person:aron lund

  • Syrian rebel leader’s death spurs debate about his legacy - Los Angeles Times
    https://www.latimes.com/world/middleeast/la-fg-syria-rebel-leader-sarout-20190611-story.html

    “All those things have been projected on Sarout, making his personal story into a sort of microcosm of the Syrian war and of the way it’s also been a war over how to reimagine an incredibly murky and fluid reality as something clear-cut and political,” Aron Lund, a Syria expert at the Century Foundation think tank, said in an interview via social media.

    “To me, that’s maybe the most symbolic thing of all, because that’s been the story of Syria’s opposition all along. It was never a cohesive, unitary movement, and it meant so many different things to different people.”

    Portrait nuancé et éclairant de ’abd al-aset Sarout, « l’icône de la révolution syrienne ». #syrie

  • En 2011, « Le Monde » écrivait :
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2011/06/16/syrie-la-derniere-carte-de-bachar-al-assad_1536986_3232.html

    Sans l’Iran, le régime syrien revient dans le #giron_arabe traditionnel.

    En 2019 l’objectif resterait le même, malgré l’Iran
    https://www.france24.com/fr/20190103-syrie-bachar-assad-diplomatie-retour-ligue-arabe

    Interrogé par France 24, Mohammad al-Hammadi, politologue basée à Dubaï, estime de son côté [...] : « J’estime que les Arabes ont beaucoup perdu en coupant les ponts avec les Syriens, je parle du pays, et non pas du régime ou de Bachar al-Assad. Le boycott arabe a eu des conséquences directes sur le sort de la population, il faut donc que la Ligue arabe prenne une décision claire, pour que la #Syrie retourne dans le giron arabe ».

    • Arab nations inch toward rehabilitating Syria’s Assad
      https://apnews.com/beb8390d4a4e4e26accff0b26995fa28

      The debate now appears to be about when, not whether, to re-admit Syria to the Arab League. At a meeting in Cairo on Wednesday, Egyptian Foreign Minister Sameh Shukri said Syria’s return to the League is connected to developments on the political track to end the crisis. Some officials in Lebanon insist Syria should be invited to an Arab economic summit the country is hosting next week, although final decision rests with the League.

      “It could happen slower or faster, but if Assad is going to stay where he is, then obviously countries in the region are going to try to make the best of that situation,” said Aron Lund, a fellow with The Century Foundation. “American politicians can sit in splendid isolation on the other side of an ocean and pretend Syria isn’t what it is,” he said. “But King Abdullah of Jordan can’t.”

      Les MSM occidentaux adorent cette photo avec Bachir du Soudan.

  • IRIN | The Fall of Aleppo par Aron Lund
    https://www.irinnews.org/analysis/2016/12/13/fall-aleppo

    Nevertheless, as the rebel pocket finally collapsed on Monday and Tuesday, opposition media filled up with references to Srebrenica 1995 and Rwanda 1994, even to the Holocaust. These claims were not backed up by reporting and even overtly pro-rebel media channels had, at the time of writing, produced no evidence of anything remotely similar to these atrocities. According to a spokesperson, the UN had received reports about the killing of 82 civilians at the hands of pro-al-Assad forces on Tuesday. As horrifying as that is, it is no genocide.
    That said, the fears of opposition sympathisers in the city are real. Other deaths may have gone unreported and at this point no one is quite sure whether the evacuation deal will hold or what the future will bring. With no outside monitoring of the situation or of the conduct of al-Assad’s forces, there are great and legitimate concerns about the mistreatment of prisoners and vulnerable civilian populations. This gruesome chapter in Syria’s history is still being written.

    * A note on the population statistics: Throughout the conflict, the number of civilians in rebel-held eastern Aleppo has been hotly disputed. Until the rebel stronghold finally collapsed, the United Nations had put the number of people in the east city at 250,000-275,000. After the attack began, most UN estimates seemed to add up to around 140,000 civilians. On 9 December, I was told by UN OCHA spokesperson Russell Geekie that in the absence of definite information it would be premature to conclude that the UN number had been too high, though Geekie acknowledged that preliminary figures did seem to point in that direction. During my most recent visit to Damascus in October and November, Syrian officials provided wildly varying estimates that ranged from 97,000 people (according to Foreign Minister Walid al-Moallem) to 200,000 people (according to al-Assad). On December 11, a Damascus-based source close to the Syrian government insisted, in an email interview, that the UN has allowed itself to be misled by opposition activists and told me that in a final count the total number of civilians in eastern Aleppo “will not exceed 100,000.”

  • Cette révolution syrienne qui n’existe pas. Par Stephen Gowans Mondialisation.ca, 25 octobre 2016 - RipouxBlique des CumulardsVentrusGrosQ
    http://slisel.over-blog.com/2016/10/cette-revolution-syrienne-qui-n-existe-pas.html

    Note de la rédaction : l’article traduit ci-dessous est une dénonciation, en bonne et due forme, des mensonges de propagande qui empoisonnent « la gauche » aux USA concernant le conflit syrien, en l’occurrence sous le clavier d’Eric Draitser qui écrivait sur le site web Counterpunch. Il s’agissait pour l’auteur de démontrer que certains discours se disant « de gauche » cachent en réalité des projets inavouables et manipulateurs au service d’agendas impérialistes occidentaux, et sionistes. Dans le même temps, il offre au lecteur une chronologie très instructive sur le conflit syrien et ses origines cachées dans les ambitions post-coloniales des nations occidentales. De plus, c’est un excellent travail journalistique a posteriori de « débunkage » des manipulations oligarchiques (relayées par leurs médias aux ordres) par l’usage de leur propre travail « à contre-emploi ». Enfin, les reproches émis envers la distorsion du discours « de gauche » aux USA sont parfaitement transposables à la France (ainsi qu’à la plupart des pays francophones) et à ses partis « de gauche », qui diabolisent tous – et à tort – le régime syrien. – Will Summer

    Dans certains milieux circule une rengaine dans le vent qui veut que le soulèvement syrien, comme Eric Draitser l’écrivait dans un récent article de Counterpunch, « a commencé en réaction aux politiques néolibérales du gouvernement syrien et à sa brutalité », et que « le contenu révolutionnaire de la faction rebelle en Syrie a été mis sur la touche par un ramassis de djihadistes, financés par les Qataris et par les Saoudiens. » Cette théorie semble, à mon esprit défendant, reposer sur une logique de présomptions mais non de preuves.

    Une revue des dépêches médiatiques pendant les semaines précédant et suivant immédiatement l’éruption d’émeutes à Deraa, au milieu du mois de mars 2011 – généralement reconnues pour avoir marqué le début des troubles – ne fournit aucune indication que la Syrie ait été aux prises avec un empressement révolutionnaire, anti-néolibéral ou autre. Au contraire, des journalistes travaillant pour Time Magazine et pour le New York Times ont évoqué le large soutien dont bénéficiait le gouvernement, que les opposants d’Assad lui concédaient sa popularité et que les Syriens ne témoignaient guère d’intérêt à manifester. Dans le même temps, ils ont décrit les troubles comme une série d’émeutes concernant des centaines – et non pas des milliers ou des dizaines de milliers – de personnes, mues par un agenda principalement islamiste et exhibant un comportement violent.

    Time Magazine rapporta que deux groupes djihadistes, qui allaient plus tard jouer des rôles de premier plan dans l’insurrection, Jabhat al-Nusra et Ahrar al-Sham, étaient déjà en activité à la veille des émeutes alors que seulement trois mois auparavant des dirigeants des Frères Musulmans avaient exprimé « leur espoir d’une révolte civile en Syrie ». Les Frères Musulmans, qui avaient plusieurs décennies plus tôt déclaré la guerre au Parti Ba’as au pouvoir en Syrie par rejet du laïcisme du parti, étaient enferrés dans une lutte à mort avec les nationalistes arabes depuis les années 1960, et s’étaient engagés dans des bagarres de rue avec des partisans du Parti Ba’as depuis les années 1940. (dans l’une de ces bagarres Hafez al-Assad, père du Président actuel qui allait lui-même servir comme Président de 1970 à 2000, fut poignardé par un adversaire Frère Musulman.) Les dirigeants des Frères Musulmans ont fréquemment rencontré, à partir de 2007, des représentants du State Department US et du Conseil National de Sécurité US, ainsi que de la Middle East Partnership Initiative financée par le gouvernement US, qui endossait ouvertement le rôle de financement d’organisations putschistes à l’étranger – une tâche que la CIA avait jusqu’alors rempli clandestinement.

    Washington avait conspiré pour purger la Syrie de l’influence nationaliste arabe dès le milieu des années 1950 quand Kermit Roosevelt Jr., qui avait été le maître d’œuvre de l’éviction du Premier Ministre Mohammad Mossadegh en Iran, renversé pour avoir nationalisé l’industrie pétrolière de son pays, ourdit avec les renseignements britanniques d’exciter les Frères Musulmans pour renverser un triumvirat de dirigeants nationalistes arabes et communistes à Damas, considérés par Washington et Damas comme nuisibles aux intérêts économiques occidentaux dans le Moyen-Orient.

    Washington alimenta les combattants des Frères Musulmans en armes pendant les années 1980 pour mener une guérilla urbaine contre Hafez al-Assad, que les bellicistes à Washington traitaient de « Communiste arabe ». Son fils Bachar poursuivit l’attachement des nationalistes arabes à l’unité (de la nation arabe), à l’indépendance et au socialisme (arabe). Ces objectifs guidaient l’état syrien – comme ils avaient guidé les états nationalistes arabes de Libye sous Mouammar Qaddafi, et d’Irak sous Saddam Hussein. Ces trois états étaient les cibles de Washington pour la même raison : leurs principes nationalistes arabes s’opposaient fondamentalement à l’agenda impérialiste US d’hégémonie planétaire des États-Unis.

    Le refus par Bachar al-Assad de renoncer à l’idéologie nationaliste arabe consterna Washington qui se plaignit de son socialisme, la tierce partie de la sainte trinité des valeurs ba’athistes. Des plans pour évincer Assad – partiellement inspirés par son refus d’embrasser le néolibéralisme de Washington – étaient déjà en préparation à Washington en 2003, sinon plus tôt. Si Assad était un champion du néolibéralisme comme le prétendent Draitser et d’autres, cela a étrangement échappé à l’attention de Washington et de Wall Street, qui se plaignaient de la Syrie « socialiste » et de ses politiques économiques résolument anti-néolibérales.

    Un bain de sang déclenché avec l’aide des USA

    Fin janvier 2011, une page Facebook a été créée avec le titre « The Syrian Revolution 2011 ». Elle annonçait qu’un « Jour de Colère » serait tenu le 4, et le 5 février [1]. Les manifestations « s’évanouirent d’elles-mêmes », selon Time. Le Jour de Colère se solda par un Jour d’Indifférence. En plus, les liens avec la Syrie étaient ténus. La plupart des slogans scandés par les quelques manifestants présents concernaient la Libye, exigeant que Mouammar Qaddafi – dont le gouvernement était assiégé par des insurgés islamistes – quitte le pouvoir. Des projets pour de nouvelles manifestations furent faits pour le 4 et le 5 mars, mais elles n’attirèrent pas davantage de soutien [2].

    La correspondante de Time Rania Abouzeid attribua l’échec des organisateurs de ces manifestations pour attirer un soutien significatif au fait que la plupart des Syriens n’étaient pas opposés à leur gouvernement. Assad avait une réputation favorable, en particulier parmi les deux-tiers de la population âgée de moins de 30 ans, et les politiques de son gouvernement jouissaient d’un large soutien. « Même des opposants concèdent qu’Assad est populaire et jugé proche de l’énorme cohorte de jeunes du pays, à la fois émotionnellement, psychologiquement et, bien entendu, chronologiquement », rapportait Abouzeid en ajoutant qu’au contraire « des dirigeants pro-US renversés de Tunisie et d’Égypte, la politique étrangère d’Assad hostile envers Israël, son soutien acharné en faveur des Palestiniens et de groupes militants comme le Hamas et le Hezbollah sont en accord avec les sentiments du peuple syrien. » Assad, en d’autres termes, avait une légitimité. La correspondante de Time poursuivait pour écrire qu’Assad « conduisant lui-même jusqu’à la Mosquée des Omeyyades en février pour prendre part aux prières marquant l’anniversaire du Prophète Mohammed, et flânant parmi la foule du Souq Al-Hamidiyah entouré d’une garde restreinte » s’était « attiré, à titre personnel, l’affection du public » [3].

    Cette description du Président syrien – un dirigeant aimé de son peuple, idéologiquement en phase avec les sentiments syriens – s’érige en contraire du discours qui allait émerger peu de temps après l’éruption de manifestations violentes dans la ville syrienne de Deraa moins de deux semaines plus tard, et qui allait s’implanter dans celui des gauchistes US dont Draitser. Mais à la veille des événements déclencheurs de Deraa, la Syrie se faisait remarquer par sa quiétude. Personne ne « s’attend à un soulèvement de masse en Syrie », rapportait Abouzeid « et, malgré l’expression d’une dissidence une fois de temps en temps, il y en a très peu qui souhaitent y prendre part » [4]. Un jeune Syrien dit à Time : « Il y a beaucoup d’aides du gouvernement pour la jeunesse. Ils nous donnent des livres gratuits, des écoles gratuites, des universités gratuites. » (Pas trop l’image d’un état néolibéral comme dépeint par Draitser…) Elle continue : « Pourquoi y aurait-il une révolution ? La probabilité en est peut-être d’un pour cent. » [5] Le New York Times partageait cette opinion. La Syrie, rapportait le journal, « semblait immunisée contre la vague de révoltes frappant le monde arabe. » [6] La Syrie était libre de troubles.

    Mais le 17 mars, il y eut un violent soulèvement à Deraa. Il y a des récits contradictoires quant à qui, ou ce qui l’a déclenché. Time rapporta que la « révolte à Deraa a été provoquée par l’arrestation d’une poignée de jeunes pour avoir peint un mur avec des graffitis anti-régime. » [7] Robert Fisk de The Independent offrait une version légèrement différente. Il rapportait que « des agents des services de renseignement avaient tabassé et tué plusieurs garçons qui avaient tagué des graffitis sur les murs de la ville. » [8] Un autre récit soutient que le facteur ayant mis le feu aux poudres à Deraa ce jour-là, avait été l’usage extrême et disproportionné de la force par les services de sécurité syriens en réponse à des manifestations s’opposant à l’arrestation des garçons. Il y a eu « quelques jeunes dessinant des graffitis sur les murs, ils ont été mis en détention, et comme leurs parents voulaient les récupérer, les services de sécurité ont réagi de façon vraiment très, très brutale. » [9] Un autre récit, provenant du gouvernement syrien, affirme que rien de tout cela ne s’est produit. Cinq ans après les événements, Assad déclara lors d’une interview que cela « n’est pas arrivé. Ce n’était que de la propagande. En fait, nous en avons entendu parler, et nous n’avons jamais vu ces enfants ayant été emmenés en prison à l’époque. Donc, c’était une histoire fausse. » [10]

    Mais s’il y a eu des désaccords sur ce qui avait déclenché le soulèvement, il y en a eu peu pour dire qu’il était violent. Le New York Times rapporta que « les manifestants ont mis le feu au quartier-général du Parti Ba’as au pouvoir ainsi qu’à d’autres bâtiments gouvernementaux… et ont affronté la police… En plus du quartier-général du parti, les manifestants ont incendié le palais de justice de la ville et les bureaux locaux de la compagnie de téléphone SyriaTel. » [11] Time ajoutait que les manifestants avaient mis le feu au bureau du gouverneur, ainsi qu’à ceux de la succursale locale d’une deuxième compagnie de téléphonie mobile. [12] L’agence de presse du gouvernement syrien, SANA (Syrian Arab News Agency), publia des photographies de véhicules en flammes sur son site web. [13] Clairement il ne s’agissait pas là d’une manifestation pacifique, ainsi qu’elle serait décrite plus tard. Ce n’était pas non plus un soulèvement populaire. Time rapporta que les manifestants se dénombraient par centaines, et pas en milliers ou en dizaines de milliers. [14]

    Assad a immédiatement réagi aux troubles de Deraa, annonçant « une série de réformes, y compris une augmentation du salaire des fonctionnaires, une plus grande liberté pour les médias d’information et les partis politiques, et un réexamen de la loi sur l’état d’urgence, » [15] une restriction des libertés politiques et civiques de temps de guerre en vigueur parce que la Syrie était officiellement en guerre contre Israël. Avant la fin du mois d’avril, le gouvernement allait abroger « la loi sur l’état d’urgence du pays vieille de 48 ans » et abolir « la Cour Suprême de l’État sur la Sécurité. » [16]

    Pourquoi le gouvernement a-t-il fait ces concessions ? Parce que c’est ce qu’avaient demandé les manifestants de Deraa. Les manifestants se sont « rassemblés dans et autour de la Mosquée d’Omari à Deraa, scandant leurs exigences : la libération de tous les prisonniers politiques… l’abolition de la loi sur l’état d’urgence vieille de 48 ans ; davantage de libertés ; et la fin de la corruption endémique. » [17] Ces exigences étaient cohérentes avec l’appel, articulé début février sur la page Facebook « The Syrian Revolution 2011 », pour « mettre fin à l’état d’urgence et à la corruption en Syrie. » [18] Un appel exigeant la libération de tous les prisonniers politiques fut également rédigé dans une lettre signée par des religieux et posté sur Facebook. Les exigences des religieux incluaient l’abrogation de la « loi sur l’état d’urgence, la libération de tous les détenus pour des raisons politiques, la cessation du harcèlement par les services de sécurité du régime et un combat contre la corruption. » [19] Relâcher les détenus pour des raisons politiques équivalait à libérer des djihadistes ou, pour employer le terme communément usité en Occident, des « terroristes ». Le State Department US avait reconnu que l’Islam politique était la principale force d’opposition en Syrie [20] ; les djihadistes constituaient la majeure partie du corps des opposants à même d’être incarcérés. Que des religieux réclament que Damas libère tous ses prisonniers politiques est comparable à ce que l’État Islamique exige de Washington, Paris et Londres la libération tous les Islamistes détenus dans les prisons US, françaises et britanniques pour des affaires liées au terrorisme. Il ne s’agissait pas d’exigences pour des emplois ou davantage de démocratie, mais de l’issue de détention d’activistes inspirés par l’objectif d’instaurer un état islamique en Syrie. L’appel à lever l’état d’urgence, pareillement, semblait avoir peu de rapport avec la promotion de la démocratie et davantage avec l’amélioration de la mobilité des djihadistes et de leurs acolytes, pour organiser l’opposition à l’état laïc.

    Une semaine après l’explosion des violences à Deraa, Rania Abouzeid de Time rapportait qu’il « ne semble pas y avoir d’appels répandus pour la chute du régime ou pour l’éviction du Président, relativement populaire. » [21] Effectivement, les exigences émises par les manifestants et par les religieux ne comprenaient pas d’appel à la démission d’Assad. Et les Syriens se ralliaient à leur Président. « Il y a eu des contre-manifestations dans la capitale en soutien au Président, » [22] réunissant d’après les rapports beaucoup plus de monde que les quelques centaines de manifestants qui avaient pris les rues de Deraa pour incendier des bâtiments et des voitures, et affronter la police. [23]

    Le 9 avril – moins d’un mois après les événements de Deraa – Time rapportait qu’une série de manifestations avait été organisées et que l’Islam y jouait un rôle prééminent. Pour quiconque un tant soit peu familier avec l’enchaînement sur plusieurs décennies de grèves, de manifestations, d’émeutes et d’insurrections qu’avaient initié les Frères Musulmans contre ce qu’ils estimaient être le gouvernement « infidèle » ba’athiste, tout cela ressemblait à l’histoire qui se répétait. Les manifestations n’atteignaient pas la masse critique. Au contraire, le gouvernement continuait à bénéficier de « la loyauté » d’une « large partie de la population », selon Time. [24]

    Les Islamistes ont joué un rôle éminent dans la rédaction des Déclarations de Damas au milieu des années 2000, qui réclamaient le changement de régime. [25] En 2007 les Frères Musulmans, archétypes du mouvement politique islamiste sunnite, ayant inspiré al-Qaeda et sa progéniture de Jabhat al-Nusra à l’État Islamique, se sont mis en cheville avec un ancien vice-président syrien pour fonder le Front du Salut National. Cet organe a fait de fréquentes rencontres avec le State Department US et le Conseil National de Sécurité US, ainsi qu’avec la Middle East Partnership Initiative [Inititative de Partenariat au Moyen-Orient, NdT] financée par le gouvernement US, [26] qui accomplissait ouvertement ce que la CIA faisait naguère en secret, c’est-à-dire acheminer des fonds et de l’expertise aux cinquièmes colonnes des pays où Washington n’aimait pas le gouvernement.

    En 2009, juste deux ans avant l’éruption des troubles à travers le monde arabe, les Frères Musulmans de Syrie ont dénoncé le gouvernement nationaliste arabe de Bachar al-Assad comme élément exogène et hostile à la société syrienne, qui devait être éliminé. Selon la réflexion du groupe la communauté des Alaouïtes, à laquelle appartient Assad et que les Frères considéraient comme hérétiques, se servait du nationalisme arabe laïc comme couverture pour la progression d’un agenda sectaire, dont l’objectif était la destruction de la Syrie de l’intérieur par l’oppression des « vrais » Musulmans (c’est-à-dire des Sunnites). Au nom de l’Islam, il était nécessaire de renverser ce régime hérétique. [27]

    Seulement trois mois avant le début des violences de Syrie en 2011, l’érudit Liat Porat écrivit un billet pour le Crown Center for Middle East Studies, basé à l’Université de Brandeis. « Les dirigeants du mouvement, » concluait Porat, « continuent d’exprimer leur espoir d’une révolte civile en Syrie, dans laquelle ‘le peuple syrien remplira son devoir et libérera la Syrie du régime tyrannique et corrompu’. » Les Frères Musulmans stressaient le fait qu’ils étaient engagés dans une lutte à mort contre le gouvernement nationaliste arabe laïc de Bachar al-Assad. Il était impossible de trouver un arrangement politique avec ce gouvernement car ses dirigeants n’appartenaient pas à la nation syrienne, musulmane et sunnite. L’appartenance à la nation syrienne était réservée aux vrais Musulmans affirmaient les Frères, et pas aux hérétiques alaouïs qui embrassaient des croyances étrangères aussi anti-islamiques que le nationalisme arabe. [28]

    Que les Frères Musulmans syriens aient joué un rôle clé dans le soulèvement s’est vu confirmé en 2012 par la Defense Intelligence Agency US [renseignements militaires, NdT]. Un document ayant fuité de l’agence déclarait que l’insurrection était sectaire et emmenée par les Frères Musulmans et al-Qaeda en Irak, précurseur de l’État Islamique. Le document poursuivait pour dire que ces insurgés étaient soutenus par l’Occident, les pétromonarchies arabes du Golfe Persique et la Turquie. L’analyse prédisait correctement l’établissement d’une « principauté salafiste » – un état islamique – en Syrie orientale, soulignant que c’était là le souhait des appuis étrangers de l’insurrection, qui voulaient voir les nationalistes arabes isolés et coupés de l’Iran. [29]

    Des documents mis au point par des chercheurs du Congrès US en 2005 ont révélé que le gouvernement US envisageait activement le changement de régime en Syrie longtemps avant les soulèvements du Printemps Arabe de 2011, ce qui défie l’opinion que le soutien US en faveur des rebelles syriens reposait sur leur allégeance à un « soulèvement démocratique », et démontrent qu’il s’agissait de l’extension d’une politique de longue date visant à renverser le gouvernement de Damas. En effet, les chercheurs reconnaissaient que la motivation du gouvernement US pour renverser le gouvernement nationaliste arabe laïc à Damas n’avait rien à voir avec la promotion de la démocratie au Moyen-Orient. Pour être précis, ils relevaient que la préférence de Washington allait vers les dictatures laïques (Égypte) et les monarchies (Jordanie et Arabie Saoudite). Le moteur des efforts visant le changement de régime, selon les chercheurs, était le désir de balayer un obstacle à l’accomplissement des objectifs US au Moyen-Orient en lien avec : le renforcement d’Israël, la consolidation de la domination US en Irak et l’instauration d’économies de marché sur le mode néolibéral. La démocratie n’a jamais fait partie du décor. [30] Si Assad faisait la promotion de politiques néolibérales en Syrie comme le prétend Draitser, il est difficile de comprendre pourquoi Washington a pu citer le refus syrien d’épouser l’agenda US d’ouverture des marchés et de liberté des entreprises comme prétexte pour procéder au changement du gouvernement syrien.

    Afin de mettre un accent sur le fait que les manifestations manquaient de soutien populaire massif le 22 avril, plus d’un mois après le début des émeutes à Deraa, Anthony Shadid du New York Times rapportait que « les manifestations, jusqu’ici, ont semblé ne pas atteindre le niveau des soulèvements populaires des révolutions d’Égypte et de Tunisie. » En d’autres termes, plus d’un mois après que des centaines – et pas des milliers, ni des dizaines de milliers – de manifestants aient provoqué des émeutes à Deraa, il n’y avait pas de signes d’un soulèvement populaire de type Printemps Arabe en Syrie. La rébellion restait une affaire essentiellement circonscrite aux Islamistes. Par contraste, il y avait eu à Damas d’énormes manifestations en soutien – et non pas hostile – au gouvernement, Assad était toujours populaire et, selon Shadid, le gouvernement profitait de la loyauté des « sectes hétérodoxes chrétiennes et musulmanes. » [31] Shadid n’a pas été le seul journaliste occidental à rapporter que les Alaouïtes, les Ismaïliens, les Druzes et le Chrétiens soutenaient fortement le gouvernement. Rania Abouzeid de Timeobserva que les Ba’athistes « pouvaient compter sur le soutien des groupes minoritaires conséquents de Syrie. » [32]

    La réalité que le gouvernement syrien commandait la loyauté des sectes hétérodoxes chrétiennes et musulmanes, telle que rapportée par Anthony Shadid du New York Times, suggère que les minorités religieuses de Syrie décelaient dans ce soulèvement quelque chose qui n’a pas assez été rapporté par la presse occidentale (et que les socialistes révolutionnaires aux États-Unis ont manqué), c’est-à-dire qu’il était alimenté par un agenda sectaire sunnite islamiste qui, s’il devait porter ses fruits, aurait des conséquences désagréables pour tous ceux n’étant pas considérés comme de « vrais » Musulmans. Pour cette raison les Alaouïtes, les Ismaïliens, les Druzes et les Chrétiens s’alignaient avec les Ba’athistes qui cherchaient à réduire les clivages sectaires dans leur engagement programmatique de génération d’unité de la nation arabe. Le slogan « les Alaouïtes dans la tombe et les Chrétiens à Beyrouth ! » entonné pendant les manifestations des premiers jours [33] ne faisait que confirmer le fait que le soulèvement s’inscrivait dans la continuité de la lutte à mort proclamée par l’Islam politique sunnite contre le gouvernement nationaliste arabe laïc, et n’était nullement une révolte populaire en faveur de la démocratie ou contre le néolibéralisme. S’il s’était agi de l’une ou l’autre de ces choses, alors comment expliquer que la soif de démocratie et l’opposition au néolibéralisme n’aient été présentes qu’au sein de la communauté sunnite, et absentes dans les communautés des minorités religieuses ? Assurément, un déficit de démocratie et une tyrannie néolibérale auraient dépassé les frontières religieuses, si jamais ils avaient figuré parmi les facteurs déclencheurs d’un soulèvement révolutionnaire. Que les Alaouïtes, les Ismaïliens, les Druzes et les Chrétiens n’aient pas manifesté, et que les émeutes aient reposé sur les Sunnites avec un contenu islamiste suggère fortement que l’insurrection, dès le départ, constituait la recrudescence de la campagne djihadiste sunnite engagée de longue date contre la laïcité ba’athiste.

    « Dès le tout début le gouvernement Assad a déclaré qu’il était engagé dans un combat contre des militants islamistes. » [34] La longue histoire des soulèvements islamistes contre le Ba’athisme antérieurs à 2011 suggère certainement que c’était très probablement le cas, et la façon dont le soulèvement évolua par la suite, en tant que guerre emmenée par des Islamistes contre l’état laïc, ne fait que renforcer ce point de vue. D’autres preuves à la fois positives et négatives corroboraient l’affirmation d’Assad que l’état syrien subissait l’attaque de djihadistes (tout comme il l’avait déjà été maintes fois dans le passé). Les preuves négatives, que le soulèvement n’était pas une révolte populaire dirigée contre un gouvernement impopulaire, transpiraient des rapports médiatiques occidentaux qui démontraient que le gouvernement nationaliste arabe de Syrie était populaire et commandait la loyauté de la population.

    Les manifestations et les émeutes anti-gouvernementales à petite échelle ont attiré beaucoup moins de monde, par contraste, qu’une énorme manifestation à Damas en soutien au gouvernement et assurément, également beaucoup moins que les soulèvements populaires d’Égypte et de Tunisie. De plus, les exigences des manifestants étaient centrées sur la libération de prisonniers politiques (principalement des djihadistes) et sur la levée des restrictions de temps de guerre sur la dissidence politique, pas sur des appels à la démission d’Assad ou au changement des politiques économiques du gouvernement. Les preuves positives proviennent des rapports médiatiques occidentaux démontrant que l’Islam politique a joué un rôle prééminent dans les émeutes. En outre, alors qu’il était crédité que les groupes islamistes armés n’étaient entrés dans l’arène que dans le sillage des émeutes initiales du printemps 2011 – « piratant » ainsi un « soulèvement populaire » – en réalité, deux groupes ayant joué un grand rôle dans la révolte armée post-2011 contre le nationalisme arabe laïc, Ahrar al-Sham et Jabhat al-Nusra étaient tous les deux actifs, au début de cette année-là. Ahrar al-Sham « avait commencé à former des brigades […] bien avant la mi-mars 2011, » quand l’émeute de Deraa a eu lieu, selon Time. [35] Jabhat al-Nusra, franchise d’al-Qaeda en Syrie, « était inconnu jusqu’à fin janvier 2012 où le groupe a annoncé sa formation [… mais] il était déjà actif depuis des mois. » [36]

    Un autre élément de preuve corroborant l’idée que l’Islam militant a joué très tôt un rôle dans les soulèvements – ou du moins, que les manifestations ont tout de suite été violentes – est qu’il y « avait dès le départ des signes que des groupes armés étaient impliqués. » Le journaliste et écrivain Robert Fisk se souvient avoir vu un enregistrement des « tous premiers jours du ‘soulèvement’ montrant des hommes équipés d’armes de poing et de Kalashnikovs, pendant une manifestation à Deraa. » Il se souvient d’un autre événement survenu en mai 2011, où « une équipe d’Al Jazeera a filmé des hommes armés tirant sur des troupes syriennes à quelques centaines de mètres de la frontière du nord du Liban, mais la chaîne a décidé de ne pas diffuser l’enregistrement. » [37] Même des officiels US, qui étaient hostiles au gouvernement syrien et dont on aurait pu attendre qu’ils contestent la version de Damas selon laquelle la Syrie était engagée dans une lutte contre des rebelles armés, ont « concédé que les manifestations n’étaient pas pacifiques et que certains participants étaient armés. » [38] En septembre, les autorités syriennes faisaient savoir qu’elles déploraient la perte de plus de 500 policiers et soldats, tués par les insurgés. [39] À la fin du mois d’octobre ces chiffres avaient plus que doublé. [40] En moins d’un an, le soulèvement était parti de l’incendie de bâtiments du Parti Ba’as et de bureaux gouvernementaux avec des affrontements contre la police, à la guérilla comprenant des méthodes qui seraient plus tard définies de « terroristes », quand elles sont menées contre des cibles occidentales.

    Assad allait se plaindre plus tard que :

    Tout ce que nous avons dit depuis le début de la crise en Syrie, ils le disent plus tard. Ils ont dit que c’était pacifique, nous avons que ça ne l’était pas, ils tuent – ces manifestants, qu’ils ont appelé des manifestants pacifiques – ils ont tué des policiers. Et ce sont devenus des militants. Ils ont dit oui, ce sont des militants. Nous avons dit ce sont des militants, et c’est du terrorisme. Ils ont dit que non, ce n’est pas du terrorisme. Et ensuite, quand ils admettent que c’est du terrorisme nous disons que c’est al-Qaeda et ils disent non, ce n’est pas al-Qaeda. Alors quoique nous disions, ils le disent plus tard. [41]

    Le « soulèvement syrien », écrivait le spécialiste du Moyen-Orient Patrick Seale, « ne devrait être considéré que comme le dernier épisode, sans nul doute le plus violent, de la longue guerre entre Islamistes et Ba’athistes qui remonte à la fondation du Parti Ba’as laïc dans les années 1940. Le combat qui les oppose a désormais atteint le niveau de lutte à la mort. » [42] « Il est frappant, » poursuivait Seale en citant Aron Lund qui avait rédigé un rapport pour l’Institut Suédois des Affaires Internationales sur le djihadisme syrien, « que quasiment tous les membres des divers groupes armés sont des Arabes sunnites ; que les combats ont surtout été circonscrits uniquement dans les zones de peuplement arabes sunnites, tandis que les régions habitées par les Alaouïtes, les Druzes ou les Chrétiens sont demeurées passives ou ont soutenu le régime ; que les défections du régime sont sunnites presque à 100% ; que l’argent, les armes et les volontaires proviennent d’états islamistes ou d’organisations et d’individus pro-islamistes ; et que la religion soit le dénominateur commun le plus important du mouvement des insurgés. » [43]

    La brutalité qui met le feu aux poudres ?

    Est-il raisonnable de croire que l’usage de la force par l’état syrien ait enflammé la guérilla qui a commencé peu de temps après ?

    Cela défie le raisonnement, qu’une réaction excessive de la part des services de sécurité face au déni de l’autorité du gouvernement dans la ville syrienne de Deraa (s’il y a vraiment eu sur-réaction), puisse déclencher une guerre majeure impliquant une foule d’autres pays et mobilisant des djihadistes venant de dizaines de pays différents. Il aura fallu ignorer un éventail de faits discordants dès le départ, pour pouvoir donner à cette histoire le moindre soupçon de crédibilité.

    D’abord, il aura fallu passer outre la réalité que le gouvernement Assad était populaire et considéré comme légitime. Il est possible de plaider qu’une réaction trop excessive, issue d’un gouvernement hautement impopulaire en face d’un défi trivial à son autorité ait pu fournir la mèche indispensable à l’embrasement d’une insurrection populaire, mais malgré les insistances du Président Barack Obama selon lequel Assad manquait de légitimité, il n’existe aucune preuve que la Syrie, en mars 2011, ait été un baril de poudre de ressentiment anti-gouvernemental sur le point d’exploser. Comme Rania Abouzeid de Time le rapportait la veille des émeutes à Deraa, « même ses opposants concèdent qu’Assad est populaire » [44] et « personne ne s’attend à des soulèvements de masse en Syrie et, malgré l’expression d’une dissidence de temps en temps, il y en a très peu souhaitent y prendre part. » [45]

    Ensuite, il nous aura fallu délaisser le fait que les émeutes de Deraa impliquaient des centaines de participants, un piètre soulèvement de masse, et les manifestations qui ont suivi ont également échoué à atteindre une masse critique comme l’avait rapporté Nicholas Blanford, de Time. [46] De même, Anthony Shadid du New York Times n’a relevé aucune preuve révélant un soulèvement de masse en Syrie, plus d’un mois après les émeutes de Deraa. [47] Ce qui se passait vraiment, à l’inverse de la rhétorique propagée par Washington évoquant le Printemps Arabe qui aurait atteint la Syrie, c’était que des djihadistes étaient engagés dans une campagne de guérilla contre les forces de sécurité syriennes qui avait, déjà en octobre, pris les vies de plus d’un millier de policiers et de soldats.

    Enfin, il nous aura fallu fermer les yeux sur le fait que le gouvernement US, avec son allié britannique, avait concocté des plans en 1956 pour la création d’une guerre en Syrie par l’embrigadement des Frères Musulmans, devant provoquer des soulèvements intérieurs. [48] Les émeutes de Deraa et les affrontements qui ont suivi contre la police et les soldats ressemblent au plan qu’avait ourdi le spécialiste en changements de régimes, Kermit Roosevelt Jr. . Il ne s’agit pas d’affirmer que la CIA ait épousseté le projet de Roosevelt et l’ait recyclé pour être déployé en 2011 ; seulement que le complot démontre que Washington et Londres étaient capables de projeter une opération de déstabilisation impliquant une insurrection emmenée par les Frères Musulmans, afin d’obtenir le changement de régime en Syrie.

    Il nous aurait fallu également avoir ignoré les événements de février 1982 quand les Frères Musulmans ont pris le contrôle de Hama, la quatrième plus grande ville du pays. Hama était l’épicentre du fondamentalisme sunnite en Syrie, et une base importante pour les opérations des combattants djihadistes. Aiguillonnés par la fausse nouvelle du renversement d’Assad, les Frères Musulmans se livrèrent à un joyeux et sanglant saccage de la ville, prenant d’assaut les commissariats et assassinant les dirigeants du Parti Ba’as ainsi que leurs familles, et des fonctionnaires du gouvernement ainsi que des soldats. Dans certains cas les victimes étaient décapitées, [49] une pratique qui serait revigorée des décennies plus tard par les combattants de l’État Islamique. Chaque responsable du Parti Ba’as de la ville de Hama fut assassiné. [50]

    L’Occident se souvient davantage des événements de Hama en 1982 (s’il s’en souvient du tout) non pour les atrocités commises par les Islamistes, mais pour la réaction de l’armée syrienne qui, comme il faut s’y attendre de la part de n’importe quelle armée, a impliqué l’usage de la force pour restaurer la souveraineté de contrôle du territoire saisi par les insurgés. Des milliers de troupes furent déployées pour reprendre Hama aux Frères Musulmans. L’ancien responsable du State Department US William R. Polk a décrit les suites de l’assaut de l’armée syrienne sur Hama comme similaires à celles de l’assaut US contre la ville irakienne de Falloujah en 2004, [51] (à la différence évidemment que l’armée syrienne agissait de manière légitime à l’intérieur de son propre territoire, tandis que les militaires US agissaient de façon illégitime en tant que force d’occupation pour écraser l’opposition à leurs activités.) Le nombre de morts au cours de l’assaut contre Hama demeure encore disputé. Les chiffres varient. « Un rapport précoce paru dans Time affirmait que 1000 personnes y avaient trouvé la mort. La plupart des observateurs estimaient que 5000 personnes avaient été tuées. Des sources israéliennes et les Frères Musulmans – des ennemis jurés des nationalistes arabes laïcs qui avaient donc intérêt à exagérer le bilan des morts – « ont déclaré que le nombre de morts avait dépassé les 20 000 victimes. » [52] Robert Dreyfus, qui a écrit sur la collaboration de l’Occident avec l’Islam politique, plaide que les sources occidentales ont délibérément gonflé les chiffres du bilan des morts afin de diaboliser les Ba’athistes et les dépeindre en tueurs sans pitié, et que les Ba’athistes ont laissé courir ces histoires pour intimider les Frères Musulmans. [53]

    Alors que l’armée syrienne déblayait les décombres de Hama dans les suites de l’assaut, des preuves furent découvertes attestant que des gouvernements étrangers avaient fourni de l’argent, des armes et du matériel de communication aux insurgés dans Hama. Polk écrit que :

    Assad voyait bien les fauteurs de troubles à l’œuvre parmi son peuple. C’était, après tout, l’héritage émotionnel et politique du règne colonial – un héritage douloureusement évident pour la majeure partie du monde post-colonial, mais qui est passé presque inaperçu en Occident. Et cet héritage n’est pas un mythe. C’est une réalité que, souvent des années après les événements, nous pouvons vérifier d’après des documents officiels. Hafez al-Assad n’a pas eu besoin d’attendre des fuites de documents classés : ses services de renseignements et des journalistes internationaux ont dévoilé des douzaines de tentatives de subversion de son gouvernement par des pays arabes conservateurs et riches en pétrole, par les États-Unis et par Israël. La plupart s’étaient engagés dans des « sales tours », de la propagande ou des injections d’argent, mais il importe de relever que lors du soulèvement de Hama en 1982, plus de 15 000 fusils automatiques d’origine étrangère ont été capturés, ainsi que des prisonniers comprenant des éléments des forces paramilitaires jordaniennes, entraînés par la CIA (à peu près comme les djihadistes qui apparaissent si souvent dans les rapports médiatiques sur la Syrie en 2013). Et ce qu’il a vu en Syrie a été confirmé par ce qu’il a pu apprendre des changements de régime à l’occidentale en d’autres lieux. Il était informé de la tentative d’assassinat du Président Nasser d’Égypte par la CIA, ainsi que du renversement anglo-US du gouvernement du Premier Ministre d’Iran, Mohammad Mossadegh. [54]

    Dans son livre « De Beyrouth à Jérusalem », le chroniqueur du New York Times Thomas Friedman a écrit que « le massacre de Hama peut être considéré comme la réaction naturelle d’un politicien progressiste dans un état-nation relativement jeune, s’efforçant de réprimer des éléments rétrogrades – ici des fondamentalistes islamiques – cherchant à miner tout ce qu’il avait pu accomplir pour construire la Syrie en république laïque du vingtième siècle. C’est également pourquoi, » continuait Friedman, « s’il y avait eu quelqu’un pour faire un sondage d’opinion objectif en Syrie dans le sillage du massacre de Hama, le traitement par Assad de la rébellion y aurait reflété un assentiment significatif, même au sein des Musulmans sunnites. » [55]

    L’émergence d’un Djihad islamiste sunnite contre le gouvernement syrien pendant les années 1980 défie l’interprétation selon laquelle le militantisme islamiste sunnite au Levant est une conséquence de l’invasion par les USA de l’Irak en 2003, et des politiques sectaires pro-Chiites des autorités d’occupation US. Cette perspective est historiquement myope, et aveugle à l’existence d’un militantisme islamiste sunnite depuis plusieurs dizaines d’années comme force politique signifiante au Levant. Dès l’instant où la Syrie obtint formellement son indépendance de la France après la Seconde Guerre Mondiale, dans les décennies qui suivirent au cours du vingtième siècle et jusqu’au siècle suivant, les forces antagonistes présentes en Syrie ont été le nationalisme arabe laïc et l’Islam politique. Comme l’écrivait le journaliste Patrick Cockburn en 2016, « l’opposition armée syrienne est dominée par Da’esh, al-Nusra et Ahrar al-Sham. » La « seule alternative à ce règne (du nationalisme arabe laïc) est celui des Islamistes. » [56] C’est depuis longtemps le cas.

    Finalement, il nous aura fallu en plus ignorer le fait que les stratèges US avaient projeté depuis 2003 – et peut-être aussi tôt qu’en 2001 – de contraindre Assad et son idéologie nationaliste arabe laïque à quitter le pouvoir, et financé depuis 2005 l’opposition syrienne – y compris des groupes affiliés aux Frères Musulmans. Donc, Washington avait œuvré au renversement du gouvernement Assad dans le but de dé-ba’athifier la Syrie. Une lutte de guérilla dirigée contre les nationalistes arabes laïcs de Syrie se serait déployée, que la réaction du gouvernement syrien à Deraa ait été excessive ou pas. La partie était déjà lancée, et il ne fallait plus qu’un prétexte. Deraa l’a fourni. Ainsi, l’idée selon laquelle l’arrestation de deux garçons à Deraa, pour avoir peint des graffitis anti-gouvernementaux sur un mur, ait pu enflammer un conflit de cette ampleur est aussi crédible que la notion accréditant l’embrasement de la Première Guerre Mondiale, en tout et pour tout à l’assassinat de l’Archiduc François-Ferdinand.

    La Syrie socialiste

    Le socialisme peut être défini de plusieurs façons, mais s’il peut l’être par l’exercice de la propriété publique sur les mécanismes de l’économie de pair avec une planification économique étatique, alors la Syrie selon ses Constitutions de 1973 et 2012 en remplit clairement les critères. Toutefois, la République Arabe Syrienne n’a jamais été un état socialiste prolétarien selon les catégories reconnues par les Marxistes. C’était plutôt un état arabe socialiste, inspiré par l’objectif de réaliser l’indépendance politique arabe et de surmonter l’héritage de sous-développement de la nation arabe. Les concepteurs de la Constitution voyaient le socialisme comme un moyen d’accomplir la libération nationale et le développement économique. « La marche vers l’établissement d’un ordre socialiste, » ont écrit les rédacteurs de la Constitution de 1973, est une « nécessité fondamentale pour mobiliser les potentialités des masses arabes dans leur lutte contre le Sionisme et contre l’impérialisme. » Le socialisme marxiste se préoccupait de la lutte entre une classe nantie exploitante et une classe laborieuse exploitée, tandis que le socialisme arabe situait le combat entre nations exploitantes et nations exploitées. Bien que ces deux socialismes différents opéraient en fonction de niveaux d’exploitation différents, ces distinctions n’avaient aucune importance pour les banques, les multinationales et les gros investisseurs occidentaux tandis qu’ils scrutaient le monde à la recherche de bénéfices à leur portée. Le socialisme travaillait contre les intérêts commerciaux du capital industriel et financier US, qu’il soit orienté vers la fin de l’exploitation de la classe laborieuse ou le dépassement de l’oppression impérialiste de groupes nationaux.

    Le socialisme ba’athiste irritait Washington depuis longtemps. L’état ba’athiste avait exercé une influence considérable sur l’économie syrienne par le biais d’entreprises nationalisées, de subventions données à des entreprises nationales privées, de limites imposées à l’investissement extérieur et de restrictions appliquées aux importations. Les Ba’athistes considéraient ces mesures comme les outils économiques indispensables d’un état post-colonial, s’appliquant à arracher sa vie économique aux griffes d’anciennes puissances coloniales et à cartographier une voie de développement libre de la domination d’intérêts étrangers.

    Les objectifs de Washington, cependant, étaient évidemment antinomiques. Washington ne voulait pas que la Syrie nourrisse son industrie et conserve énergiquement son indépendance, mais qu’elle serve les intérêts des banquiers et des gros investisseurs qui comptaient vraiment aux États-Unis en ouvrant les forces vives de la Syrie à l’exploitation, ainsi que son territoire et ses ressources naturelles à la propriété étrangère. Notre agenda, déclarait l’Administration Obama en 2015, « se concentre sur l’abaissement des tarifs [douaniers] pour les produits américains, l’effacement des barrières à nos biens et services, et à l’application de normes plus draconiennes pour niveler le terrain à l’avantage des entreprises américaines. » [57] Ce n’était guère un nouvel agenda, c’était celui de la politique étrangère US depuis des décennies. Damas ne rentrait pas dans le rang dicté par Washington, qui insistait pouvoir et vouloir « diriger l’économie mondiale. » [58]

    Les partisans de la ligne dure à Washington avaient vu Hafez al-Assad comme un Communiste arabe, [59] et les responsables US considéraient son fils Bachar comme un idéologue incapable de se résoudre à délaisser le troisième pilier du programme du Parti Socialiste Arabe Ba’as : le socialisme. Le State Department US se plaignait que la Syrie avait « échoué à rejoindre une économie mondiale de plus en plus interconnectée, » ce qui revenait à dire qu’elle avait échoué à abandonner ses entreprises nationalisées entre les mains d’investisseurs privés comprenant des intérêts financiers de Wall Street. Le State Department US exprimait également sa déception que « des raisons idéologiques » avaient empêché Assad de libéraliser l’économie syrienne, que « la privatisation des entreprises n’est toujours pas très répandue, » et que l’économie « demeure hautement contrôlée par le gouvernement. » [60] Clairement, Assad n’avait pas appris ce que Washington avait appelé « les leçons de l’histoire, » c’est-à-dire, que « les économies de marché, pas les économies entièrement planifiées par la lourde main du gouvernement, sont les meilleures. » [61] En rédigeant une Constitution qui mandatait que le gouvernement maintienne un rôle dans l’orientation de l’économie pour le bien des intérêts syriens, et que le gouvernement ne ferait pas travailler les Syriens pour les intérêts des banques, des multinationales et des investisseurs occidentaux, Assad affermissait l’indépendance de la Syrie contre l’agenda de Washington visant à « ouvrir les marchés et niveler le terrain à l’avantage des entreprises américaines… à l’étranger. » [62]

    En sus de tout cela, Assad a souligné son allégeance aux valeurs socialistes contre ce que Washington avait naguère défini comme « l’impératif moral » de la « liberté économique » [63] en inscrivant les droits sociaux dans la Constitution : sécurité contre la maladie, le handicap et la vieillesse ; accès aux soins médicaux ; éducation gratuite à tous les niveaux. Ces droits vont continuer à être gardés hors d’atteinte des législateurs et des politiciens, qui auraient pu les sacrifier sur l’autel de la création d’un climat de basse fiscalité, attractif pour les affaires des investisseurs étrangers. Affront supplémentaire à l’encontre de l’orthodoxie pro-business de Washington, la Constitution contraignait l’état à pratiquer une fiscalité progressive.

    Enfin, le dirigeant ba’athiste a inclus dans sa Constitution mise à jour une provision qui avait été introduite par son père en 1973, un pas vers une démocratie réelle et authentique – une provision que les preneurs de décisions à Washington, avec leurs légions de connexions aux monde de la banque et de l’industrie, ne pouvaient pas supporter. La Constitution exigeait qu’au moins la moitié des membres de l’Assemblée Populaire soit tirée des rangs de la paysannerie et du prolétariat.

    Si Assad est un néolibéral c’est certainement au monde, l’un des adeptes les plus singuliers de cette idéologie.

    Sécheresse ?

    Un dernier point sur les origines du soulèvement violent de 2011 : quelques sociologues et analystes ont puisé dans une étude publiée dans les minutes [Proceedings] de la National Academy of Sciences pour suggérer que « la sécheresse a joué un rôle dans les troubles syriens. » Selon ce point de vue, la sécheresse a « provoqué la perte de récoltes qui ont mené à la migration d’au moins un million et demi de personnes, des zones rurales aux zones urbaines. » Ceci, en conjonction avec l’afflux de réfugiés venant d’Irak, a intensifié la compétition dans un bassin d’emplois limité dans ces zones urbaines, faisant de la Syrie un chaudron de tension économique et sociale sur le point d’entrer en ébullition. [64] L’argument semble raisonnable, même « scientifique », mais le phénomène qu’il cherche à expliquer – un soulèvement de masse en Syrie – n’a jamais eu lieu. Comme nous l’avons vu, une revue de la couverture médiatique occidentale n’a révélé aucune référence à un soulèvement de masse. Au contraire, les journalistes qui s’attendaient à trouver un soulèvement de masse ont été surpris de n’en déceler aucun. À la place, les journalistes occidentaux ont trouvé que la Syrie était étonnamment calme. Les manifestations organisées par les administrateurs de la page Facebook « The Syrian Revolution 2011 » ont été des pétards mouillés. Des opposants concédaient qu’Assad était populaire. Les journalistes n’ont pu trouver personne croyant qu’une révolte était imminente. Même un mois après les incidents de Deraa – qui ont impliqué des centaines de manifestants, éclipsés par les dizaines de milliers de Syriens qui ont défilé à Damas pour soutenir le gouvernement – le correspondant du New York Times sur place, Anthony Shadid, ne parvenait à trouver en Syrie aucun des signes des soulèvements de masse qu’avaient vécu la Tunisie ou l’Égypte. Au début du mois de février 2011, « Omar Nashabe, un observateur et correspondant de longue date du quotidien arabe Al-Akhbar, basé à Beyrouth » disait à Time que « les Syriens souffrent sans doute de la pauvreté qui afflige 14% de la population combinée à un taux de chômage estimé à 20%, mais Assad conserve sa crédibilité. » [65]

    Que le gouvernement commandait le soutien populaire a été confirmé quand l’entreprise britannique YouGov publia un sondage fin 2011, qui montrait que 55% des Syriens désiraient qu’Assad reste au pouvoir. Le sondage ne récolta presque aucune mention dans les médias occidentaux, poussant le journaliste britannique Jonathan Steele à poser la question : « Imaginez qu’un sondage d’opinion respectable découvre que la majorité des Syriens préfère que Bachar al-Assad demeure au pouvoir, est-ce que cela ne serait pas une nouvelle importante ? » Steele décrivit les résultats du sondage comme « des faits incommodes » qui ont « été étouffés » parce que la couverture médiatique des événements en Syrie avait « cessé d’être juste » et s’était transformée en « arme de propagande ». [66]

    De beaux slogans en lieu et place de politique et d’analyse

    Draitser peut être déclaré fautif non seulement pour avoir propagé un argument établi par présomption ne reposant sur aucune preuve, mais aussi pour avoir remplacé la politique et l’analyse par l’émission de slogans. Dans son article du 20 octobre sur Counterpunch, « Syria and the Left : Time to Break the Silence » [La Syrie et la Gauche : Il est Temps de Rompre le Silence, NdT], il affirme que les objectifs devant définir la Gauche sont la quête de paix et de justice comme si c’étaient des qualités inséparables, ne se trouvant jamais en opposition. Que la paix et la justice puissent parfois être antithétiques est illustré dans la conversation qui suit, entre le journaliste australien Richard Carleton et Ghassan Kanafani, un écrivain, romancier et révolutionnaire palestinien. [67]

    C : Pourquoi ton organisation n’entame-t-elle pas des pourparlers de paix avec les Israéliens ?

    K : Tu n’entends pas vraiment « pourparlers de paix ». Tu veux dire capituler. Abandonner.

    C : Pourquoi ne pas simplement parler ?

    K : Parler à qui ?

    C : Parler aux dirigeants israéliens.

    K : C’est comme une espèce de conversation entre l’épée et le cou, c’est ça ?

    C : Hé bien, s’il n’y a aucune épée ni aucun fusil dans la pièce, tu pourrais toujours parler.

    K : Non. Je n’ai jamais vu de conversation entre un colonialiste et un mouvement de libération nationale.

    C : Mais malgré tout ça, pourquoi ne pas parler ?

    K : Parler de quoi ?

    C : Parler de la possibilité de ne pas se battre.

    K : Ne pas se battre pour quoi ?

    C : Ne pas se battre du tout. Pour quoi que ce soit.

    K : D’habitude, les gens se battent pour quelque chose. Et ils arrêtent de le faire pour quelque chose. Alors tu ne peux même pas me dire pourquoi, et de quoi nous devrions parler. Pourquoi devrions-nous parler d’arrêter de nous battre ?

    C : Parler d’arrêter de se battre pour faire cesser la mort et la misère, la destruction et la douleur.

    K : La misère et la destruction, la douleur et la mort de qui ?

    C : Des Palestiniens. Des Israéliens. Des Arabes.

    K : Du peuple palestinien qui est déraciné, jeté dans des camps, qui souffre de la faim, assassiné pendant vingt ans et interdit d’employer son propre nom, « Palestiniens » ?

    C : Pourtant, mieux vaut ça plutôt qu’ils soient morts.

    K : Pour toi, peut-être. Mais pas pour nous. Pour nous, libérer notre pays, avoir notre dignité, le respect, posséder simplement des droits humains est une chose aussi essentielle que la vie elle-même.

    Draitser n’explique pas les valeurs auxquelles devrait se consacrer la Gauche aux USA quand la paix et la justice sont en conflit. Son invocation du slogan « paix et justice » en tant que mission d’élection pour la Gauche US semble n’être rien de plus qu’une invitation faite aux gauchistes d’abandonner la politique pour s’embarquer plutôt sur une mission les vouant à devenir de « belles âmes » se situant au-delà des conflits sordides qui empoisonnent l’humanité – sans jamais prendre parti, hormis celui des anges. Son affirmation comme quoi « aucun groupe n’a à cœur les meilleurs intérêts de la Syrie » est presque trop stupide pour mériter un commentaire. Comment le saurions-nous ? L’on ne peut s’empêcher d’avoir l’impression qu’il croit qu’il sait, et avec lui la Gauche US, seuls parmi tous les groupes et tous les états du monde, ce qui est le mieux pour « le peuple syrien ». C’est peut-être pourquoi il annone que la responsabilité de la gauche US est vouée « au peuple de Syrie, » comme si le peuple de Syrie était une masse indifférenciée dotée d’intérêts et d’aspirations identiques. Les Syriens dans leur ensemblecomprennent à la fois les républicains laïques et les Islamistes politiques, qui possèdent des opinions irréconciliables sur la manière d’organiser l’état, et qui ont été enferrés dans une lutte à mort pendant plus d’un demi-siècle – lutte entretenue, du côté islamiste, par son propre gouvernement. Les Syriens dans leur ensemble comprennent ceux qui sont en faveur de l’intégration dans l’Empire US et ceux qui s’y opposent ; ceux qui collaborent avec les impérialistes US et ceux qui s’y refusent. De cette perspective, que signifie donc l’affirmation que la gauche US ait une responsabilité envers le peuple de Syrie ? Quel peuple de Syrie ?

    Je pensais que la responsabilité de la gauche US se situait auprès des travailleurs des États-Unis, pas du peuple de Syrie. Et je pensais pareillement que la Gauche US aurait considéré que parmi ses responsabilités figure la diffusion d’analyses politiques rigoureuses et fondées sur des preuves, démontrant comment les élites économiques US utilisent l’appareil d’état US pour faire progresser leurs propres intérêts aux dépens des populations, domestiquement et à l’étranger. Comment la longue guerre de Washington contre la Syrie affecte-t-elle la classe laborieuse aux USA ? C’est ce dont Draitser devrait parler.

    Mon livre, « La Longue Guerre de Washington contre la Syrie », paraîtra en avril 2017.

    Stephen Gowans

     

    Article original en anglais :

  • Tiens donc, d’où viennent les armes de Daesh ? (Ou, si on veut le dire crûment : qui arme Daesh ?)

    This British Company Has Tracked Half A Million Illegal Weapons Fuelling Conflicts In Just Two Years (Conflict Armament Research)
    http://www.huffingtonpost.co.uk/entry/illegal-weapons-conflicts-syria-conflict-armament-reasearch-tracki

    But the Islamic State arsenal now includes far newer models, “from 2013 to 2014 and even 2015 dates of manufacture,” Bevan says. Bevan has tracked this rise in recently-made weapons to Eastern Europe, including AK-47s, machine guns and explosives.

    His company is currently challenging the governments of Bulgaria and Serbia, among others, over the sale of weapons to Saudi Arabia. Despite signing an agreement saying it would not sell the weapons to any other countries, Saudi Arabia appears to send them “straight to Turkey”, from where they get into Islamic State’s hands “very, very rapidly” via illicit means.

    “We have a supply chain which goes from an Eastern European manufacturer, to a second Eastern European country, to Saudi Arabia, to Turkey, to a Syrian opposition group and then to Islamic State in Falluja in Iraq, in less than two months,” he says. “That’s almost direct. If you want to put something on a boat and float it, it’s going to take a month.”

    He said that this shows that anyone supplying weapons to Syrian opposition groups has “absolutely no control” over where they end up. Often, foreign powers think they are supplying one group with weapons but the agenda of the many opposition factions overlaps with that of IS. “Some of them are backing pretty hard line Islamist forces, and it’s very difficult to distinguish between them and Islamic State. They are subsumed within Islamic State, or have a deal with them, or the group will fracture and its fighters will leave with their weapons and join Islamic State.”

    “It means that anyone supplying Syrian opposition groups has absolutely no control over the ultimate destination of those weapons. It’s almost a mirror image of what happened in Afghanistan in the 1980s, in the sense that the US, Saudi Arabia and allied states were supplying weapons to the Pakistani Inter-Services Intelligence Agency. They then had discretion as to who to give them to. They picked the winners, which were the hard line Islamist forces that were the origins for Al Qaeda and the Taliban.”

    #very_very_rapidly #almost_direct

    Via Aron Lund, assorti du commentaire :
    https://twitter.com/aronlund/status/775590678667591680

    So this vetting thing is not going too great.

  • Why The Obama Administration Is Favoring al-Qaeda’s Main Syrian Ally
    http://www.truth-out.org/news/item/36384-why-the-obama-administration-is-favoring-al-qaeda-s-main-syrian-all

    Si les Etats-Unis font amis avec Ahrar al Cham c’est pour ne pas fâcher la Turquie dit Gareth Porter.

    Ahrar al-Sham’s military cooperation with Nusra Front has been so complete, in fact, that Nusra has come to regard it as a source of weapons, according to a former Nusra fighter who has left Syria. He was referring to weapons supplied by external parties, especially Turkey, Qatar and Saudi Arabia, to Ahrar.

    Perhaps the most crucial factor binding Ahrar al-Sham to Nusra Front, however, is that it is afraid to provoke a confrontation with Nusra Front over the latter’s policies. As Aron Lund, a leading specialist on the war in Syria and a nonresident associate at the Carnegie Endowment for International Peace, has observed, Ahrar "probably feels too weak and internally divided to stand up to its jihadi ally."Any confrontation with Nusra, therefore, would likely split Ahrar in two and weaken it drastically overnight.

    There is virtually no chance that Ahrar would act to block Nusra Front’s path to power. The Obama administration’s coddling of Nusra’s main ally is far more about the politics of its relations with regional allies — and especially with Turkey — than about its professed concern about bringing the Syria conflict to an end.

  • Juan Cole dans The Nation pose la question que l’on se pose depuis 5 ans :

    Why Is Washington Supporting Fundamentalist Jihadis in Syria ?
    A CIA-backed rebel group has joined with Al Qaeda in attacking another rebel force—the one leading negotiations in Geneva.
    http://www.thenation.com/article/why-is-washington-supporting-fundamentalist-jihadis-in-syria
    Résumé : l’article part des combats récents entre différents groupes dominant la Ghouta orientale (est de la région de Damas). Pour une vue d’ensemble et ses probables implication étrangères on pourra lire ce récent article d’Aron Lund : http://carnegieendowment.org/syriaincrisis/?fa=63512 .
    En gros des combats très violents ont opposé Jaych al-Islam, d’une part, et d’autre part un groupe lié à l’ASL, Faylaq al-Rahman, ainsi que la coalition menée par al-Nousra dans la région : Jaych al-Foustat (JAN + Ahrar + Fajr al-Oumma). Enjeu : le contrôle de zones et des taxes sur les tunnels et du leadership sur la Ghouta orientale.
    Donc d’un côté le wahhabisme de JAI, soutenu par les Saoudiens, et dont un des commandants, Mohammed Alloush, est le chef des négociateurs de du HCN à Genève. Et de l’autre un groupe théoriquement lié à l’ASL, recevant l’aide des USA (dont des missiles TOW), et qui s’est allié avec la coalition salafiste comprenant la branche syrienne d’al-Qaïda le premier :

    Now there is a problem. In the past month the Rahman Corps has flipped, joined with Al Qaeda, and begun attacking Alloush’s group, the Army of Islam.
    That’s right: The leader of the negotiating team at Geneva on behalf of the rebels is now besieged by one of his own US-backed constituents, which is likely using CIA-provided weapons against him. And it is doing so in a battlefield alliance with Al Qaeda.
    In the East Ghouta pocket, Nusra ally the Rahman Corps and the Fustat Army Operations Room (led by Al Qaeda) have been ranged against the Army of Islam. Fighting between the fundamentalists intensified Saturday night, but it has been raging for twenty days and has killed 300. Most of the dead were members of the Army of Islam and Al Qaeda, though dozens were from the Rahman Corps. The preachers of Al Qaeda, or the Nusra Front, were said to be inciting the killing of members of the Army of Islam.

    A cela il faut ajouter le récent massacre de civils du village alaouite de Zaraa par al-Nousra mais aussi Ahrar, dont JAI est aussi un allié :

    On Thursday, the Nusra Front, along with its ally, the Freemen of Syria (Ahrar al-Sham), also attacked in another part of Syria, the Alawite Shiite village of Zara, south of Hama. There, they stand accused of butchering at least 19 civilians and of desecrating the bodies of the dead Alawites, who mostly support the government of Assad (himself an Alawite). The villagers maintain that the invading insurgents slit the throats of their victims in their homes, and that those killed included children, women, and the aged. The Freemen of Syria denied targeting civilians. The Alawites comprise some 10 to 14 percent of Syria’s population. Remember that the Army of Islam of Mohammad Alloush, the lead negotiator in Geneva, is allied with the Freemen of Syria and that Alloush’s family has been vitriolic against Syrian Shiites.

    Ceci amène Juan Cole à la conclusion suivante :

    The Assad regime is guilty of crimes against humanity, and many of the groups that took up arms against it were fired by a desire for a more just society. But many of the supposed friends of the United States in Syria’s opposition have an unsavory ideology, unsavory friends, or are themselves guilty of war crimes. Washington has to stop arming these groups if there is ever to be peace in Syria, and it needs to pressure Saudi Arabia to cease trying to push Syria to the far right. The weaponry sent in by Saudi Arabia on Washington’s behalf in any case often makes its way to Al Qaeda or ISIS. The Army of Islam shouldn’t be the lead negotiator in Geneva! The leftist Kurds need to be brought into the negotiations if the northeast is to remain part of Syria, and their voice on the opposition side is important to offset the powerful megaphone of the minority Salafis.

  • Excellent article de Patrick Cockburn dans The Independent qui analyse la déconnexion médiatique et politique entre les affaires de terrorisme en Europe et les politiques étrangères occidentales qui ont favorisé ces phénomènes au Moyen-Orient (surtout) et ici (un peu), de l’Irak en passant par la Libye, le Yémen et la Syrie :
    http://www.independent.co.uk/news/world/politics/how-politicians-duck-the-blame-for-terrorism-a6942016.html

    There has always been a disconnect in the minds of people in Europe between the wars in Iraq and Syria and terrorist attacks against Europeans. This is in part because Baghdad and Damascus are exotic and frightening places, and pictures of the aftermath of bombings have been the norm since the US invasion of 2003. But there is a more insidious reason why Europeans do not sufficiently take on board the connection between the wars in the Middle East and the threat to their own security. Separating the two is much in the interests of Western political leaders, because it means that the public does not see that their disastrous policies in Iraq, Afghanistan, Libya and beyond created the conditions for the rise of Isis and for terrorist gangs such as that to which Salah Abdeslam belonged.

    Suit le détail par Cockburn de ces conflits, dans lesquels les dirigeants occidentaux portent une lourde responsabilité et qui ont permis l’aggravation de ces phénomènes terroristes :

    A strange aspect of these conflicts is that Western leaders have never had to pay any political price for their role in initiating them or pursuing policies that effectively stoke the violence. Isis is a growing power in Libya, something that would not have happened had David Cameron and Nicolas Sarkozy not helped destroy the Libyan state by overthrowing Gaddafi in 2011. Al-Qaeda is expanding in Yemen, where Western leaders have given a free pass to Saudi Arabia to launch a bombing campaign that has wrecked the country.

    Suit le témoignage de Balanche sur sa censure dans les médias qui se plaint d’un mc carthysme intellectuel :

    It is worth quoting at length Fabrice Balanche , the French cartographer and expert on Syria who now works for the Washington Institute for Near East Policy, about these misperceptions in France, although they also apply to other countries. He told Aron Lund of the Carnegie Endowment for International Peace: “The media refused to see the Syrian revolt as anything other than the continuation of revolutions in Tunisia and Egypt, at a time of enthusiasm over the Arab Spring. Journalists didn’t understand the sectarian subtleties in Syria, or perhaps they didn’t want to understand; I was censored many times.
    “Syrian intellectuals in the opposition, many of whom had been in exile for decades, had a discourse similar to that of the Iraqi opposition during the US invasion of 2003. Some of them honestly confused their own hopes for a non-sectarian society with reality, but others – such as the Muslim Brotherhood – tried to obfuscate reality in order to gain the support of Western countries.
    In 2011–2012, we suffered a type of intellectual McCarthyism on the Syrian question: if you said that Assad was not about to fall within three months, you would be suspected of being paid by the Syrian regime. And with the French Ministry of Foreign Affairs having taken up the cause of the Syrian opposition, it would have been in bad taste to contradict its communiqués.
    By taking up the cause of the Syrian and Libyan opposition and destroying the Syrian and Libyan states, France and Britain opened the door to Isis and should share in the blame for the rise of Isis and terrorism in Europe. By refusing to admit to or learn from past mistakes, the West Europeans did little to lay the basis for the current, surprisingly successful “cessation of hostilities” in Syria which is almost entirely an US and Russian achievement.
    Britain and France have stuck close to Saudi Arabia and the Gulf monarchies in their policies towards Syria. I asked a former negotiator why this was so and he crisply replied: “Money. They wanted Saudi contracts.”

  • Près de 100 groupes se sont déclarés pour la cessation des hostilités en Syrie. Pour l’instant globalement respecté - à part quelques accrochages dans le nord et dans la banlieue de Damas (Jobar). Aucun bombardement russe ce jour, aucune activité sur la base de Hmeymim - fait rapporté par les « White Helmets » : https://twitter.com/SyriaCivilDef/status/703511955395506176, défense civile proche de l’"opposition" et agissant en zones rebelles.
    Cependant les bombardements russes contre Da’ich et al-Nousra vont très probablement reprendre.
    Le correspondant de la chaîne américaine ABC, Marquardt, propose, sur son compte twitter, cette carte qui visualise en jaune les zones où s’applique le cessez-le-feu selon les déclarations du Ministère de la défense russe :

  • Why stoking sectarian fires in the Middle East could be Saudi Arabia’s biggest mistake
    http://www.independent.co.uk/news/world/middle-east/why-stoking-sectarian-fires-in-the-middle-east-could-be-saudi-arabias

    Saudi Arabia’s entanglement in the conflict in Yemen limits its ability to exert influence elsewhere. Even Saudi resources are under strain given the low price of oil with this year’s budget totalling $137bn (£93bn) and spending $224bn (£152bn). “Thanks to the over-confidence and under-competence of the Saudi royal family,” writes Aron Lund of the Carnegie Endowment for International Peace in the online newsletter Syria Comment. “Syrian rebels may turn out to be among the biggest losers of the Yemeni war.”

    Saudi rulers have faced serious challenges before, but they have never been faced with the degree of instability in states surrounding or close to the kingdom. There are wars in Iraq, Syria and Yemen, a guerrilla conflict in Sinai and street protests in Bahrain that could always become more serious. It should be much in Saudi Arabia’s interest to mitigate these crises but instead it stokes them but without any real plan on how to bring them to an end.

  • Ken Roth dans ses œuvres… Après avoir expliqué qu’Assad avait tué Zahran Alloush dans le but de réduire l’opposition à lui-même ou ISIS :
    http://seenthis.net/messages/443513#message443575

    Killing Zahran Alloush is part of Assad strategy of trying to reduce choice to him or ISIS.

    voilà qu’il répète la théorie selon laquelle Assad avait fait libérer Alloush pour « tenter de nuire à l’image de la révolution » :
    https://twitter.com/KenRoth/status/682115210845487104

    Assad released jihadist Zahran Alloush from jail June 2011—part of effort to taint uprising http://bit.ly/1mh542I

    Vraiment, ces gens n’essaient même plus d’être cohérents.

    Un autre aspect du message de Roth, c’est qu’il fait reposer sa théorie –
    « part of effort to taint uprising » – sur un lien vers un article d’Aron Lund publié chez Joshua Landis :
    http://www.joshualandis.com/blog/death-of-zahran-alloush-by-aron-lund

    Or l’article de Lund n’énonce pas cette théorie, mais un paragraphe qui ne se risque pas du tout à un tel jugement de valeur :

    Alloush was arrested several times before the uprising for his religious and political activism and sent to the ”Islamist wing” of the Seidnaia prison north of Damascus. There, he formed close connections to many other Syrian Islamists, including people who now run large rebel factions like Ahrar al-Sham. He was released from jail in June 2011 and quickly joined the armed uprising, eventually emerging as the strongman of his home region in the Eastern Ghouta and one of the most powerful rebel leaders in all of Syria.

    La manipulation de Roth est d’autant plus remarquable que, par ailleurs, Aron Lund et Joshua Landis ne sont pas adeptes de cette #théorie_du_complot, et qu’ils l’ont déjà expliqué en août 2014 (contredisant les affirmations péremptoires du fan boy de la rébellitude Thomas Pierret) :
    http://seenthis.net/messages/283373

    Aron Lund : On ne devrait probablement pas présumer de trop de plannification stratégique ni de contrôle, cependant. Certains islamistes ont peut-être été libérés dans le cadre d’une mesure d’administie plus large, d’autres spécifiquement pour semer la merde et radicaliser les rebelles, et il y a certainement aussi des éléments infiltrés. Mais il ne m’apparaît pas évident qu’il s’agit de quelque chose de plus planifié que cela.

    […]

    Joshua Landis. Prévisible, mais tous étaient des prisonniers politiques. Les militants des droits de l’Homme demandaient leur libération. Même moi j’étais en faveur de cette libération.

  • Petit rappel : Zahran Allouche faisait partie de ces islamistes pas-du-tout-modérés libérés lors de l’amnistie de 2011, libération qui sert de principal argument à la bizarre #théorie_du_complot selon laquelle c’est Bachar Assad qui a fabriqué sa propre opposition extrémiste.

    Par exemple, encore en mai 2014, Michel Kilo répétait-il cette théorie, en y incluant nommément Allouche, du Front islamique :
    http://www.marianne.net/Michel-Kilo-l-ultime-combat-des-laiques-syriens_a238483.html

    La plupart des islamistes violents ont été relâchés six mois après le déclenchement de la révolution de leur prison de Sednaya. Abou Ahmed Djoulani, le chef du Front Al Nosra, Alouche, le chef du Front Islamiste, Abou Issa, le chef des Islamistes libres. Abou Anas Hachani, le chef de la sécurité de l’EIIL à Raqqa, était le chef des services politiques de Bachar dans cette même ville de Raqqa.

    Aujourd’hui, tout les amis des Séoudiens pleurent la mort de cet homme, mais il y a déjà un nouvel élément de langage : en tuant Allouche, Bachar démontrerait son refus de négocier une solution politique. Une solution politique avec un type qu’il aurait volontairement envoyé détruire la possibilité d’une… solution politique ? (Grosse fatigue.)

  • Puisque la théorie du machiavélisme de Bachar Assad libérant volontairement les extrémistes ressort à nouveau (alors même que les gens qui commettent les attentats en France sont la plupart du temps des ressortissants français qui n’ont pas connu les geôles syriennes), rappel d’une discussion entre Aron Lund et Joshua Landis en août 2014 à ce sujet :
    http://seenthis.net/messages/283373

    Aron Lund : Cette idée qu’Assad a volontairement renforcé ISIS en libérant des salafistes en 2011 semble idiote. La plupart de ceux que l’on sait avoir été graciés sont maintenant au Front islamique, combattant contre l’État islamique.

    […]

    Aron Lund : On ne devrait probablement pas présumer de trop de plannification stratégique ni de contrôle, cependant. Certains islamistes ont peut-être été libérés dans le cadre d’une mesure d’administie plus large, d’autres spécifiquement pour semer la merde et radicaliser les rebelles, et il y a certainement aussi des éléments infiltrés. Mais il ne m’apparaît pas évident qu’il s’agit de quelque chose de plus planifié que cela.

    […]

    Joshua Landis. Prévisible, mais tous étaient des prisonniers politiques. Les militants des droits de l’Homme demandaient leur libération. Même moi j’étais en faveur de cette libération.

    […]

    Aron Lund : Mais ce n’étaient PAS QUE des jihadistes. Par exemple Ali al-Abdullah et Muhannad Al-Hassani ont tous les deux été libérés lors de l’amnestie de juin. Le point, c’est que tout tout semble être intervenu en même temps : les amnesties, les libérations sélectives, la politique chaotique et réactive.

  • Important : “Is #Zahran_Alloush in Amman ?” by Aron Lund

    http://www.joshualandis.com/blog/is-zahran-alloush-in-amman-by-aron-lund

    MUJTAHIDD’S TWEETS ON ZAHRAN ALLOUSH’S VISIT TO AMMAN, JUNE 6:

    Zahran Alloush spent last week meeting with Saudi, American, and Jordanian intelligence in Amman hotels, in order to coordinate the situation against the Islamic State and the Nusra Front, and for other tasks.

    The meeting with the Americans took place a week ago. He met with the Saudis two times: last Friday between 14.30 until 16.00 and on Sunday at 20.00 in the Hayat hotel in Amman.

    [...]

    The goal was to coordinate the war against the Islamic State and the Nusra Front. Alloush said that the war against the Nusra Front will be more difficult to justify than the war on the Islamic State, and that they will have to help him with that.

    Alloush was asked to coordinate with the Southern Front, which consists of the remains of what’s left of #Jamal_Maarouf ’s troops and the rest of the mercenaries. A meeting was set up between Alloush and Abu Osama al-Golani, who is one of the leaders of this front.

    Alloush started coordinating with the Southern Front to fight the Islamic State and the Nusra Front in Deraa and Quneitra. With the Saudis, he discussed replacing the Islam Army flag by the revolutionary flag.

    The meetings were arranged by members of the Jordanian intelligence services. No fewer than ten were seen there and several of them attended the meetings.

    Despite insisting on the destruction of the the Islamic State and the Nusra Front in all of Syria, the main focus was on keeping the Damascus front in his hands so that he will be able to reap the fruits even if the regime is toppled by someone else.

    An interesting point is that the person known as Abu Badr asked in detail about the Muslim Brotherhood’s strength on the various fronts. It was not clear if the question was in order to push them out or to make use of them.

    An observation: the meetings took place in the Hayat hotel, but Alloush is living at the Crowne Plaza. Of course, they’re all in Amman. We ask God to expose all the hypocrites.

  • L’EI engrange des victoires dans une Syrie de plus en plus fragmentée - L’Orient-Le Jour
    http://www.lorientlejour.com/article/927661/lei-engrange-des-victoires-dans-une-syrie-de-plus-en-plus-fragmentee.

    Ces clivages à travers le territoire de la Syrie rendent « quasiment impossible d’envisager un Etat stable et viable dominé par l’une de ces trois principales forces qui se disputent le pouvoir en Syrie », souligne l’expert Aron Lund qui dirige le site Syria Crisis. Même le « pseudo-califat (de l’EI), n’a réussi que par l’échec de ses adversaires », relève M. Lund, selon qui « une guerre comme celle de la Syrie est ingagnable ».

    • Intéressant, reste qu’un truc me gêne toujours dans ces analyses qui pronostiquent la partition de facto de la Syrie, c’est qu’elle n’est pas seulement le résultat malheureux du chaos de la guerre civile, de différences démographiques, religieuses et d’un traitement différencié et confessionnel des régions syriennes par le pouvoir central. Ces analyses oublient tout de même un peu trop souvent de rappeler qu’elle a toujours été le but stratégique d’Israël et qu’elle a été opérationnalisée comme stratégie délibérée par les différents acteurs impliqués dans le soutien à l’"opposition" : la Turquie, le Qatar et l’Arabie saoudite. Et ce sans discuter du cas plus complexe des USA entre le néo-conservatisme de Bush et la ligne erratique d’Obama.

  • Discussion entre Aron Lund, Joshua Landis et Thomas Pierret sur Twitter, démontant l’idée selon laquelle Assad aurait boosté ISIS en Syrie en libérant des salafistes en 2011 :
    https://twitter.com/aron_ld/status/497060184444133376

    Je vous ai fait une traduction de l’échange. J’ai mis en gras trois informations qui sont généralement évacuées des discussions en France, parce qu’elles contredisent justement l’idée d’une manipulation machiavélique :

    Aron Lund : Cette idée qu’Assad a volontairement renforcé ISIS en libérant des salafistes en 2011 semble idiote. La plupart de ceux que l’on sait avoir été graciés sont maintenant au Front islamique, combattant contre l’État islamique.

    Thomas Pierret : L’hypothèse faite par le régime en 2011 était qu’ils allaient rejoindre les réseaux État Islamique/Al Qaeda. Il n’a pas anticipé les groupes moins radicaux tels que Ahrar/Suqur.

    Joshua Landis : Thomas, est-ce nous sommes certains de cela ?

    Thomas Pierret : Les calculs étaient certainement basés sur des réseaux existants, pas sur de nouveaux concepts tels que Ahrar, que personne ne pouvait anticiper.

    Aron Lund : On ne devrait probablement pas présumer de trop de plannification stratégique ni de contrôle, cependant. Certains islamistes ont peut-être été libérés dans le cadre d’une mesure d’administie plus large, d’autres spécifiquement pour semer la merde et radicaliser les rebelles, et il y a certainement aussi des éléments infiltrés. Mais il ne m’apparaît pas évident qu’il s’agit de quelque chose de plus planifié que cela.

    Thomas Pierret : Pas besoin de planification ou d’infiltrateurs. Dans le contexte d’une guerre civile imminente, les conséquences de ces libérations étaient prévisibles et attendues.

    Joshua Landis. Prévisible, mais tous étaient des prisonniers politiques. Les militants des droits de l’Homme demandaient leur libération. Même moi j’étais en faveur de cette libération.

    Thomas Pierret : La nature sélective des libérations (relâcher les jihadistes mais pas quelqu’un d’innoffensif comme Tel Maluhi par exemple) montre que c’était totalement de mauvaise foi.

    Aron Lund : Mais ce n’étaient PAS QUE des jihadistes. Par exemple Ali al-Abdullah et Muhannad Al-Hassani ont tous les deux été libérés lors de l’amnestie de juin. Le point, c’est que tout tout semble être intervenu en même temps : les amnesties, les libérations sélectives, la politique chaotique et réactive.

    Joshua Landis : Je pense que c’est une erreur d’attribuer trop de clairvoyance et de prévoyance à Assad et ses hommes, qui se sont trompés si souvent. Je penche pour la politique réactive.

    (Avertissement : c’est une traduction, et j’ai tenté de rendre l’ensemble plus fluide que les messages en 140 caractères de Twitter. Le lecteur est donc invité à se baser sur les messages originaux référencés s’il veut reprendre ces messages.)