« Après ce que nous avions traversé, on ne pouvait plus vivre comme les autres »

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    • Et ce nouveau métier vous a valu d’être encore en danger…

      Oui, parce que l’OAS, qui défendait l’Algérie française par tous les moyens, a condamné à mort les journalistes qui s’opposaient à cette nouvelle guerre. En juin 1962, alors que je roulais vers Oran avec le reporter de RTL Jean-Pierre Farkas, notre voiture a été prise pour cible par l’OAS. Un attentat terrible, dont je souffre encore. J’y ai perdu un œil, et mes fractures ne se sont jamais tout à fait résorbées. Mais, après, je n’ai plus jamais été blessée. Et, un an et demi plus tard, j’étais de nouveau sur le terrain, dans les souterrains du Vietcong.

      Longtemps, vous n’avez rien dit de votre guerre. Qu’est-ce qui vous a décidée à en parler ?

      Une discussion en 1994 avec Raymond Aubrac, un de mes anciens grands chefs dans la Résistance. Au moment du cinquantenaire de la Libération, il m’a secouée : « Dis donc, tu vas enfin l’ouvrir, ta gueule ? » Pour éviter que nos copains morts ne soient oubliés, il tenait à ce que j’aille parler aux historiens, dans les écoles, partout. Au début, je n’étais pas très chaude. Raconter la vie des autres, d’accord. La mienne, non. Je n’avais aucune envie de retrouver la rue des Saussaies. En réalité, témoigner m’a offert une deuxième vie. Maintenant, je peux mourir tranquille.

      Vous êtes même devenue autrice et héroïne de BD !

      Quand cet animal de Jean-David Morvan m’a contactée, je ne savais pas ce que c’était qu’une bande dessinée. J’ai découvert que c’était un très bon moyen de transmettre la vérité.

      Vous avez saisi l’occasion pour révéler que le milicien chargé de vous faire passer la ligne de démarcation vous avait violée. Pourquoi avoir tant attendu ?

      Je me disais : « Pour quoi faire ? » Mais j’ai eu tort de ne pas parler plus tôt.

      Aujourd’hui, vous menez un nouveau combat en justice…

      Oui, contre la directrice de l’agence de maintien à domicile qui s’est occupée de moi et m’a escroquée de plus de 140 000 euros en profitant du fait que je suis aveugle. Cette femme a été mise en examen. Le procès aura lieu le 19 décembre, mais je n’ai plus un sou pour me payer un avocat. J’ai aussi écrit au président de la République. Il n’y a plus de place dans les hôpitaux, c’est le drame dans les Ehpad, alors on incite les gens à rester chez eux. Encore faut-il que le ménage soit fait dans le secteur du maintien à domicile. Je peux être une voix qui porte sur ce sujet.

      Vous avez participé à trois guerres. Que vous inspirent celles d’aujourd’hui ?

      Beaucoup de peine. Le monde est en sang. On a essayé de l’améliorer, on a sans doute échoué. Je le laisse dans un état qui n’est vraiment pas celui que j’aurais voulu. Vous voyez, il faut dire la vérité, même quand elle est sombre.

      https://archive.is/WLvps

      #Madeleine_Riffaud #guerre #Résistance #anti-colonialisme #OAS