L’artiste Taysir Batniji, originaire de Gaza, a publié deux postes sur sa page FB, hier et avant hier, sur deux massacres qui ont frappé sa famille à Gaza.
Poste du 24 novembre
Quand nous étions petits, ma sœur Hanane et moi, ma mère nous envoyait porter le déjeuner à mon père dans sa boutique de tissus en face de la vieille bâtisse de la municipalité. Hanane avait trois ans de plus que moi. En chemin, je contemplais toujours les vitrines des magasins de chaque côté de la rue. J’étais fasciné. Un jour, j’ai tellement traîné que je me suis perdu. Ma sœur s’est mise à pleurer. Le déjeuner a eu le temps de refroidir avant qu’elle me retrouve et que nous reprenions notre chemin jusqu’à la boutique.
Les vitrines de Gaza arboraient toutes sortes de marchandises, tissus, parfums, montres, bijoux… Mais en ce temps-là, ce qui m’attirait le plus, c’étaient les enseignes des magasins, avec leurs noms joliment calligraphiés à la main en lettres arabes, et accompagnés de dessins réalistes de mariés, de montres, de bijoux, et parfois d’avions, quand il s’agissait d’une agence de voyages. Gaza – et surtout la rue Omar el-Mokhtar – fut le premier musée qu’il me fut donné de visiter. Je ne savais pas encore que ce qu’on appelle l’art existait, ni que peut-être j’avais quelque “talent”.
Tu es partie, ma sœur, tu m’as laissé perdu dans les rues de Gaza, qui ont disparu de la carte. Salue bien ma mère et dis à mon père que le déjeuner arrivera sans doute avec un peu de retard…
Sur cette photo, on voit ma sœur Hanane (signalée par un cœur), avec moi à sa gauche. À ma gauche à moi, mon frère Maysara, tué par un sniper israélien au début de la première Intifada, le vendredi 18 décembre 1987.
La photo date du début des années 1970. [Hanane a été tuée dans un bombardement israélien le 17 novembre avec son mari, ses enfants, ses petits-enfants et plusieurs des voisins qui s’étaient réfugiés chez elle.] (...)