C’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleures soupes

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  • La Gazette de Microlinux
    25/03/23 | https://mailchi.mp/2bd950e7318c/cest-dans-les-vieilles-marmites-quon-fait-les-meilleures-soupes
    Il y a quelques semaines, j’ai eu une discussion avec mon ami Bernard, un chirurgien à la retraite et aussi l’ancien maire de mon petit village. Bernard est également mon ancien patron, parce qu’il m’avait embauché en 2006 pour informatiser et mettre en réseau les médiathèques de notre Communauté de Communes. Le concept et la philosophie des logiciels libres que je lui avais exposés avec brio l’avaient convaincu à l’époque, et j’avais donc eu l’occasion de me faire les dents sur un projet professionnel entièrement basé sur Linux et l’Open Source.

    Dans son bureau, Bernard dispose d’un ordinateur iMac de la marque Apple. Un bel objet acheté il y a quinze ans, et très bien conservé. Mais voilà, avec la politique d’obsolescence programmée d’Apple, l’ordinateur ne servait plus à rien. Quelques années en arrière, Bernard avait confié la machine à un revendeur local pour un upgrade matériel, mais même avec de la RAM supplémentaire et un disque SSD pour remplacer le disque SATA d’origine, macOS ne pouvait plus être mis à jour.

    Un des principes fondamentaux en informatique, c’est qu’un système d’exploitation peut être utilisé tant que l’éditeur fournit des mises à jour pour corriger les bugs et les failles de sécurité. Et vu que macOS High Sierra est officiellement mort et enterré depuis septembre 2020, l’iMac avait un bel avenir derrière lui.

    Si vous êtes un lecteur régulier de mon blog, vous savez que le hasard m’a récemment fourni l’occasion d’expérimenter avec quelques vieux iMac récupérés dans la salle d’arts plastiques du lycée dont j’administre le réseau informatique. J’ai donc proposé à Bernard de migrer sa machine de macOS vers Linux pour lui refaire une deuxième vie.

    Dans un premier temps, nous avons fait l’inventaire de toutes les tâches qu’il a l’habitude d’effectuer avec son iMac ainsi que les applications associées. Une fois que j’avais établi un cahier des charges sommaire, j’ai amené la machine dans mon atelier, et j’ai sauvegardé l’ensemble des données de Bernard sur mon serveur de sauvegardes local.

    Une chose que j’aime bien avec les machines sous macOS, c’est que sous le capot, c’est un système Unix. Je peux donc utiliser une bonne partie des commandes que j’utilise au quotidien pour travailler, et une sauvegarde complète se résume à un simple rsync -av —delete /Users/bernard microlinux@nestor :/home/microlinux/sauvegarde-bernard. J’appuie sur Entrée et je vais boire un café en attendant que ça défile sur l’écran.

    L’installation de Linux sur cette machine n’est absolument pas une tâche triviale, comme j’ai pu le documenter en détail au cours de ces dernières semaines. Cette fois-ci j’ai même eu un peu plus de fil à retordre que d’habitude. Pour commencer, la machine refusait obstinément de démarrer autre chose que macOS ou un support d’installation de macOS. Je me suis arraché les cheveux pendant quelques heures, et j’ai fini par trouver une solution. J’ai eu une autre surprise sous forme d’une souris Apple Magic, un périphérique quelque peu exotique qui fonctionne avec l’émetteur Bluetooth intégré à l’iMac. La connexion ne s’établissait pas automatiquement au démarrage, et là aussi, j’ai dû me creuser les méninges et trouver une solution viable.

    Ce genre de travail c’est aussi l’occasion de voir ce que j’aime bien dans mon métier. Installer Linux sur ce genre de vieille machine, c’est un peu comme la restauration d’une vieille moto sportive italienne. C’est vrai que parfois on a un boulon récalcitrant qui reste coincé, et on se retrouve à proférer des jurons qui feraient rougir de honte mon oncle en Hongrie. Mais quand je m’obstine un peu avec ce genre de projet, j’ai douze ans dans ma tête, je suis un gamin seul dans l’univers, et j’ai grosso modo le même état d’esprit que lorsque je jouais avec mes Lego. Il n’y a rien de plus sérieux qu’un enfant qui joue, comme disait Nietzsche. Bref.

    Quelques jours plus tard, la machine était installée, tout fonctionnait correctement, et je l’ai amenée à Bernard. Je lui ai fait une petite formation de prise en main histoire de lui montrer les principales différences entre macOS et Linux en termes d’ergonomie et d’utilisation. Vu que ça fait plus de vingt ans que je fais ce genre d’opération, j’ai une bonne idée des questions que les utilisateurs peuvent se poser.

    Le système Linux que j’ai installé sur la machine est une base de Rocky Linux 8.7, un clone de Red Hat Enterprise Linux, avec un environnement de bureau KDE provenant du projet EPEL et toute une série de customisations « maison ». Cette branche est officiellement supportée avec des mises à jour à faible risque jusqu’en été 2029. Peut-être qu’un jour on installera la version 9 dessus, avec un cycle de mises à jour jusqu’en 2032. On verra.

    Et là je frémis intérieurement à l’idée de tous ces ordinateurs iMac construits entre 2007 et 2009. De beaux objets, solides et avec une belle finition. Et tous plus ou moins voués à la casse, étant donné que le constructeur fait tout pour que vous achetiez du matériel plus récent. Je me doute bien qu’il n’y aura probablement jamais une migration massive de ces vieilles machines vers Linux. Mais dans un coin de ma tête, je me dis que là je viens d’asséner une petite pichenette dans la face du turbo-capitalisme délirant. C’est un début.

    Un gentil bonjour de la garrigue gardoise,

    Nicolas Kovacs, rédacteur de la Gazette de Microlinux