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Faits sociaux en vrac

  • Les travailleurs des déchets : pénibilité, virilité, « bricoles », et autonomie | NRT

    http://nrt.revues.org/586

    La seconde partie du livre est centrée sur les conditions de travail des éboueurs. (…) En présentant le Ripeur comme « un travail d’aujourd’hui », [Serge Volkoff et Valérie Pueyo] insistent sur le fait que ce métier n’est pas un anachronisme, mais au contraire très représentatif des contraintes dans le travail d’aujourd’hui, telles qu’elles seront déclinées de manière très convergente dans les chapitres suivants : sollicitations physiques, gestion complexe des contraintes de rythme, préservation d’une harmonie au sein de l’équipe, prégnance des inter-actions avec les usagers. En nous décrivant sa première journée de travail en tant qu’éboueur au sein d’une entreprise privée en Belgique, F. Michel nous livre un témoignage convaincant de son extrême pénibilité. Il nous montre le rôle majeur qu’y joue la virilité – le « courage viril » – comme valeur donnant sens à cet univers professionnel. L’une des fonctions de la virilité est de protéger les jeunes recrues, en dissuadant les moins solides de s’engager dans le métier. Quant à Nadine Poussin, elle [met] au jour les conditions de l’ « élaboration collective du geste de métier ». Dans certains cas, les « bricoles » ou astuces inventées par les travailleurs pour être plus efficaces dans leur activité, notamment par reconversion des déchets comme outils de travail – les « raclettes », qui sont des pelles faites avec des cartons, ou des « barrages » utilisés lors du lavage des rues et confectionnés avec des morceaux de moquettes – font l’objet d’usages variables et de discussions entre eux. (...)
    La troisième et dernière partie du livre traite plus frontalement des identités professionnelles : « comment peut-on être travailleur des déchets », c’est-à-dire faire avec la dévalorisation sociale associée à la catégorie de déchets ? Dans la ville de Sao Polo (Angelo Soares), ce sont des migrants venus du Nord Est du pays – les nordestinos – qui occupent généralement ces emplois quand « toutes les autres portes se sont fermées ». Mais ce n’est pas un emploi situé tout en bas de l’échelle : il a le double avantage relatif d’être formel (déclaré et donnant donc droit à protection sociale) et – argument avancé par ceux qui disent l’avoir choisi – offrant une certaine liberté : absence de surveillance hiérarchique, exercice à l’air libre, ces dimensions sont avancées par des éboueurs de divers pays. L’auteur insiste aussi sur le plaisir et la souffrance qui sont spécifiquement liés à l’exercice du métier dans l’espace public. (…) Isabelle Gernet et Stéphane Le Lay s’intéressent quant à eux aux effets de la pénétration des femmes, encore très marginale (3 % des effectifs), mais significative, et des accommodements nécessaires des conduites viriles, tant du côté des hommes que du côté des femmes. Chez ces dernières, il s’agit soit de se rendre invisible en tant que femme, au risque d’être perçue par les hommes comme une lesbienne « masculine », soit de bien faire son travail, « comme dans sa cuisine », au risque d’être dépréciée par les hommes.

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