Rien de neuf mais ça va mieux en le disant... Alexis Varende reprend du service sur @OrientXXI :
[...] Signifier qu’il serait injuste et immoral d’amalgamer l’OEI et l’islam est frappé au coin du bon sens. Qu’une coalition d’États engage le fer contre une alliance de groupes qui ont assassiné nombre de personnes, qui en menacent des milliers d’autres et déstabilisent le Proche-Orient est donc légitime. Mais affirmer que sa nature n’est pas islamique est un défi d’une autre portée.
L’islam est pluriel comme toute autre religion. Mais il existe un courant qui tente depuis longtemps d’imposer « sa » vision d’un islam véritable et authentique : le wahhabisme. Ce courant dispose d’un État, l’Arabie saoudite, seul de la communauté internationale à porter le nom de la famille régnante et à avoir été constitué en 1932 à partir d’une doctrine religieuse et d’un pacte d’alliance passé au XVIIIe siècle entre un chef de tribu, Mohamed ibn Saoud et un théologien, Mohammed ibn Abdelwahhab. Cet État a un souverain qui se présente comme le « Gardien des deux saintes mosquées » et le défenseur de l’islam authentique. Il s’affirme comme musulman, récusant l’idée qu’il ne représente que les wahhabites. Il y a longtemps que les Saoud prônent un strict retour au Coran et se réclament d’une interprétation doctrinaire de la religion musulmane. Ils en ont fait aussi le guide de leur action diplomatique en finançant des groupes salafis, en exportant sur tous les continents les textes wahhabites, en contribuant au financement de mosquées, d’écoles…Leur conception de l’islam a gagné du terrain dans de nombreux pays arabes, musulmans et occidentaux.
Il ne faut pas chercher trop longtemps pour vérifier que les conceptions doctrinales du wahhabisme et de l’OEI se recoupent sans difficulté et qu’elles sont interchangeables. Le paradoxe est que le roi Abdallah Ben Abdel Aziz Al-Saoud a accepté de faire partie d’une coalition destinée à combattre ceux qui ont profité des financements de son royaume et de ses princes. Plus grave, son régime participe à une action politique et militaire dont les prémices sont de déclarer « non islamique » une organisation qui partage avec lui la même conception de l’islam. Mais comment discréditer celui dont vous êtes le double presque parfait ? Comment retirer à l’OEI sa référence islamique et rester crédible auprès de tous ceux qui se reconnaissent dans le wahhabisme ?
On comprend que la royauté saoudienne s’est engagée pour plusieurs raisons. D’une part, elle profitera de sa présence au sein de la coalition pour tenter de porter des coups au régime de Damas. D’autre part, elle craint que son autorité religieuse, voire son existence, soit menacée et elle a tout intérêt à condamner « l’extrémisme et le terrorisme » dont elle a déjà été la cible.11
Certes, l’Organisation de l’État islamique n’ira pas demain conquérir la Mecque. Mais elle menace le royaume parce qu’elle y dispose d’un très large soutien de la population dont le référent religieux est identique au sien. Un récent sondage publié par Al-Monitor montre que la quasi-totalité des Saoudiens estime que l’OEI « se conforme aux valeurs de l’islam et à la loi islamique ».12 Même défait militairement, l’OEI conserverait un réservoir de soutiens en Arabie saoudite et probablement dans tous les pays qui ont été réceptifs à la diffusion du wahhabisme.