi dans le film sur la vie de Phoolan Devi, des scènes que j’ai trouvé complaisantes car Phoolan Devi a été violé par son époux alors qu’elle avait 11 ans et j’ai trouvé que le film en montrait beaucoup trop. Dans le sens que c’est pas utile de montrer autant de détails, on avait bien compris de quoi il retournais.


  • Passe ton bac d’abord, Maurice Pialat, 1978
    Combien de fois ai-je entendu des avis me disant que tel ou tel film était « un portrait sans concession d’une jeunesse désabusée, d’une génération perdue... » ? Plus je grandis, plus il y en a des péteux qui prétendent que leur génération est exceptionnelle et foutue en l’air par la génération d’avant. Pas seulement Orelsan et Stromae... Pour mémoire, il y avait aussi les films de Gregg Araki et, en un peu meilleur et un peu plus complexe, ceux de Larry Clark.
    Bien souvent, je trouve, trop peu d’analyse politique.
    Alors je vois ce film hier soir et je suis bien heureusement surpris. C’est sans concession, c’est acéré, méchant.
    Une mécanique fine qui démontre subtilement la cruauté d’un monde envers les femmes. Une mécanique fine parce que ça coule tout seul, sans rien dire et sans jugement. Du coup, c’est encore plus violent.
    Voir les films oubliés depuis des années dans son ordinateur, ça a du bon parfois.
    Le son a quelque chose que je trouve rare. Je n’ai pas encore assez confiance en moi pour prétendre être certain de ce que j’affirme : c’est peut-être tout simplement la mauvaise qualité de la copie numérique. Il me semble que les dialogues coulent avec une variété d’amplitude sonore qu’on aurait peine à retrouver aujourd’hui. Du chuchoté qui implique de tendre l’oreille, du chevauchement des voix qui gagnent en naturel. Encore une fois l’impression qu’aujourd’hui on veut faire passer des aubergines dans des pots d’échappement...
    https://www.youtube.com/watch?v=1yhTGTGCijk

    #critique_a_2_balles #Maurice_Pialat #Passe_ton_bac_d'abord #1978 #cinéma #Dimitri

  • Jacob Holdt "American Pictures" - 1970/1975

    "Une fois qu’on a planté la seringue, il n’y a plus moyen de la retirer. Cette phrase est bien trouvée, mais elle n’a pas vraiment sa place ici car elle n’est pas de Jacob Holdt. C’est une phrase extraite de Tulsa (1971), un album de photos sur les junkies de son contemporain Larry Clark. Elle peut néanmoins servir d’exergue à l’œuvre photographique de Jacob Holdt qui montre l’Amérique de Nixon et de l’héroïne avec une intensité rarement égalée.
    Une fois qu’on a planté la seringue, il n’y a plus moyen de la retirer, mais ce qui permet d’assimiler le recueil légendaire de Holdt, "American pictures", à l’expérience de la drogue, ce sont plutôt ses photos les plus sobres, ses représentations de la pauvreté absolue."
    http://www.gwinzegal.com/pdf/Holdt_USA_fr.pdf

    "Chassé en 1969 du domicile familial par son père, pasteur luthérien, Jacob Holdt part alors au Canada avant de décider de gagner le Chili en auto-stop pour soutenir Salvador Allende. Ce qu’il découvre aux États-Unis le pousse à s’y arrêter. C’est le début de cinq ans de vagabondage sur les routes, à la découverte de l’Amérique sous le prisme de la pauvreté et de l’exclusion, notamment celle des Noirs. De ce voyage dans les coulisses du rêve américain, il a rapporté des milliers de photos prises avec un appareil amateur expédié par son père pour qu’il mette en images ce qu’il racontait dans ses lettres." WP

    JACOB HOLDT : “American Pictures : A Foreigner’s Perspective on Social Injustice in the United States” http://www.americansuburbx.com/2011/09/jacob-holdt-american-pictures-a-foreigners-perspective-on-social-in

    Site du photographe http://www.american-pictures.com/gallery/index.html

  • Les Inrocks - Lukas Ionesco : « je ne serai jamais un des kids de Larry Clark »

    http://www.lesinrocks.com/2015/01/18/cinema/lukas-ionesco-je-ne-serai-jamais-un-des-kids-de-larry-clark-11547802

    Pour cette scène, je devais me faire lécher les pieds par un mec qui allait être joué par Gaspar Noé. Mais le jour du tournage, Larry a débarqué en disant qu’il voulait remplacer Gaspar et a exigé que l’on tourne à huis clos. C’est devenu très bizarre, très crade : il m’a léché les pieds pendant deux heures, en murmurant “mon petit garçon, mon petit garçon”. Là, il a dépassé les limites. Je crois d’ailleurs que c’est ce que voulait Larry, il jouait avec mes émotions.

    • A demi-mot, il expliquera qu’il veut tuer l’image que lui renvoie le film de Larry Clark, faire le deuil de cette expérience dont il ressort lessivé, abattu.

      (...)

      Mais je connaissais aussi la réputation de Larry Clark. Je savais qu’il pouvait être très dur et exigeant, pour les scènes de cul notamment. Alors je lui ai tout de suite expliqué mes limites, et on a longuement parlé. Pendant les deux ans de la préparation, on se voyait très souvent, on allait à des fêtes ensemble, à des contests de skate… Il m’a eu à la confiance.

      (...)

      En voyant le film, j’ai compris qu’il avait eu dès le départ l’intention de me manipuler. Mon personnage est un jeune paumé, triste, dur, qui vit dans ses rêves. Et Larry a tout fait pour me plonger dans cet état pendant la durée du tournage. Il m’a trahi, en fait. Mais j’ai résisté, et pour ça je crois que je ne serai jamais un des kids de Larry Clark.

    • En fait j’ai compris plus tard qu’il s’est servi de moi pour me mettre dans l’état favorable au rôle de paumé que je devais incarner. Tout était calculé. Il fallait que je sois ensuite déboussolé, c’était prémédité, c’est sa méthode de travail. Je me suis senti trahi parce que cette relation intime qu’il a voulait nouer, c’était de la manipulation, il a utilisé mes émotions. Depuis, je n’ai aucune nouvelle, et c’est tant mieux.

      https://i-d.vice.com/fr/article/kzbzg3/presque-sans-regrets-lukas-ionesco-renat