• « He looked at her. Looked at his doomed bishop and castle-bound king. Looked at small Simon smiling his gap-toothed happy-idiot smile up at his marvellous newfound friend.

    (SHE GOT RINGS. SHE PLAY THE GUITAR FOR ME.
    “She liked you?”
    NO.) »

    Keri Hulme, The Bone People

  • « for Lisa believed herself to be in all likelihood a poet, and this experience seemed to her to be one about which one could certainly find oneself writing a poem, as long as one could manage to recall this feeling, this apprehension, of a world transformed, and oneself in it and with it: a sensation and an apprehension for which, for the moment, she had no precise words. »

    Madeleine St John, The Women in Black

  • « Je suis faite pour l’adoration. Elle est le climat dans lequel je m’épanouis. Et personne ne mérite mieux l’adoration qu’Arcady. Si je ne l’avais pas rencontré, j’aurais pu passer ma vie à idolâtrer des gens médiocres, et ce faisant je l’aurais gâchée. J’ai eu cette chance inestimable que notre sauveur soit aussi un homme hors du commun, mille fois digne du culte que je lui ai immédiatement et définitivement voué. »

    Emmanuelle Bayamack-Tam, Arcadie

  • « I searched for something in his face, anything his mask of contentment might betray, but there was nothing. He was a genius in that sense - a master. His was the best mask I’d ever seen. (...) It was not my stony, flat mask of death, nor was it the stiff, cheerful posturing popular among housewives and other sad and deranged women. It was not the cutthroat bad boy mask set to ward off potential threats with the promise of violence and hot rage. Neither was it the lily-sweet bashfulness of men who pretend they’re so weak, so sensitive, they would crumble if anyone ever challenged them even a little. Lee’s look of calm contentment was an odd mask, peculiar in its falseness as it hardly looked fake at all. »

    Ottessa Moshfegh, Eileen

  • « Il sent une respiration dans son cou, c’est Tim, apparu comme de nulle part, il est si petit qu’il disparaît et apparaît on ne sait pas comment, il fait le tour du jardin, il se met sur la pointe des pieds pour embrasser l’épaule de sa mère et regarder la ronde des nombres premiers, il passe à côté de Marianne, qui le caresse comme on caresse un chat qui passe, il s’accroupit et pose l’index sur chacun des trois avocats en commençant par celui du milieu comme un petit pape, il se relève et met la tête dans la robe en lin qui ne sera jamais sèche, il revient vers la table, se dresse de nouveau sur la pointe de ses pieds pour voir ce que son père écrit, il marche de profil comme les Egyptiens, s’enfuit en pas chassés, s’immobilise, je suis un garde suisse devant le Vatican, je suis mort, je suis un prince gelé à Pompéi, je suis un cheval qui dort, je suis une statue de marbre, je suis un arbre, je suis un parasol, il écarte les bras et se souvient que cette nuit, il lui suffisait de les tendre et de les baisser doucement pour décoller un peu du sol. »

    Lise Charles, La Demoiselle à coeur ouvert

  • « So it was a whole lifestyle. Besides that, though, Jotty Doe was not someone you’d ever want about in any type of emergency. She’d be the one crying and dropping and unravelling all the bandages and getting germs from cross-contamination all over the place. Then she’d faint - just your luck too - from the sight of the blood, or of the wound, or of her emotions, and she’d faint over the person you’re trying, in extremis, to give CPR to. After that, when she came to, she’d be completely in child mode. Five years old she’d be, wandering in the woods, crying, still unravelling the bandages, still contaminating, but now searching for the corpse of some little household pet the family had ordered to be taken into the wood to be shot for practice that day. Daddy had come home turtleless. He came home turtleless. ’The turtle ran away’, he said, yawning and setting his gun down. »

    Anna Burns, Little Constructions

  • « On se sent seul auprès des enfants. Ils se fichent des contours de notre monde. Ils en devinent la dureté, la noirceur mais n’en veulent rien savoir. Louise leur parle et ils détournent a tête. Elle leur tient les mains, se met à leur hauteur mais déjà ils regardent ailleurs, ils ont vu quelque chose. Ils ont trouvé un jeu qui les excuse de ne pas entendre. Ils ne font pas semblant de plaindre les malheureux.

    Elle s’assoit à côté de Mila. La petite fille, accroupie sur un chaise, fait des dessins. Elle est capable de rester concentrée pendant peès d’une heure devant ses feuiles et son tas de feutres. Elle colorie avec application, attentive aux plus petits détails. Louise aime s’installer à côté d’elle, regarder les couleurs s’étaler sur la feuille. Elle assiste, silencieuse, à l’éclosion de fleurs géantes dans le jardin d’une maison orange où des personnages aux longues mains et aux corps longilignes dorment sur la pelouse. »

    Leïla Slimani, Chanson douce

  • « I have met siblings with almost unconscious understandings of each other. Of what the other will say, how they will react, what they will choose: as if they are adhering to a plan that only the two of them are privy to.
    It is like meeting aliens. Levi and I have never understood each other.
    But I know that between us there is love. Not warm love, not vocal love, but love nonetheless. Love built with his stubborn resolve, with my hot temper, with all the care our mother poured into us.
    So when I ran after I found his notes, I did not do it out of fear or anger; I did it out of love. Our mother’s ash was still floating before my eyes, great black wafts of her, everywhere I looked, and his plans to make me a coffin was too much death for me to deal with. »

    Robbie Arnott, Flames

  • « Il n’y a pas que les difficultés que nous rencontrons, l’argent à trouver, les passeurs, les policiers marocains, la faim et le froid. Il n’y a pas que cela, il y a ce que nous devenons. Je voudrais demander à Boubakar ce que nous ferons si, une fois passés de l’autre côté, nous nous apercevons que nous sommes devenus laids. Boubakar veut que je coure et je courrai. Et s’il m’appelle, s’il me supplie, je ne me retournerai pas. Je n’entendrai même pas ses cris. Je vais me fermer aux visages qui m’entourent. Je vais me concentrer sur mon corps. Le souffle. L’endurance. Je serai fort. C’est l’heure de l’être. Une fois pour toutes. Mais je me pose cette question : si je réussis à passer, qui sera l’homme de l’autre côté ? »

    Laurent Gaudé, Eldorado

  • « Alors moi, à ce moment-là, pour la première fois ce n’était pas de l’amour ni de la douceur que j’éprouvais pour Elsie, en l’imaginant, en revoyant sa douceur et son regard, cet air attendri qu’elle avait sur tout, comme si elle allait recouvrir toutes choses et les protéger de sa tendresse un peu molle. Oui, à ce moment-là, parce que j’avais pour moi d’être le coeur battant, d’être ailleurs, de croire en la liberté et en la force que donnent la bière et les autres, quand ils sont avec nous dans la rue, que le vent les porte et que la rage et les rires les portent aussi, qu’il y a cet élan qui veut nous débarrasser de nous-mêmes et nous souffle à l’oreille que cette fois c’est possible, que tout est possible et que le monde est une gouttelette d’eau qui fait du toboggan dans notre paume, en disant, allez, amuse-toi, le coeur bat, la peau vibre, je n’éprouvais pas d’amour pour elle. »

    Laurent Mauvignier, Dans la foule

  • « L’existence de la Mémé Oudgoul avait, par voie de conséquence, perdu une grande partie de son sel. À cela s’ajoutait que la nature avait évolué sous l’effet de constantes émanations de radionucléides. L’éventail des espèces vivantes s’était refermé et, après une brève période de mutations où l’on avait observé des apparitions baroques et spectaculaires, la stérilité avait été la règle, et la planète était retournée à un état essentiellement végétal. »

    Antoine Volodine, Terminus Radieux

  • « Votre colère ne ressemble pas à celle des adultes que Violaine connaît. Elle n’est empreinte d’aucune petitesse, ne s’adresse ni aux objets communs - un verre cassé dans l’évier, une poubelle renversée par le chien - ni aux inconnus encombrants - cet homme qui se gare en travers et bloque la rue principale. Elle ne contient ni hargne, ni amertume, cette routine des regrets. La vôtre, de colère, ce jour-là, est emplie de peine, la peine floue et brutale de votre impuissane, se cogner à une entité gigentesque, un ordre des choses qui ce jour-là vous écrase. »

    Lola Lafon, Mercy Mary Patty

  • « Pour la première fois j’envisageais donc la famille – pas la mienne, naturellement, ceci expliquant sans doute cela – comme une réponse possible à l’accélération générale des mouvements, une solution de repos autre que la solitude, tout en restant lucide sur le caractère transitoire de cet état, occasionnel, éphémère. Mais enfin, certains jours de pluie, de neige ou de grand vent, on pouvait toujours rebrousser chemin, s’approcher à pas comptés de la maison, se dire que la vie tenait dans cette poignée de présences inquiètes et chaleureuses, et avancer sans crainte. »

    Mathieu Riboulet, Quelqu’un s’approche

  • « Si vous marchez dehors, à cette heure et en ce lieu, c’est que vous désirez quelque chose que vous n’avez pas, et cette chose, moi, je peux vous la fournir ; car si je suis à cette place depuis plus longtemps que vous et pour plus longtemps que vous, et que même cette heure qui est celle des rapports sauvages entre les hommes et les animaux ne m’en chasse pas, c’est que j’ai ce qu’il faut pour satisfaire le désir qui passe devant moi, et c’est comme un poids dont il faut que je me débarrasse sur quiconque, homme ou animal, qui passe devant moi. »

    Bernard-Marie Koltès, Dans la solitude des champs de coton

  • « Et nous on est là maintenant à se regarder vieillir et à ne pas comprendre pourquoi Bernard il est là-bas dans cette baraque, avec ses chiens si vieux, et sa mémoire si vieille, et sa haine si vieille aussi que tous les mots qu’on pourrait dire ne peuvent pas grand-chose.

    Je n’irai ni chez Patou ni chez Solange, ni chez personne qui pourrait être tenté de me dire, de m’expliquer, de vouloir me convaincre. »

    Laurent Mauvignier, Des hommes

  • « Sally et Arcadia s’étaient entendues sur une nouvelle forme d’intervention musicale. D’un commun accord, elles avaient renoncé aux concerts qui mettaient tout le monde à feu et à sang et laissaient ensuite le saloon plus flasque qu’une baudruche essouflée. Elles avaient opté pour une petite routine rassurante, cravachée de temps en temps selon les circonstances. »

    Céline Minard, Faillir être flingué

  • « Together with the gravedigger he dropped the body carelessly, sparing his own back. Another problem. This time the grave was too narrow. Had the body expanded, or did the grave somehow narrow in width as the gravedigger lengthened it? “Goddamnit,” the gravedigger said, really angry this time. “This soil doesn’t want him.” »

    Eka Kurniawan, Man Tiger

  • « She made no move to investigate the unfamiliar space, and showed none of the emotions that one might expect. It seemed enough for her to just deal with whatever it was that came her way, calmly and without fuss. Or perhaps it was simply that things were happening inside her, terrible things, which no one else could even guess at, and thus it was impossible for her to engage with everyday life at the same time. If so, she would naturally have no energy left, not just for curiosity or interest but indeed for any meaningful response to all the humdrum minutiae that went on on the surface. »

    Han Kang, The Vegetarian

  • « “Poor unfortunate little girl,” said the midwife, gazing at the baby’s upsetting face. She wasn’t even able to describe it, but she thought it looked like a cursed monster from hell. (...) She was sure there was no creature on earth more hideous than this wretched little one, and if she were God, she would probably kill the baby at once rather than let her live; the world would abuse her without mercy. »

    Eka Kurniawan, Beauty is a Wound

  • « Could he not now turn back? Acknowledge his error and return to where they were once so long alone together. Alone together so much shared. No. What he had done alone could not be undone. »

    Samuel Beckett, Ohio Impromptu (J. Knowlson, Damned to Fame )

  • « l’humanité a lâché la proie pour l’ombre. Plus on économise du temps, moins on en a ; car quand on ignore à ce point sa vraie nature, quand on le brutalise de cette façon, il se venge. (...) Dans leur quotidien, les individus ont l’impression de ne faire "qu’éteindre le feu", sans jamais pouvoir prendre du recul, et les communautés politiques perdrent la maîtrise de leur destin. Paradoxalement, cette course folle s’accompagne alors d’un sentiment d’immobilisme, d’impuissance et de fatalité. »

    Mona Chollet, Chez soi

  • « Yet our low regard for nostalgia often seems not to rest on some substantive standard of excellence, in light of which a preference for the past is seen as missing the mark, but rather expresses idolatry of the present. This kind of “forward-thinking” is at bottom an apologetic species of conservatism, as it defers to and celebrates whatever is currently ascendant. »

    Matthew Crawford, The World Beyond your Head

  • « On paie pour que rien n’arrive, pour ne pas dormir à la belle étoile, pour ne pas partager les récits, les délires et les puces d’un dortoir de dockers, pour poser ses fesses – je l’ai fait avant-hier par fatigue – sur le velours inutile d’un compartiment face à des usagers que l’éducation a rendus trop timides pour qu’ils n’osent ou qu’ils daignent vous adresser un mot. »

    Nicolas Bouvier, Chronique japonaise

  • « Thus understood, choice serves as the central totem of consumer capitalism, and those who present choices to us appear as handmaidens to our own freedom. (...) choosing (from a menu of ready-made solutions) replaces doing, and it follows that such a person should be more pliable to the choice architectures presented to us in mass culture. »

    Matthew Crawford, The World Beyond your Head