#crime_contre_l’humanité

  • #Chowra_Makaremi : « Le #viol devient le paradigme de la loi du plus fort dans les #relations_internationales »

    En #Ukraine, Poutine revendique de faire la guerre au nom du genre. En #Iran, le régime réprime implacablement la révolution féministe. Dans d’autres pays, des populistes virilistes prennent le pouvoir. Une réalité que décrypte l’anthropologue Chowra Makaremi.

    IranIran, Afghanistan, invasion russe en Ukraine, mais aussi les discours des anciens présidents Donald Trump ou Jair Bolsonaro ou du chef de l’État turc, Recep Tayyip Erdogan : tous ont en commun de s’en prendre aux #femmes, comme l’explique l’anthropologue Chowra Makaremi.

    L’autrice de Femme ! Vie ! Liberté ! Échos du soulèvement en Iran (La Découverte, 2023) fait partie des chercheuses sollicitées par Mediapart pour #MeToo, le combat continue, l’ouvrage collectif publié récemment aux éditions du Seuil et consacré à la révolution féministe qui agite le monde depuis l’automne 2017 et le lancement du fameux mot-clé sur les réseaux sociaux. Depuis, toutes les sociétés ont été traversées de débats, de controverses et de prises de conscience nouvelles. Entretien.

    Mediapart : « Que ça te plaise ou non, ma jolie, il va falloir supporter. » Cette phrase a été prononcée le 7 février 2022 par le président russe, #Vladimir_Poutine, devant Emmanuel Macron. Elle était adressée à l’Ukraine et à son président, Volodymyr Zelensky, qui venait de critiquer les accords de Minsk, signés en 2015 pour mettre fin à la guerre dans le Donbass. Quelle lecture en faites-vous ?

    Chowra Makaremi : Le viol devient le paradigme de la #loi_du_plus_fort dans les relations internationales. La philosophe #Simone_Weil souligne dans un texte combien la #guerre relève de la logique du viol, puisque sa matrice est la #force qui, plus que de tuer, a le pouvoir de changer l’être humain en « une #chose » : « Il est vivant, il a une âme ; il est pourtant une chose. [L’âme] n’est pas faite pour habiter une chose ; quand elle y est contrainte, il n’est plus rien en elle qui ne souffre violence », écrit-elle.

    Cette comptine vulgaire de malfrats que cite #Poutine dit la culture criminelle qui imprègne sa politique. Elle me fait penser à ce que l’anthropologue Veena Das nomme la dimension voyou de la souveraineté étatique : la #truanderie comme n’étant pas seulement un débordement illégitime du pouvoir mais, historiquement, une composante de la #souveraineté, une de ses modalités.

    On le voit avec le pouvoir de Poutine mais aussi avec ceux de #Narendra_Modi en #Inde (dont parle Veena Das), de #Donald_Trump aux #États-Unis, de #Jair_Bolsonaro au #Brésil, de #Recep_Tayyip_Erdogan en #Turquie. Quand Poutine a dit sa comptine, personne n’a quitté la salle, ni Emmanuel Macron ni la presse, qui a cherché, au contraire, à faire parler la symbolique de cette « remarque ». Tout le réseau de sens et de connexions qui permet à cette cruelle boutade de tenir lieu de discours guerrier intuitivement compréhensible et audible montre que le type d’#outrage dont elle relève est une #transgression qui appartient, à la marge, à l’#ordre.

    On parle de la #masculinité_hégémonique au pouvoir avec Poutine, mais elle fait écho à celle de nombreux autres chefs d’État que vous venez de citer. Quelles sont les correspondances entre leurs conceptions de domination ?

    Il n’y a pas, d’un côté, les théocraties comme l’Iran et l’Afghanistan, et, de l’autre, les populismes virilistes de Trump, Erdogan, Bolsonaro, qui s’appuient sur des « #paniques_morales » créées par la remise en cause des rôles traditionnels de #genre, pour s’adresser à un électorat dans l’insécurité. Bolsonaro, très lié à l’armée et à l’Église, s’est appuyé sur je ne sais combien de prêcheurs pour mener sa campagne. Dimension religieuse que l’on retrouve chez Poutine, Modi, Erdogan.

    La #religion est un des éléments fondamentaux d’un #pouvoir_patriarcal très sensible à ce qui peut remettre en question sa #légitimité_symbolique, sa #domination_idéologique, et dont la #puissance est de ne pas paraître comme une #idéologie justement. Cette bataille est menée partout. Il y a un même nerf.

    Quand l’anthropologue Dorothée Dussy parle de l’inceste et de sa « fonction sociale » de reproduction de la domination patriarcale, son analyse est inaudible pour beaucoup. C’est ainsi que fonctionne l’#hégémonie : elle est sans pitié, sans tolérance pour ce qui peut en menacer les ressorts – et du même coup, en cartographier le pouvoir en indiquant que c’est là que se situent les boulons puisque, précisément, la puissance de l’hégémonie est dans l’invisibilité de ses boulons.

    Si on prend le #droit_de_disposer_de_son_corps, en Occident, il s’articule autour de la question de la #santé_contraceptive et du #droit_à_l’avortement et dans les mondes musulmans, autour de la question du #voile. De façon troublante, une chose est commune aux deux situations : c’est le viol comme la vérité des rapports entre genres qui organise et justifie la #contrainte sur les femmes à travers leur #corps.

    En Occident, le viol est le cas limite qui encadre juridiquement et oriente les discussions morales sur l’#avortement. Dans les sociétés musulmanes, la protection des femmes – et de leur famille, dont elles sont censées porter l’honneur – contre l’#agression_masculine est la justification principale pour l’obligation du voile. Il y a de part et d’autre, toujours, cet impensé du #désir_masculin_prédateur : un état de nature des rapports entre genres.

    C’est ce qu’assènent tous les romans de Michel Houellebecq et la plupart des écrits du grand Léon Tolstoï… « L’homme est un loup pour l’homme, et surtout pour la femme », dit un personnage du film Dirty Dancing. Cette population définie par ces rapports et ces #pulsions, il s’agit de la gouverner à travers l’#ordre_patriarcal, dont la domination est posée dès lors comme protectrice.

    L’Iran et l’#Afghanistan figurent parmi les pays les plus répressifs à l’encontre des femmes, les régimes au pouvoir y menant un « #apartheid_de_genre ». Concernant l’Afghanistan, l’ONU parle même de « #crime_contre_l’humanité fondé sur la #persécution_de_genre ». Êtes-vous d’accord avec cette qualification ?

    Parler pour la persécution de genre en Afghanistan de « crime contre l’humanité » me semble une avancée nécessaire car elle mobilise les armes du #droit pour désigner les #violences_de_masse faites aux femmes et résister contre, collectivement et transnationalement.

    Mais il me paraît tout aussi important de libérer la pensée autour de la #ségrégation_de_genre. À la frontière entre l’Iran et l’Afghanistan, au #Baloutchistan, après la mort de Jina Mahsa Amini en septembre 2022, les femmes sont sorties dans la rue au cri de « Femme, vie, liberté », « Avec ou sans le voile, on va vers la révolution ». Dans cette région, leur place dans l’espace public n’est pas un acquis – alors qu’il l’est à Téhéran – et elles se trouvent au croisement de plusieurs dominations de genre : celle d’un patriarcat traditionnel, lui-même dominé par la puissance étatique centrale, iranienne, chiite.

    Or, en participant au soulèvement révolutionnaire qui traversait le pays, elles ont également renégocié leur place à l’intérieur de ces #dominations_croisées, chantant en persan, avec une intelligence politique remarquable, le slogan des activistes chiliennes : « Le pervers, c’est toi, le salopard, c’est toi, la femme libérée, c’est moi. »

    C’est en écoutant les femmes nommer, en situation, la #ségrégation qu’on saisit le fonctionnement complexe de ces #pouvoirs_féminicides : en saisissant cette complexité, on comprend que ce n’est pas seulement en changeant des lois qu’on les démantèlera. On se trouve ici aux antipodes des #normes_juridiques, lesquelles, au contraire, ressaisissent le réel dans leurs catégories génériques. Les deux mouvements sont nécessaires : l’observation en situation et le #combat_juridique. Ils doivent fonctionner ensemble.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/040124/chowra-makaremi-le-viol-devient-le-paradigme-de-la-loi-du-plus-fort-dans-l

  • Tal Bruttmann, historien : « Le Hamas a conçu, en amont, une politique de terreur visuelle destinée à être diffusée dans le monde entier »

    Le spécialiste de la Shoah estime, dans un entretien au « Monde », que l’attaque perpétrée par le Hamas le 7 octobre contre Israël n’est ni un pogrom ni un génocide mais un massacre de masse, et il met en garde contre les analogies avec le nazisme.

    L’historien Tal Bruttmann, spécialiste de la Shoah et de l’antisémitisme, est notamment l’auteur de La Logique des bourreaux (Hachette, 2003), et, avec Stefan Hördler et Christoph Kreutzmüller, d’Un album d’Auschwitz. Comment les nazis ont photographié leurs crimes (Le Seuil, 304 pages, 49 euros).

    Pour qualifier les attaques du Hamas, les hommes politiques, les historiens et les éditorialistes ont parlé de massacre, d’attentat, de pogrom, voire de génocide. En tant qu’historien, comment qualifieriez-vous cet événement ?

    Le mot qui est revenu le plus souvent est « pogrom », mais les attaques du Hamas ne relèvent pas, à mon sens, d’une telle qualification. Ce terme russe désigne non pas les crimes de masse contre les juifs, mais la destruction des biens qui sont en leur possession, accompagnée de violences contre les personnes. Ce qui caractérise le #pogrom, c’est le fait qu’une majorité, excitée, voire incitée, par le pouvoir en place, s’attaque violemment à une minorité qui vit en son sein.

    Au XIXe et au début du XXe siècle, il y a eu, en Europe, beaucoup de pogroms antijuifs, notamment en Russie ou en Roumanie, mais ce terme ne convient pas aux attaques du Hamas. D’abord, parce qu’elles visaient non pas à détruire les biens des Israéliens, mais à tuer des juifs ; ensuite, parce que les juifs, en Israël, ne forment pas une minorité, mais une majorité ; enfin, parce que le Hamas n’est pas un peuple, mais une organisation terroriste. Pour moi, ces attaques sont des massacres de masse : le but était de tuer le plus de juifs possible.

    Certains ont utilisé le terme de génocide. Est-il, selon vous, pertinent ?

    Dans l’imaginaire occidental, le #génocide est devenu l’alpha et l’oméga du crime, alors qu’il n’est pas plus grave, en droit international, que le #crime_de_guerre ou le #crime_contre_l’humanité. Personnellement, en tant qu’historien, je n’utilise pas cette qualification juridique dont la définition est d’une immense complexité : je la laisse aux magistrats et aux tribunaux. C’est à eux d’établir, au terme d’une enquête, si les #massacres qui leur sont soumis sont, ou non, des génocides.

    L’écrivaine Elfriede Jelinek, Prix Nobel de littérature, a comparé le Hamas aux nazis. Que pensez-vous de cette analogie ?

    Il faut faire attention aux mots : la haine des #juifs ne suffit pas à caractériser le #nazisme. Le régime de Vichy ou le Parti populaire français [PPF, 1936-1945] de Jacques Doriot étaient profondément antisémites, mais ils n’étaient pas nazis pour autant : être nazi, c’est adhérer à l’idéologie politique élaborée par Adolf Hitler après la première guerre mondiale et mise en œuvre par le IIIe Reich à partir de 1933.

    Le #Hamas est évidemment profondément antisémite : sa charte initiale, qui fait explicitement référence aux #Protocoles des sages de Sion_ [un faux qui date du début du XXe siècle], affirme que les juifs sont à l’origine de la Révolution française, de la révolution bolchevique et de la première guerre mondiale. Il faut cependant prendre le Hamas pour ce qu’il est : un mouvement islamiste nationaliste qui n’est pas plus nazi qu’Al-Qaida, l’Iran ou Marine Le Pen.

    La Shoah est incontestablement le pire épisode de l’#histoire de l’antisémitisme, mais cela n’en fait pas la clé à partir de laquelle on peut comprendre toutes les #violences_antijuives. Parfois, elle nous empêche même de saisir la singularité des événements : à force d’associer l’#antisémitisme à la Shoah, on oublie que cette haine a pris, au cours de l’histoire, des formes très différentes.
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/29/tal-bruttmann-historien-le-hamas-a-concu-en-amont-une-politique-de-terreur-v

    avec des extraits de Un album d’Auschwitz :
    https://archive.is/jO7UX

    #histoire #images #photos #films #attentat #attentat_massacre #islamisme #nationalisme #shoah #Extermination_des_juifs_par_les_nazis

    • Il est clair Tal Bruttmann et du coup ça permet de ne pas avoir un sac fourre tout d’où tu tires des mots chargés de sens et inappropriés pour un oui ou un non.

  • #Gaza, les hantises du #génocide

    S’il faut être prudent sur la #qualification définitive de génocide, et qu’il faut être conscients que ce terme, malgré les détournements, est avant tout juridique et non pas politique, une question doit se poser aujourd’hui : « assistons-nous à un nouveau génocide ? »

    Le 16 novembre 2023, 33 experts onusiens ont signé une déclaration appelant à une réaction internationale urgente et évoquant que « les graves violations commises par Israël contre les Palestiniens au lendemain du 7 octobre, notamment à Gaza, laissent présager un génocide en devenir ». Cette position de l’#ONU sur la question d’un génocide n’est pas inédite.

    Le 2 novembre, le rapporteur spécial sur les territoires palestiniens occupés alertait déjà sur le risque de génocide. Si le mot n’est plus tabou pour qualifier ce que subit la population de Gaza, sa #définition_juridique internationale (fixée par la #Convention_sur_le_génocide et par le #Statut_de_Rome sur la CPI) commande une certaine prudence. Malgré cela, la question d’un génocide à Gaza se pose avec gravité et acuité eu égard aux circonstances de l’offensive militaire israélienne à Gaza.

    La notion de génocide est une #catégorie_juridique complexe qui a évolué au fil du temps pour devenir l’un des #crimes les plus graves de nos ordres juridiques. Il est imprescriptible et plusieurs États se reconnaissent une compétence universelle pour instruire et juger de tels agissements.

    Ce concept a, évidemment, des origines historiques importantes. En combinant les mots grec « genos » (peuple) et latin « cide » (tuer), le juriste polonais #Raphael_Lemkin en 1944 a voulu décrire et caractériser les atrocités commises pendant la Seconde guerre mondiale, en particulier l’Holocauste, qui a vu l’extermination systématique de millions de Juifs par le régime nazi. #Lemkin a plaidé pour la reconnaissance légale de ces crimes et a joué un rôle clé dans l’élaboration de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par les Nations Unies en 1948.

    Cette Convention, communément appelée la « Convention sur le génocide », est l’instrument juridique principal qui définit le génocide dans le #droit ^_international en définissant en son article 2 le génocide comme : « Tout acte commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, en tant que tel. ».

    De cette définition ressortent plusieurs éléments clefs : la question des actes commis, du groupe spécifiquement visé et celui de l’#intention_génocidaire. Au regard des destructions, des bombardements nourris et aveugles notamment sur des camps de réfugiés, sur des écoles gérées par l’ONU servant d’abris aux civils, sur les routes censées être sûres pour permettre aux populations civiles de fuir, mais aussi de ce ratio calculé par des observateurs selon lesquels pour un membre du Hamas tué il y aurait 10 civils massacrés, il apparaît que les premiers critères de la définition sont potentiellement remplis.

    Reste la question décisive de l’intention génocidaire. Celle-ci suppose l’identification de textes, d’ordres, d’actes et de pratiques… En l’état, une série de déclarations d’officiels israéliens interpellent tant elles traduisent une déshumanisation des Palestiniens. Le 19 novembre, point d’orgue d’une fuite en avant en termes de déclarations, l’ancien général et dirigeant du Conseil de Sécurité National israélien, #Giora_Eiland, a publié une tribune dans laquelle il appelle à massacrer davantage les civils à Gaza pour faciliter la victoire d’Israël.

    Avant cela et suite à l’attaque du 7 octobre, le ministre israélien de la Défense, #Yoav_Galant, avait déclaré : « Nous imposons un siège complet à Gaza. Pas d’électricité, pas d’eau, pas de gaz, tout est fermé […] Nous combattons des #animaux_humains et nous agissons en conséquence ».

    Dans une logique similaire, le Premier ministre #Benjamin_Netanyahu a opposé « le peuple des lumières » à celui « des ténèbres », une dichotomie bien connue dans la rhétorique génocidaire. Récemment, le ministre israélien du patrimoine a déclaré : « Le nord de Gaza est plus beau que jamais. Nous bombardons et aplatissons tout (....) au lendemain de la guerre, nous devrions donner des terres de Gaza aux soldats et aux expulsés de Gush Katif ».

    Enfin, en direct à la radio, le même #Amichay_Eliyahu a déclaré qu’il n’était pas entièrement satisfait de l’ampleur des représailles israéliennes et que le largage d’une bombe nucléaire « sur toute la #bande_de_Gaza, la raser et tuer tout le monde » était « une option ». Depuis, il a été suspendu, mais sans être démis de ses fonctions …

    Au-delà de ces déclarations politiques, il faut apprécier la nature des actes commis. Si un « plan » génocidaire en tant que tel n’est pas exigé pour qualifier de génocidaire, une certaine #organisation et ‎une #préparation demeurent nécessaires. Une politique de #colonisation par exemple, le harcèlement criminel quotidien, la #détention_arbitraire de Palestiniens, y compris mineurs, peuvent laisser entendre la mise en place de ce mécanisme.

    La Cour pénale internationale a d’ailleurs déjà ouvert des enquêtes sur ces faits-là avec des investigations qui ne progressent cependant pas notamment car Israël conteste à la Cour – dont il n’est pas membre – toute compétence. Actuellement, les pénuries impactant notamment des hôpitaux, le refus ou la limitation de l’accès de l’aide humanitaire et évidemment les #bombardements_indiscriminés, sont autant d’éléments susceptibles de matérialiser une intention génocidaire.

    Un positionnement politique pour une caractérisation juridique

    Le silence de nombreux pays est assourdissant face à la situation à Gaza. Il suffit de lire le communiqué du Quai d’Orsay sur le bombardement du camp de réfugiés Jabaliya : « La France est profondément inquiète du très lourd bilan pour les populations civiles palestiniennes des frappes israéliennes contre le camp de Jabaliya et exprime sa compassion à l’égard des victimes ».

    Aucune condamnation et, évidemment, aucune mention de la notion de génocide ni même de #crimes_de_guerre ou de #crime_contre_l’Humanité. Cela s’explique en partie par le fait que la reconnaissance du génocide a d’importantes implications juridiques. Les États signataires de la Convention sur le génocide sont tenus de prévenir et de réprimer le génocide sur leur territoire, ainsi que de coopérer entre Etats ainsi qu’avec la Cour pénale internationale pour poursuivre et punir les auteurs présumés de génocide.

    Ainsi, si un État reconnaît la volonté génocidaire d’Israël, il serait de son devoir d’intervenir pour empêcher le massacre. À défaut d’appel à un #cessez-le-feu, le rappel au respect du droit international et l’exigence de « pauses humanitaires » voire un cessez-le-feu par les Etats-Unis ou la France peuvent aussi s’interpréter comme une prévention contre une éventuelle accusation de complicité…

    S’il faut être prudent sur la qualification définitive de génocide, et qu’il faut être conscients que ce terme, malgré les détournements, est avant tout juridique et non pas politique, une question doit se poser aujourd’hui, « assistons-nous à un nouveau génocide ? » et si la réponse est « peut-être », alors il est du devoir des États signataires de la Convention de prévention des génocides de tout faire pour empêcher que le pire advienne.

    https://blogs.mediapart.fr/collectif-chronik/blog/221123/gaza-les-hantises-du-genocide
    #mots #vocabulaire #terminologie #Israël #7_octobre_2023

  • Michel Warschawski : « Nous avons dépassé les crimes de guerre à Gaza », entretien réalisé par Rachida El Azzouzi


    Figure du mouvement pacifiste et de la gauche israélienne, engagée contre l’occupation et la colonisation, l’écrivain et journaliste Michel Warschawski dénonce dans un entretien à Mediapart « le crime contre l’humanité » perpétré par l’État hébreu contre les civils gazaouis. 

    Mediapart : En riposte aux massacres du Hamas sur son sol, Israël bombarde depuis le 7 octobre de manière indiscriminée la bande de Gaza, tuant et blessant des milliers de civils. Cette nuit de bombardements a été l’une des plus intenses dans l’enclave palestinienne, qui a été coupée du monde (Internet et télécommunications) par l’État hébreu. Comment qualifiez-vous ces violences ? 

    Michel Warschawski : Nous avons dépassé les crimes de guerre, nous sommes face à un crime contre l’humanité à Gaza. La Cour pénale internationale doit s’en saisir. La population de Gaza paye une nouvelle fois le prix cher, sans pour autant que ce carnage, ces milliers de morts gazaouis ne calment l’opinion publique israélienne, qui se sent très menacée. 
    Je suis très inquiet devant la folie de notre gouvernement d’extrême droite sur lequel les pressions internationales et les discours pour calmer le jeu accrochent très peu. Nous sommes face à des jusqu’au-boutistes extrémistes qui sont en plus des incapables et des voyous. Nétanyahou [le premier ministre israélien – ndlr] est leur otage. Et ça fait peur.

    La barbarie et la vengeance aveugle sont-elles de part et d’autre les nouvelles boussoles d’un conflit encalminé depuis des décennies ?

    D’abord, je refuse la symétrie entre les deux parties. Il y a un occupant et un occupé. Même si l’occupé peut utiliser des méthodes intolérables qu’il faut dénoncer. N’oublions jamais : Israël est l’occupant, il a les clés de la solution. Les Palestiniens sont poussés à bout, par le désespoir, mais aussi par un sentiment de dignité : « Puisqu’on doit crever, crevons en nous battant pour notre terre. »

    J’ai été assez sonné et je le suis encore aujourd’hui par les massacres commis par le Hamas. On a tous en nous une grosse lourdeur, quelque chose qui nous pèse. Ma fille et ses copines ont commencé à pleurer le 7 octobre et nous, les hommes, quelques jours après. Ce qui m’a le plus sonné, c’est bien sûr la violence, même si je peux comprendre d’où elle vient, d’une direction politique, d’une population qui vit à Gaza dans une cocotte-minute qui, à un moment, explose.
     
    Mais ce qui m’a aussi sonné, c’est l’absence de l’État, de Benyamin Nétanyahou et de ses alliés d’extrême droite. Celle qui a pris les choses en main, c’est la société civile. Et jusqu’à aujourd’hui, par exemple, l’accueil des réfugiés des localités juives qui entourent Gaza se fait par des associations, des groupes de citoyens, pas par l’État. À tel point que Nétanyahou, pour la première fois, a dit : « Quand la guerre sera finie, il faudra faire un bilan. » L’État a été en dessous de tout.

    Vous dites qu’« Israël a les clés de la solution ». Quelle est cette solution ?

    Se retirer des territoires occupés. Et ne pas provoquer une nouvelle nakba [« catastrophe » en arabe, en référence à la fuite ou à l’expulsion de leurs maisons de près de 760 000 Palestiniens et Palestiniennes pendant la première guerre israélo-arabe, qui a coïncidé avec la création de l’État d’Israël – ndlr]. Un ministre du gouvernement israélien a déclaré qu’il fallait finir le boulot de 1948. Cette idée, selon laquelle, nous aurions gardé beaucoup trop de Palestiniens sur notre territoire, obsède notre gouvernement, qui entend créer l’occasion pour nettoyer Israël et en faire un État juif démographiquement, c’est-à-dire un État composé uniquement ou quasi uniquement de juifs. 

    C’est dans la continuité de la loi fondamentale qui a été votée il y a deux ans : Israël comme peuple-nation, comme État-nation du peuple juif. C’est totalement contraire aux engagements du jeune État d’Israël pour être accepté à l’ONU en 1949. Il s’agit non seulement de ne plus reconnaître les droits nationaux palestiniens, mais aussi de s’en débarrasser le plus vite possible. C’est terrifiant.

    Le conflit israélo-palestinien revient sur le devant de la scène géopolitique de la plus sanglante des manières. Cette violence meurtrière sans précédent est-elle aussi la conséquence du refoulement de la question palestinienne que nombre de cercles diplomatiques, en Occident comme dans les pays arabes, souhaitaient enterrer, notamment à travers les accords d’Abraham ?
     
    Oui, le conflit israélo-palestinien est là, toujours bien présent. Certains ont cru, parmi ceux qui sont au pouvoir en Israël, qu’on pouvait complètement ignorer la question palestinienne et normaliser comme si de rien n’était les relations avec des pays arabes. Ils se sont gravement trompés. 

    Israël veut le beurre et l’argent du beurre, c’est-à-dire d’un côté normaliser, mais de l’autre ne rien changer à sa politique. J’ai vu les images à la télévision des grandes manifestations qui ont lieu dans les pays arabes comme au Maroc. Les régimes arabes sont quand même dépendants d’une certaine opinion publique qui communie clairement avec la souffrance des Palestiniens.

    Ce qui s’est produit le 7 octobre est une question de nécessité. On se réunit deux fois par semaine dans un petit café avec des amis, plutôt à gauche qu’à droite, mais pas forcément à l’extrême gauche, des personnes plutôt âgées. Elles ne sont pas dans l’esprit de vengeance. Ce sont des gens de bon sens en général, mais il a fallu cette fois leur expliquer quand même à quel point cette violence était inévitable.

    Pourquoi cette violence était-elle inévitable ?

    Car c’est le principe de la cocotte-minute d’exploser ! On ne peut pas mettre deux millions de personnes dans une cocotte-minute à Gaza et ne pas comprendre que ça va exploser tôt ou tard. Deux millions de personnes sont enfermées dans un minuscule territoire et soumises à un blocus depuis plus d’une décennie.
    Ces deux millions de personnes ont des droits, à commencer par le droit d’exister, de respirer. Israël les soumet désormais à un siège complet en représailles, leur coupe l’eau, la nourriture, les médicaments, l’électricité, Internet, les télécommunications. Sa riposte est inacceptable. 

    Je vois en Occident, notamment en France, des débats minables, qui ne sont pas à la hauteur de l’extrême gravité du moment. Au lieu d’utiliser tous leurs leviers pour imposer un cessez-le-feu immédiat, de nombreux dirigeants politiques préfèrent prêter allégeance à Israël. Ils sont sous les yeux du monde entier les complices d’un crime contre l’humanité.
    La gauche israélienne peut-elle encore parler de la réalité palestinienne aux Israéliens après le 7 octobre ou est-elle en train de mourir ? 

    Elle est mal en point depuis un moment et cela ne va pas s’arranger. Ce qui faisait la force de la gauche israélienne, c’était qu’elle était judéo-arabe. Et le fait d’être judéo-arabe lui donnait aussi une force numérique. Les juifs israéliens étaient minoritaires. Mais à partir de 2000, le front judéo-arabe a pris un sale coup, réduisant le poids numérique des manifestations antiguerre et anti-occupation. Nous le payons aujourd’hui. 

    Avez-vous tout de même encore un peu d’espoir ?
    Mon grand-père, avec le bon sens d’un juif polonais émigré en France sans beaucoup d’éducation, nous disait : « On ne sait pas de quoi l’avenir est fait, alors autant parier sur le meilleur et pas sur le pire. » C’est mon caractère. Je sais qu’il y a des possibilités. Ce n’est qu’une question de volonté politique et de pressions internationales. Par ailleurs, il n’est pas exclu que cette séquence meurtrière précipite la chute de Nétanyahou, ce qui serait une joie personnelle, partagée par de nombreux Israéliens. 
    L’opinion publique israélienne est très volatile. Elle peut être hyper belliciste aujourd’hui et très rapidement sauter sur ce qui semble être une solution. Tel-Aviv est tournée entièrement vers l’Europe, vers l’Occident. Et puis, il y a le reste d’Israël. Ce sont un peu vos villes et vos banlieues. Ce sont des populations qui votent à droite en général, contrairement à Tel-Aviv, qui est beaucoup plus à gauche, au centre-gauche.
    Et cette cassure, à mon avis, va s’accentuer. Ce sont deux Israël. D’ailleurs, on appelle depuis des décennies nos banlieues le « second Israël », ces villes pauvres qui se trouvent notamment à la frontière de Gaza.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/281023/michel-warschawski-nous-avons-depasse-les-crimes-de-guerre-gaza

    #Michel_Warschawski #Israël #crime_contre_l’humanité #Palestiniens #Gaza #gauche_israélienne

  • En #Arabie_Saoudite, les #gardes-frontières auraient abattu des « centaines » de #migrants_éthiopiens

    L’ONG Human Rights Watch dévoile ce lundi 21 août un rapport selon lequel des migrants éthiopiens ont été tués par les gardes-frontières saoudiens alors qu’ils tentaient d’entrer dans le pays en passant par le #Yémen. Ces meurtres pourraient constituer un crime contre l’humanité.

    Un massacre « à l’abri du regard du reste du monde ». Les gardes-frontières saoudiens ont tué depuis l’an dernier des « centaines » de migrants éthiopiens qui tentaient de pénétrer dans la riche monarchie du Golfe passant par sa frontière avec le Yémen, a dénoncé ce lundi 21 août l’ONG Human Rights Watch (HRW). « Les autorités saoudiennes tuent des centaines de migrants et de demandeurs d’asile dans cette zone frontalière reculée », a déclaré dans un communiqué Nadia Hardman, spécialiste des migrations à HRW.

    Des centaines de milliers d’Ethiopiens travaillent en Arabie Saoudite, empruntant parfois la « route de l’Est » reliant la Corne de l’Afrique au Golfe, en passant par le Yémen, pays pauvre et en guerre depuis plus de huit ans. Le #meurtre « généralisé et systématique » des migrants éthiopiens pourrait même constituer un #crime_contre_l’humanité, estime l’ONG. « Nous parlons d’un minimum de 655 personnes, mais il est probable qu’il s’agisse de milliers », a déclaré Nadia Hardman à la BBC. « Ce que nous avons documenté, ce sont essentiellement des massacres, a-t-elle ajouté. Les gens ont décrit des sites qui ressemblent à des champs d’extermination avec des corps éparpillés sur les flancs des collines ».

    Ryad accusé de « détourner l’attention » de « ces crimes horribles »

    Les « milliards dépensés » dans le sport et le divertissement « pour améliorer l’image de l’Arabie Saoudite » ne devraient pas détourner l’attention de « ces crimes horribles », a-t-elle fustigé. Les ONG accusent régulièrement Ryad d’investir dans les grands événements sportifs et culturels pour « détourner l’attention » des graves violations des droits humains et la crise humanitaire au Yémen où l’armée saoudienne est impliquée.

    L’année dernière, des experts de l’ONU avaient déjà fait état d’« allégations préoccupantes » selon lesquelles « des tirs d’artillerie transfrontaliers et des tirs d’armes légères par les forces de sécurité saoudiennes ont tué environ 430 migrants »dans le sud de l’Arabie Saoudite et le nord du Yémen durant les quatre premiers mois de 2022. Le nord du Yémen est largement contrôlé par les #Houthis, des rebelles que les Saoudiens combattent depuis 2015 en soutien aux forces pro-gouvernementales.

    Entretiens et images satellites

    Pour en arriver à de telles conclusions, Human Right Watch s’appuie sur des entretiens avec 38 migrants éthiopiens ayant tenté de passer en Arabie Saoudite depuis le Yémen, des images satellite et des vidéos et photos publiées sur les réseaux sociaux « ou recueillies auprès d’autres sources ». Les personnes interrogées ont parlé d’« armes explosives » et de tirs à bout portant, les gardes-frontières saoudiens demandant aux Ethiopiens « sur quelle partie de leur corps ils préféreraient que l’on tire ».

    Ces migrants racontent des scènes d’horreur : « Femmes, hommes et enfants éparpillés dans le paysage montagneux, gravement blessés, démembrés ou déjà morts », relate HRW. « Ils nous tiraient dessus, c’était comme une pluie (de balles) », témoigne une femme de 20 ans, originaire de la région éthiopienne d’Oromia, citée par l’ONG. « J’ai vu un homme appeler à l’aide, il avait perdu ses deux jambes », mais, raconte-t-elle, « on n’a pas pu l’aider parce qu’on courrait pour sauver nos propres vies ».

    Auprès de la BBC, plusieurs personnes qui ont tenté de passer la frontière en pleine nuit racontent les scènes d’horreurs. « Les tirs n’ont pas cessé, témoigne Mustafa Soufia Mohammed âgé 21 ans. Je n’ai même pas remarqué qu’on m’avait tiré dessus. Mais lorsque j’ai essayé de me lever et de marcher, une partie de ma jambe m’a échappé ». La jambe de Mustafa a ensuite dû être amputée sous le genou l’obligeant aujourd’hui à marcher avec des béquilles et une prothèse mal ajustée. Zahra [le prénom a été modifié par le média britannique] a, elle, eu tous les doigts d’une main arrachée à cause d’une pluie de balles.

    D’après l’Organisation internationale pour les migrations des Nations unies, plus de 200 000 personnes tentent chaque année ce voyage périlleux qui traverse la mer la #Corne_de_l’Afrique jusqu’au Yémen, pour atteindre l’Arabie saoudite. HRW appelle Ryad à « cesser immédiatement » le recours à la force meurtrière contre des migrants et demandeurs d’asile, exhortant l’ONU à enquêter sur ces allégations.

    AFP / Libération / https://www.liberation.fr/international/moyen-orient/en-arabie-saoudite-les-gardes-frontieres-auraient-abattu-des-centaines-de

    VIDEO. https://www.youtube.com/watch?v=f90vwqCYU1c&t=4s

    FR. https://www.hrw.org/fr/news/2023/08/21/arabie-saoudite-massacres-de-migrants-la-frontiere-du-yemen

    EN. https://www.hrw.org/news/2023/08/21/saudi-arabia-mass-killings-migrants-yemen-border

    AR. https://www.hrw.org/ar/news/2023/08/21/saudi-arabia-mass-killings-migrants-yemen-border

    #massacre #migrations #réfugiés #frontières #rapport #HRW

  • En Arabie Saoudite, les gardes-frontières auraient abattu des « centaines » de migrants éthiopiens https://www.liberation.fr/international/moyen-orient/en-arabie-saoudite-les-gardes-frontieres-auraient-abattu-des-centaines-de

    https://youtu.be/f90vwqCYU1c?feature=shared

    Un #massacre « à l’abri du regard du reste du monde ». Les gardes-frontières saoudiens ont tué depuis l’an dernier des « centaines » de migrants éthiopiens qui tentaient de pénétrer dans la riche monarchie du Golfe passant par sa frontière avec le Yémen, a dénoncé ce lundi 21 août l’ONG #Human_Rights_Watch (HRW). « Les autorités saoudiennes tuent des centaines de migrants et de demandeurs d’asile dans cette zone frontalière reculée », a déclaré dans un communiqué Nadia Hardman, spécialiste des migrations à HRW.

    Des centaines de milliers d’#Ethiopiens travaillent en #Arabie_Saoudite, empruntant parfois la « route de l’Est » reliant la Corne de l’Afrique au Golfe, en passant par le Yémen, pays pauvre et en guerre depuis plus de huit ans. Le meurtre « généralisé et systématique » des #migrants éthiopiens pourrait même constituer un #crime_contre_l’humanité, estime l’ONG. « Nous parlons d’un minimum de 655 personnes, mais il est probable qu’il s’agisse de milliers », a déclaré Nadia Hardman à la BBC. « Ce que nous avons documenté, ce sont essentiellement des massacres, a-t-elle ajouté. Les gens ont décrit des sites qui ressemblent à des champs d’extermination avec des corps éparpillés sur les flancs des collines ».

    Les « milliards dépensés » dans le sport et le divertissement « pour améliorer l’image de l’Arabie Saoudite » ne devraient pas détourner l’attention de « ces crimes horribles », a-t-elle fustigé. Les ONG accusent régulièrement Ryad d’investir dans les grands événements sportifs et culturels pour « détourner l’attention » des graves violations des droits humains et la crise humanitaire au Yémen où l’armée saoudienne est impliquée.

    L’année dernière, des experts de l’ONU avaient déjà fait état d’« allégations préoccupantes » selon lesquelles « des tirs d’artillerie transfrontaliers et des tirs d’armes légères par les forces de sécurité saoudiennes ont tué environ 430 migrants » dans le sud de l’Arabie Saoudite et le nord du Yémen durant les quatre premiers mois de 2022. Le nord du Yémen est largement contrôlé par les Houthis, des rebelles que les Saoudiens combattent depuis 2015 en soutien aux forces pro-gouvernementales.

    Pour en arriver à de telles conclusions, Human Right Watch s’appuie sur des entretiens avec 38 migrants éthiopiens ayant tenté de passer en Arabie Saoudite depuis le Yémen, des images satellite et des vidéos et photos publiées sur les réseaux sociaux « ou recueillies auprès d’autres sources ». Les personnes interrogées ont parlé d’« armes explosives » et de tirs à bout portant, les gardes-frontières saoudiens demandant aux Ethiopiens « sur quelle partie de leur corps ils préféreraient que l’on tire ».

    Ces migrants racontent des scènes d’horreur : « Femmes, hommes et enfants éparpillés dans le paysage montagneux, gravement blessés, démembrés ou déjà morts », relate HRW. « Ils nous tiraient dessus, c’était comme une pluie (de balles) », témoigne une femme de 20 ans, originaire de la région éthiopienne d’Oromia, citée par l’ONG. « J’ai vu un homme appeler à l’aide, il avait perdu ses deux jambes », mais, raconte-t-elle, « on n’a pas pu l’aider parce qu’on courrait pour sauver nos propres vies ».

    Auprès de la BBC, plusieurs personnes qui ont tenté de passer la frontière en pleine nuit racontent les scènes d’horreurs. « Les tirs n’ont pas cessé, témoigne Mustafa Soufia Mohammed âgé 21 ans. Je n’ai même pas remarqué qu’on m’avait tiré dessus. Mais lorsque j’ai essayé de me lever et de marcher, une partie de ma jambe m’a échappé ». La jambe de Mustafa a ensuite dû être amputée sous le genou l’obligeant aujourd’hui à marcher avec des béquilles et une prothèse mal ajustée. Zahra [le prénom a été modifié par le média britannique] a, elle, eu tous les doigts d’une main arrachée à cause d’une pluie de balles.

    D’après l’Organisation internationale pour les migrations des Nations unies, plus de 200 000 personnes tentent chaque année ce voyage périlleux qui traverse la mer la Corne de l’Afrique jusqu’au Yémen, pour atteindre l’Arabie saoudite. HRW appelle Ryad à « cesser immédiatement » le recours à la force meurtrière contre des migrants et demandeurs d’asile, exhortant l’ONU à enquêter sur ces allégations.

  • #Que_faire ?

    L’État doit agir avant que le pire advienne. Des milliers de vies sont en jeu. Il faut cesser de mentir. Les #solutions sont connues. Il faut prendre les bonnes #décisions. Maintenant, toute de suite : des #tests, des #masques et des #lits.

    Je suis devant mon écran en ce 21 mars, 6ème jour de confinement, le 2ème jour d’un printemps qu’on a oublié. Il est 15h. Il pleut. 100 messages tombent chaque heure sur mon ordinateur. Je n’arrive plus à les lire. J’essaie de répondre aux urgences, mais je ne sais plus quelles sont les #urgences. Il n’y a que des urgences. Les nouvelles, les analyses et les projections, toutes plus catastrophiques les unes que les autres, tombent comme des obus dans un champ de bataille. Je signe des pétitions, je participe à la rédaction d’appels, je me nourris de l’illusion d’avoir peut-être sauvé des vies en faisant voter un avis de CHSCT, j’alerte dans tous les sens et je ne sais plus où est le sens. Je m’arrête un instant, je respire, je ferme les yeux.

    Je revois le visage de la jeune caissière du supermarché, où je suis allé faire les provisions du confiné. C’était hier. J’étais masqué, presque seul à porter le sésame. Un peu honteux avec mon vieux FFP2 de gilet jaune, au milieu de petits vieux sans masques, d’enfants sans masque et de jeunes caissières sans masque. Ou alors avec un bout de tissus bricolé qu’elles portaient depuis des heures et dans lequel elles transpiraient. J’ai dit à la jeune caissière sans masque qu’elle devait porter un masque ou faire valoir son #droit_de_retrait. Elle m’a dit qu’elle n’avait pas de droit de retrait parce qu’elle avait droit à un masque par jour, un masque en tissu qu’elle ne supportait plus. Alors, en regardant ces jeunes visages et ces jeunes vies sans protection que le virus s’apprêtait à couronner, je me suis dit ceci : les salauds qui ont contraint des milliers de #caissières et d’#ouvriers à travailler sans aucune #protection, au #risque de leur santé et de leur vie, vont devoir payer. Payer très cher. Pas tout de suite parce qu’il y a des priorités, mais ils vont payer. Nous n’oublierons pas. Oui, me dis-je, je vais écrire un billet sur le #capitalisme_de_crise et la #guerre_sociale qui conduit à toujours sacrifier les plus pauvres, les travailleurs et les travailleuses auxquelles on va donner une #prime de la honte en échange de leur sacrifice pour le capitalisme mondialisé et les quelques pourritures couronnées qui nous gouvernent. Le « #En_même_temps » du #confinement et de l’#injonction_à_travailler. Le « En même temps » de Macron n’est plus seulement une #imposture permanente : il devient un #crime. Oui, me dis-je, il faut dénoncer ça pour empêcher le crime de masse qui se déroule sous nos yeux.

    Je rouvre les yeux. Une notification de ma messagerie cryptée me réveille de mon cauchemar. Je prends mon téléphone et lit les messages. On débat d’un projet d’action en extérieur avec un objectif noble. Il s’agit de #sauver_des_vies. Et pour sauver des vies il faut enfreindre le confinement. Une majorité s’oppose à toute prise de risque. Au nom des personnels de santé, pour les personnels de santé, par respect pour leur demande, pour leurs vies. On propose des pancartes aux fenêtres et des chants contre Macron, tous ensemble à 20h : « On est là ! Même si Macron ne le veut pas, nous on est là ! ». Je leur écris que j’écris un billet sur « Nous », les #confinés_en_colère, les confinés déter. Ceux que Macron enferme dans une prison un jour et à laquelle il met le feu le lendemain. C’était mon projet de billet d’avant-hier, quand Macron annonce à l’Institut Pasteur les 5 milliards pour la recherche. Je me dis alors : « Ouah, on a gagné la suspension des retraites, et là on va gagner le combat pour le refinancement de la recherche ». Las, ce n’est pas 5 milliards tout de suite pour le PLFR, c’est 5 milliards sur 10 ans et dans le cadre de la #LPPR, dont Macron reparle explicitement à l’occasion de son annonce. Le projet de loi était suspendu. Il le ressort au moment où il suspend la démocratie. Je reprends mes notes de jeudi soir :

    Macron annonce la suspension de toutes les réformes en cours ;
    Le peuple, conscient de l’intérêt général, consent au confinement et à la suspension provisoire de la #démocratie pour sauver le maximum de vies ;
    Et Macron réactive les #réformes au moment même il suspend la démocratie et annonce une attaque majeure contre le #droit_du_travail et les #acquis_sociaux (#35_heures et #congés).

    Question : #inconscience, #indécence ou #obscénité ? Pourquoi fait-il ça ? Est-il fou ? Je réfléchis un peu. Je repense au bonhomme, à ce "cas Macron" comme il y a un " cas Schreber". Il n’aura donc pas tenu plus de trois jours, le président. Il ne lui aura fallu que trois jours après le début du confinement pour retrouver son penchant le plus naturel à la #provocation_narcissique, au pied de nez bravache, à la vacherie anti-sociale. « Vous me voyez là, sans masque au milieu d’un labo, en train de faire la morale aux français confinés et annoncer tout de go que 5 milliards sont dégagés dans la cadre de la LLPR ». La LPPR qui mettait le feu aux poudres de l’université il y a deux semaines, le 5 mars exactement, quand l’université s’est arrêtée !

    Le confinement et tous ces #morts - passés, présents et à venir - sont une grande souffrance pour notre pays. Les #sacrifices sont et seront immenses. Chacun en a conscience. Et voilà un président, portant une #responsabilité insigne dans la gestion calamiteuse de la crise, qui passe son temps non seulement à rabrouer son peuple, mais aussi à narguer celles et ceux qui ont consenti au confinement et à la suspension de la démocratie. Celles et ceux qui ont consenti à sacrifier leur lutte et à mettre entre parenthèse le mouvement social. Et voilà encore que ce président met à profit cette suspension de nos libertés pour poursuivre la destruction des derniers acquis sociaux !

    Il faut que Macron fasse bien attention : le #consentement est là parce que le peuple est responsable, mais si le peuple consent ce jour, il consent avec une immense #colère contre l’indécence et l’obscénité de celui qui le nargue du haut d’un pouvoir qu’il usurpe et avilit. Ce président ne mérite plus aucun respect. Les #Gilets_jaunes ont inventé une chanson juste qui lui colle à la peau et ne le lâchera jamais : « #Macron_nous_fait_la_guerre ». Aujourd’hui il fait la guerre à un peuple confiné. Je me permets quelques analogies. Avec la relance de la LPPR le président-roi prenait plaisir à gifler un enfant dont il venait de lier les mains. Avec les 35 heures et les congés, ce ne sont plus des gifles qu’il assène, mais des coups de poing. Comment nomme-t-on un pays dans lequel on torture les citoyens emprisonnés ? Comment nomme-t-on un pays dans lequel on interdit aux manifestants de se protéger ? Comment nomme-t-on un pays dont la police éborgne et mutile ? Comment nomme-ton un pays où on empêche les malades de se protéger, par imprévoyance coupable et choix politiques irresponsables ? Que doivent faire des élus et les membres d’un gouvernement qui ont menti au peuple pour masquer leurs erreurs, leurs #fautes et leur #incompétence ?

    Macron a aujourd’hui une seule responsabilité, avant de quitter le pouvoir ou avant qu’il ne lui soit repris : sauver des vies. C’est tout ce qu’on attend de lui. C’est sa responsabilité et celle de son gouvernement, sa dernière responsabilité. Pour en finir avec toutes les #fautes, les #erreurs, les #mensonges, l’#incurie, les #atermoiements, l’#irresponsabilité_collective, aujourd’hui partout dénoncés, pour que le scandale d’Etat des masques, des tests et des lits finisse, pour sauver des milliers de vies, Macron et son gouvernement ont trois décisions à prendre. Elles sont simples : commander un milliard de masques tout de suite et les faire mettre en production par tous les moyens. Tester massivement la population pour que l’on sache qui est contaminé et qui doit par conséquent protéger autrui. Enfin construire dans les 2 semaines qui viennent au moins trois #hôpitaux_provisoires pour accueillir chacun 1000 malades. Les Chinois l’ont fait. Nous avons les moyens de le faire aussi. C’est ainsi qu’on sauvera des vies. Les 30 lits de l’Armée à Mulhouse nous font pleurer. Vous êtes obscènes jusque dans la communication et le ballet de vos avions. Vous n’avez rien compris. Vous avez laissé le Haut-Rhin contaminer le Bas-Rhin et la Franche-Comté pendant deux semaines alors que tout le monde vous mettait en garde contre ces décisions criminelles. Vous devrez répondre un jour de cela, et de bien d’autres choses. Alors aujourd’hui, si vous ne prenez pas ces trois décisions - les masques, les tests et les 3000 lits - vous aurez ajouté à l’indécence et à l’incompétence un véritable #crime_contre_l’humanité. Les morts vous regardent déjà au fond des yeux.

    https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/210320/que-faire
    #dépistage #coronavirus

    • La semaine de SLU du 16 au 21 mars 2020

      Je meurs de l’absence de masques,

      Je meurs de l’absence de tests,

      Je meurs de l’absence de gel hydroalcoolique,

      Je meurs de l’absence de blouses dans les hôpitaux,

      Je meurs de l’absence d’antirétroviraux dans les hôpitaux,

      Je meurs de l’absence de nivaquine dans les hôpitaux, le royaume du Maroc ayant, lui, su acheter tout le stock à Sanofi,

      Je meurs de l’absence de lit de réanimation et de machines,

      Je meurs de la destruction de l’hôpital public,

      Je meurs des consignes efficaces des lean-managers : zéro-stock, zéro-bed,

      Je meurs de la mise en danger des personnels médicaux faute de moyens élémentaires,

      Je meurs de vivre dans un pays du tiers-monde, la France, non la france,

      Je meurs de la politique de Touraine,

      Je meurs de la politique de Buzyn,

      Je meurs de la politique de tous nos ministres de la recherche depuis 20 ans,

      J’aimerais ne pas mourir pour rien et puisque le Covid-19 c’est la guerre,

      qu’à la différence de la fin de la deuxième guerre mondiale où l’on a su tondre les femmes qui avaient couchés avec les allemands mais où les hauts fonctionnaires pétainistes passèrent au travers des gouttes,
      que cette fois-ci les responsables soient, pour une fois, déclarés #coupables.

      http://www.sauvonsluniversite.fr/spip.php?article8687

  • ICC submission calls for prosecution of EU over migrant deaths

    Member states should face punitive action over deaths in Mediterranean, say lawyers.

    The EU and member states should be prosecuted for the deaths of thousands of migrants who drowned in the Mediterranean fleeing Libya, according to a detailed legal submission to the international criminal court (ICC).

    The 245-page document calls for punitive action over the EU’s deterrence-based migration policy after 2014, which allegedly “intended to sacrifice the lives of migrants in distress at sea, with the sole objective of dissuading others in similar situation from seeking safe haven in Europe”.

    The indictment is aimed at the EU and the member states that played a prominent role in the refugee crisis: Italy, Germany and France.

    The stark accusation, that officials and politicians knowingly created the “world’s deadliest migration route” resulting in more than 12,000 people losing their lives, is made by experienced international lawyers.

    The two main authors of the submission are Juan Branco, who formerly worked at the ICC as well as at France’s foreign affairs ministry, and Omer Shatz, an Israeli lawyer who teaches at Sciences Po university in Paris.
    Most refugees in Libyan detention centres at risk – UN
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    The allegation of “crimes against humanity” draws partially on internal papers from Frontex, the EU organisation charged with protecting the EU’s external borders, which, the lawyers say, warned that moving from the successful Italian rescue policy of Mare Nostrum could result in a “higher number of fatalities”.

    The submission states that: “In order to stem migration flows from Libya at all costs … and in lieu of operating safe rescue and disembarkation as the law commands, the EU is orchestrating a policy of forced transfer to concentration camps-like detention facilities [in Libya] where atrocious crimes are committed.”

    The switch from Mare Nostrum to a new policy from 2014, known as Triton (named after the Greek messenger god of the sea), is identified as a crucial moment “establishing undisputed mens rea [mental intention] for the alleged offences”.

    It is claimed that the evidence in the dossier establishes criminal liability within the jurisdiction of the ICC for “causing the death of thousands of human beings per year, the refoulement [forcible return] of tens of thousands migrants attempting to flee Libya and the subsequent commission of murder, deportation, imprisonment, enslavement, torture, rape, persecution and other inhuman acts against them”.

    The Triton policy introduced the “most lethal and organised attack against civilian population the ICC had jurisdiction over in its entire history,” the legal document asserts. “European Union and Member States’ officials had foreknowledge and full awareness of the lethal consequences of their conduct.”

    The submission does not single out individual politicians or officials for specific responsibility but does quote diplomatic cables and comments from national leaders, including Angela Merkel and Emmanuel Macron.

    The office of the prosecutor at the ICC is already investigating crimes in Libya but the main focus has been on the Libyan civil war, which erupted in 2011 and led to the removal of Muammar Gaddafi. Fatou Bensouda, the ICC prosecutor, has, however, already mentioned inquiries into “alleged crimes against migrants transiting through Libya”.

    The Mare Nostrum search and rescue policy launched in October 2013, the submission says, was “in many ways hugely successful, rescuing 150,810 migrants over a 364-day period”.

    Criticism of the policy began in mid-2014 on the grounds, it is said, that it was not having a sufficient humanitarian impact and that there was a desire to move from assistance at sea to assistance on land.

    “EU officials sought to end Mare Nostrum to allegedly reduce the number of crossings and deaths,” the lawyers maintain. “However, these reasons should not be considered valid as the crossings were not reduced. And the death toll was 30-fold higher.”

    The subsequent policy, Triton, only covered an “area up to 30 nautical miles from the Italian coastline of Lampedusa, leaving around 40 nautical miles of key distress area off the coast of Libya uncovered,” the submission states. It also deployed fewer vessels.

    It is alleged EU officials “did not shy away from acknowledging that Triton was an inadequate replacement for Mare Nostrum”. An internal Frontex report from 28 August 2014, quoted by the lawyers, acknowledged that “the withdrawal of naval assets from the area, if not properly planned and announced well in advance – would likely result in a higher number of fatalities.”

    The first mass drownings cited came on 22 January and 8 February 2015, which resulted in 365 deaths nearer to the Libyan coast. It is alleged that in one case, 29 of the deaths occurred from hypothermia during the 12-hour-long transport back to the Italian island of Lampedusa. During the “black week” of 12 to 18 April 2015, the submission says, two successive shipwrecks led to the deaths of 1,200 migrants.

    As well as drownings, the forced return of an estimated 40,000 refugees allegedly left them at risk of “executions, torture and other systematic rights abuses” in militia-controlled camps in Libya.

    “European Union officials were fully aware of the treatment of the migrants by the Libyan Coastguard and the fact that migrants would be taken ... to an unsafe port in Libya, where they would face immediate detention in the detention centers, a form of unlawful imprisonment in which murder, sexual assault, torture and other crimes were known by the European Union agents and officials to be common,” the submission states.

    Overall, EU migration policies caused the deaths of “thousands civilians per year in the past five years and produced about 40,000 victims of crimes within the jurisdiction of the court in the past three years”, the report states.

    The submission will be handed in to the ICC on Monday 3 June.

    An EU spokesperson said the union could not comment on “non-existing” legal actions but added: “Our priority has always been and will continue to be protecting lives and ensuring humane and dignified treatment of everyone throughout the migratory routes. It’s a task where no single actor can ensure decisive change alone.

    “All our action is based on international and European law. The European Union dialogue with Libyan authorities focuses on the respect for human rights of migrants and refugees, on promoting the work of UNHCR and IOM on the ground, and on pushing for the development of alternatives to detention, such as the setting up of safe spaces, to end the systematic and arbitrary detention system of migrants and refugees in Libya.

    “Search and Rescue operations in the Mediterranean need to follow international law, and responsibility depends on where they take place. EU operations cannot enter Libya waters, they operate in international waters. SAR operations in Libyan territorial waters are Libyan responsibility.”

    The spokesperson added that the EU has “pushed Libyan authorities to put in place mechanisms improving the treatment of the migrants rescued by the Libyan Coast Guard.”

    https://www.theguardian.com/law/2019/jun/03/icc-submission-calls-for-prosecution-of-eu-over-migrant-deaths
    #justice #décès #CPI #mourir_en_mer #CPI #cour_pénale_internationale

    ping @reka @isskein @karine4

    Ajouté à la métaliste sur les sauvetages en Méditerranée :
    https://seenthis.net/messages/706177

    • L’Union Européenne devra-t-elle un jour répondre de « crimes contre l’Humanité » devant la Cour Pénale Internationale ?

      #Crimes_contre_l'humanité, et #responsabilité dans la mort de 14 000 migrants en 5 années : voilà ce dont il est question dans cette enquête menée par plusieurs avocats internationaux spécialisés dans les Droits de l’homme, déposée aujourd’hui à la CPI de la Haye, et qui pourrait donc donner lieu à des #poursuites contre des responsables actuels des institutions européennes.

      La démarche fait l’objet d’articles coordonnés ce matin aussi bien dans le Spiegel Allemand (https://www.spiegel.de/politik/ausland/fluechtlinge-in-libyen-rechtsanwaelte-zeigen-eu-in-den-haag-an-a-1270301.htm), The Washington Post aux Etats-Unis (https://www.spiegel.de/politik/ausland/fluechtlinge-in-libyen-rechtsanwaelte-zeigen-eu-in-den-haag-an-a-1270301.htm), El Pais en Espagne (https://elpais.com/internacional/2019/06/02/actualidad/1559497654_560556.html), The Guardian en Grande-Bretagne, et le Monde, cet après-midi en France... bref, ce qui se fait de plus retentissant dans la presse mondiale.

      Les auteurs de ce #plaidoyer, parmi lesquels on retrouve le français #Juan_Branco ou l’israélien #Omer_Shatz, affirment que Bruxelles, Paris, Berlin et Rome ont pris des décisions qui ont mené directement, et en connaissance de cause, à la mort de milliers de personnes. En #Méditerrannée, bien sûr, mais aussi en #Libye, où la politique migratoire concertée des 28 est accusée d’avoir « cautionné l’existence de centres de détention, de lieux de tortures, et d’une politique de la terreur, du viol et de l’esclavagisme généralisé » contre ceux qui traversaient la Libye pour tenter ensuite de rejoindre l’Europe.

      Aucun dirigeant européen n’est directement nommé par ce réquisitoire, mais le rapport des avocats cite des discours entre autres d’#Emmanuel_Macron, d’#Angela_Merkel. Il évoque aussi, selon The Guardian, des alertes qui auraient été clairement formulées, en interne par l’agence #Frontex en particulier, sur le fait que le changement de politique européenne en 2014 en Méditerranée « allait conduire à une augmentation des décès en mer ». C’est ce qui s’est passé : 2014, c’est l’année-bascule, celle où le plan Mare Nostrum qui consistait à organiser les secours en mer autour de l’Italie, a été remplacé par ce partenariat UE-Libye qui, selon les auteurs de l’enquête, a ouvert la voix aux exactions que l’on sait, et qui ont été documentées par Der Spiegel dans son reportage publié début mai, et titré « Libye : l’enfer sur terre ».

      A présent, dit Juan Branco dans The Washington Post (et dans ce style qui lui vaut tant d’ennemis en France), c’est aux procureurs de la CPI de dire « s’ils oseront ou non » remonter aux sommet des responsabilités européennes. J’en terminerai pour ma part sur les doutes de cet expert en droit européen cité par El Pais et qui « ne prédit pas un grand succès devant la Cour » à cette action.

      https://www.franceculture.fr/emissions/revue-de-presse-internationale/la-revue-de-presse-internationale-emission-du-lundi-03-juin-2019


      #UE #Europe #EU #droits_humains

    • Submission to ICC condemns EU for ‘crimes against humanity’

      EU Commission migration spokesperson Natasha Bertaud gave an official statement regarding a recently submitted 245-page document to the International Criminal Court by human rights lawyers Juan Branco and Omer Shatz on June 3, 2019. The case claimed the EU and its member states should face punitive action for Libyan migrant deaths in the Mediterranean. The EU says these deaths are not a result of EU camps, rather the dangerous and cruel routes on which smugglers take immigrants. Bertaud said the EU’s track record on saving lives “has been our top priority, and we have been working relentlessly to this end.” Bertaud said an increase in EU operations in the Mediterranean have resulted in a decrease in deaths in the past 4 years. The accusation claims that EU member states created the “world’s deadliest migration route,” which has led to more than 12,000 migrant deaths since its inception. Branco and Shatz wrote that the forcible return of migrants to Libyan camps and the “subsequent commission of murder, deportation, imprisonment, enslavement, torture, rape, persecution and other inhuman acts against them,” are the grounds for this indictment. Angela Merkel and Emmanuel Macron were named specifically as those knowingly supporting these refugee camps, which the lawyers explicitly condemned in their report. The EU intends to maintain its presence on the Libyan coast and aims to create safer alternatives to detention centers.

      https://www.youtube.com/watch?time_continue=28&v=AMGaKDNxcDg

    • Migration in the Mediterranean: why it’s time to put European leaders on trial

      In June this year two lawyers filed a complaint at the International Criminal Court (ICC) naming European Union member states’ migration policies in the Mediterranean as crimes against humanity.

      The court’s Prosecutor, Fatou Bensouda, must decide whether she wants to open a preliminary investigation into the criminality of Europe’s treatment of migrants.

      The challenge against the EU’s Mediterranean migrant policy is set out in a 245-page document prepared by Juan Branco and Omer Shatz, two lawyer-activists working and teaching in Paris. They argue that EU migration policy is founded in deterrence and that drowned migrants are a deliberate element of this policy. The international law that they allege has been violated – crimes against humanity – applies to state policies practiced even outside of armed conflict.

      Doctrinally and juridically, the ICC can proceed. The question that remains is political: can and should the ICC come after its founders on their own turf?

      There are two reasons why the answer is emphatically yes. First, the complaint addresses what has become a rights impasse in the EU. By taking on an area stymying other supranational courts, the ICC can fulfil its role as a judicial institution of last resort. Second, by turning its sights on its founders (and funders), the ICC can redress the charges of neocolonialism in and around Africa that have dogged it for the past decade.
      ICC legitimacy

      The ICC is the world’s first permanent international criminal court. Founded in 2002, it currently has 122 member states.

      So far, it has only prosecuted Africans. This has led to persistent critiques that it is a neocolonial institution that “only chases Africans” and only tries rebels. In turn, this has led to pushback against the court from powerful actors like the African Union, which urges its members to leave the court.

      The first departure from the court occurred in 2017, when Burundi left. The Philippines followed suit in March of this year. Both countries are currently under investigation by the ICC for state sponsored atrocities. South Africa threatened withdrawal, but this seems to have blown over.

      In this climate, many cheered the news of the ICC Prosecutor’s 2017 request to investigate crimes committed in Afghanistan. As a member of the ICC, Afghanistan is within the ICC’s jurisdiction. The investigation included atrocities committed by the Taliban and foreign military forces active in Afghanistan, including members of the US armed forces.

      The US, which is not a member of the ICC, violently opposes any possibility that its military personnel might be caught up in ICC charges. In April 2019 the ICC announced that a pre-trial chamber had shut down the investigation because US opposition made ICC action impossible.

      Court watchers reacted with frustration and disgust.
      EU migration

      An estimated 30,000 migrants have drowned in the Mediterranean in the past three decades. International attention was drawn to their plight during the migration surge of 2015, when the image of 3-year-old Alan Kurdi face-down on a Turkish beach circulated the globe. More than one million people entered Europe that year. This led the EU and its member states to close land and sea borders in the east by erecting fences and completing a Euro 3 billion deal with Turkey to keep migrants there. NATO ships were posted in the Aegean to catch and return migrants.

      Migrant-saving projects, such as the Italian Mare Nostrum programme that collected 150,000 migrants in 2013-2014, were replaced by border guarding projects. Political pressure designed to reduce the number of migrants who made it to European shores led to the revocation and non-renewal of licenses for boats registered to NGOs whose purpose was to rescue migrants at sea. This has led to the current situation, where there is only one boat patrolling the Mediterranean.

      The EU has handed search and rescue duties over to the Libyan coast guard, which has been accused repeatedly of atrocities against migrants. European countries now negotiate Mediterranean migrant reception on a case-by-case basis.
      A rights impasse

      International and supranational law applies to migrants, but so far it has inadequately protected them. The law of the sea mandates that ships collect people in need. A series of refusals to allow ships to disembark collected migrants has imperilled this international doctrine.

      In the EU, the Court of Justice oversees migration and refugee policies. Such oversight now includes a two-year-old deal with Libya that some claim is tantamount to “sentencing migrants to death.”

      For its part, the European Court of Human Rights has established itself as “no friend to migrants.” Although the court’s 2012 decision in Hirsi was celebrated for a progressive stance regarding the rights of migrants at sea, it is unclear how expansively that ruling applies.

      European courts are being invoked and making rulings, yet the journey for migrants has only grown more desperate and deadly over the past few years. Existing European mechanisms, policies, and international rights commitments are not producing change.

      In this rights impasse, the introduction of a new legal paradigm is essential.
      Fulfilling its role

      A foundational element of ICC procedure is complementarity. This holds that the court only intervenes when states cannot or will not act on their own.

      Complementarity has played an unexpectedly central role in the cases before the ICC to date, as African states have self-referred defendants claiming that they do not have the resources to try them themselves. This has greatly contributed to the ICC’s political failure in Africa, as rights-abusing governments have handed over political adversaries to the ICC for prosecution in bad faith, enjoying the benefits of a domestic political sphere relieved of these adversaries while simultaneously complaining of ICC meddling in domestic affairs.

      This isn’t how complementarity was supposed to work.

      The present rights impasse in the EU regarding migration showcases what complementarity was intended to do – granting sovereign states primacy over law enforcement and stepping in only when states both violate humanitarian law and refuse to act. The past decade of deadly migration coupled with a deliberately wastrel refugee policy in Europe qualifies as just such a situation.

      Would-be migrants don’t vote and cannot garner political representation in the EU. This leaves only human rights norms, and the international commitments in which they are enshrined, to protect them. These norms are not being enforced, in part because questions of citizenship and border security have remained largely the domain of sovereign states. Those policies are resulting in an ongoing crime against humanity.

      The ICC may be the only institution capable of breaking the current impasse by threatening to bring Europe’s leaders to criminal account. This is the work of last resort for which international criminal law is designed. The ICC should embrace the progressive ideals that drove its construction, and engage.

      https://theconversation.com/migration-in-the-mediterranean-why-its-time-to-put-european-leaders
      #procès

    • Naufrages en Méditerranée : l’UE coupable de #crimes_contre_l’humanité ?

      Deux avocats – #Omer_Shatz membre de l’ONG #Global_Legal_Action_Network et #Juan_Branco, dont le livre Crépuscule a récemment créé la polémique en France – ont déposé une plainte auprès de la Cour pénale internationale (CPI) à Paris le 3 juin dernier.

      Cette plainte qualifie de crimes contre l’humanité les politiques migratoires des États membres de l’Union européenne (UE) en Méditerranée.

      Selon le journal Le Monde :
      Pour les deux avocats, en permettant le refoulement des migrants en Libye, les responsables de l’UE se seraient rendus complices « d’expulsion, de meurtre, d’emprisonnement, d’asservissement, de torture, de viol, de persécution et d’autres actes inhumains, [commis] dans des camps de détention et les centres de torture libyens ».

      Les deux avocats ont transmis un rapport d’enquête (https://www.la-croix.com/Monde/Europe/Deces-migrants-Mediterranee-lUnion-europeenne-poursuivie-crimes-contre-lhu) de 245 pages sur la politique méditerranéenne de l’UE en matière de migration, à la procureure de la Cour, Fatou Bensouda, qui doit décider si elle souhaite ouvrir une enquête préliminaire sur la criminalité liée au traitement des migrants en Europe.

      Ils démontrent que la politique migratoire de l’UE est fondée sur la dissuasion et que les migrants noyés sont un élément délibéré de cette politique. Le droit international qu’ils allèguent avoir été violé – les crimes contre l’humanité – s’applique aux politiques étatiques pratiquées même en dehors des conflits armés.

      Sur les plans doctrinal et juridique, la CPI peut agir. La question qui demeure est politique : la CPI peut-elle et doit-elle s’en prendre à ses fondateurs sur leurs propres territoires ?

      Il y a deux raisons pour lesquelles la réponse est catégoriquement oui. Premièrement, la plainte porte sur ce qui est devenu une impasse en matière de droits au sein de l’UE. En s’attaquant à un domaine qui paralyse d’autres cours supranationales, la CPI peut remplir son rôle d’institution judiciaire de dernier ressort. Deuxièmement, en se tournant vers ses fondateurs (et ses bailleurs de fonds), la CPI peut répliquer à ses détracteurs qui l’accusent d’avoir adopté une posture néocolonialiste vis-à-vis du continent africain, une image qui la poursuit depuis au moins la dernière décennie.
      La légitimité de la cour pénale

      La CPI est la première cour pénale internationale permanente au monde. Fondée en 2002, elle compte actuellement 122 états membres.

      Jusqu’à présent, la cour n’a poursuivi que des ressortissants issus de pays africains. Cela a conduit à des critiques persistantes selon lesquelles il s’agit d’une institution néocoloniale qui « ne poursuit que les Africains », ne jugeant que les adversaires politiques de certains leaders ayant fait appel à la CPI.

      En retour, cela a conduit à des pressions à l’encontre de la cour de la part d’acteurs puissants comme l’Union africaine, qui exhorte ses membres à quitter la cour.

      Le premier départ du tribunal a eu lieu en 2017, avec le Burundi. Les Philippines en est sorti en mars 2019.

      Les deux états font actuellement l’objet d’enquêtes au sein de la CPI : respectivement au sujet d’exactions commises au Burundi depuis 2015 et aux Philippines concernant la campagne de lutte contre la drogue menée par le président Duterte. L’Afrique du Sud avait menacé de se retirer, avant de faire machine arrière.

      C’est dans ce contexte sensible que le procureur de la CPI avait décidé en 2017 d’enquêter sur les exactions commises en Afghanistan par les talibans, mais aussi par les forces militaires étrangères actives en Afghanistan, y compris les forces armées américaines. Si l’acte avait été alors salué, le projet n’a pu aboutir.

      Les États-Unis, qui ne sont pas membres de la CPI, se sont violemment opposés à toute possibilité d’investigation. En avril 2019, la CPI a annoncé qu’une chambre préliminaire avait mis fin à l’enquête car l’opposition américaine rendait toute action de la CPI impossible. Une décision qui a suscité de vives réactions et beaucoup de frustrations au sein des organisations internationales.

      La CPI connaît une période de forte turbulence et de crise de légitimité face à des états récalcitrants. Un autre scénario est-il envisageable dans un contexte où les états mis en cause sont des états membres de l’Union européenne ?
      Migrations vers l’Union européene

      On estime que plus de 30 000 personnes migrantes se sont noyées en Méditerranée au cours des trois dernières décennies. L’attention internationale s’est attardée sur leur sort lors de la vague migratoire de 2015, lorsque l’image du jeune Alan Kurdi, 3 ans, face contre terre sur une plage turque, a circulé dans le monde.

      Plus d’un million de personnes sont entrées en Europe cette année-là. Cela a conduit l’UE et ses États membres à fermer les frontières terrestres et maritimes à l’Est en érigeant des clôtures et en concluant un accord de 3 milliards d’euros avec la Turquie pour y maintenir les migrants. Des navires de l’OTAN ont été positionnés dans la mer Égée pour capturer et rapatrier les migrants.

      Les projets de sauvetage des migrants, tels que le programme italien Mare Nostrum – qui a permis de sauver 150 000 migrants en 2013-2014,- ont été remplacés par des projets de garde-frontières. Les pressions politiques visant à réduire le nombre de migrants qui ont atteint les côtes européennes ont conduit à la révocation et non-renouvellement des licences pour les bateaux enregistrés auprès d’ONG dont l’objectif était de sauver les migrants en mer. Cela a conduit à la situation actuelle, où il n’y a qu’un seul bateau de patrouille la Méditerranée.

      L’UE a confié des missions de recherche et de sauvetage aux garde-côtes libyens, qui ont été accusés à plusieurs reprises d’atrocités contre les migrants. Les pays européens négocient désormais l’accueil des migrants méditerranéens au cas par cas et s’appuyant sur des réseaux associatifs et bénévoles.

      Une impasse juridique

      Le droit international et supranational s’applique aux migrants, mais jusqu’à présent, il ne les a pas suffisamment protégés. Le droit de la mer est par ailleurs régulièrement invoqué.

      Il exige que les navires recueillent les personnes dans le besoin.

      Une série de refus d’autoriser les navires à débarquer des migrants sauvés en mer a mis en péril cette doctrine internationale.

      Au sein de l’UE, la Cour de justice supervise les politiques relatives aux migrations et aux réfugiés.

      Mais cette responsabilité semble avoir été écartée au profit d’un accord conclu il y a déjà deux ans avec la Libye. Cet accord est pour certains une dont certains l’équivalent d’une « condamnation à morts » vis-à-vis des migrants.

      De son côté, la Cour européenne des droits de l’homme a été perçue comme une institution ne soutenant pas spécialement la cause des migrants.

      Certes, en 2012 ce tribunal avait mis en avant la situation de ressortissants somaliens et érythréens. Interceptés en mer par les autorités italiennes, ils avaient été forcés avec 200 autres à retourner en Libye où leurs droits civiques et physiques n’étaient pas respectés, et leurs vies en danger. Portée par des organisations humanitaires, l’affaire avait conduit à un jugement de la cour stipulant :

      « que quand des individus sont interceptés dans des eaux internationales, les autorités gouvernementales sont obligées de s’aligner sur les lois internationales régulant les droits de l’Homme. »

      Cette position avait été célébrée dans ce qui semblait constituer une avancée pour les droits des migrants en mer. Il n’est cependant pas clair dans quelle mesure cette affaire peut s’appliquer dans d’autres cas et faire jurisprudence.

      Si les tribunaux européens sont invoqués et rendent leurs avis, le contexte migratoire empire, or les mécanismes, les politiques et les engagements européens et internationaux existants en matière de droits ne produisent pas de changement.

      Dans cette impasse juridique, l’introduction d’un nouveau paradigme semble essentielle.
      Remplir pleinement son rôle

      Dans ce contexte complexe, un élément fondateur de la CPI peut jouer un rôle : le principe de complémentarité.

      Elle [la complémentarité] crée une relation inédite entre les juridictions nationales et la Cour permettant un équilibre entre leurs compétences respectives.

      Cela signifie que le tribunal n’intervient que lorsque les États ne peuvent ou ne veulent pas agir de leur propre chef.

      Jusqu’à présent, la complémentarité a joué un rôle central inattendu dans les affaires dont la CPI a été saisie jusqu’à présent, les États africains s’étant autoproclamés incompétents, invoquant le manque de ressources (notamment juridiques) nécessaires.

      Cela a cependant grandement contribué à l’échec politique de la CPI sur le continent africain. Des gouvernements abusifs ont ainsi profité de ce système pour remettre à la CPI des adversaires politiques tout en se plaignant simultanément de l’ingérence de la CPI dans leurs affaires internes.

      Ce n’est pas ainsi que la complémentarité devait fonctionner.
      Le refus d’action de l’UE doit pousser la CPI à agir

      L’impasse dans laquelle se trouve actuellement l’UE en ce qui concerne les droits en matière de migration montre ce que la complémentarité est censée faire – accorder la primauté aux États souverains sur l’application de la loi et intervenir uniquement lorsque les États violent le droit humanitaire et refusent d’agir.

      La dernière décennie de migrations meurtrières, conjuguée à une politique de réfugiés délibérément délaissée en Europe, constitue une telle situation.

      Les migrants potentiels ne votent pas et ne peuvent pas être représentés politiquement dans l’UE.

      Leur protection ne dépend donc que des normes relatives aux droits de l’Homme et des engagements internationaux qui les entérinent. Ces normes ne sont pas appliquées, en partie parce que les questions de citoyenneté et de sécurité des frontières sont restées largement du ressort des États souverains. Ces politiques se traduisent aujourd’hui par un « crime contre l’humanité » continu.

      La CPI est peut-être l’institution qui sera capable de dénouer la situation complexe et l’impasse actuelle en menaçant de traduire les dirigeants européens en justice, faisant ainsi écho avec les idéaux progressistes qui ont nourri sa construction.

      https://theconversation.com/naufrages-en-mediterranee-lue-coupable-de-crimes-contre-lhumanite-1

  • Rôle des intellectuel·les, universitaires ‘minoritaires’, et des #porte-parole des #minorités

    La publication du billet de Gérard Noiriel sur son blog personnel[1] est révélatrice de la difficulté de mener, au sein du champ académique, une réflexion sur la #production_de_savoirs relatifs à la « #question_raciale[2] » et sur leurs usages sociaux dans l’#espace_public. Il est clair que le champ académique n’a pas le monopole de cette réflexion, mais l’intérêt de s’y consacrer est qu’elle peut se mener, a priori, selon les règles et procédures dudit champ. En effet, il semble que les débats liés aux concepts de « #racialisation », « #intersectionnalité », « #postcolonial », « #nouvel_antisémitisme » ou encore « #islamophobie » aient tendance à se dérouler par tribunes de presse interposées, et non par un dialogue via des articles scientifiques[3]. Si ces questions trouvent un espace dans la sociologie ou la science politique, elles peinent encore à émerger dans des disciplines comme le #droit ou l’#économie.

    Durant la période charnière 2001-2006, où la question coloniale et raciale est devenue centrale dans l’espace public – notamment du fait du vote, en 2001, de la « #loi_Taubira » reconnaissant la #traite et l’#esclavage en tant que #crime_contre_l’humanité, de l’impact des rébellions urbaines de 2005, de la référence par le législateur au rôle « positif » de la #colonisation [4] et de la création de nouvelles organisations de minoritaires telles que le #Conseil_représentatif_des_associations noires (#CRAN) –, la #disputatio_académique semblait encore possible. On pense notamment, en #sciences_sociales, aux programmes ANR Frontières, dirigé par Didier Fassin, et #Genrebellion, dirigé par Michelle Zancarini-Fournel et Sophie Béroud, où les concepts de racialisation ou d’intersectionnalité pouvaient être utilisés sans susciter une levée de boucliers.

    La publication des ouvrages collectifs De la question sociale à la question raciale ? et Les nouvelles frontières de la société française (La Découverte, 2006 et 2010), dirigés par Didier et Éric Fassin pour le premier, et par D. Fassin pour le second, constituent de ce point de vue des moments importants du débat scientifique français, qui ont permis de confronter des points de vue parfois divergents, mais esquissant une forme de dialogue. On y retrouve les contributions d’universitaires tels que Pap Ndiaye, Éric Fassin, Stéphane Beaud ou Gérard Noiriel qui, par la suite, via des tribunes dans Mediapart ou Libération, ont tous poursuivi la discussion dans le champ médiatique, notamment lors de l’« affaire des quotas » révélée par Mediapart en 2011[5]. Alors que P. Ndiaye et E. Fassin dénonçaient la catégorisation raciale des joueurs au sein de la Fédération française de football, et notamment la caractérisation de « prototypes » des « Blacks » par le sélectionneur Laurent Blanc[6], S. Beaud et G. Noiriel, tout en reconnaissant le caractère discriminatoire des quotas fondés sur la race, refusent « d’instruire des procès en hurlant avec la meute ». Ils considèrent qu’il faut prendre en compte le langage ordinaire du monde du football et, de manière tout à fait discutable, que le mot « Black » « renvoie moins à une catégorie raciale qu’à une catégorie sociale[7] ». Les récents commentaires de G. Noiriel sur le débat Mark Lilla / Eric Fassin (Le Monde, 1er octobre 2018) correspondent au dernier épisode d’une polémique qui court depuis une dizaine d’années.

    Ce mouvement allant d’une disputatio académique à une controverse médiatique est, nous semble-t-il, problématique pour la sérénité de la réflexion collective sur la question raciale. L’objectif de cette contribution est de soulever plusieurs questions à partir de l’article de G. Noiriel, sans entrer dans une logique polémique. Tout d’abord, on focalisera notre attention sur le rôle des intellectuel.le.s et leurs relations avec les porte-parole des minorités, et sur les différentes conceptions de l’intellectuel.le (« critique », « engagé.e » ou « spécifique »). Ensuite, on analysera le sort réservé aux universitaires appartenant à des groupes minorisés (ou « universitaires minoritaires ») travaillant sur la question raciale. En accusant ceux-ci de se focaliser sur la question raciale au détriment d’autres questions – la question économique par exemple (et non « sociale »), G. Noiriel porte le soupçon de « militantisme » et les perçoit comme des porte-parole de minorités. Or il est nécessaire de contester cette assignation au statut de porte-parole et la tendance générale à relativiser la scientificité des universitaires minoritaires qui, on le verra, subissent un certain nombre de censures voire de discriminations dans le champ académique. Il s’agit enfin de réfléchir au futur en posant la question suivante : comment mener des recherches sur la question raciale et les racismes, et construire un dialogue entre universitaires et organisations antiracistes sans favoriser les logiques d’essentialisation et tout en respectant l’autonomie des un.e.s et des autres ?
    Engagements intellectuels

    Tout en se réclamant tous deux de l’héritage de Michel Foucault, E. Fassin et G. Noiriel s’opposent sur la définition du rôle de l’intellectuel.le dans l’espace public contemporain. Ce débat, qui n’est pas propre aux sciences sociales[8], semble s’être forgé à la fin des années 1990, notamment lors de la controverse publique sur le Pacte civil de solidarité (Pacs). Tout en s’appuyant sur les mêmes textes de Foucault rassemblés dans Dits et écrits, E. Fassin et G. Noiriel divergent sur la posture d’intellectuel.le à adopter, l’un privilégiant celle de l’intellectuel.le « spécifique », selon l’expression de Foucault, l’autre celle de l’intellectuel.le « engagé.e ».

    E. Fassin publie en 2000 un article pour défendre la posture de l’intellectuel.le « spécifique »[9]. Celui-ci se distingue de l’intellectuel.le « universel.le », incarné notamment par la figure de Sartre, qui intervient dans l’espace public au nom de la raison et de principes universels, et souvent au nom des groupes opprimés. L’intellectuel.le spécifique appuie surtout son intervention sur la production d’un savoir spécifique, dont la connaissance permet de dénaturaliser les rapports de domination et de politiser une situation sociale pouvant être considérée comme évidente et naturelle. En ce sens, l’intellectuel.le spécifique se rapproche du « savant-expert » dans la mesure où c’est une compétence particulière qui justifie son engagement politique, mais il ou elle s’en détache pour autant qu’il ou elle « se définit (…) comme celui qui use politiquement de son savoir pour porter un regard critique sur les usages politiques du savoir[10] ». Critique, l’intellectuel.le spécifique « rappelle la logique politique propre à la science[11] ». L’expert.e prétend parler de manière apolitique au nom de la science pour maintenir l’ordre social dominant, tandis que l’intellectuel.le spécifique s’appuie sur un savoir critique de l’ordre social, tout en reconnaissant sa dimension politique. C’est dans cette perspective foucaldienne qu’E. Fassin critique la posture du « savant pur », qui revendique une « science affranchie du politique » : « Désireux avant tout de préserver l’autonomie de la science, [les savants purs] se défient pareillement de l’expert, réputé inféodé au pouvoir, et de l’intellectuel spécifique, soupçonné de militantisme scientifique[12] ». Le savant pur renvoie dos-à-dos les usages normatif et critique de la science comme si la science avait une relation d’extériorité avec le monde social. Or, selon E. Fassin, « pour des raisons tant politiques que scientifiques, (…) le partage entre le savant et le politique s’avère illusoire : de part en part, le savoir est politique. C’est pourquoi celui qui se veut un savant « pur » ressemble d’une certaine manière à l’expert qui s’aveugle sur la politique inscrite dans son savoir. En revanche, d’une autre manière, il rappelle aussi l’intellectuel spécifique, désireux de préserver l’autonomie de la science ; mais il ne le pourra qu’à condition d’en expliciter les enjeux politiques. (…) l’autonomie de la science passe non par le refus du politique, mais par la mise au jour des enjeux de pouvoir du savoir[13] ». Autrement dit, on distingue deux conceptions relativement divergentes de l’autonomie de la science : le.la savant.e pur.e veut la « protéger » en s’affranchissant du politique et en traçant une frontière claire entre le champ académique et le champ politique, tandis que l’intellectuel.le spécifique considère qu’elle n’est possible qu’à la condition de mettre en lumière les conditions politiques de production du savoir.

    G. Noiriel répond à E. Fassin dans son livre Penser avec, penser contre publié en 2003[14], où il soutient la nécessité d’adopter la posture du « chercheur engagé » : « Après avoir longtemps privilégié la posture de l’« intellectuel spécifique », je pense aujourd’hui qu’il est préférable de défendre la cause du « chercheur engagé », car c’est en s’appuyant sur elle que nous pourrons espérer faire émerger cet « intellectuel collectif » que nous appelons de nos vœux depuis trente ans, sans beaucoup de résultats. Les « intellectuels spécifiques », notamment Foucault et Bourdieu, ont constamment annoncé l’avènement de cette pensée collective, mais celle-ci n’a jamais vu le jour, ou alors de façon très éphémère[15] ». Selon lui, cet échec s’explique par le fait que « cette génération n’a pas vraiment cru que la communication entre intellectuels soit possible et utile », d’où la nécessité de prêter une attention particulière aux deux conditions de la communication entre intellectuel.le.s : « clarifier les langages qui cohabitent aujourd’hui sur la scène intellectuelle » et « la manière d’écrire », c’est-à-dire « montrer sa générosité en restituant la cohérence du point de vue qu’il discute, au lieu d’isoler l’argument qu’il propose de détruire » et « désigner par leur nom les collègues de la microsociété qu’il met en scène dans son récit ».

    Or, ces conditions ne seraient pas remplies par la posture de l’intellectuel.le « spécifique » dans la mesure où il tendrait à « privilégier les normes du champ politique » et ne parviendrait pas à « introduire dans le champ intellectuel les principes de communication qui sous-tendent le monde savant ». Les intellectuel.le.s spécifiques critiquent l’usage de la science par les experts visant à maintenir l’ordre social alors qu’« il n’est pas possible [selon G. Noiriel] de concevoir l’engagement uniquement comme une critique des experts. Paradoxalement, c’est une manière de cautionner leur vision du monde, en donnant du crédit à leur façon d’envisager les « problèmes ». Pour les intellectuels « spécifiques », il n’existe pas de différence de nature entre les questions politiques et scientifiques. Pour eux, le journaliste, l’élu, le savant parlent, au fond, le même langage[16] ». Autrement dit, l’engagement des intellectuel.le.s spécifiques tendrait à relativiser les spécificités des formes du discours savant, censé être soumis à des contraintes propres au champ académique et peu comparable aux formes de discours politiques ou militants soumis aux règles du champ politique ou de l’espace des mobilisations.

    Pourquoi le fait d’insister, comme le fait E. Fassin après Foucault, sur la dimension politique de la production de savoir, reviendrait-il à mettre sur le même plan discours scientifiques et autres formes de discours ? Ne pourrait-on pas envisager la posture de l’intellectuel.le spécifique sans « confusion des genres » ? Comment maintenir une exigence en termes scientifiques dans un espace médiatique structuré par la quête de l’audimat et qui fait la part belle au sensationnel ? C’est une vraie question qui traverse l’ensemble du champ académique. Si G. Noiriel ne fournit dans ce texte de 2003 aucun exemple qui permettrait d’évaluer la véracité de cette confusion, son engagement dans le Comité de vigilance des usages de l’histoire (CVUH, créé en 2005) et dans le collectif DAJA (Des acteurs culturels jusqu’aux chercheurs et aux artistes, créé en 2007) est justement présenté comme un mode d’intervention dans l’espace public respectant l’exigence scientifique. Mais il fournit un exemple plus précis en commentant la controverse M. Lilla / E. Fassin autour de la catégorie de « gauche identitaire ». M. Lilla utilise cette dernière catégorie pour désigner (et disqualifier) les leaders politiques démocrates, les universitaires de gauche et les porte-parole des minorités qui auraient abandonné le « peuple » et le bien commun au profit de préoccupations identitaires et individualistes. La « gauche identitaire » est donc une catégorie politique visant à dénoncer la « logique identitaire » de la gauche étasunienne qui s’est progressivement éloignée de la politique institutionnelle pour privilégier les mouvements sociaux n’intéressant que les seul.e.s minoritaires préoccupé.e.s par leur seule identité, et non ce qu’ils et elles ont de « commun » avec le reste de la communauté politique : la citoyenneté[17].

    E. Fassin critique cette catégorie qui vise explicitement à établir une distinction entre le « social » et le « sociétal », et une hiérarchie des luttes légitimes, la lutte des classes étant plus importante que les luttes pour l’égalité raciale. La notion de « gauche identitaire » serait donc, si l’on en croit E. Fassin, un nouvel outil symbolique analogue à celle de « politiquement correct », utilisé pour délégitimer toute critique des discours racistes et sexistes. Ainsi, E. Fassin se réfère-t-il à la posture de l’intellectuel.le « spécifique » afin de critiquer l’argument développé par M. Lilla. G. Noiriel renvoie dos à dos E. Fassin et M. Lilla en affirmant qu’ils partagent le « même langage » et au motif que « ce genre de polémiques marginalise, et rend même inaudibles, celles et ceux qui souhaitent aborder les questions d’actualité tout en restant sur le terrain de la recherche scientifique ».

    En effet, même si l’on ne peut en faire le reproche à E. Fassin qui est un acteur de la recherche sur la question raciale[18], cette polémique qui a lieu dans le champ médiatique participe de l’invisibilisation des chercheur.e.s et enseignant.e.s-chercheur.e.s qui, justement, travaillent depuis des années sur la question raciale, les minorités raciales et leurs rapports avec la gauche française, et les mouvements antiracistes[19]. Tous ces travaux veillent à définir de façon précise et sur la base d’enquêtes sociologiques les processus de racialisation à l’œuvre dans la France contemporaine. Ils le font en outre en opérant l’interrogation et la déconstruction de ces « entités réifiées » que G. Noiriel évoque dans son texte. On mesure, ce faisant, tout l’intérêt de réinscrire les questions sur la race, qu’elles soient d’ordre méthodologique ou empirique, dans le champ académique.

    Un autre exemple donné par G. Noiriel concerne le début des années 1980 où, affirme-t-il, les « polémiques identitaires » ont pris le pas sur la « question sociale » dans l’espace public :

    « Ce virage a pris une forme spectaculaire quand le Premier Ministre, Pierre Mauroy, a dénoncé la grève des travailleurs immigrés de l’automobile en affirmant qu’elle était téléguidée par l’ayatollah Khomeiny. C’est à ce moment-là que l’expression « travailleur immigré » qui avait été forgée par le parti communiste dès les années 1920 a été abandonnée au profit d’un vocabulaire ethnique, en rupture avec la tradition républicaine (cf. l’exemple du mot « beur » pour désigner les jeunes Français issus de l’immigration algérienne ou marocaine). On est passé alors de la première à la deuxième génération, de l’usine à la cité et les revendications socio-économiques ont été marginalisées au profit de polémiques identitaires qui ont fini par creuser la tombe du parti socialiste ».

    La période 1981-1984 est en effet cruciale dans le processus de racialisation des travailleur.se.s immigré.e.s postcoloniaux.ales et la transformation, par le Parti socialiste, des conflits ouvriers en conflits religieux[20]. Or ce discours de racialisation, qui assigne les travailleur.se.s immigré.e.s maghrébin.e.s à leur identité religieuse putative, provient des élites politiques, patronales et médiatiques, et non des travailleur.se.s immigré.e.s et de leurs descendant.e.s. Il est vrai que certains mouvements de « jeunes immigrés » s’auto-désignaient comme « beurs » mais cela relevait du processus bien connu de retournement du stigmate. D’un côté, les élites assignent une identité permanente religieuse, perçue comme négative, pour disqualifier un mouvement social tandis que, de l’autre, des enfants d’immigré.e.s maghrébin.e.s affirment une identité stigmatisée positive. Peut-on mettre sur le même plan le travail de catégorisation et d’assignation raciale mené par « le haut » (l’État, les institutions, les élites politiques et médiatiques) et le retournement du stigmate – c’est-à-dire la transformation et le ré-investisssement de la catégorie d’oppression pour affirmer son humanité et sa fierté d’être au monde[21] – d’en bas ? Le faire nous semble particulièrement problématique d’un point de vue scientifique. La distinction entre racialisation stigmatisante et construction d’une identité minoritaire stigmatisée doit être prise en compte dans l’analyse sociologique des relations entre majoritaires et minoritaires.

    En revanche, il est avéré que SOS Racisme, succursale du Parti socialiste, a participé à l’occultation de la question économique pour penser l’immigration[22]. Mais SOS Racisme ne représente pas l’ensemble des organisations minoritaires de l’époque. Au contraire, la nouvelle génération de militant.e.s « beurs » s’est majoritairement opposée à ce qu’elle a perçu comme une « récupération » du « mouvement beur »[23]. Par ailleurs, l’on sait que, parmi les revendications initiales de la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983, les revendications portaient à la fois sur la question raciale et sur les conditions matérielles de vie, de travail et de logement : droit à la vie (ne pas se faire tuer dans l’impunité), droit au travail, droit au logement, etc.[24] Et il ne faut pas oublier que, parmi les rares militant.e.s ayant soutenu les travailleurs immigrés en grève, on retrouve les fondatrices/fondateurs du « Collectif Jeunes » ayant accueilli la Marche à Paris, c’est-à-dire les leaders du « mouvement beur ». Aussi, l’opposition entre vocabulaire ethnique et revendications socio-économiques est-elle loin d’être suffisante pour comprendre la période 1981-1984.

    Une « histoire des vaincus accaparée » ?

    L’article de G. Noiriel pose une seconde question, légitime mais néanmoins complexe, relative au lien entre champ académique et champ politique / espace des mobilisations. Il débute par l’affirmation suivante :

    « Dans l’introduction de mon livre sur l’Histoire populaire de la France, j’ai affirmé que ‘le projet d’écrire une histoire populaire du point de vue des vaincus a été accaparé par des porte-parole des minorités [(religieuses, raciales, sexuelles) pour alimenter des histoires féministes, multiculturalistes ou postcoloniales,] qui ont contribué à marginaliser l’histoire des classes populaires’. Il suffit de consulter la bibliographie des articles et ouvrages publiés en histoire ces dernières années ou de regarder les recrutements sur des postes universitaires pour être convaincu de cette remarque[25] ».

    Malheureusement, il ne fournit pas d’exemples de bibliographies, d’ouvrages et de profils de postes universitaires permettant de vérifier la véracité du propos[26]. Concernant les recrutements en histoire (section 22), il est clair que, depuis une trentaine d’années, l’histoire culturelle et l’histoire politique ont été privilégiées au détriment de l’histoire sociale[27]. Cependant, y a-t-il en France pléthore de profils de poste « histoire des minorités raciales » ? Rien n’est moins sûr[28].

    De plus, le constat de G. Noiriel sous-entend – on n’en est pas sûrs à cause de l’ambiguïté du propos – un lien entre l’« accaparement » de l’histoire populaire par les « porte-parole des minorités » et l’évolution des thèmes de recherche en sciences sociales. Ainsi, la position de G. Noiriel est paradoxale. D’une part, il avait à plusieurs reprises reconnu l’importance du rôle d’acteurs associatifs pour faire avancer la recherche scientifique, notamment concernant l’histoire de la Shoah ou de la guerre d’Algérie. Histoire et mémoire ne s’opposent pas forcément. N’est-ce pas parce que la question des discriminations raciales est devenue un enjeu politique dans l’espace public que G. Noiriel s’est lancé dans l’écriture de l’histoire du clown Chocolat[29] ? D’autre part, il critique les « porte-parole des minorités » non identifiés qui se seraient appropriés l’histoire des vaincus à leur propre profit et auraient considérablement influencé les orientations de la recherche scientifique. À défaut d’exemple précis, il est difficile de discuter cette affirmation mais, dans un entretien daté de 2007[30], G. Noiriel est plus explicite et critique les entrepreneurs de mémoire tels que les leaders du CRAN : « Les intellectuels qui sont issus de ces groupes ont toujours tendance à occulter les critères sociaux qui les séparent du monde au nom duquel ils parlent, pour magnifier une origine commune qui légitime leur statut de porte-parole auto-désignés ». En fait, il « critique les usages de l’histoire que font les entrepreneurs de mémoire qui se posent en porte-parole autoproclamés de tel ou tel groupe de victimes, mais [il] relativise par ailleurs l’importance de ces querelles ». Il semble que G. Noiriel ait changé d’avis sur l’influence réelle de ces porte-parole puisqu’ils auraient désormais un impact sur le monde de la recherche.

    Dans le cas de l’affaire Pétré-Grenouilleau, qui a vu l’historien en poste à l’université de Bretagne attaqué en justice par le Collectif DOM en 2005 pour avoir affirmé dans une interview que les traites négrières ne constituaient pas un génocide, force est de constater que l’affaire a nourri la recherche en tant que controverse et événement important dans l’analyse des enjeux mémoriels en France[31]. L’impact sur la recherche scientifique n’est pas allé dans le sens d’une auto-censure, mais a constitué un épisode analysé pour son inscription dans l’espace des mobilisations antiracistes, dans les reconfigurations des relations entre l’État et les associations de Français d’outre-mer ou dans la sociologie politique de la mémoire. La recherche sur l’esclavage et les traites est depuis une dizaine d’années particulièrement dynamique. L’affaire n’a ainsi nourri ni « repentance » ni appel au « devoir de mémoire », mais a servi à éclairer un phénomène majeur : l’articulation entre mémoire et politique dans les sociétés contemporaines.
    Le fantôme minoritaire dans l’académie

    Une troisième question que soulève le billet publié par G. Noiriel porte sur l’assignation des universitaires minoritaires au statut de porte-parole des minorités. En 2004, G. Noiriel affirme que l’engagement des minoritaires dans la recherche est une manière de « canaliser » leur « disposition à la rébellion » : « On oublie généralement que les dispositions pour la rébellion que l’on rencontre fréquemment dans les milieux issus de l’immigration s’expliquent par le fait qu’ils cumulent les formes les plus graves de souffrance sociale. Bien souvent ces personnes ne peuvent construire leur identité qu’en cultivant le potentiel de révolte qu’ils ont en eux. L’investissement dans l’écriture, dans la recherche, dans les activités culturelles en rapport avec l’expérience vécue peut être une façon de canaliser ce potentiel dans des formes qui soient compatibles avec le principe de la démocratie, avec le respect des biens et des personnes[32] ». La réduction de la professionnalisation des minoritaires dans le monde académique à une révolte non-violente pose question. Assigner leur travail scientifique à une émotion, la révolte, n’est-ce pas nier le fait que les minoritaires peuvent tout à fait être chercheur.e sans qu’ils.elles soient déterminé.e.s par une improbable disposition à la rébellion ?[33]

    Cette manière d’interpréter l’entrée d’outsiders dans le monde académique participe à faire des universitaires minoritaires des porte-parole « hétéro-proclamés » des groupes minoritaires et, de manière plus générale, renvoie à leur disqualification en « chercheur.e.s militant.e.s »[34]. Plusieurs travaux britanniques et étasuniens ont documenté l’expérience vécue par les universitaires minoritaires, marquée par les procès d’intention, les micro-agressions et les censures publiques qu’ils subissent au quotidien, leur rappelant qu’ils ne sont pas totalement à leur place ou qu’ils.elles ne sont pas des universitaires à part entière[35]. Au regard de certains faits avérés, il serait intéressant de mener le même type d’investigation dans le monde académique français[36]. Par exemple, une controverse a traversé le comité de rédaction de la revue Le Mouvement social autour de la parution d’un article théorique de Pap Ndiaye sur la notion de « populations noires »[37], à tel point que le rédacteur en chef a décidé de démissionner et qu’un des membres du comité a publié, plusieurs mois après, chose rare, une « réponse » à l’article de Ndiaye. En 2016, sur la mailing-list de l’ANCMSP (Association nationale des candidats aux métiers de la science politique), A. Hajjat a fait l’objet d’une campagne de dénigrement en raison de ses travaux sur l’islamophobie. En 2017, la journée d’études « Penser l’intersectionnalité dans les recherches en éducation » (Université Paris-Est Créteil) a été l’objet d’une campagne de disqualification par l’extrême-droite et certains universitaires parce que le programme traitait des usages politiques du principe de laïcité dans une logique d’exclusion. Certains organisateurs ont été menacés de sanction disciplinaire et d’exclusion de leur laboratoire pour avoir signé une tribune sur les libertés académiques, et l’un d’entre eux n’a pas obtenu un poste qu’il aurait dû avoir. En 2018, le colloque « Racisme et discrimination raciale de l’école à l’université » a également fait l’objet d’une campagne visant son annulation au motif qu’il relèverait du « racialisme indigéniste ». À l’heure où nous écrivons cet article, l’hebdomadaire français Le Point publie une tribune et un article contre les supposés « décolonialisme » et « racialisme » des chercheur.e.s travaillant sur la question raciale, et mène une véritable chasse aux sorcières contre elles.eux en demandant leur exclusion du monde académique[38].

    Bref, l’autonomie de la recherche est remise en cause quand il s’agit de parler de la question raciale dans le monde académique, et les universitaires minoritaires sont directement ciblé.e.s et individuellement discrédité.e.s par certains médias. C’est bien le signe là encore, qu’il faudrait réintégrer la question raciale dans le champ académique et, lorsqu’elle fait l’objet de points de vue, prendre soin d’en mentionner a minima les principaux travaux. L’usage social ou militant d’une recherche ne peut, de ce point de vue, être mis sur le même plan que la recherche proprement dite.

    Aussi, le débat sur les figures de l’intellectuel.le tend-il à occulter tout un pan de la réflexion théorique menée par les études féministes et culturelles sur le « savoir situé »[39]. Il est nécessaire de préserver l’autonomie de la recherche en jouant totalement le jeu de la réflexivité, entendu comme la mise au jour de la relation avec un objet de recherche au prisme de la trajectoire et de la position dans l’espace social. Les études féministes et les cultural studies ont depuis longtemps abordé cet enjeu majeur de la production du savoir. Tou.te.s les universitaires minoritaires ne se pensent pas comme tel.le.s. Ils.elles ne souhaitent pas nécessairement manifester leur engagement politique en prenant appui sur l’autorité de leur savoir et de leurs fonctions. Leurs formes d’engagement, lorsque celui-ci existe, sont, il faut bien l’admettre, multiples et ne passent pas forcément par la mobilisation d’un savoir spécifique avec le souhait de transformation sociale. Il faut donc se garder d’avoir une vision totalisante des « universitaires minoritaires » et de les assigner « naturellement » à la thématique de la question raciale, comme si l’universitaire minoritaire devait se faire le porte-parole de sa « communauté », voire d’un concept-maître (classe sociale, genre, nation).
    Revenir au terrain

    Pour conclure, il nous semble que la recherche sur les processus de racialisation, de stigmatisation, les racismes et les discriminations mérite mieux que les querelles médiatiques – il y a tant à faire ! – alors qu’on observe un manque criant de financements pour mener des enquêtes de terrain. Par exemple, le basculement politique de la région Ile-de-France a débouché sur la disparition de ses financements de contrats doctoraux, postdoctoraux et de projets de recherche sur la question des discriminations. Dans un contexte de montée en puissance des forces politiques conservatrices, s’il y a un chantier commun à mener, c’est bien celui de la pérennisation du financement de la recherche sur la question raciale.

    De plus, il est tout à fait envisageable de penser des relations entre universitaires et organisations minoritaires qui respectent l’autonomie des un.e.s et des autres (on pourrait élargir le propos aux institutions étatiques chargées de combattre les discriminations quelles qu’elles soient). Que l’on se définisse comme intellectuel.le spécifique, engagé.e ou organique, ou que l’on se définisse comme militant.e minoritaire ou non, l’enjeu est de nourrir la réflexion globale pour élaborer une politique de l’égalité inclusive, allant au-delà de la fausse opposition entre revendications « identitaires » et revendications « sociales », et qui prenne en compte toutes les formes de domination sans établir de hiérarchie entre elles.

    En effet, si l’on fait des sciences sociales, on ne peut pas cantonner l’identitaire ou le racial en dehors du social. La question raciale tout comme la question économique sont des questions sociales. Nous ne sommes pas passés de la « question sociale » à la « question raciale » pour la simple et bonne raison que le racial est social. Faire comme si l’on pouvait trancher la réalité à coup de gros concepts (« sociétal », « identitaire », « continuum colonial », etc.), c’est déroger aux règles de la méthode scientifique lorsqu’on est universitaire, et à celles de la réalité du terrain lorsqu’on est acteur.trice politique. Stuart Hall posait à ce titre une question toujours d’actualité : « comment vivre en essayant de valoriser la diversité des sujets noirs, de lutter contre leur marginalisation et de vraiment commencer à exhumer les histoires perdues des expériences noires, tout en reconnaissant en même temps la fin de tout sujet noir essentiel ?[40] ». Autrement dit, que l’on soit chercheur.e ou militant.e, il est nécessaire de refuser toute logique d’essentialisation exclusive. Si universitaires et organisations minoritaires peuvent travailler ensemble, c’est à la condition de faire l’éloge du terrain, c’est-à-dire d’œuvrer à la compréhension de la complexité des rapports sociaux, et de faire avancer la politique de l’égalité de manière collective.

    http://mouvements.info/role-des-intellectuel%C2%B7les-minoritaires
    #université #intellectuels #science #savoir #savoirs

  • L’Etat d’abjection, par Jean-François Bayart, CNRS – MOVIDA
    http://movida.hypotheses.org/1943

    A peine sortis de l’état d’exception, nous nous installons dans l’état d’abjection. La bouche mielleuse, nous parlons de l’impérieux devoir d’asile, mais dans les faits nous traquons les migrants et les réfugiés autour de nos gares, dans les centres d’hébergement, à nos frontières, et jusqu’en mer. En Libye, au Soudan, en Erythrée, nous sommes prêts à signer des accords infâmes avec des régimes infâmes. Nous imposons à nos alliés africains de faire le sale travail de refoulement à notre place. Nous stigmatisons l’#immigration_clandestine, mais rendons impossible l’#immigration_légale dont l’Europe a besoin, économiquement et démographiquement, et ce pour le plus grand bénéfice des #passeurs contre lesquels nous prétendons lutter, et le plus grand danger des #émigrés que nous assurons vouloir défendre de ces derniers. Nous nous alarmons du flot des #réfugiés que nos bombardements et nos interventions militaires en Afghanistan, en Irak et en Syrie ont fait grossir. Dans nos villes, nous détruisons de pauvres biens de pauvres hères, nous assoiffons, nous privons d’hygiène et de sommeil, nous condamnons au froid et à l’errance, nous enfermons. #Calais est devenu le visage hideux de la République.

    De même que l’#état_d’exception a institué l’#Etat_d’exception, par l’inscription dans le domaine de la loi ordinaire de plusieurs de ses dispositions temporaires, l’état d’abjection nous conduira à l’Etat d’abjection, par acceptation générale de l’inhumanité sur laquelle il repose. Auréolé de son commerce estudiantin avec Paul Ricoeur, le fringant Emmanuel Macron en sera le parfait fondé de pouvoir, dont le ministre de l’Intérieur, hagard et patibulaire, accomplira les basses œuvres.

    ...

    Face à l’état d’#abjection qui tourne au #crime_contre_l’humanité et à la violation systémique des droits de l’Homme, et en attendant la saisine de la Cour pénale internationale, désormais inévitable à terme, le fonctionnaire doit faire valoir son devoir de #désobéissance à des #ordres_anticonstitutionnels de nature à compromettre un intérêt public, et le citoyen son droit à la #désobéissance_civile. La complicité, même passive, n’est plus de mise. C’est en toute clarté intellectuelle qu’il convient de résister à la confusion morale qui entache notre politique migratoire depuis près de cinquante ans.

    Par #Jean-François_Bayart

  • France/Monde | #Enfants disparus : Israël lève le voile sur son terrible secret
    http://www.ledauphine.com/france-monde/2017/07/18/enfants-disparus-israel-leve-le-voile-sur-son-terrible-secret

    Au milieu de rapports sur des expériences destinées à prouver ou non que les Yéménites avaient « du sang nègre », la trace d’au moins quatre enfants sur lesquels un « traitement expérimental actif » a été testé. Morts peu après, ils ont été enterrés à la va-vite, on ne sait où.

    À la création d’Israël, en 1948, des centaines de milliers de Juifs du Proche-Orient affluent en « Terre Promise »... mais sont souvent méprisés par les ashkénazes, ces Juifs d’Europe « originels » de l’État hébreu.

  • #Total accusé de « #crime_contre_l’humanité » par des militants écologistes
    http://abonnes.lemonde.fr/cop21/article/2015/11/07/total-accuse-de-crime-contre-l-humanite-par-des-militants-ecologiste

    « Total est en train de tuer la planète »

    Malgré leur inquiétude devant le raidissement des autorités – le rétablissement des contrôles à la frontière annoncé par le ministre de l’intérieur en vue de la tenue de la conférence mondiale sur le climat au Bourget fin novembre, ou encore l’arrestation d’un journaliste la veille à Strasbourg, lors d’un mouvement de « réquisition citoyenne » de chaises dans une agence du Crédit agricole –, l’action s’est déroulée paisiblement. Quelques contrôles de sac à dos, l’identification des responsables et un peu de bousculade quand les militants non violents se sont approchés de la porte d’entrée du siège de Total. Un policier confiait en souriant à son collègue : « il faut leur dire que l’on n’a plus le droit d’entrer sur une scène de crime ».

    #cop21 @baroug

    http://zinc.mondediplo.net/messages/10738 via BoOz

  • Situation des #migrants à #Calais : un chercheur évoque un « #crime_contre_l’humanité »

    Un débat intitulé « Des murs contre l’immigration : de la Méditerranée à Calais » aura lieu ce soir à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris. Il sera animé par #Claude_Calame, directeur d’études émérite. De passage à Calais début novembre, ce chercheur militant nous livre son analyse.


    http://www.lavoixdunord.fr/region/situation-des-migrants-a-calais-un-chercheur-evoque-un-ia33b48581n25144
    #migration #asile #réfugiés

  • Le crime contre l’humanité en cours | Enbata
    http://www.enbata.info/articles/le-crime-contre-lhumanite-en-cours

    Après l’action spectaculaire de Bizi contre la direction régionale de la Société Générale à Bayonne http://seenthis.net/messages/254187 http://seenthis.net/messages/262882 http://seenthis.net/messages/264361 http://seenthis.net/messages/254174 , Txetx Etcheverry qualifie le #changement_climatique —en cours d’accélération— de #crime_contre_l’humanité qui aura des conséquences dramatiques à très large échelle pour l’humanité et qui va bouleverser les conditions de vie civilisées sur terre. Il s’interroge sur l’attitude qu’aura la génération actuelle, la dernière à pouvoir réellement peser sur le cours des choses à ce niveau.

    “Et si j’étais né en 17 à Leidenstadt, sur les ruines d’un champ de bataille, aurais-je été meilleur ou pire que ces gens, si j’avais été allemand ?” chante en refrain Jean-Jacques Goldman. La question se pose souvent, qu’aurions-nous fait à la place d’un citoyen allemand sous le nazisme. Aurions-nous laissé persécuter les juifs sans rien faire, nous serions-nous révoltés ou au contraire aurions-nous participé à leur persécution ?

    La réponse à posteriori est toujours facile et fait l’impasse sur tout un tas de facteurs qui pourtant conditionnent le comportement des masses à travers l’histoire. La connaissance de ce qui est en train de se dérouler, la conscience “du bien ou du mal”, de l’intérêt collectif ont hélas souvent peu de poids face à beaucoup d’autres facteurs : le fait de se sentir impuissants à changer l’ordre des choses, le refus de croire ou d’entendre ce qui ne nous arrange pas, les risques encourus, la peur de perdre un certain nombre d’acquis ou d’avantages, l’adhésion aux convictions majoritaires surtout si elles sont légitimées par l’Etat ou le système, (la majorité a toujours raison, la minorité a du mal à être crédible) etc. etc.

    Ceux qu’on considère comme des salauds après coup n’étaient souvent que des citoyens ordinaires embarqués dans la routine majoritaire d’un système, d’un moment historique, et fonctionnant exactement de la même manière que le commun des citoyens actuels. Sinon comment comprendre notre train train routinier collectif alors que se perpètre chez nous, ici et
    maintenant, un des crimes contre l’humanité les plus décisifs de l’histoire.

    Tout cela se passe ici et maintenant,
    au cours de cette période de 15 ans
    dans laquelle nous pouvons agir
    et empêcher le pire, ou ne rien faire
    et laisser faire le pire.
    Que choisirons-nous ?

    Vers les pires des scénarios du #GIEC

    Nous sommes aujourd’hui en train de foncer vers un basculement climatique incontrôlable et irréversible, qui va avoir des conséquences dramatiques à très large échelle pour l’humanité et bouleverser les conditions de vie civilisées sur terre. On peut qualifier cela de crime contre l’humanité, au vu des conséquences humaines que cela aura et du fait qu’il s’agit d’une situation provoquée en toute connaissance de cause par la génération actuelle, qui a les moyens de faire autrement.

    Tous les gouvernements de la planète s’étaient engagés en 2009 à limiter à l’horizon 2100 le réchauffement en cours au dessous du fameux seuil des +2°C, qui est porteur d’impacts majeurs et extrèmement coûteux (en vies humaines et en argent). A peine 5 ans plus tard, l’inaction mondiale en matière de réduction de #gaz_à_effet_de_serre a rendu caduque cet objectif et on parle aujourd’hui de dépasser les 2°C dès 2035 !

    Pire, avec le niveau actuel d’émissions, on s’inscrit dans les scénarios du GIEC les plus pessimistes, certains scientifiques voyant possible le dépassement des 6°C d’ici la fin du siècle ce qui signifie clairement la plongée de l’humanité dans un chaos indescriptible (5°C représente l’écart de température entre la dernière période glaciaire et le climat actuel qui a rendu possible l’agriculture et la sédentarisation de l’humanité, ça s’est passé en 10.000 ans et pas en 100 ans, dans une planète peuplée de quelques millions d’habitants à peine et pas de 7 ou 9 milliards de personnes).

    La génération qui pouvait agir

    Tout cela est en train de se dérouler sous nos yeux, nous sommes LA génération qui peut enrayer le cours des choses et nous n’avons qu’une quinzaine d’années pour le faire. Mais nous ne le faisons pas. Pour plein de raisons très simples qui ne font pas de nous des salauds : le sentiment d’impuissance, les risques encourus, les habitudes dures à changer, le fait de se dire que si les gouvernements ne s’affolent pas plus que ça sur la situation, c’est que ça ne doit pas être aussi grave que cela, malgré ce que nous martèle la communauté des scientifiques qui tire la sonnette d’alarme depuis plus de dix ans etc. Ces raisons ne font pas de nous des salauds donc, mais comment nous jugeront les gens qui vivront dans les années 2040, 2050, bref les enfants nés aujourd’hui ? Que penseront-ils de notre inaction actuelle, voire de ce qu’ils considéreront peut-être comme de la complicité ou de la responsabilité directe ?

    Stopper Alpha Coal


    Les militants de Bizi ! ont déversé, à visage découvert, 1,8 tonnes de charbon devant la direction régionale de la Société Générale à Bayonne pour exiger l’arrêt immédiat de son soutien actif (études de faisabilité et recherches de financement) au projet #Alpha_Coal en Australie qui est le détonateur d’une des 14 #bombes_climatiques recensées par Greenpeace sur la planète. Il s’agit de 14 nouveaux gigantesques projets d’extraction de charbon, de gaz naturel et de pétrole qui, s’ils venaient à être exploités d’ici à 2020, nous inscriraient dans une trajectoire pouvant atteindre les +5 ou +6°C. Ces choses-là sont concrètes, chiffrées et bien localisées. Elles ne tombent pas du ciel mais sont le fait de décisions humaines bien précises sur lesquelles nous pouvons -ou non- décider de peser, de nous opposer et de les arrêter. En l’occurrence et sur cet exemple précis, le retrait de la Société Générale porterait un coup dur à ce projet désastreux. La Société Générale est une banque omniprésente sur notre territoire, alimentée par notre épargne et potentiellement sensible à notre action.

    Tout cela se passe ici et maintenant, au cours de cette période de 15 ans dans laquelle nous pouvons agir et empêcher le pire, ou ne rien faire et laisser le pire se réaliser. Que choisirons-nous ?

    à propos de conditionnement du comportement des masses, lien avec la conjecture de Von Foerster http://seenthis.net/messages/255287
    #psychologie_sociale

    • Bien sûr que nous sommes impuissants, vu que nous (+/- 99% ?), n’avons pas le pouvoir de #décision (de délibérer), n’étant pas en #démocratie, mais en #aristrocratie.

      Et les soit-disantes #gouvernances, nos #gouvernements, nos #élus et #représentants qui font les lois, ne remettront jamais en question leur régime parlementaire et #anti-démocratique qui leurs garantit des privilèges à vie (comme une retraite à vie par exemple).

      – Comment vouloir être entendu, alors que nous n’avons pas accès à la parole et aux décisions politiques, et que les élites méprisent la démocratie (celle des plus nombreux ...) ?

      – Quels outils pour changer les structures (institutions, etc) ?

      La génération qui pouvait agir

      Tout cela est en train de se dérouler sous nos yeux, nous sommes LA génération qui peut enrayer le cours des choses (...) Mais nous ne le faisons pas. Pour plein de raisons très simples qui ne font pas de nous des salauds : le sentiment d’impuissance (...) le fait de se dire que si les gouvernements ne s’affolent pas plus que ça sur la situation, c’est que ça ne doit pas être aussi grave que cela, malgré ce que nous martèle la communauté des scientifiques qui tire la sonnette d’alarme depuis plus de dix ans etc.
      (...)
      Que penseront-ils de notre inaction actuelle, voire de ce qu’ils considéreront peut-être comme de la complicité ou de la responsabilité directe ?

    • Petite citatation d’André Gorz que je trouve pas mal :

      « Évoquer l’écologie, c’est comme parler du suffrage universel et du repos du dimanche : dans un premier temps, tous les bourgeois et tous les partisans de l’ordre vous disent que vous voulez leur ruine, le triomphe de l’anarchie et de l’obscurantisme. Puis, dans un deuxième temps , quand la force des choses et la pression populaire deviennent irrésistibles, on vous accorde ce qu’on vous refusait hier et, fondamentalement, rien ne change. C’est pourquoi il faut d’emblée poser la question franchement : que voulons-nous ? Un capitalisme qui s’accommode des contraintes écologiques ou une révolution économique, sociale et culturelle qui abolit les contraintes du capitalisme et par là même, instaure un nouveau rapport des hommes à la collectivité, à leur environnement et à la nature ? Il vaut mieux tenter de définir, dès le départ, pour quoi on lutte et pas seulement contre quoi. » André Gorz

      Il me semble qu’une question fondamentale est celle du pouvoir - la question de l’impuissance politique des peuples - et donc de la #démocratie.