Zouhair Lahna devait quitter la bande de Gaza mardi 7 mai au matin. La fin d’une mission de plus de deux semaines pour ce gynécologue obstétricien franco-marocain, rompu aux terrains de guerre les plus extrêmes depuis plus de vingt ans.
Mais il est parti la veille, lundi 6 mai, dans la matinée, précipitamment, après avoir reçu l’ordre d’évacuation de l’association humanitaire des médecins palestiniens PalMed Europe, pour laquelle il intervient. Une pluie de tracts de l’armée israélienne était tombée sur l’est de Rafah, appelant les habitant·es à évacuer la ville où s’entassent plus de 1,2 million de Palestinien·nes, la plupart déplacé·es par les combats.
Zouhair Lahna s’est exécuté. Dans la maison où il résidait avec plusieurs membres de PalMed, il a ramassé à la hâte ses affaires. Un collègue palestino-britannique, revenu soigner les siens, a refusé de les suivre : « Je ne peux pas partir, je dois rester. »
Comme à chaque fin de mission, Zouhair Lahna, qui a déjà séjourné un mois cet hiver à Gaza, a éprouvé un sentiment de culpabilité, celui de laisser « l’effroyable » derrière lui : « Ils ont tellement besoin de nous. On apporte une respiration aux équipes à bout de souffle depuis sept mois de guerre. Et on essaie de sauver un maximum de vies. »
En route vers le point de passage de Rafah, l’équipe a considéré la décision comme étant la plus sage : « On a bien fait de partir [avant la prise de contrôle du poste-frontière côté palestinien par l’armée israélienne, intervenue dans la nuit de lundi à mardi – ndlr]. Il est très difficile d’obtenir l’accord pour sortir des services israélien et égyptien rapidement, mais on l’a eu en deux heures quand même. On est passés vers 15 heures, avec une délégation américaine de la Croix-Rouge, après un temps d’attente et alors que les bombardements étaient incessants aux alentours. On voyait de la fumée partout. »
Zouhair Lahna raconte la panique des habitant·es et des déplacé·es de Rafah, qui craignent que la ville subisse à son tour « une destruction totale » : « Tous les moyens de transport possibles pour fuir étaient pris d’assaut, les voitures, les carrioles, les motos. Certaines familles ont déjà été déplacées plusieurs fois depuis sept mois. Un de mes amis, réfugié à Rafah depuis trois mois avec sa famille après que leur maison eut été bombardée, m’a dit qu’il essayait de trouver une tente vers Khan Younès. Il m’a dit qu’Israël ne cherchait pas à détruire le Hamas mais la bande de Gaza, pour que plus un seul Palestinien ne puisse y vivre, pour qu’ils partent tous, que c’est pour cette raison qu’ils visent aujourd’hui Rafah. » (...)