Nicole Garreau

Poétesse sans talent et dictateuse sans vergogne

  • vous jure... c’est un déluge sans discontinuer depuis des jours et des jours... tout n’est qu’un camaïeu de bruns et de gris, elle est obligée d’allumer la lumière à midi, tout est détrempé, tout n’est qu’humidité, flotte et boue partout... Ah la la, heureusement qu’elle est une optimiste invétérée qui voit toujours le bon côté des choses et la féerie du monde partout, hein, elle n’ose imaginer comment elle survivrait à ça si elle était d’avance une vieille acariâtre asociale indigente et dépressive.

    Hein ? Franchement, on se le demande.

    #VivementLaFinDuMonde.

  • regrette vraiment d’être une quiche en mathématiques : elle aimerait bien être capable de calculer le nombre maximal d’agencements possibles des lettres de l’alphabet avant de fatalement écrire deux fois exactement le même texte (un peu sur le modèle du « paradoxe du singe savant », le chimpanzé qui, en tapant au hasard et indéfiniment sur les touches d’une machine à écrire, finira par réécrire toute l’œuvre de Shakespeare), ou combien de combinaisons différentes de notes de musique pourraient exister avant d’accidentellement reproduire un morceau déjà connu, ou encore combien de dispositions de « pixels » demeurent inédites et permettraient de créer une image qui ne soit pas l’exacte reproduction d’une autre.

    Comme elle le dit souvent, avec plus de cent dix milliards d’imbéciles ayant vécu sur cette pauvre planète depuis le Pliocène, il est rudement audacieux de s’octroyer la primeur d’une création artistique.

    #RuminationsMatutinales.

  • ne voudrait pas paraphraser un célèbre philosophe, m’enfin si à [beaucoup plus de] cinquante ans vous n’avez toujours pas compris que le clocher de l’église donne gratuitement la même heure qu’une Rolex®, c’est qu’intellectuellement vous avez raté votre vie.

    À part ça la vieille Garreau se demande si on l’accepterait aussi facilement d’une autre religion, ça, un truc qui nous casse les oreilles sept jours sur sept tous les quarts d’heure ?

  • admet que c’est perturbant : lorsque, comme elle, on ne dispose plus que de dix à douze minutes « d’espérance » de vie, le ciboulot s’emballe (1) et l’on revoit défiler à toute berzingue les scènes de son existence, parfois même celles qui ne présentent aucun intérêt ni importance. Ainsi ce souvenir-ci, qui remonte à plusieurs décennies, qui ne la concerne pas directement et auquel elle n’avait jamais repensé jusque alors :

    C’était durant l’une des dernières fois où elle s’était retrouvée enfermée en asile psychiatrique. Ce coup-ci l’ambiance était assez éloignée de celle d’un univers concentrationnaire, le pavillon était plutôt cool, c’était mixte, la plupart des portes étaient ouvertes, il y avait bien quelques dérapages mais dans l’ensemble les journées se suivaient dans une sorte de rassurante monotonie, de sept heures du matin à neuf heures du soir tout le monde était assommé devant un poste de télévision à attendre l’heure de sa prochaine ration de Valium® et/ou de son prochain repas. La belle vie.

    Il y avait toutefois un type étrange, parmi les zinzins — c’est-à-dire un type que même les zinzins trouvaient zinzin. On pouvait parfois l’apercevoir lorsque l’on passait devant sa cellule et que la porte n’en était pas fermée : le ceusse avait... un ordinateur. Lol. Ça peut paraître banal quand on dit ça maintenant, mais à l’époque PERSONNE n’avait d’ordinateur, on savait à peine ce que c’était, on se doutait bien qu’il devait exister des choses pareilles en Amérique ou sur une autre planète mais franchement personne n’en avait jamais vu — d’ailleurs même l’administration de l’asile disposait encore d’une machine à écrire mécanique, de papier carbone et de plumes Sergent-Major®. L’ordinateur du ceusse était une machine imposante qui prenait au moins la moitié de sa piaule, personne ne savait ce qu’il fabriquait avec, personne ne comprenait l’intérêt d’un engin pareil, en ce temps-là même le mot « Internet » n’existait pas. Chacun·e gardait ses distances avec celui qui passait pour un professeur Tournesol et son drôle de matériel, après tout il était peu bavard et n’enquiquinait personne, certes tout le monde était vaguement perplexe à son égard mais on ne lui posait pas de questions et d’ailleurs on n’aurait certainement pas compris les réponses.

    Incroyab’, non ? « The Times They Are a-changin’ », comme chantait alors Dylan. Cela fait maintenant Gai-Luron et Belle Lurette que la vieille Garreau n’a pas été internée mais elle n’ose imaginer l’angoisse et les galères supplémentaires que cela doit être, dans les asiles, aujourd’hui que presque tout le monde dispose de petits téléphones-ordinateurs portatifs perpétuellement connectés à tout et n’importe quoi. Cette addiction crée vraisemblablement de nouveaux problèmes insolubles : laisser les zinzins « scroller » toute la journée et donc les laisser mariner dans leur zinzinitude, ou leur confisquer leur matériel et devoir gérer des crises de manque venant s’ajouter aux autres problèmes psychiatriques ? Ha ha, bon courage aux aliénistes.

    En tout cas ne pas être connecté·e est en passe de devenir le dernier acte révolutionnaire.

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    (1) Ça va, ce n’est pas cher.

  • rajeunit en écoutant sur France 5 un portrait de ce sorbonnard anciennement proche de Krivine, figure de la guerre de Floréal 176, devenu « réformiste » et donc social-traître au point de quelques décennies plus tard s’être mis à copiner et jouer au badminton avec Fabius — ha ha, non, ce n’est pas Cohn-Bendit, c’est un autre, les renégat·e·s ce n’est pas ce qui manque.

    N’empêche, encore un révolutionnaire en carton-pâte que l’on avait oublié, mais quelle tristesse — Trotski doit se retourner dans sa tombe.

    #LaVieillesseEstUnNaufrage.

  • aime assez ces trois anecdotes concernant Frida Kahlo distillées à l’instant même sur France Cul’ : « elle est peut-être morte d’embolie pulmonaire mais surtout de désarroi  », « son tout dernier tableau ne serait pas ’’Viva la vida’’ mais bel et bien l’autoportrait sur lequel elle se représente en compagnie du camarade Iossif Vissarionovitch Djougachvili », et « le jour de son enterrement quelqu’un·e aurait glissé un drapeau communiste dans son cercueil ».

    Remplacez Iossif Vissarionovitch Djougachvili par Kim Jong-un et vous obtenez presque une fin de vie rêvée pour la Garreau !

    Comme quoi le pouvoir des influenceuses, à l’époque, c’était quand même autre chose que maintenant celui de Maeva Ghennam ou Kim Kardashian.

  • ne parle plus trop de ses lectures, n’est-ce pas ? C’est que depuis quelque temps elle lit assez peu, dès qu’elle cesse deux minutes de sangloter ses yeux se ferment et elle s’endort — « qui plus outre » elle n’a plus l’acuité visuelle de ses vingt ans. Bien sûr elle écoute toujours des lectures et adaptations radiophoniques, c’est bath aussi mais ce n’est quand même pas tout à fait pareil : elle s’imagine mal donner son avis sur un livre qu’elle n’a pas lu mais entendu puisqu’il y a un·e intermédiaire, qu’il n’y a plus de ce qu’elle appelle la « mémoire typographique » (le souvenir de l’emplacement exact de chaque mot sur la page) et qu’il est plus compliqué de s’arrêter sur une phrase ou une idée, de revenir cinq « lignes » en arrière ou de lire en diagonale. M’enfin ne crachons pas dans la soupe : même si ça prend parfois des allures de pis-aller, bouquiner avec les oreilles demeure possible et c’est tant mieux.

    C’est drôle, d’ailleurs : jadis elle était persuadée qu’à tout prendre elle préférerait être sourde qu’aveugle — or sa réponse ne serait peut-être pas tout à fait la même si elle se posait de nouveau la question aujourd’hui.

  • est encore surprise en flagrant délit de se lancer dans une de ses stupides et stériles associations d’idées ? Naaaaaaan, mais elle remarque seulement qu’il y a d’un côté 577 députés à l’Assemblée Nationale française et bientôt 720 au Parlement européen, et que 576 x 720 était la résolution d’un écran de télévision en PAL du temps où ces formats et codages étaient plus ou moins standards et avaient donc une importance (1).

    Évidemment il y aurait une ligne de pixels qui se serait perdue dans l’histoire, mais présentement la vieille Garreau elle-même ne se perd-elle pas dans des explications alambiquées ?

    Allez, on s’en fiche, de toute façon elle est gâteuse.

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    (1) Oui, dans le passé votre dictateuse-punkàchienne préférée avait brièvement fait la potiche dans les milieux de l’idiot-visuel, et puis de toute façon elle sait que vous savez qu’elle sait toujours tout sur tous les sujets, à la longue ce n’est même plus marrant.

  • procédait tout à l’heure à sa minable petite promenade quotidienne mais celle-ci se déroula aujourd’hui sous un grand abat d’eau (1), avec un ciel incessamment zébré d’éclairs ainsi que des roulements de tonnerre n’ayant rien à envier aux Tambours du Bronx — or c’est là que, comme par hasard et entre deux fracas célestes, le mode de lecture aléatoire de son walkwoman lui proposa coup sur coup « This is the end » des Doors, « Je vais mourir demain » de Gribouille et la « Cinquième » de Beethoven. Grandiose.

    Réjouissons-nous ! La fin du monde va être grave esthétique — ce que le monde lui-même n’a jamais réussi à être.

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    (1) Pardon ? Oui, c’est ça, comme Claudio. La boutade est excellente mais on ne va tout de même pas la faire à chaque fois.

  • ne prodiguerait qu’un seul conseil à tou·te·s celleux qui ont le malheur d’être en vie : l’érudition, vains dieux, l’érudition. Apprenez des trucs par cœur, gavez-vous de connaissances encyclopédiques et privilégiez même celles qui, de prime abord, vous semblent les plus inutiles — le nom de tous les califes abbassides, la liste des chefs-lieux de canton du Tarn-et-Meuse, les dates de naissance des écrivain·e·s du XVIIe, le numéro atomique de l’einsteinium, l’arbre généalogique de la Princesse de Clèves, bref, ne triez pas, emmagasinez dans un coin de votre tête tout et n’importe quoi.

    Quand on a tout perdu ce sont les dernières choses qui nous restent, et au moment où l’on gît sur son lit de mort il n’y a plus guère que l’énumération et le ressassement de toutes ces futilités qui nous aident à ne pas faire que hurler de désespoir et de douleur.

  • est toujours un peu agacée par ces prétendu·e·s intégristes qui ont l’air de penser que commettre une faute d’orthographe est un délit.

    CE N’EST PAS UN DÉLIT, vains dieux, C’EST UN CRIME ! Une faute d’orthographe mérite la Cour d’Assises, pas la Correctionnelle !

    Quel monde de laxistes.

  • estime que dès l’instant de sa naissance chacun·e devrait se voir remettre une petite capsule de cyanure personnelle à utiliser quand bon lui semble, ça éviterait à tout le monde de se retrouver des décennies plus tard complètement démuni·e à ne pas savoir comment clamser proprement — c’est-à-dire à coup sûr, rapidement, sans douleurs inutiles et sans avoir à mendier l’assistance d’un tiers.

    Seulement sur cette planète dès que l’on parle de progrès social il n’y a plus personne : on a l’impression que si les ceusses veulent absolument que leurs contemporain·e·s restent en vie, c’est uniquement pour pouvoir la leur pourrir.

  • aime bien cette expression, « dégel du corps électoral » (ouïe à l’instant sur France Cul’ à propos de la Nouvelle-Calédonie, sujet qui présente au moins l’avantage de nous rajeunir instantanément de quarante ans et qui constitue pourtant une actualité tellement brûlante qu’on imagine effectivement sans peine que ça va dégeler pas mal de monde).

    « Dégel du corps électoral »... la Garreau peinerait cependant à se sentir concernée par cette formule : déjà parce qu’elle ne va plus voter depuis plusieurs années, ensuite parce que sa dépouille mortelle est désormais tellement froide qu’elle condamnerait au ridicule quiconque aurait la prétention de la tiédir.

    C’est toujours un peu étrange, « la démocratie ». On est tout de même bien mieux sur ce flux SeenThis où il y a seulement une dictateuse qui dictate et un Lectorat émerveillé qui corrobore.

  • y songeait suite à la rédaction de son dernier dazibao : que « un héros » soit la forme masculine de « une héroïne » c’est déjà chelou, alors imaginez qu’en flanquant ces termes d’un article défini on a dans un cas « l’héroïne » et dans l’autre « le héros » — l’un a droit à une élision à cause de son « h » muet et pas l’autre en raison de son « h » aspiré. Mais dans le cas présent pour quel motif intrinsèque ces deux « h » sont-ils différents ? Mystère et boule de gomme. Les étrangérophones apprenant le français doivent devenir zinzins !

    Moitié par curiosité, moitié par névrose et moitié pour faire avancer le schmilblick, votre vieille mais dévouée dictateuse préférée est allée s’enquérir des graphies plus ou moins officiellement proposées en écritures épicènes : nous trouvons « héros·ïne » pour l’inclusif, « héros·ïne·x » pour le non-binaire et « hérosïnx » pour le neutre — mais rien n’est spécifié concernant l’éventuelle prononciation de l’initiale.

    C’est compliqué ? Bah, pas tellement plus que le héros et l’héroïne avec leurs désinences tout aussi absconses et leurs « h » n’ayant pas la même fonction.

  • a réussi à se procurer pour presque rien un sweat à capuche taille XXXXXXXL du plus pur style zadiste ou caillera du 9-3, et bien sûr maintenant elle s’en sert pour plastronner dans la grand-rue du patelin en singeant de plus belle la démarche et les postures de Machine, l’héroïne de la série du même nom.

    Trrrrrrrremblez, villageois·es ! Mamie dreadeuse est dans la place !

    #TerreurDesEHPAD.
    #MamieBlackBlock.

  • comprend le truc, hein, chère France Cul’, elle voit bien la tentation d’imaginer « une première fois » et de l’attribuer à un individu précis, un·e créateurice, un « deus ex machina ». Mais quand même ça lui paraît un peu fort de roquefort d’octroyer à Töpffer l’invention de la bande dessinée — d’autant que l’on n’a pas de cette forme d’Art une définition irréfutable et précise. Quand à Lascaux, Chauvet ou ailleurs nous tracions sur les parois rocheuses des dessins qui faisaient partie d’un ensemble de dessins (nous penserons entre autres à ce fameux cheval dont l’image se démultiplie jusqu’à rendre une impression de mouvement, ou à ces scènes de chasse se déroulant en plusieurs tableaux et plusieurs temps), faisions-nous vraiment autre chose que de la bande dessinée ?

    L’Art n’a ni début ni fin, il n’a pas de point zéro, il n’apparaît pas comme ça du jour au lendemain et ne disparaît pas de même. Töpffer est éventuellement un des premiers à avoir tenté de THÉORISER ou de démocratiser la bande dessinée, ça oui, cependant il semble difficile d’affirmer qu’il en est l’inventeur.

    Mais bon, ne vous faites pas de mouron, chère France Cul’ : si vous connaissiez la vieille Garreau vous sauriez qu’elle ne rédige des dazibaos que dans le but de rédiger des dazibaos — en fait le sujet elle s’en fout et neuf fois sur dix elle-même ne découvre ce qu’elle pense qu’au moment où elle l’écrit.

  • regarde la carte et se dit que question acoustique, en ce moment c’est quand même la Turquie la mieux placée : avec juste au Nord les opérations spéciales en Désunion Soviétique et juste au Sud les massacres en Palestine, le pays a vraiment la stéréo.

  • reçut énormément énormément de courriers des lecteurices suite à son pénultième dazibao — globalement les abonné·e·s s’étonnaient et s’effrayaient du fait qu’elle case dans son texte des citations en anglais et en allemand.

    Que tout le monde se rassure, cela ne deviendra pas une habitude — et par pitié ne vous adressez pas maintenant à elle comme si elle était Shakespeare ou Goethe ! En bonne franco-franchouillarde basse de plafond et n’étant guère allée à l’école votre vieille dictateuse préférée est assez peu polyglotte, elle ne connaît de la langue anglaise que ce qu’elle a pu en comprendre via le rock’n’roll et elle ne parle allemand que parce qu’elle fut tondue à la fin de la guerre (enfin non d’ailleurs, c’est l’inverse, elle fut tondue parce qu’elle parlait un peu allemand).

    Pardon ? Naaaaaaan, ce coup-ci c’était seulement une petite guerre de rien du tout, pas une vraie comme celle de floréal et prairial 176.

    • Mon époux était président d’une asso locale et a été invité à ce titre par le maire de droite au spectacle lors de la remise des décorations des meilleurs militant‧es de l’année. Il m’a dit : viens stp me laisse pas seul dans cette galère. Donc je suis t’allée avec lui...Le maire faisait la bise aux meufs et serrait la louche des hommes lorsque il offrait la médaille du mérite. J’étais hors de moi genre vieille harpie , je fulminais puissance 10000. Punaise mais pourquoi les femmes acceptent de se faire embrasser comme ça ? En temps ordinaire, bien avant le fucking covid, je serrais la main. Mon époux était solidaire. Me connaissait bien le bougre. Puis il y a eu le spectacle. Je suis morte de rage au moins 20 fois. C’était un magicien qui a découpé une femme de toutes les façons possibles imaginables sous les viva de la foule RAVIE. En sortant mon époux m’a dit : Je sais enfin ce qu’est un spectacle de droite. L’année d’après, il s’était arrangé pour refiler l’invitation à un‧e autre personne. Malin.

  • fait de temps en temps de drôles d’associations. Par exemple à chaque fois qu’elle entend les Pogues chanter :

    « I met my love by the gas works wall
    Dreamed a dream by the old canal
    Kissed a girl by the factory wall »

    elle pense à Marlene Dietrich et son :

    « Vor der Kaserne
    Vor dem großen Tor
    Stand eine Laterne
    Und steht sie noch davor
    So woll’n wir uns da wieder seh’n
    Bei der Laterne wollen wir steh’n
    Wie einst Lili Marleen »

    Ha ha ! Et là elle imagine McGowan à la place de Gabin, et tout de suite elle trouve que ça aurait eu plus de gueule.

    ADDENDUM : Pardon ? Gabin n’a jamais été impliqué de près ou de loin dans la chanson de Dietrich ? Ah bah flûte alors, pourquoi la vieille Garreau s’est-elle fabriqué l’image ?

    #CerveauMalade.

  • hallucine quand même un peu : il paraît qu’il y a des gens qui sont nostalgiques des années 1990, des années 2000 et que l’on commencerait même à voir arriver sur le marché du c’était mieux avant des nostalgiques professionnel·le·s des années 2010. Alors que tout ça c’était il n’y a même pas cinq minutes ! Truc de ouf.

    D’ailleurs il s’est passé quoi de « cool » ou même de seulement mémorable, durant lesdites décennies ? Rien, que dalle, nada, walou, elles sont un abyssal gouffre idéologique, intellectuel, culturel, artistique et esthétique, à l’époque l’univers était déjà mort, l’univers rêvable ou même simplement désirable s’est éteint à peu près au début des années 1980, ensuite tout est devenu un insipide et indigeste gloubi-boulga passé à la moulinette du capitalisme.

    Le plus drôle c’est que si la fin du monde n’était pas si imminente (dix à douze minutes selon les spécialistes) nous verrions bientôt apparaître des nostalgiques des années 2020. Vous imaginez un peu le truc ? Des ceusses qui auraient tellement peu de repères et de discernement qu’iels trouveraient que l’époque actuelle « c’était trop bath », qu’il y avait « des musiques qui déchiraient », « qu’on y était vachement libres » et tutti quanti.

    Franchement, l’existence même de Sapiens Sapiens est un plaidoyer en faveur de l’apocalypse.

  • dirait que ça, en revanche, c’est probablement moins un enseignement de la vieillesse qu’un de ceux de la solitude : la conscience de l’inanité complète de toute notion d’identité. « Quand on est dans le désert depuis trop longtemps » (© Capdevielle) on n’a plus ni blase ni culture ni couleur si sexe ni genre, preuve que ces appartenances sont de simples fantasmes humains qui n’existent plus dès qu’on se tient à l’écart de leur commerce. Lorsqu’on n’a aucun contact avec quiconque, en se réveillant le matin on n’est ni Blanche ni Noire ni Jaune ni verte avec des rayures bleues (enfin si, mais ça ce sont les varices), on n’est pas davantage Française que Malgache ou Guatémaltèque, on n’est même pas femme ou homme ou autre chose : quand on est anachorète s’identifier ne revêt plus aucune espèce d’importance.

    À la limite seul l’âge entre encore en ligne de compte : même isolée de tout et de tou·te·s on demeure soit jeune soit vieille soit quelque part entre les deux, l’âge est la seule chose qui ne dépende ni de l’opinion ni du positionnement d’autrui et ne soit donc pas une vue de l’esprit.

    C’est pour ça que si d’aucun·e lui demandait maintenant de décliner son état civil elle répondrait qu’elle est seulement un vieux débris et que tout le reste ne regarde personne — pas même elle-même.

  • ne veut pas de nouveaux souvenirs, vains dieux, combien de fois devra-t-elle le répéter ? Il n’y a plus de place disponible pour ça dans sa caboche, le disque dur est saturé — elle a déjà suffisamment de choses à ruminer pour pouvoir le faire pendant mille ans. D’autant qu’elle sait bien comment elle fonctionne, hein : les nouveaux souvenirs ne viendraient pas se substituer aux anciens, non non non, il s’y ajouteraient et les dénatureraient, augmentant d’autant le capharnaüm qui règne dans sa tête.

    Elle ne veut pas de nouveaux souvenirs alors c’est aussi pour cela qu’elle ne vit pas, ou qu’elle vit peu, qu’elle vit le moins possible. De quoi pourrait-elle bien se rappeler, de sa non-existence actuelle ? Concrètement ses ultimes minutes sur Terre lui apparaîtraient comme un gros bloc de néant bien compact dans lequel seule sa mémoire est encore active : si dans un hypothétique au-delà elle devait vraiment se rappeler quelque chose de maintenant, elle pourrait uniquement se rappeler que ce fut un temps durant lequel elle se rappelait d’autres temps. Se souvenir que l’on s’est souvenue — une mise en abîme dont elle aurait conscience et qui ne ferait qu’accroître son désarroi.

    Allez, courage, plus que dix à douze minutes à tenir avant de se retrouver six pieds sous terre, et ensuite ce sera au tour de ses hagiographes de classer tout ça.

    #JeNeSuisPasFolleVousSavez.