Sur les pas des ecrivains : Joseph ROTH à Paris (1933-1939)

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    30 janvier 1933
    Roth part à Paris, comme prévu, avec Andrea Manga Bell [1] et ses deux enfants. Ils habitent d’abord à l’hôtel Jacob puis, à partir de mars, à l’hôtel Foyot où ils avaient déjà résidé auparavant.

    30 janvier 1933
    Allemagne : le président du Reich, Paul Hindenburg, nomme Adolf Hitler, chef du NSDAP, chancelier du Reich.
    Dans un bref délai, de nouvelles lois sont promulguées pour renforcer les pouvoirs du parti au pouvoir et restreindre les droits d’une partie des citoyens. Ces lois conduisent à la discrimination, à l’interdiction professionnelle, à l’arrestation, la captivité et au meurtre des opposants et, en particulier, des juifs.
    Le gouvernement d’Hitler développe de nouvelles méthodes de manipulation intensive de l’opinion publique à l’aide des médias. Au fil des ans, les autres grandes puissances comme la France et l’Angleterre laissent agir les gouvernants allemands ; l’Italie fasciste soutient la politique de l’Allemagne et ses visées expansionnistes, qu’elle concrétise pour sa part en Abyssinie et en Albanie.

    Bien que Roth soit citoyen autrichien, il ne peut – ni ne veut – plus se rendre en Allemagne, d’autant plus qu’il est connu pour son opposition véhémente aux nazis. Il traverse alors une crise financière et d’identité. Andrea Manga Bell, avec laquelle Roth a déjà vécu à Berlin, le suit avec ses deux enfants. Roth s’engage dans l’aide aux réfugiés d’Allemagne.

    Février 1933
    Discussion sur la qualité de la traduction française de La marche de Radetzky par Blanche Gidon avec l’intéressée et Pierre Bertaux, spécialiste des littératures française et allemande, qui tient lieu de mentor à Roth.

    Printemps 1933
    Chez les éditeurs néerlandais Querido et Allert de Lange, des sections allemandes sont créées pour servir de maison d’édition aux exilés. Elles sont toutes les deux dirigées par des collaborateurs de haut niveau de l’éditeur berlinois Kiepenheuer qui se sépare de ses auteurs juifs. Par l’intermédiaire de la société Orcovente, fondée en Suisse, les droits d’auteur pour l’étranger de Roth peuvent être sauvés. Grâce à Hermann Kesten [2] et Walter Landauer [3] (Allert de Lange) et Fritz Landshoff [4] (Querido), Roth entre en relations d’affaires avec les deux éditeurs.
    Roth travaille à la nouvelle Le chef de gare Fallmerayer qui paraît dans un recueil avec des nouvelles d’autres auteurs de langue allemande en exil, édité par Hermann Kesten. Roth commence à travailler pour différentes revues d’exilés, entre autres, Das neue Tagebuch et le Pariser Tagblatt, puis son successeur, la Pariser Tageszeitung.

    10 mai 1933
    À Berlin, les nazis brûlent des livres d’auteurs « interdits ». La première liste d’ouvrages interdits par le troisième Reich comprend tout l’œuvre déjà publié de Roth. Avec cette mise au ban, il perd une grande partie de son public en tant qu’auteur et journaliste.

    2 juillet 1933
    Offres diverses. L’éditeur américain Ben Huebsch (Viking Press) vend les droits cinématographiques du livre Hiob (en français Le poids de la grâce). Ce n’est pas Roth, à Paris, mais l’éditeur Kienpenheuer, à Berlin, qui perçoit les honoraires, à l’indignation de l’auteur.

    27 juillet 1933
    Contrat avec l’éditeur Allert de Lange pour le livre Les juifs et leurs antisémites (qui deviendra L’Antéchrist).

    Août 1933
    Roth passe quelques jours chez Stefan et Friederike Zweig à Salzbourg. Il se rend ensuite à Rapperswill en Suisse. En septembre, il rencontre à Zürich Dorothy Thompson, la traductrice de la version anglaise de Hiob.

    Automne 1933
    Parution des traductions américaine et norvégienne de La marche de Radetzky et de la traduction britannique de Hiob.

    Fin novembre 1933
    Roth achève à Rapperswill le roman Tarabas qui doit paraître avant Noël chez l’éditeur Querido. À Amsterdam, Roth négocie le contrat d’un nouveau roman.
    Dans la revue d’exilés Die Sammlung, éditée par Klaus Mann (Querido, 1933-1935), paraît un extrait de Tarabas.

    Décembre 1933
    Corrections de Tarabas. À Amsterdam, Roth souffre de défaillances (vraisemblablement physiques) et se rend ivre à un rendez-vous avec Gerard de Lange. Il rentre à Paris et s’installe à l’hôtel Foyot. Il doit terminer Les juifs et leurs antisémites avant le 31 mars 1934 pour assurer ses revenus des trois prochains mois. Le livre, qui prend pour titre définitif L’Antéchrist en janvier, est achevé dans les délais.
    À Vienne, Friederike Roth est internée à l’hôpital psychiatrique Am Steinhof ; elle vivait déjà en institution fermée depuis 1930 après avoir été soignée chez des particuliers à Berlin et à Vienne.

    Janvier-février 1934
    Roth, malade, ne peut écrire et demande de l’argent à Stefan Zweig.

    Février-juin 1934
    La guerre civile en Autriche conduit à l’interdiction des partis de gauche. En avril, le Parlement est dissout, le gouvernement du chancelier Engelbert Dollfuß gouverne par ordonnances et modifie la constitution. En mai, la nouvelle constitution entre en vigueur et fonde l’État « corporatiste ». Après plusieurs attentats, les nazis autrichiens tentent un putsch le 25 juillet 1934 : il échoue mais Dollfuß est assassiné. Kurt Schuschnigg devient chancelier.
    Les putschistes nazis sont exécutés mais les militants « illégaux » et certains hauts dignitaires gouvernementaux, comme le vice-chancelier Starhemberg poursuivent la politique d’intimidation et d’idéologisation de la population dans un sens favorable à l’extrême-droite.

    Mars 1934
    La traduction du roman La marche de Radetzky par Blanche Gidon paraît chez l’éditeur parisien Plon.

    Printemps 1934
    Travail à des nouvelles qui doivent paraître en recueil. Le buste de l’empereur et Triomphe de la beauté, traduites en français, sont publiées en revue.
    Le roman Tarabas, un hôte sur cette terre, paraît chez l’éditeur Querido.
    Négociations au sujet de parutions en anglais. Les dettes de Roth s’accumulent. Un nouveau roman doit être terminé pour octobre. Roth part à Marseille où il souhaiterait travailler quelques jours dans le calme.

    11 juillet 1934
    Roth part à Nice avec Andrea Manga Bell où, dans un premier temps, invités par Kesten, ils partagent la maison du 119, promenade des Anglais avec Hermann et Toni Kesten ainsi que Heinrich Mann et Nelly Kröger.
    Roth écrit le roman Les Cent jours. Il rencontre Stefan et Friederike Zweig [5], Ludwig Marcuse [6], Schalom Asch, René Schickele, Valeriu Marcu et d’autres émigrés. Il redemande sans cesse de l’argent à Zweig. La situation s’aggrave avec Landshoff et les éditions Allert de Lange. Roth espère être soutenu par Huebsch, qui est un ami de Zweig. Négociations infructueuses avec les éditeurs-agents anglais Gollancz et Holroyd-Reece.

    Septembre 1934
    Les contacts avec les cercles monarchistes autour d’Otto de Habsbourg et des clercs catholiques exilés d’Allemagne et d’Autriche s’intensifient.
    L’Antéchrist paraît aux éditions Allert de Lange, à Amsterdam, avec de grossières fautes d’impression selon Roth.

    1er-22 septembre 1934
    Triomphe de la beauté, traduit par Blanche Gidon, paraît en quatre épisodes dans la revue renommée Les nouvelles littéraires.

    15 septembre 1934
    Kesten quitte Nice. Roth et Manga Bell emménagent dans la maison voisine, 121 promenade des Anglais.

    18 septembre 1934
    La situation financière de Roth s’aggrave : il écrit 10 à 12 heures par jour. Le séjour de son épouse Friederike à l’hôpital Am Steinhof n’est payé que jusqu’en octobre. Roth sollicite à nouveau le soutien financier de Zweig. Les beaux-parents, encouragés par Roth, préparent leur émigration en Palestine.

    Septembre 1934
    Roth ne termine pas dans les délais la rédaction du roman Les Cent jours.

    2 octobre 1934
    Blanche Gidon prévoit une traduction française de L’Antéchrist qui ne sera pas réalisée.

    Janvier-février 1935
    Toujours à Nice, Roth emménage à l’hôtel Imperator, boulevard Gambetta. Comme à son habitude, après une période (souvent courte) de satisfaction concernant sa dernière œuvre, Roth se met à la dénigrer : il estime que L’Antéchrist est un échec parce qu’il a été écrit trop vite (il ne trouve un accueil favorable qu’en Hollande).

    15 février 1935
    Roth essaie de rédiger lentement et soigneusement son roman Les Cent jours, bien que le délai de remise du manuscrit soit déjà largement dépassé. Il craint de perdre l’éditeur américain Huebsch. Les éditions Allert de Lange ne versent plus d’avance.

    Printemps 1935
    Négociations éditoriales à Amsterdam. Roth assiste à une soirée du cabaret Pfeffermühle (Le moulin à poivre), dirigé par Erika Mann, et en sort enthousiasmé.

    6-14 mai 1935
    La Pariser Zeitung publie Triomphe de la beauté.

    14-30 mai 1935
    Séjour à Vienne, hôtel Bristol. Roth souhaite engager une procédure de divorce.

    Juin 1935
    Grâce à l’intervention de Soma Morgenstern [7] et de Walter Landauer, Friederike Roth est admise gratuitement à l’hôpital Mauer-Öhling à Amstetten. Roth abandonne ses projets de divorce. Il se rend à Nice et Marseille puis rentre à Paris (hôtel Foyot).
    Décès de l’éditeur Gerard de Lange, favorable à Roth et souvent enclin à lui accorder des avances. Roth doit à sa maison deux romans : Les Cent jours (achevé) et L’habitué (qui deviendra Confession d’un assassin, prêt d’être achevé).

    Août 1935
    Après s’être libéré de ses obligations, Roth veut se séparer d’Allert de Lange avec l’aide de Stefan Zweig. Sur la suggestion de ce dernier, il envisage d’entrer en rapport avec la maison d’édition Herbert Reichner de Vienne à condition d’obtenir une garantie de revenus pour un an. Roth envisage un grand roman sur l’ambiance de son enfance, sous le titre Fraises.

    28 juillet-1er août 1935
    Le buste de l’empereur est publié dans le Pariser Tagblatt.

    Octobre 1935
    Roth entame une collaboration avec la revue autrichienne Der Christliche Ständestaat (L’État corporatiste chrétien) commence ; par ailleurs, Roth publie des articles, entre autres dans les revues Das neue Tagebuch et Wiener Montagszeitung.
    Le roman Les Cent jours paraît aux éditions Allert de Lange.

    18 octobre 1935
    Roth ne croit pas au succès des Cent jours. Dans une lettre à Zweig, il tire un bilan : il n’est un auteur reconnu qu’en Hollande ; en Suisse, les revues importantes ne tiennent pas compte de lui ; en Autriche, il est assis entre deux chaises ; en France, il est brouillé avec Gabriel Marcel, directeur de collection aux éditions Plon, à cause de l’échec de la traduction de L’Antéchrist. Il redemande à Zweig de l’aider en prenant des contacts en son nom et en écrivant aussi à Huebsch.

    Automne-Hiver 1935
    Roth séjourne à Paris, toujours à l’hôtel Foyot. Il rencontre des difficultés avec tous les éditeurs publiant les exilés. Il n’est plus question pour lui de travailler avec Allert de Lange ou Querido ; il n’a engagé que de vagues négociations avec des éditeurs anglais et américains. L’éditeur français Grasset serait disposé à reprendre son nouveau roman si de Lange ne pose pas de conditions excessives. Roth appelle Landauer à l’aide.
    Sa relation avec Manga Bell l’étouffe – au moins financièrement –, provoquant de violentes scènes entre eux.

    Mars 1936
    Séjour à Amsterdam, à l’Eden Hotel. D’âpres négociations avec Landauer (Allert de Lange) et Landshoff (Querido) n’aboutissent à aucun contrat ni à aucun versement d’honoraires. Querido ne versera d’argent qu’à la réception d’un manuscrit achevé, ce à quoi Roth rétorque que l’éditeur a reçu le manuscrit de sa meilleure nouvelle, Léviathan (composition et premières épreuves en 1936, première parution en livre seulement en 1940).
    La vie à Amsterdam est trop chère, mais il s’y fixe et travaille au roman L’habitué (titre définitif : Confession d’un assassin). L’ouvrage est achevé dans ses grandes lignes mais Roth, insatisfait, « fait du remplissage ». L’état psychique de sa femme Friederike connaît une courte amélioration : il en résulte de nouveaux soucis pour lui trouver un lieu d’accueil gratuit.

    30 mars 1936
    Un nouveau contrat entre Roth et Querido est enfin conclu. Manga Bell séjourne chez une amie du couple à Rapperswill. Un nouveau roman doit paraître en juin. Les épisodes qui devaient constituer le grand roman Les fraises sont recyclés sous l’empire de la nécessité. Zweig conseille à de nombreuses reprises de convertir des idées de roman en scénarii pour le cinéma.

    Mai 1936
    Roth est toujours à Amsterdam ; il est malade et écrit à Stefan Zweig pour le supplier de venir l’aider.
    Nouveau contact avec Blanche Gidon à laquelle il promet de confier la traduction du roman fraîchement composé.
    Roth et Andrea Manga Bell se séparent définitivement.

    11 mai 1936
    Toujours à l’Eden Hotel à Amsterdam. Roth corrige en deux semaines les épreuves du roman Confession d’un assassin qui n’a pas donné matière au scénario de film envisagé. Zweig envoie à Roth 3 000 francs qu’il a reçus d’un éditeur hollandais. Roth emprunte 50 guldens à l’hôtel. Son état physique se détériore : toux, jambes gonflées ; il boit du lait « pour se désintoxiquer » et ne supporte plus aucun aliment solide.

    29 mai 1936
    Dans une lettre, Roth déclare qu’il boit du vin, plus de schnaps (ce qu’il décrit à Zweig comme un régime), qu’il ne possède que deux costumes et six chemises et qu’il lave lui-même ses mouchoirs. Il a dépensé par anticipation une bonne partie de l’argent promis par Zweig et souhaiterait, une fois les corrections achevées, se rendre à Bruxelles, s’il peut obtenir un visa, car la vie y est moins chère.

    12 juin 1936
    Roth donne une conférence sur le thème « Foi et progrès » dans la librairie de l’éditeur Allert de Lange à Amsterdam. Il souffre de solitude après sa séparation. Depuis des années, il vit au jour le jour, sans réserve financière, et contracte donc de lourdes dettes. Landauer l’aide de ses propres deniers.

    24 juin 1936
    Roth attend à Amsterdam son visa qui devrait en fait lui être délivré en Autriche. Après réception du document, il part pour Bruxelles, où il descend à l’hôtel Siru.

    Source : Joseph Roth im Exil in Paris 1933 / 1939, de Heinz Lunzer et Victoria Lunzer-Talos (victoria.lunzer -at- univie.ac.at), 2008. Merci à François W. pour la traduction. Ce livre n’existe actuellement qu’en allemand. Une exposition lui est associée, qui viendra peut-être un jour à Paris. www.literaturhaus.at/veranstaltungen/roth_exil/presseinfo/

    Suite - Joseph ROTH à Paris (1933-1939) - Fin.

    [1] (1902-1985) Fille d’un pianiste noir cubain et d’une allemande, elle épousa le roi du Cameroun (plus tard député français). Pendant sa liaison avec Roth, elle l’aida dans son travail en dactylographiant plusieurs de ses romans.

    [2] (1900-1996) Collaborateur des éditions Kiepenheueur à Berlin jusqu’en 1933 puis Allert de Lange à Amsterdam jusqu’en 1939. Interné par les Français en 1939, il parvint à fuir aux Etats-Unis en 1940. Après la guerre, il fut le promoteur des deux éditions des œuvres complètes de Roth (1957 et 1975).

    [3] (1902-1944) Principal ami de Roth dans le milieu éditorial, il le soutint même de ses propres deniers. Arrêté par les nazis, il meurt en déportation à Bergen-Belsen.

    [4] Co-fondateur des éditions Querido en 1933, réfugié en Angleterre en 1940 puis aux États-Unis.

    [5] (1882-1971) Écrivain, journaliste, traductrice, la première épouse de Stefan Zweig (divorcée en 1938) a joué un rôle considérable dans la préservation des papiers laissés par Roth après sa mort.

    [6] (1894-1971) À ne pas confondre avec Herbert, nettement plus connu.

    [7] (1890-1976) Ami proche de Roth, il publia Fuite et fin de Joseph Roth.

    Sur les pas des ecrivains : Joseph ROTH à Paris (1933-1939) - Fin
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    9 juillet 1936
    Roth accepte une invitation de Zweig à Ostende. Il y retrouve Hermann Kesten, Egon Erwin Kisch et Ernst Toller [1]. Il fait la connaissance de l’écrivain Irmgard Keun, émigrée en 1935.

    Juillet 1936
    Séjour à Ostende, hôtel de la Couronne. Roth essaie à nouveau de vendre ses nouvelles les plus récentes à divers éditeurs, ce qu’il ne peut faire qu’avec l’accord de l’éditeur Querido ; échec de la démarche. Début de la relation avec Irmgard Keun. Sous l’influence de Zweig, Roth refuse de consulter un médecin : son état ne s’améliore pas ; il ne mange qu’une fois par jour.
    Il travaille au roman Les fausses mesures.
    L’éditeur Viking Press (Huebsch) résilie son contrat : Roth perd toutes ses chances d’être publié dans les pays anglophones.

    1er août 1936
    Visite à Otto de Habsbourg à Stenokerzeel (Belgique).

    8 août 1936
    Landauer refuse de verser de l’argent à la livraison d’un nouveau manuscrit car le montant des avances autorisées est largement dépassé.

    4 septembre 1936
    Roth répond à l’invitation de son vieil ami Heinrich Wagner à venir le voir à Calais, avant que ce dernier ne parte pour Londres.

    Septembre 1936
    Le roman Confession d’un assassin, racontée en une nuit paraît chez Allert de Lange.

    28 octobre 1936
    Signature, à Amsterdam, d’un contrat entre Roth et Cornelis Johannes Vos, représentant d’un petit éditeur catholique, De Gemeenschap. La date de remise du roman La 1002e nuit est par la suite plusieurs fois repoussée. Roth obtient un droit de regard particulier sur la vente des droits dérivés de ses œuvres. Il obtient de son nouvel éditeur, à partir de décembre, une avance mensuelle de 125 florins. Le vol d’un de ces paiements par son secrétaire à Amsterdam défraie la chronique.

    Novembre 1936
    Roth voyage à Bruxelles et Zürich avec Irmgard Keun et Paula Grübel.

    22 novembre-16 décembre 1936
    Séjour à Vienne avec Irmgard Keun, à l’hôtel Bristol. Roth travaille au roman La crypte des Capucins.

    Décembre 1936
    Par l’intermédiaire de son contact à Vienne (sa belle-sœur Hedy Pompan), Roth envoie à l’éditeur De Gemeenschap les cent premières pages du Conte de la 1002e nuit.

    Hiver 1936-1937
    Invité par le PEN-Club polonais, Roth, accompagné d’Irmgard Keun, entreprend une tournée de conférences qui les mène à Lemberg (Lvov), Varsovie, Vilna et autres villes.
    Jour de l’an chez des parents à Lemberg. Irmgard Keun rapporte que Roth se portait nettement mieux « chez lui » : il boit moins et mange avec appétit.

    28 mars 1937
    Une version de la conférence paraît dans la revue Der christliche Ständestaat sous le titre La superstition du progrès. Roth donne sa conférence dans la salle de l’association viennoise d’artistes Hagenbund.

    15 avril 1937
    Roth répond à une invitation de Friederike Zweig à Salzbourg, où il réside à l’hôtel Stein.

    Pentecôte 1937
    Le roman Les fausses mesures paraît chez l’éditeur Querido à Amsterdam.

    8-22 mai 1937
    Vienne, hôtel Bristol.
    Roth se porte candidat pour une bourse de l’American Guild for German Cultural Freedom, fonds de soutien aux intellectuels émigrés, auprès duquel il joue également le rôle de conseiller. Il repart peu après pour Salzbourg.

    Juin 1937
    Bruxelles, hôtel Cosmopolite.
    Le Conte de la 1002e nuit ne paraît pas. Roth travaille au roman La crypte des Capucins pour continuer à recevoir des avances et corrige en même temps le précédent roman. L’éditeur De Gemeenschap s’impatiente.
    Roth demande à Blanche Gidon de s’entremettre pour lui afin d’obtenir le versement d’une avance de la revue Candide ; il soupçonne l’éditeur Allert de Lange de retenir des honoraires qui lui étaient destinés.
    Un périodique américain souhaite publier des nouvelles de Roth, mais ses papiers sont toujours chez Manga Bell et chez son avocat Samuel Feblowicz à Paris. Il sollicite également l’aide de Blanche Gidon sur ce point.
    Querido cesse de défendre les intérêts de Roth en France. Roth espère que Blanche Gidon pourra faire publier Les fausses mesures par des éditeurs français ; il estime que ce roman est plus réussi que Confession d’un assassin.

    Juillet 1937
    Hermann Kesten invite Roth à Ostende.
    Un accord entre l’Allemagne et l’Autriche doit pacifier les relations entre les deux pays : les attentats nazis diminuent et des sympathisants nazis sont nommés à des postes officiels et au gouvernement. Les tentatives d’intégration de Schuschnigg ont aussi peu d’effet que ses déclarations sur l’indépendance de l’Autriche et les différences foncières avec le troisième Reich.

    22 juillet 1937
    Décès à Vienne de Karl Tschuppik, ami très proche. Roth déplore deux nécrologies. Il déplore la perte de nombreux proches dans les dernières années.

    4 août 1937
    L’éditeur zurichois Niehans propose à Roth de collaborer à la revue bimestrielle Maß und Wert à laquelle participent, entre autres, Thomas Mann, Konrad Flake, Ferdinand Lion (et, à partir de 1939, Golo Mann et Emil Oprecht). Il refuse l’honoraire « dérisoire ».

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    La dernière demeure de Joseph Roth, 18 rue de Tournon.

    8 août 1937
    Bruxelles. Le gérant des éditions De Gemeenschap étant en congé, Roth ne perçoit pas son versement mensuel. L’hôtel exige d’être payé, Roth n’a plus rien, « excepté des timbres » ; il demande à nouveau de l’argent à Stefan Zweig. Il ne voit pas d’issue et cherche à allonger les délais de remise de ses manuscrits.

    Octobre 1937
    Paris, hôtel Foyot.

    2 novembre 1937
    L’hôtel Foyot, résidence de Roth depuis de longues années, est détruit. Il emménage d’abord à l’hôtel Paris-Dinard, tout proche. À partir du printemps 1938, il réside à l’hôtel de la Poste, 18 rue de Tournon, juste en face de l’emplacement de l’hôtel Foyot. Y habitent également Soma Morgenstern et Jean Janès ainsi que, temporairement, Stefan Fingal.

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    Les hôtels Foyot et de la Poste.

    12 février 1938
    Un entretien entre Hitler et Schuschnigg à Berchtesgaden démontre la position de faiblesse de Schuschnigg et laisse présager l’Anschluß. Contre la propagande nazie, Schuschnigg essaie de démontrer l’attachement de la population à l’Autriche en appelant à un référendum sur la liberté et l’indépendance de l’Autriche, le 13 mars 1938. Alors que l’influence nazie est très forte au sein du gouvernement (de nouveaux ministres sont des nazis déclarés, comme Arthur Seyß-Inquart), Schuschnigg ne tente qu’un timide rapprochement en direction des dirigeants sociaux-démocrates.

    24 février-2 mars 1938
    Roth se rend pour la dernière fois à Vienne, pour le compte des légitimistes autrichiens. Il descend à la pension-hôtel Atlanta. Le dernier discours de Schuschnigg devant le Parlement, retransmis à la radio, inspire à Roth son article « Victoria victis » qui paraît dans le dernier numéro de Der Christliche Ständestaat. Roth essaie d’être reçu par le chancelier Schuschnigg pour plaider en faveur d’une prise du pouvoir par Otto de Habsbourg, sans résultat. L’offre du prétendant Otto de Habsbourg d’assumer la responsabilité du gouvernement en Autriche afin de faire échec à la menace de l’annexion allemande est rejetée par Schuschnigg. Les chances de réussite d’une telle entreprise, si elle avait été réalisée, sont généralement jugées assez faibles.

    2 mars 1938
    Roth quitte Vienne.

    11 mars 1938
    Démission de Schuschnigg imposée par l’Allemagne. Arthur Seyß-Inquart forme un gouvernement provisoire.

    13 mars 1938
    Les troupes d’Hitler entrent en Autriche ; l’Anschluß est accompli. Très rapidement, les lois nazies entrent en vigueur en Autriche. L’émigration de nombreux persécutés commence. D’éminents opposants à l’Allemagne (également issus du camp conservateur) sont internés et envoyés en camp de concentration. La France et de l’Angleterre n’expriment pas l’opposition espérée.

    16 mars 1938
    Paris, hôtel de la Poste.
    Après une présentation de Pierre Bertaux, Roth tient à la radio française un discours sur l’annexion de l’Autriche.
    Contact avec Hubertus zu Löwenstein [2] et poursuite de l’activité politique en faveur de l’American Guild for German Cultural Freedom. Roth assiste des émigrés et participe à des actions caritatives.
    En raison des événements politiques, Roth persuade l’éditeur De Gemeenschap d’avancer la sortie du roman La crypte des Capucins et de retarder la publication de Le conte de la 1002e nuit, bien qu’elle soit complètement corrigée et déjà imprimée à quelques exemplaires.

    28 mars- 4 avril 1938
    Réunions organisées par le Comité de défense des écrivains allemands et le Congrès international pour la défense de la culture en faveur de l’Autriche. Roth participe activement à ces deux manifestations.

    13 juin 1938
    Cérémonie commémorative organisée par le Comité de défense des écrivains allemands en l’honneur de l’auteur autrichien Ödon von Horváth, mort à Paris le 1er juin. Roth figure parmi les orateurs.

    30 septembre 1938
    Avec les accords de Munich, l’Angleterre, la France et l’Italie concèdent à l’Allemagne l’annexion du pays des Sudètes.

    Fin de l’automne 1938
    Roth se rend à Amsterdam pour rencontrer l’éditeur de Lange. Il écrit La légende du saint buveur. Il est épuisé, physiquement et intellectuellement. Il aurait emprunté à l’hôtelier l’argent de son billet de retour à Paris.

    Fin décembre 1938
    Le roman La crypte des Capucins paraît chez l’éditeur De Gemeenschap, à Bilthoven.

    21 janvier 1939
    Dorothy Thompson, présidente du PEN-Club américain, invite Roth à la World’s Fair qui se tient à New York du 5 au 10 mai 1939. Roth accepte mais ne part pas.

    15 février-1er mai 1939
    Une série d’articles de Roth paraît dans la revue monarchiste Die Österreichische Post sous le titre Journal noir et jaune (Schwarz-gelbes Tagebuch). À partir de février 1939, Roth exprime de violentes divergences avec la direction de la revue (sans sortir des limites de la correspondance privée). La crypte des Capucins paraît en feuilleton dans cette revue.

    Printemps 1939
    Roth travaille à un essai sur Georges Clemenceau.
    Mauvaise santé ; ses amis Soma Morgenstern, Ludwig Marcuse, Stefan Fingal et Jean Janès le soutiennent. Il rencontre souvent Blanche Gidon et Friederike Zweig.

    11 mars 1939
    Pour le premier anniversaire de l’annexion de l’Autriche, Roth participe à plusieurs rassemblements. Une grande manifestation de la Ligue de l’Autriche vivante (dont Roth est vice-président avec Franz Werfel et Emil Alphons Rheinhardt) se tient à la salle Adyar.

    16 mars 1939
    Hitler annonce la formation du Reichsprotekorat de Bohême-Moravie, qui fait partie du Grand Reich. Il poursuit ainsi sa politique d’annexion, soulevant pour la première fois des protestations officielles sans, toutefois, aucune sanction.

    27 avril 1939
    Contrat de Roth avec l’éditeur de Lange pour la nouvelle La légende du saint buveur en lieu et place de l’essai sur Clemenceau.

    9 mai 1939
    Roth promet à la Guild for German Cultural Freedom un article qui ne paraîtra jamais.

    24 mai 1939
    Roth apprend au café Le Tournon la nouvelle du suicide d’Ernst Toller à New York : il s’effondre. Alertés par l’hôtelière, Blanche Gidon, Friederike Zweig et Soma Morgenstern le font transporter à l’hôpital Necker.

    27 mai 1939
    Roth meurt à 5 h 55 à l’hôpital Necker.

    30 mai 1939
    Roth est enterré à 16 heures au cimetière de Thiais.
    Les papiers de Roth qui se trouvent à l’hôtel sont rassemblés et conservés par différentes personnes.

    Juin 1939
    La légende du saint buveur paraît aux éditions Allert de Lange.

    3 juin 1939
    Représentation unique, au théâtre Pigalle, de l’adaptation théâtrale de Hiob, réalisée par Victor Clerment, sur une musique d’Erich Zeisl.

    Août-septembre 1939
    Pacte de non-agression entre l’Allemagne et l’Union soviétique. Le 1er septembre, l’Allemagne attaque la Pologne sans déclaration de guerre préalable. L’Angleterre et la France déclarent la guerre à l’Allemagne le 3 septembre, après l’expiration d’un ultimatum. La Deuxième guerre mondiale commence.

    Décembre 1939
    Le conte de la 1002e nuit est publié dans sa version définitive par l’éditeur De Gemeenschap.

    Printemps 1940
    La nouvelle Leviathan est imprimé par l’éditeur Querido mais n’est vraisemblablement pas mise en vente.

    Juillet 1940
    Friederike Roth est transférée à l’hôpital psychiatrique de Niedernhart près de Linz, où elle est euthanasiée.

    Source : Joseph Roth im Exil in Paris 1933 / 1939, de Heinz Lunzer et Victoria Lunzer-Talos (victoria.lunzer -at- univie.ac.at), 2008. Merci à François W. pour la traduction. Ce livre n’existe actuellement qu’en allemand. Une exposition lui est associée, qui viendra peut-être un jour à Paris. www.literaturhaus.at/veranstaltungen/roth_exil/presseinfo/

    [1] (1893-1939) Écrivain révolutionnaire allemand. Sa participation à la République des conseils à Munich en 1919 lui vaut de passer cinq ans en forteresse. Auteur de plusieurs drames expressionnistes, il a laissé une intéressante autobiographie, Une jeunesse en Allemagne.

    [2] (1906-1984) Universitaire et historien conservateur (il est prince…), il organise à partir de 1935 l’American Guild for German Cultural Freedom.