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  • « Apologie du terrorisme ». Les Pères fouettards des tribunaux jouent à faire peur | Meriem Laribi
    https://orientxxi.info/magazine/apologie-du-terrorisme-les-peres-fouettards-des-tribunaux-jouent-a-faire

    Soutenues bruyamment par les ministres de la justice, de l’intérieur et de l’enseignement supérieur, des centaines de procédures-bâillons ont été lancées en France pour des propos ou des écrits considérés comme soutenant le terrorisme. Ces procédures sont dans la plupart des cas en suspens, mais menacent des centaines de personnes. Et au-delà, l’expression de la solidarité avec les Palestiniens. Source : Orient XXI

  • Jordanie. La rue gronde contre les ambiguïtés de la monarchie
    Orient XXI> Nour Martin > 29 avril 2024
    https://orientxxi.info/magazine/jordanie-la-rue-gronde-contre-les-ambiguites-de-la-monarchie,7278

    Alors que la Jordanie est intervenue pour protéger Israël contre les drones et les missiles iraniens, dans la nuit du 14 avril, des défilés quotidiens de soutien à Gaza ont marqué la seconde moitié du mois de ramadan à Amman et les étudiants de toutes les universités s’apprêtent à se mobiliser ce mardi 30 avril. Les manifestants, durement réprimés, dénoncent l’ambivalence de la position des autorités qui tentent de reprendre la main. (...)

    #IsraelJordanie

  • De Tel-Aviv à Haïfa : « Tu crois que c’est la fin d’Israël ? »
    Orient XXL > Jean Stern > 22 avril 2024
    https://orientxxi.info/magazine/de-tel-aviv-a-haifa-tu-crois-que-c-est-la-fin-d-israel,7260

    Sur les plages de Tel-Aviv, en ce radieux samedi de mars, tribus urbaines et familles profitent du soleil. Pique-niques, musiques et bières. Gaza est à 70 kilomètres. Les armes de réservistes visibles à droite et à gauche en témoignent. Un peu à l’écart, en équilibre sur une digue de pierres, un homme buriné fume une cigarette. Moki vient de Leningrad, a émigré en Israël en 1997 et fait la guerre au Liban en 2006. À 54 ans, il travaille dans un pressing. L’interrogeant sur la situation en Israël, il me jauge et répond : « Pays de merde ». La veille, dans un restaurant branché de Tel-Aviv, je croise Hanna, 27 ans. Cette jeune russe est née à Saint-Pétersbourg et plus Leningrad, affaire de génération. Elle est arrivée il y deux ans pour fuir la Russie de Poutine et son infecte guerre en Ukraine. L’ironie tragique de son parcours fait sourire. Hanna dit la même chose que Moki, elle compte reprendre sa route.

    Elle ne sera pas la seule : un diplomate européen de haut rang explique en off que les demandes de passeports sont en forte hausse dans les consulats occidentaux, cinq fois plus que l’année dernière à la même époque. Cinq millions d’Israéliens auraient déjà un second passeport, soit la moitié de la population. (...)

  • Le calvaire étouffé des Palestiniennes - Meriem Laribi
    https://orientxxi.info/magazine/le-calvaire-etouffe-des-palestiniennes,7121
    Orinet XXI > Meriem Laribi > 8 mars 2024

    Le 4 mars, l’ONU a publié un rapport sur les viols et agressions sexuelles commises le 7 octobre contre des Israéliennes. Si ce texte a rencontré un vaste écho médiatique, il n’en va pas de même pour un autre rapport des Nations unies qui concerne cette fois le traitement des Palestiniennes, en particulier les viols et les agressions sexuelles subies depuis le début de la guerre contre Gaza. (...)

  • Claude El Khal sur X : « Des citoyens français empêchent l’entrée à Gaza des camions d’aide humanitaire -un crime de guerre selon le droit international. La France qui refuse de les poursuivre pour ce crime est obligée de larguer cette aide par avion. J’ai bien tout compris ? »
    https://twitter.com/claudeelkhal/status/1765318427395166652

    https://video.twimg.com/amplify_video/1752419154756247552/vid/avc1/320x570/6r1jakn05bEaEnxz.mp4?tag=14

  • Aaron Bushnell, le soldat américain qui s’est immolé pour Gaza -
    Médias > Mathias Delori > 6 mars 2024 > Orient XXI
    https://orientxxi.info/magazine/aaron-bushnell-le-soldat-americain-qui-s-est-immole-pour-gaza,7114

    Le 25 février, un Américain a commis l’irréparable en se suicidant devant l’ambassade d’Israël aux États-Unis. En France, sa mort a été ignorée par les médias. Elle s’inscrit toutefois dans des modes de protestation anciens qui méritent d’être analysés. Ce geste extrême illustre l’engagement d’une nouvelle génération de militants américains qui découvre la question palestinienne et s’y engage corps et âme. (...)

  • Sur Israël, les prémonitions au vitriol de Raymond Aron - Pierre Prier
    https://orientxxi.info/magazine/sur-israel-les-premonitions-au-vitriol-de-raymond-aron,7068

    Raymond Aron est à la mode. Le penseur libéral, l’universitaire doublé d’un éditorialiste influent par ses éditoriaux dans Le Figaro puis dans L’Express, des années 1950 à 1980, a été convoqué à l’occasion du quarantième anniversaire de sa disparition par des médias de droite à la recherche des références intellectuelles qui leur manquent dans la production actuelle : « un maître pour comprendre les défis d’aujourd’hui », « un horizon intellectuel », « un libéral atypique ».

    Curieusement, les prises de position les plus incisives de son œuvre journalistique, à savoir celles consacrées à Israël et à la Palestine, sont absentes des injonctions à « relire Raymond Aron ». Elles n’en restent pas moins d’une actualité brûlante.

    On comprend cette gêne si on les relit, effectivement. Certaines de ces idées, exprimées dans une presse de droite par un homme de droite d’origine juive, le feraient classer en 2024 comme « antisioniste » (voire pire) par des médias et des « philosophes » de plateaux télé qui se contentent de paraphraser le narratif israélien.

  • À Gaza, les soldats israéliens mettent en scène leurs crimes en vidéo - Fatma Ben Hamad
    Orient XXI > Fatma Ben Hamad > 14 février 2024
    https://orientxxi.info/magazine/a-gaza-les-soldats-israeliens-mettent-en-scene-leurs-crimes-en-video,706

    Si beaucoup de Gazaouis se sont transformés en journalistes reporters d’image pour documenter le massacre en cours, les vidéos ne manquent pas du côté des militaires israéliens, qui eux filment leurs exactions, brandissent leurs forfaits, avec la complicité de leur hiérarchie.

    .
    Captures d’écran de vidéos montrant des soldats israéliens lors de la guerre en cours Gaza depuis le 7 octobre 2023.

    • A Gaza, la soldatesque sioniste découvre le métier d’influenceur :
      https://www.haaretz.com/israel-news/security-aviation/2024-02-04/ty-article/.premium/israeli-army-its-admits-staff-was-behind-graphic-gaza-telegram-channel/0000018d-70b4-dd6e-a98d-f4b6a9c00000

      Israeli Army Admits Running Unauthorized Graphic Gaza Influence Op

      An IDF psychological warfare unit ran a Telegram channel targeting Israeli audience without approval. The army initially denied involvement, but an internal investigation following Haaretz exposé revealed its involvement

      Reversing an earlier denial, Israeli military officials have admitted that the Telegram channel 72 Virgins – Uncensored was operated by members of a department of the Israel Defense Forces’ Operations Directorate.

      The admission comes after a Haaretz published an exposé on the channel last month, which led to an internal investigation into the matter.

      The probe, conducted by Maj. Gen. Oded Basyuk, head of the Operations Directorate, found that the information that led to the original denial that the channel was operated by or on behalf of the army was incorrect, and relied on misinformation relayed by members of the Influencing Department. In the wake of these findings, the unit’s wartime commander is to end his military service.

      During the original investigation, sources told Haaretz that members of the unit, which is in charge of psychological warfare targeting the enemy and foreign audiences, created 72 Virgins – Uncensored on October 9, two days after the war began, without official approval and without being authorized to do so. Furthermore, the channel was directed at an Israeli audience.

      After processing its findings, IDF officials contacted Haaretz to present their conclusions. In a written response, the IDF Spokesperson’s Unit said that after a thorough investigation, “it was found that the Telegram page was operated by the IDF without authorization and without authority. The incident has been dealt with.”

      The channel’s administrators posted graphic content, such as images of the dead bodies of Hamas terrorists, captioned “Shatter the terrorists’ fantasy,” on a daily basis. On several occasions, they posted exclusive material from investigations or information that was only available to the defense establishment at the time, boasting that it was “exclusive from Gaza.” They uploaded thousands of videos and still images of the killing of terrorists and destruction in the Strip, and encouraged the channel’s followers to share the content so that “everyone can see we’re screwing them.”

      The operators used coarse language in a bid to obscure the IDF’s involvement in the channel. An October 11 post read: “Burning their mother… You won’t believe the video we got! You can hear their bones crunch. We’ll post it right away, get ready.” Photos of Palestinian men captured by the IDF in the Strip and the bodies of terrorists were captioned: “Exterminating the roaches… exterminating the Hamas rats… Share this beauty.” A video of a soldier allegedly dipping machine gun bullets in pork fat is captioned: “What a man!!!!! Greases bullets with lard. You won’t get your virgins.” Another caption was: “Garbage juice!!!! Another dead terrorist!! You have to watch it with the sound, you’ll die laughing.”

      On October 14, alongside the caption “Exclusive video of a good night, don’t forget to share and repost” was a video of an Israeli vehicle repeatedly driving over the body of a terrorist. “Very good, Gershon!!! Run him over run him over!!!! Screw the bastards! Flatten them,” the accompanying text read.

      The channel administrators didn’t stop at images from Gaza. On October 11, hundreds of Israelis, including members of the Beitar Jerusalem soccer team’s violently racist fan club La Familia, rioted at Sheba Medical Center, Tel Hashomer, near Tel Aviv, following a rumor that Hamas terrorists who had invaded Israel were being treated there. People roamed the hospital, cursing out and spitting on medical professionals. Within an hour, a video of the riot was posted to the 72 Virgins channel with the title, “My brothers, the heroesssss, La Familia fans, love you!!!!!!! What heroes, they came to screw the Arabs.”

      #snuff_movies

  • L’UNRWA, un témoin indésirable ? (Le Monde diplomatique, février 2024)
    https://www.monde-diplomatique.fr/telex/2024-02-UNRWA

    Office des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, l’United Nations Relief and Work Agency est créé le 8 décembre 1949 par l’Assemblée générale des Nations unies. Cette création intervient près d’un an après le vote de la résolution 194, qui stipule le droit au retour des Palestiniens réfugiés. La reconnaissance de cette résolution (jamais entrée en vigueur) a permis à Israël d’intégrer les Nations unies. Prévu pour être un organisme temporaire, l’Unrwa, qui a commencé à fonctionner en mai 1950, existe toujours, puisque le dossier des #réfugiés_palestiniens reste ouvert. Conformément au mandat initial, l’éducation, la santé et les services sociaux sont ses principales missions.

    Avec la guerre de 1967 et les nouveaux transferts de population, son mandat s’est étendu à ces nouveaux « déplacés ». Après la signature des accords d’Oslo*, un Peace Implementation Program a été élaboré, censé aider au développement des territoires palestiniens. Les conditions économiques liées en particulier à la non-application des accords et aux bouclages multiples hypothèquent l’essentiel des objectifs de ce programme. L’Unrwa recense un peu plus de trois millions quatre cent mille réfugiés inscrits, dont près de un million trois cent mille en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

    #UNRWA

  • Gaza. « On ampute des enfants sans anesthésie. C’est ça la réalité »
    Orient XXI > 7 février 2024 > Sarra Grira > Jean-François Corty
    https://orientxxi.info/magazine/on-ampute-des-enfants-sans-anesthesie-c-est-ca-la-realite,7057

    Au moment où le président français Emmanuel Macron décide de rendre hommage aux victimes franco-israéliennes des attaques du 7-Octobre perpétrées par les Brigades Ezeddine Al-Qassam, les Palestinien·nes de Gaza comme ceux et celles de Cisjordanie continuent à être tué·es et déplacé·es dans l’indifférence totale de la plupart des gouvernements occidentaux. Le « risque de génocide » contre lequel s’est prononcé la Cour internationale de justice le 26 janvier a été rapidement balayé par les accusations non vérifiées portées par Israël contre l’UNRWA. Et le massacre qui se poursuit ne figure même plus dans les principaux titres de la presse française. Dans ce contexte, nous avons choisi de donner la parole à Jean-François Corty, médecin et vice-président de Médecins du monde, qui compte une équipe dans la bande de Gaza. Il raconte la médecine de guerre dans ses pires conditions, mais également les risques de mort à moyen et long terme pour une population de presque deux millions de déplacé·es. Propos recueillis par Sarra Grira. (...)

  • Gaza. Sérieuses fritures sur la ligne au Parti communiste français | Jean Stern
    https://orientxxi.info/magazine/gaza-serieuses-fritures-sur-la-ligne-au-parti-communiste-francais,7048

    De nombreux communistes s’inquiètent de ce qu’ils estiment être une mollesse dans la riposte de leur parti depuis le 7 octobre 2023. Ils ajoutent que si une partie de la direction joue profil bas sur la solidarité avec Gaza, c’est d’abord pour préparer les esprits à un changement de ligne sur l’analyse du conflit et sur l’organisation de la solidarité. Les enjeux du débat n’ont donc rien d’anodin.

    C’est un débat où les mots volent parfois bas, sans toutefois franchir le plafond invisible entre polémiques internes et place publique. Certes le Parti communiste français (PCF) semble toujours aux premières loges de la solidarité avec la Palestine et les Palestiniens, Fabien Roussel le réaffirme haut et fort en exclusivité pour Orient XXI. Cependant, beaucoup de militants et d’élus locaux, engagés de longue date dans des associations ou des comités de jumelages, déplorent que leur parti fasse « profil bas » depuis le 7 octobre, pour reprendre le mot d’un élu.

    Le refus d’appeler à certaines manifestations a en particulier marqué les esprits, donnant le sentiment d’un flottement, voire d’un changement de ligne par un parti qui s’est toujours mobilisé pour la Palestine, mais qui aurait désormais quelque indulgence pour Israël. « À force de vouloir plaire à tout le monde, on finit par pédaler à l’envers », constate avec amertume un ancien du bureau politique. Un autre dénonce « l’intelligence d’un chewing-gum » de l’actuelle direction.

    https://orientxxi.info/magazine/gaza-fabien-roussel-je-ne-suis-pas-dupe-de-l-usage-du-mot-terrorisme,704

  • À la Cour internationale de justice, un revers pour Israël
    Rafaëlle Maison > 30 janvier 2024 - Orient XXI
    https://orientxxi.info/magazine/a-la-cour-internationale-un-revers-pour-israel,7031

    Bien que l’ordonnance du 26 janvier 2024 de la Cour internationale de justice dans l’affaire opposant l’Afrique du Sud à Israël n’appelle pas à un cessez-le-feu, elle a retenu l’hypothèse d’une offensive potentiellement génocidaire sur Gaza. Un échec pour Israël que Tel-Aviv cherche à masquer en lançant une campagne contre l’Unrwa afin de priver l’agence de fonds.

    #CIJ

  • Les houthistes du Yémen sous les feux de la rampe
    Orient XXI > Helen Lackner > 10 janvier 2024❞

    https://orientxxi.info/magazine/les-houthistes-du-yemen-sous-les-feux-de-la-rampe,6986

    En bombardant le Yémen et en prenant les risques d’une extension du conflit, les États-Unis et leurs alliés affirment vouloir stopper les attaques contre les navires marchands en mer Rouge menée par les houthistes. Ceux-ci, qui s’érigent en uniques défenseurs de la cause palestinienne, disposent de solides atouts, en interne comme à l’échelle régionale.

    Ces derniers mois ont porté le mouvement houthiste à la « une » des médias européens, ce que neuf années de guerre civile régionalisée au Yémen n’avaient pas réussi à faire. Il aura donc fallu les actes de soutien aux Palestiniens en mer Rouge pour que son existence même devienne un enjeu mondial. Depuis 2015, Ansar Allah (nom officiel du mouvement) contrôle Sanaa ainsi que la majorité de la côte de la mer Rouge et dirige d’une main de fer les deux tiers de la population. Son programme vise à assurer la domination des Sada (descendants du Prophète, également connus sous le nom d’Achraf ou de Hachémites) sur le plan intérieur, et met l’accent sur l’hostilité aux États-Unis et à Israël en politique étrangère. La guerre à Gaza lui donne un regain de popularité nationale et internationale, à un moment où la majorité des Yéménites aspire à la paix. (...)

  • #Gaza. L’escorte médiatique d’un #génocide - Alain Gresh - Sarra Grira
    https://orientxxi.info/magazine/gaza-l-escorte-mediatique-d-un-genocide,6983

    « Depuis 90 jours, je ne comprends pas. Des milliers de personnes meurent et sont mutilées, submergées par un flot de violence qu’on ne peut qualifier de guerre, sauf par paresse ». Dans sa lettre de démission après douze ans de bons et loyaux services, le journaliste Raffaele Oriani du supplément hebdomadaire du quotidien italien La Repubblica entend protester contre la manière dont son journal couvre la situation à Gaza. Il dénonce « l’incroyable circonspection d’une grande partie de la presse européenne, y compris La Repubblica – aujourd’hui deux familles massacrées ne figurent qu’à la dernière ligne de la page 15 », et évoque « l’#escorte_médiatique » qui rend ces massacres possibles.

  • En Jordanie, les réfugiés palestiniens des camps renouent avec leur cause
    Orient XXI > Layla Hzaineh > 22 décembre 2023
    https://orientxxi.info/magazine/en-jordanie-les-refugies-palestiniens-des-camps-renouent-avec-leur-cause

    « Ma terre et la tienne ne sont pas à vendre, à bas la normalisation ! » Ce slogan et d’autres encore sont scandés dans les manifestations hebdomadaires sans précédent que connaît la Jordanie depuis le 7 octobre. Jusque-là, les quelques mouvements sociaux et politiques relatifs à la question palestinienne se limitaient à contester les accords d’électricité et de gaz entre la Jordanie et Israël. L’accord d’importation de gaz d’Israël a été signé en 2016 et le pompage direct a commencé début 2020, malgré la contestation populaire et les demandes des députés d’annuler cet accord. De nombreuses manifestations ont été organisées ces dernières années sous le slogan « Le gaz ennemi, c’est l’occupation », dénonçant l’achat de gaz israélien provenant du champ offshore « Leviathan », que les manifestants considèrent comme du gaz volé à la Palestine, acheté avec de l’argent jordanien. Mais depuis le début de la guerre sur Gaza, les rues vibrent au rythme des chants qui exigent la libération de la Palestine et la fin de l’occupation. Des campagnes de boycott sont également largement diffusées, en plus de la journée de grève générale qui a eu lieu le lundi 11 décembre. (...)

  • Palestiniens en Israël, une minorité sous pression
    Orient XXI > Joni Aasi > 21 décembre 2023
    https://orientxxi.info/magazine/palestiniens-en-israel-une-minorite-sous-pression,6943

    Les près de deux millions de Palestiniens citoyens d’Israël subissent une pression croissante de la part de leur gouvernement. Les attaques du 7 octobre précipitent une redéfinition de leur place face à la majorité juive et conduit à s’interroger sur les différentes stratégies de défense de leurs droits en tant que peuple autochtone face à un État colonial.

    (...)

    Il est entendu qu’à la suite des attaques du 7 octobre, les appels à une « seconde Nakba » par des responsables politiques israéliens doivent être pris au sérieux et concernent tant les habitants de Cisjordanie, de Jérusalem-Est, de Gaza (dont environ 70 % sont en fait des réfugiés de 1948) que de l’intérieur. S’impose une nouvelle réflexion pour la défense des droits que les Palestiniens ayant la citoyenneté israélienne, confrontés à des logiques et expériences spécifiques, peuvent encourager, en plaidant pour l’internationalisation du conflit et la mise en relief de l’autochtonie du peuple palestinien.

  • Le colonialisme israélien se déploie aussi sur le terrain économique - CONTRETEMPS
    https://www.contretemps.eu/economie-palestinienne-colonialisme

    Taher Labadi 20 décembre 2023

    En éclairant les mécanismes de pouvoir multiples qui opèrent dans le champ de l’économie, #Taher_Labadi montre dans cet article que le colonialisme israélien est un système global qui oscille entre expulsion de la population palestinienne, oppression politique et surexploitation, et que l’économie est un terrain privilégié où se déploient les rapports coloniaux.

    Taher Labadi est chercheur à l’Institut français du Proche-Orient (Ifpo), à Jérusalem. Ses recherches portent sur l’économie politique de la Palestine, et plus généralement sur l’économie en situation coloniale.

    *
    Penser l’économie palestinienne dans son contexte colonial

    La Palestine aura certainement fait couler beaucoup d’encre ces deux derniers mois. Prise entre l’émotion et les injonctions politico-médiatiques, la recherche universitaire s’invitait aussi aux débats pour apporter son éclairage sur une actualité dense et tragique. Moins présente, l’analyse économique aurait dû pourtant retenir notre attention, à la condition toutefois de savoir informer utilement le sujet. La théorie économique dominante, en effet, continue d’appréhender les phénomènes qu’elle étudie en recourant à la seule grammaire du marché, et se trouve par conséquent bien démunie pour penser les conflits et les pouvoirs qui se nouent jusque dans l’économie, où à ses abords immédiats. Tout au plus, ses données agrégées et autres formalismes abstraits nous donnent-ils une estimation des coûts du conflit, ou de l’occupation militaire, et l’on comprend finalement bien trop peu ce que sont l’activité et les processus économiques dans la guerre, et en contexte palestinien.

    Or d’importantes controverses parcourent, depuis plus d’une décennie désormais, le champ des études palestiniennes, notamment liées à la mise au point et au choix des outils théoriques et méthodologiques permettant de lire et de dire ce contexte particulier. Cela est aussi vrai de la recherche en économie où l’on a assisté à un retour en force de l’économie politique, dont l’objet n’a plus été le marché ou la croissance mais les rapports de dominations qui se logent et se créent dans l’économie. Cette secousse disciplinaire va ici de pair avec une critique de plus en plus étendue du régime économique établi à la suite des accords d’Oslo en 1993 ainsi que du modèle conceptuel (néolibéral) qui lui est sous-jacent. Une critique qui fait à la fois écho à l’impasse dans laquelle se trouve le projet national palestinien et à l’échec de la « solution à deux États », et se traduisant par une quête de nouveaux cadres d’analyse[1].

    Parmi ceux-là, les Settler Colonial Studies (études du colonialisme de peuplement) nous invitent à mettre en cohérence les diverses dominations et violences produites dans les relations du mouvement sioniste, et plus tard d’Israël, à la société palestinienne[2]. Ce cadre a pour avantage notable de remédier à la fragmentation des études palestiniennes qui résulte des ruptures historiques (1948, 1967, 1993) et du morcellement géographique (Cisjordanie, Gaza, Israël, Jérusalem). La comparaison des expériences américaines, sud-africaine, australienne, algérienne et palestinienne a aussi d’intéressant qu’elle tempère le traitement d’exception souvent appliqué à cette dernière. La prise en compte du rapport colonial, enfin, permet de compenser une approche marxiste exclusive qui tend à rabattre tout antagonisme au conflit entre classes sociales. L’examen ici des mécanismes de pouvoir multiples qui opèrent sur le terrain même de l’économie se veut une contribution à la compréhension de la guerre en cours.

    L’économie comme terrain de l’élimination et du remplacement

    Sur le terrain de l’économie en effet, différentes logiques d’action sont à l’œuvre. La première est une élimination et un remplacement justement caractéristiques des #colonialismes_de_peuplement. Dès la fin du 19ème siècle, le mouvement sioniste entreprend de s’approprier des terres en Palestine pour y installer une nouvelle population de colons. Un processus qui s’accélère avec l’occupation britannique du pays en 1917 puis la mise en place du mandat de la Société des nations. La conquête de l’économie est alors un moyen décisif pour renforcer la démographie juive et s’assurer du contrôle des territoires. Elle s’avère aussi un moyen puissant de déstabilisation de la société arabe palestinienne.

    Cette conquête de l’économie trouve son expression très pratique dans l’adoption du mot d’ordre de #Jewish_Land (terre juive) et la création de différents fonds sionistes dédiés à l’achat de terres, dont le Fonds national juif. Appropriées de manière marchande et privée, ces terres sont néanmoins retirées du marché et considérées comme propriétés inaliénables du « peuple juif », ce qui constitue un premier pas vers l’institution d’une souveraineté proprement politique. Plusieurs dizaines de localités palestiniennes disparaissent ainsi avant même l’épisode de la Nakba sous l’effet de la colonisation.

    Un second mot d’ordre est celui de #Jewish_Labor (travail juif), lequel consiste à encourager les coopératives agricoles tenues par le mouvement sioniste, puis par extension l’ensemble des employeurs juifs ou britanniques, à prioriser l’emploi de travailleurs juifs. Ces derniers trouvent en effet des difficultés à se faire embaucher, y compris par les patrons juifs qui préfèrent recourir à une main-d’œuvre arabe moins couteuse et plus expérimentée dans le travail de la terre. Le chômage devient un défi majeur et de nombreux colons finissent par repartir en Europe.

    Ainsi contrairement à l’idée reçue, la formation des #kibboutz durant la première moitié du 20ème siècle ne doit pas grand-chose à l’importation des idéaux socialistes et bien plus aux impératifs de la colonisation en cours. L’organisation collective et la mise en commun des ressources répondent d’abord à la nécessité de réduire le coût du travail juif face à la concurrence du travail arabe[3]. Les kibboutz sont à cet égard plutôt inspirés des artels russes, des coopératives de vie formées entre travailleurs originaires d’un même lieu afin d’améliorer les chances de survie dans un environnement concurrentiel. Il n’est pas question ici d’opposition, ni même de défection face au capitalisme.

    Soutenus par l’Organisation sioniste, les kibboutz permettent une meilleure absorption des colons en même temps qu’une complète exclusion des travailleurs arabes. Et ce n’est que plus tard, une fois les contours coloniaux du kibboutz bien définis et son efficacité économique assurée, que le #mythe_de_communautés_autogérées répondant à un idéal socialiste s’est développé, nourrissant l’imaginaire des nouvelles vagues de colons venus d’Europe. Il reste que les kibboutz ont toujours fourni un contingent plus élevé que la moyenne de combattants et de commandants dans les rangs des organisations paramilitaires sionistes durant toute la période du mandat britannique.

    Le syndicat juif de l’#Histadrout créé en 1920 est un autre acteur majeur de cette première conquête de l’économie. Celui-ci est à la tête d’un empire économique colossal composé de colonies agricoles, de coopératives de transport, d’établissements industriels, commerciaux et financiers lesquels sont employés dans la constitution d’enclaves économiques exclusivement juives[4]. Le syndicat va même jusqu’à recruter des « gardiens du travail » qui se rendent sur les chantiers et dans les usines pour intimider les employeurs et les travailleurs et exiger par la menace le débauchage des ouvriers arabes et le recrutement de colons juifs[5]. Cette conquête est donc loin d’être sans violences.

    Les mots d’ordre de Jewish Land et de Jewish Labor prévalent encore après la Nakba, puis à la suite de l’occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, dans une économie israélienne mobilisée par la colonisation et que structure toujours la prévalence accordée à la population juive. A la différence que l’élimination de la population palestinienne autochtone est désormais soutenue par un appareil étatique, et se voit systématisée par un ensemble de politiques et de lois. Or la spoliation des terres et la ségrégation des habitants n’exclut pas pour autant une politique d’intégration économique visant à tirer parti d’une présence palestinienne inévitable, en même temps qu’elle sert à la contrôler.

    Une ségrégation qui facilite l’exploitation économique

    Lorsqu’en 1967 Israël s’empare de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, ses ambitions annexionnistes sont contrariées par la présence d’environ un million de Palestiniens, laquelle constitue un défi démographique, politique et sécuritaire. L’administration militaire opte alors pour une intégration de facto des nouveaux territoires conquis, tout en refusant la citoyenneté à leurs habitants. Cela lui permet d’établir un système strict de ségrégation et de hiérarchisation des relations entre les deux populations, palestinienne et israélienne. Les mesures employées alors sont à bien des égards comparables à celles qui sont à l’œuvre depuis 1948, en Israël même, face aux Palestiniens dits « de l’intérieur »[6].

    Se dégage ici une logique d’exploitation, consistant à tirer le meilleur parti des opportunités offertes par le contrôle des territoires et de leurs habitants. Outre la #mainmise_sur_les_ressources_naturelles (eau, pétrole, gaz…), Israël multiplie les politiques dans l’objectif d’accroître la dépendance économique et ainsi mieux user à son avantage des capitaux, de la force de travail ou encore des marchés de consommation palestiniens. C’est notamment l’administration israélienne qui accorde jusqu’en 1993 les autorisations nécessaires pour construire une maison, forer un puit, démarrer une entreprise, sortir ou entrer sur le territoire, importer ou exporter des marchandises.

    Des mesures sont prises pour empêcher toute concurrence palestinienne et encourager au contraire des relations de sous-traitance au profit des producteurs israéliens. L’essor de certaines branches d’activité comme la cimenterie, le textile ou la réparation automobile est de ce fait directement lié aux besoins de l’économie israélienne. De même que les cultures requises par Israël ou destinées à l’exportation vers l’Europe se substituent progressivement à celles plus diversifiées destinées aux marchés local et régional. La population palestinienne devient en retour très largement tributaire des importations en provenance d’Israël pour satisfaire ses propres besoins de consommation.

    Cette situation ne change pas fondamentalement après 1993 et la création de l’Autorité palestinienne. Les prérogatives accordées à cette dernière sont constamment remises en cause sur le terrain, et c’est l’administration israélienne qui garde la maitrise des régimes commercial, monétaire et financier, ainsi que des frontières et de la majeure partie des territoires. La zone C, directement sous contrôle militaire israélien et inaccessible au gouvernement palestinien, couvre encore 62% de la Cisjordanie. De 1972 à 2017, Israël a ainsi absorbé 79 % du total des exportations palestinienne et se trouve à l’origine de 81% de ses importations[7].

    L’emploi dans l’économie israélienne d’une main-d’œuvre en provenance de Cisjordanie et de Gaza est encore un aspect de cette exploitation coloniale. Régulée par l’administration israélienne qui délivre les permis de circulation et de travail, la présence de ces travailleurs vient compenser une pénurie de main-d’œuvre israélienne, en fonction de la conjoncture et pour des secteurs d’activité précis (principalement le bâtiment, l’agriculture, la restauration). Ainsi la récession économique israélienne entre 1973 et 1976 n’a quasiment pas d’impact sur le chômage israélien et se traduit en revanche par une réduction du nombre de travailleurs palestiniens venant des territoires occupés[8].

    Vulnérable, corvéable et révocable à tout moment, cette main-d’œuvre compte en moyenne pour un tiers de la population active palestinienne au cours des décennies 1970 et 1980. Puis le déclenchement de la Première Intifada et les actions de boycott économique engagés par la population palestinienne à la fin des années 1980 incitent l’administration israélienne à réduire drastiquement la présence de ces travailleurs. Ceux-là sont remplacés durant un temps par une main-d’œuvre migrante en provenance d’Asie. Mais le phénomène redevient majeur en Cisjordanie depuis une dizaine d’années et avait même repris ces derniers mois avec la bande de Gaza, malgré le blocus.

    En 2023, 160 000 Palestiniens de Cisjordanie – soit 20 % de la population active employée de ce territoire – travaillaient en Israël ou dans les colonies, auxquels s’ajouteraient environ 50 000 travailleurs employés sans permis. On comptait également quelques 20 000 travailleurs en provenance de la bande de Gaza[9]. Ces travailleurs perçoivent un salaire moyen qui représente entre 50 et 75 % de celui de leurs homologues israéliens. Ils sont en outre exposés à la précarité, à la #discrimination et aux abus. Le nombre d’accidents du travail et de décès sur les chantiers de construction est considéré comme l’un des plus élevés au monde[10].

    L’économie au service de la contre-insurrection

    S’il répond d’abord à une logique d’exploitation de la main-d’œuvre autochtone, l’emploi de travailleurs palestiniens s’avère aussi un excellent moyen de policer la population. Pour obtenir un permis de travail en Israël ou dans les colonies, un Palestinien de Cisjordanie ou de Gaza doit veiller à ce que son dossier soit approuvé par l’administration militaire israélienne. Il doit alors ne pas prendre part à toute activité syndicale ou politique jugée hostile à l’occupation, de même que ses proches parents. Des familles et parfois des villages entiers prennent ainsi garde à ne faire l’objet d’aucune « interdiction sécuritaire » pour ne pas se voir priver du permis de travail israélien.

    La dépendance des Palestiniens envers l’économie israélienne participe par conséquent de leur vulnérabilité politique. Une vulnérabilité d’autant plus redoutable que c’est l’administration israélienne qui régule l’accès aux territoires occupés, ou même la circulation en leur sein. La fermeture des points de passage et la restriction du trafic sont alors régulièrement employées comme un moyen de sanction, dans une logique ouvertement contre-insurrectionnelle. La population palestinienne est rapidement menée au bord de l’asphyxie économique, voire maintenue dans un état de crise humanitaire durable comme l’illustre le cas de la bande de Gaza sous blocus depuis 2007.

    L’Autorité palestinienne se trouve tout particulièrement exposée face à ce genre de pratique punitive. Ses revenus sont composés en grande partie (67 % en 2017) de taxes collectées par l’administration israélienne, notamment sur les importations palestiniennes. Or celle-ci ponctionne et suspend régulièrement ses reversements en exerçant un chantage explicite. Les recettes du gouvernement palestinien dépendent aussi de l’aide internationale, non moins discrétionnaire et politiquement conditionnée[11]. Une situation qui explique pour beaucoup son incapacité à agir en dehors du terrain balisé par Israël et les bailleurs de fonds.

    Cette ingénierie politique et sociale qui passe par l’économie touche également le secteur privé de différentes manières. Ces dernières années ont vu un nombre croissant d’entreprises en Cisjordanie requérir de manière proactive leur intégration au système de surveillance israélien dans l’objectif de bénéficier d’un régime avantageux dans l’exportation de leurs marchandises[12]. En temps normal, une cargaison est acheminée une première fois par camion jusqu’au point de contrôle israélien le plus proche. Là, elle est déchargée pour subir une inspection de plusieurs heures, avant d’être chargée sur un second camion pour être transportée à destination, en Israël même, ou vers un pays tiers.

    Les exportateurs palestiniens sont ainsi pénalisés par des coûts élevés de transport, sans parler du temps perdu et des risques de voir les marchandises endommagées par ces procédures fastidieuses. Le nombre de camions, et par conséquent le volume de marchandises transportées, est aussi fortement limité par l’engorgement qu’on observe quotidiennement sur les points de contrôle, à quoi peut s’ajouter la simple décision israélienne de mettre un frein à la circulation à tout moment et pour quelque raison que ce soit. Par contraste, la mise en place de couloirs logistiques, dits « door-to-door », vient considérablement fluidifier et réduire le coût du fret commercial.

    Moyennant le suivi d’un protocole strict établi par l’armée israélienne, des entreprises pourront acheminer leurs cargaisons à bon port en ne recourant qu’à un seul camion israélien et sans être inquiétées aux points de contrôle. Elles doivent pour cela aménager une cour fermée et sécurisée pour le chargement, équipée de caméras de surveillance reliées en fil continu au point de contrôle militaire le plus proche. Elles fournissent également des données détaillées sur leurs employés dont le dossier doit aussi être approuvé par l’administration militaire. Enfin, chaque camion est équipé d’un système de localisation GPS permettant la surveillance de l’itinéraire suivi à travers la Cisjordanie.

    L’économie palestinienne prise dans une guerre totale

    Il est certainement difficile de prendre toute la mesure du bouleversement radical que vivent actuellement les territoires occupés et avec eux, l’activité économique palestinienne. Plusieurs organismes palestiniens ou internationaux s’efforcent déjà de comptabiliser les pertes matérielles de la guerre en cours, et d’évaluer ses répercussions sur le PIB et le chômage palestiniens. Toute solution politique au conflit, dit-on, devra nécessairement s’accompagner d’un volet économique, et l’anticipation des coûts de la reconstruction et de la remise à flot de l’économie palestinienne constitue à chaque nouvelle guerre un gage de réactivité face à l’urgence pour les différentes parties concernées.

    Aux destructions en masse causées par les bombardements israéliens s’ajoutent en effet le renforcement du siège sur la bande de Gaza mais aussi sur la Cisjordanie, ainsi que la révocation de tous les permis de travail israéliens, ou encore le retard infligé dans le reversement des taxes à l’Autorité palestinienne. L’institut palestinien MAS évoque à cet égard une récession économique grave dont les effets se font déjà sentir dans le cours de la guerre et qui sera probablement amenée à se prolonger à ses lendemains. Le PIB aurait connu une perte d’au moins 25 % à la fin 2023 tandis que le chômage pourrait atteindre les 30 % de la population active en Cisjordanie, pour 90 % dans la bande de Gaza[13].

    Mais nous ne sommes pas là face à un affrontement entre deux États souverains et l’appauvrissement de la population palestinienne, de même que les risques sérieux de famine ne sont pas fortuits. Des rapports publiés à la suite des précédentes guerres confirment la volonté délibérée de l’armée israélienne de s’en prendre aux moyens matériels de subsistance[14]. Il en va de même des restrictions imposées sur le trafic de personnes et de marchandises, lesquelles ne s’appliquent pourtant pas aux agriculteurs de Cisjordanie dont les productions sont venues suppléer à l’interruption de l’activité agricole en Israël et ainsi participer à son effort de guerre.

    Cette multiplicité des mécanismes à l’œuvre et les diverses logiques de pouvoir qu’ils recouvrent montrent que l’économie n’est pas une victime collatérale de l’affrontement colonial en cours mais en constitue bien un terrain privilégié. La question dès lors n’est pas vraiment celle des coûts de la guerre et de la reconstruction, pas plus qu’elle ne devrait être celle des points de croissance à gagner pour remporter le silence des populations. Mais elle est plutôt celle des moyens à mettre en œuvre pour prémunir la société palestinienne d’une dépossession, d’un enrôlement ou encore d’un assujettissement qui se produisent dans l’économie même, et contre une guerre qui se veut plus que jamais totale.

    *

    Illustration : « Les toits de Jérusalem », 2007. Sliman Mansour, peintre palestinien.
    Notes

    [1] Taher Labadi, 2020, « Économie palestinienne : de quoi parle-t-on (encore) ? », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 147 | 2020, DOI : https://doi.org/10.4000/remmm.14298

    [2] Omar Jabary Salamanca, Mezna Qato, Kareem Rabie, Sobhi Samour (ed.), 2012, Past is Present : Settler Colonialism in Palestine, Settler colonial studies, Hawthorn.

    [3] Shafir Gershon, 1989, Land, Labor and the Origins of the Israeli-Palestinian Conflict, 1882 – 1914, Cambridge University Press, Cambridge.

    [4] Sternhell Zeev, 2004, Aux origines d’Israël : entre nationalisme et socialisme, Fayard, Paris.

    [5] George Mansour, 1936, The Arab Worker under the Palestine Mandate, Jerusalem.

    [6] Aziz Haidar, 1995, On the margins : the Arab population in the Israeli economy, New York, St. Martin’s Press.

    [7] CNUCED, 2018, Rapport sur l’assistance de la CNUCED au peuple palestinien : évolution de l’économie du territoire palestinien occupé, 23 juillet, Genève.

    [8] Leila Farsakh, 2005, Palestinian Labor Migration to Israel : Labor, Land and Occupation, Routlege, London.

    [9] MAS, 2023, How To Read the Economic and Social Implications of the War on Gaza, Gaza War Economy Brief Number 4, Ramallah.

    [10] CNUCED, op. cit.

    [11] Taher Labadi, 2023, Le chantage aux financements européens accable la Palestine, OrientXXI URL : https://orientxxi.info/magazine/le-chantage-aux-financements-europeens-accable-la-palestine,6886

    [12] Walid Habbas et Yael Berda, 2021, « Colonial management as a social field : The Palestinian remaking of Israel’s system of spatial control », Current Sociology, 1 –18.

    [13] MAS, op. cit.

    [14] UN, 2009, Rapport de la Mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies sur le conflit de Gaza.
    Bibliographie indicative

    Anaheed Al-Hardan, « Decolonizing Research on Palestinians : Towards Critical Epistemologies and Research Practices, » Qualitative Inquiry, vol. 20, no. 1 (2014), pp. 61–71

    Rana Barakat, « Writing/Righting Palestine Studies : Settler Colonialism, Indigenous Sovereignty and Resisting the Ghost(s) of History, » Settler Colonial Studies, vol. 8, no. 3 (2018), pp. 349–363 ;

    Toufic Haddad, Palestine Ltd. : Neoliberalism and Nationalism in the Occupied Territory, London/New York : I. B. Taurus and Co. Ltd., 2016.

    Adam Hanieh, « Development as Struggle : Confronting the Reality of Power in Palestine, » Journal of Palestine Studies, vol. 45, no. 4 (2016), pp. 32-47

    Nur Masalha, The Palestine Nakba : Decolonising History, Narrating the Subaltern, Reclaiming Memory, London/New York : Zed Books, 2012.

    Omar Shweiki and Mandy Turner, dirs., Decolonizing Palestinian Political Economy : De-development and Beyond, New York : Palgrave Macmillan, 2014.

    Linda Tabar [et al.], Critical Readings of Development under Colonialism : Towards a Political Economy for Liberation in the Occupied Palestinian Territories, Ramallah : Rosa Luxemburg Foundation/Center for Development Studies, 2015.

    Alaa Tartir, Tariq Dana, and Timothy Seidel, ed., Political Economy of Palestine : Critical, Interdisciplinary, and Decolonial Perspectives, Cham : Palgrave Macmillan, 2021.

    Lorenzo Veracini, « The Other Shift : Settler Colonialism, Israel, and the Occupation, » Journal of Palestine Studies, vol. 42, no. 2 (2013), pp. 26–42.

    Patrick Wolfe, « Purchase by Other Means : The Palestine Nakba and Zionism’s Conquest of Economics, » Settler Colonial Studies, vol. 2, no. 1 (2012), pp. 133-171.

    Omar Jabary Salamanca [et al.], eds., Past is Present : Settler Colonialism in Palestine, Settler Colonial Studies, vol. 2, no. 1 (2012).

    #colonialisme_israélien_terrain_économique #main-d’œuvre_palestinienne #révocation_des_permis_de_travail_en_Israël #corruption_de_l’Autorité_palestinienne

  • Peut-on parler de génocide à Gaza ?
    Orient XXI > Ziad Majed > 14 décembre 2023
    https://orientxxi.info/magazine/peut-on-parler-de-genocide-a-gaza,6944

    L’usage du terme « génocide » reste très limité en France, souvent mis entre guillemets par la presse, présenté comme excessif. En revenant pourtant au droit international, la pertinence du terme pour qualifier le massacre en cours depuis le 7 octobre à Gaza est limpide. Le bureau international de la Fédération internationale pour les droits humains a d’ailleurs adopté une résolution reconnaissant les actions d’Israël contre le peuple palestinien comme étant « un génocide en cours ». (...)

    #génocide

  • Faire date autrement, Catherine Hass (10 novembre 2023), via @parpaing
    https://lundi.am/Faire-date-autrement

    ... cette guerre qui détruit avec elle toute possibilité qu’il en soit autrement en détruisant toute politique, anéantirait la possibilité même d’une pensée de la politique. (...) Demeure l’injonction comminatoire à dire son camp même si ce dernier n’existe pas dans les termes de l’injonction.

    [...] C’est donc par un geste purement criminel que la #Palestine fit retour – si l’on considère que ce programme de cruauté à l’endroit des civils caractérise d’ordinaire la besogne des fascistes de tous bords. Rappelons que, historiquement, le faire politique des luttes, loin d’être indifférent, a toujours été crucial pour ces dernières. Ainsi, de quelle émancipation, de quelle figure d’égalité ou de libération, un tel geste peut-il être porteur ? Que pouvait-il fonder outre la dévastation à laquelle nous assistons ?

    [...] Si l’hypothèse selon laquelle « la guerre anéantit aujourd’hui toute possibilité qu’il en soit autrement en détruisant toute politique » [Derrida] est juste, les diverses qualifications du 7 octobre – « terroristes » versus « résistance » – n’engagèrent le plus souvent que des conceptions de la #guerre distinctes selon le « spectre large de ceux qui n’aiment les Arabes que morts ou réduits à l’état de pions qu’ils bougent sur l’échiquier de leurs chimères (...) ». Dit autrement, en France, l’on opposa à la guerre contre le terrorisme, boussole insane des guerres extérieures et de la politique intérieure depuis plus de vingt ans, un logiciel marxiste anti-impérialiste et étatiste périmé identifiant rage politique et criminelle et validant voire glorifiant le meurtre. Les hautes figures de la lutte : le Hamas, le Hezbollah et l’Iran soit la photo de famille – tronquée car il y manque la Russie – de ceux qui donnèrent à el-Assad les troupes et les armes nécessaires pour venir à bout de la révolution syrienne au prix d’une guerre qui fit 600 000 morts. « On a beau s’indigner devant la violence, on a beau déplorer sincèrement [...] le nombre de morts, on ne fera croire à personne que c’est de cela au fond qu’il s’agit. » Faire date autrement et sortir de l’impasse signifierait quitter cet espace comme effondré puisqu’il ne propose qu’une polarisation essentialiste faisant fond sur des catégories idéologiques vides de politique.

    [...] Le déséquilibre du rapport de force entre les deux n’interdit pas l’identité de leur principe : « Je te tue car tu n’as pas à être là, tu ne dois pas être là, quand bien même tu y es, tu y vis, tu es dans ton pays ». Or, rappelons que ce qui caractérisa nombre de luttes populaires passées, armées ou pas, c’était précisément la rupture avec les principes de la politique ennemie. L’État d’#Israël et le Hamas sont donc ici des jumeaux politiques et criminels : la politique de l’un arme celle de l’autre, et vice-versa, chacun échange, tour à tour, le rôle de maître d’ouvrage et de maître d’œuvre dans l’espoir de s’en trouver renforcé politiquement. C’est même de leur négation réciproque qu’est née l’alliance Netanyahou-Hamas comme la nomme le quotidien Haaretz. Haine du possible, concurrence et corruption de l’idée même de politique dès lors qu’elle est entièrement reversée dans la guerre et le crime et se confond avec eux, dès lors qu’elle fait des civils la matière première de la guerre (...)

    [...] la guerre contre le terrorisme n’est pas l’apanage des États occidentaux puisque c’est ce paradigme que el-Assad mobilise dès 2012 pour détruire la révolution syrienne –aidés par des djihadistes revenus d’Irak libérés de prison, du Hezbollah libanais et des Pasdaran iraniens. En rupture avec le droit de la guerre et le droit international humanitaire existant, l’une des caractéristiques de cette guerre est de dénier tout statut aux civils, à moins qu’ils ne soient « innocents » ; l’argument selon lequel les différentes entités combattues ne sont pas assignables à des armées régulières emporte avec lui la possibilité même de leur protection. Ainsi, la densité de la population à Gaza, la dissémination des structures du Hamas en son sein, ne constituent pas un argument à même de proscrire toute intervention militaire car la guerre contre le terrorisme a normalisé ce faire criminalo-guerrier. La guerre ainsi conçue ne peut être qu’une somme de #crimes_de_guerre, à Gaza comme à Idlib. L’armée israélienne ne s’excepte pas de cette norme qui interdit par principe à n’importe quelle armée d’être « morale » puisqu’elle lui en ôte la possibilité même.

    #évènement #politique #pensée #guerre_contre_le_terrorisme #guerre_pour_le_terrorisme #géopolitique #politique

    • Les hautes figures de la lutte : le Hamas, le Hezbollah et l’Iran soit la photo de famille – tronquée car il y manque la Russie – de ceux qui donnèrent à el-Assad les troupes et les armes nécessaires pour venir à bout de la révolution syrienne au prix d’une guerre qui fit 600 000 morts.

      Le Hamas n’était pas dans le camp d’Assad pendant la guerre en Syrie.
      https://orientxxi.info/magazine/quand-le-hamas-retrouve-son-chemin-de-damas,6053

      Sur le plan politique, les deux principaux chefs du Hamas avaient clairement exprimé leur opposition à Assad. Ainsi, Ismaïl Haniyeh avait déclaré lors d’une prière du vendredi à la mosquée Al-Azhar en février 2012 : « Je salue tous les pays du printemps arabe, et je salue le peuple syrien héroïque qui milite pour la liberté, la démocratie et la réforme ». Quant à Khaled Mechaal, il avait brandi le drapeau de la révolution syrienne lors des célébrations du 25e anniversaire de la fondation du mouvement Hamas en décembre 2012 à Gaza, en déclarant : « Nous ne soutenons la politique d’aucun État ni d’aucun régime qui mène une bataille sanglante contre son propre peuple ». Ces positions ont été adoptées après que les leaders du Hamas ont quitté Damas pour s’installer au Qatar.

    • oui, effectivement, et c’était pas sans conséquences, provisoires, sur les alliances du Hamas.

      edit : Hass ne répète pas son erreur sur Hamas/Assad par la suite

      la plupart des actions armées ont vocation à tirer des enseignements de celles qui les ont précédées. dire Idlib/ Gaza c’est aussi concevoir que Israël s’inspire du siège et des bombardements d’Idlib (comme précédent et comme « victoire »), sous la contrainte d’un autre jeu géopolitique qui limite (relativement, bien trop relativement) son action davantage que ne le fut celle du régime syrien.

      #Israel-Palestine

    • Sauf que là non plus les « actions armées » en Syrie ne sont pas directement comparables. Les chiffres varient, mais si on prend ceux de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (notoirement pro-opposition), en Syrie le nombre de civils tués a été équivalent au nombre de combattants pro-régime tués. Même en attribuant tous les civils syriens tués au régime d’Assad (facilité à laquelle on assiste depuis le début du conflit), ça fait un ratio très différent du massacre actuel de Gaza (il ne semble pas y avoir 20 à 30 000 soldats israéliens morts en deux mois à Gaza) :
      https://www.la-croix.com/Pres-500-000-morts-recenses-Syrie-decennie-guerre-selon-ONG-2021-06-01-130

      L’Observatoire syrien des droits de l’Homme a fait état mardi 1er juin de 494 438 morts depuis le début de la guerre, dont 159 774 civils – principalement tués par les attaques du régime syrien et de milices alliées – et 168 000 combattants prorégime.

      Et donc un troisième tiers constitué de rebelles et de djihadistes.

      C’est-à-dire qu’en Syrie, on a un mort civil pour un pro-régime tué et un anti-régime tué. C’est certes un massacre épouvantable (et depuis le début, attribuer la responsabilité de tous ces morts au seul régime relève aussi d’une forme de « campisme »), mais les Israéliens sont dans des performances qui sont, pardon, d’une tout autre nature

      Et ne pas oublier Falloujah en 2004, si on veut avoir une référence sur les méthodes de guerre et le déséquilibre absolu des pertes.

    • Circonscrire l’antagonisme, défaire la confusion – D’une alternative entre la guerre et la guerre / Catherine Hass (11 décembre 2023)

      https://lundi.am/Circonscrire-l-antagonisme-defaire-la-confusion

      Ce texte est la version remaniée et annotée de l’intervention de Catherine Hass lors de la rencontre du 2 Décembre 2023 au Consulat, à Paris. Avant le 11 septembre 2001, le « terrorisme » n’est pas assigné par les États à l’espace de la guerre. Il le deviendra par la suite. Alors que lesdits « terroristes » se proclamaient ennemis politiques en guerre contre l’État et son monde ; les États leur adressaient une fin de non-recevoir en les ravalant au rang de simples criminels de droit commun. Après le 11 septembre, une opération inverse a lieu qui vient bouleverser ces anciens régimes de pensée. Désormais, les terroristes ne sont plus des criminels, ils ne sont plus non plus de simples ennemis de l’État - les voilà devenus ennemis d’un mode de vie. Or, à cela, les États répondent par la guerre. La guerre contre la terreur n’a pas toujours existé. Elle n’existera pas toujours. Dans ce laps où s’effondrent les catégories politiques, l’alternative qu’on nous propose devient : la guerre ou bien la guerre.