• [L’œil itinérant] Alliance Beijing-Moscou-Berlin : la Chine et la Russie peuvent-elle extirper Washington de l’Eurasie ? -
    par Pepe Escobar, Traduit par Daniel pour vineyardsaker.fr, 9 octobre 2014
    http://www.vineyardsaker.fr/2014/10/09/loeil-itinerant-alliance-beijing-moscou-berlin-chine-russie-peuvent-ex

    Un spectre hante le « Nouveau siècle américain » déjà sur le déclin : la perspective d’une alliance commerciale stratégique entre Pékin, Moscou et Berlin. Appelons-la l’alliance BMB.
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    Au milieu de toutes ces crises mondiales, en Syrie et en Ukraine notamment, les intérêts géostratégiques de Berlin semblent s’éloigner lentement de ceux de Washington. Les industriels allemands, en particulier, semblent désirer vivement conclure des transactions commerciales illimitées avec la Russie et la Chine. C’est qu’elles pourraient ouvrir à leur pays la voie vers un pouvoir mondial dépassant les frontières de l’UE et, à long terme, mettre un terme à l’époque où l’Allemagne, malgré toute la courtoisie dont elle était capable, demeurait essentiellement un satellite américain.

    La route sera longue et sinueuse. Le Bundestag, le parlement allemand, préconise encore un programme atlantiste fort et obéit aveuglément à Washington. Il y a encore des dizaines de milliers de soldats américains sur le sol allemand. Mais, pour la première fois, la chancelière allemande Angela Merkel s’est montrée hésitante à l’égard de l’imposition de sanctions plus sévères contre la Russie par rapport à la situation en Ukraine, parce que pas moins de 300 000 emplois allemands dépendent des relations avec la Russie. Les chefs d’entreprise et l’establishment financier ont déjà sonné l’alarme [7], parce qu’ils craignent que ces sanctions ne soient totalement contre-productives.
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    La stratégie de la Chine est de créer un réseau d’interconnexions, avec rien de moins que cinq régions clés : la Russie (le pont essentiel entre l’Asie et l’Europe), les pays de l’Asie centrale, l’Asie du Sud-Ouest (avec des rôles majeurs attribués à l’Iran, l’Irak, la Syrie, l’Arabie saoudite et la Turquie), le Caucase et l’est de l’Europe (y compris la Biélorussie, la Moldavie et, tout dépendant de sa stabilité, l’Ukraine). Sans oublier l’Afghanistan, le Pakistan et l’Inde, qui pourraient faire partie d’une route de la soie à valeur ajoutée.

    La route de la soie à valeur ajoutée relierait le couloir économique Bangladesh-Chine-Inde-Myanmar au couloir Chine-Pakistan, ce qui donnerait à Pékin un accès privilégié à l’océan Indien. Là encore, on mettrait tout le paquet (routes, trains à grande vitesse, gazoducs et réseaux de fibres optiques) pour relier la région à la Chine.

    Xi en personne a donné une belle description imagée des relations Inde-Chine dans une tribune libre publiée dans The Hindu [10] avant sa visite récente à New Delhi. « La symbiose de « l’usine du monde » et du « bureau du monde », écrivait-il, va donner la base de production la plus concurrentielle et le marché de consommation le plus attrayant qui soient ».