Sur, la cité intra-muros de Diyarbakır, sera-t-elle une ville neuve du XXIème siècle : en deux mots une « nouvelle Tolède » ? Ou bien sera-t-elle une ville inscrite au patrimoine mondial de l‘UNESCO détruite dans le conflit qui embrase le Moyen-Orient : une nouvelle Palmyre ?
C’est dans ce contexte que des opérations à l’arme lourde ont considérablement endommagé des monuments historiques dans Sur. Or Sur n’est pas un lieu comme les autres. On désigne ainsi le rempart remarquable de la ville qui vient d’être classé à l’UNESCO, long de plus de cinq kilomètres, qui a fait l’objet de tant de descriptions de voyageurs depuis le moyen-âge, et la ville qu’il délimite, le centre-ville de Diyarbakır l’Amedu des Annales Royales Assyriennes, l’Amida hellénistico-romaine occupée sans interruption depuis ces origines lointaines, et qui constitue un site majeur pour toute l’histoire de la haute-Mésopotamie. Classée « Site archéologique urbain » depuis 1988, Sur constitue désormais la zone tampon du site UNESCO dans une configuration particulière puisqu’encerclée par un bien de nature linéaire, la muraille byzantine, elle fait partie intégrante de l’histoire de ce monument et en contient même l’explication. Avant le conflit, la mise en valeur de nombreux monuments du centre ville, comme la restauration de maisons patriciennes, était une tâche à laquelle s’attelaient les pouvoirs publics, Ministère de la Culture et du Tourisme et Mairie Métropole de Diyarbakır, selon des programmes bien distincts : tandis que la représentation étatique favorisait la restauration d’édifices religieux islamiques, la Municipalité kurde préférait mettre en exergue le caractère multiculturel et multiconfessionnel du bâti urbain
Interpellé sur la question des dommages subis par le patrimoine, le premier ministre A. Davutoğlu a répondu que Diyarbakır serait une « nouvelle Tolède », faisant allusion à la victoire franquiste sur les insurgés républicains espagnols et à la reconstruction de l’Alcazar. Et peu après la levée du couvre-feu, Sur était confisquée par un décret du Conseil des Ministres signé par le président R.T Erdoğan, le 21 mars 2016, jour de Newroz. En réalité on ne sait pas grand-chose des intentions de l’État et ceci constitue une difficulté réelle dans l’élaboration des échanges, si tant est que ceux-ci soient souhaités, entre les différents acteurs en présence, Municipalité, administrés, acteurs du patrimoine.
Ce décret prévoit l’expropriation pour 6292 des 7714 parcelles disponibles dans Sur en se fondant sur la loi n° 2942 relative à l’expropriation, soit 82% des parcelles. Les 18% de parcelles restantes appartenant déjà au TOKI (office du logement collectif) ou au trésor public cela signifie que la totalité des biens sera transformée en propriété publique2.
Cette mesure radicale, aux proportions proprement extraordinaires, correspond à un acte d’exception et est assortie, sur place, du blocage de la quasi-totalité des quartiers est de la ville et de l’isolement des quartiers ouest des autres districts de la métropole3. Une multitude de petits check-points renforcés de barricades de sacs de sable ou bien des blocs de béton condamnent totalement l’accès aux rues situées à l’est de la porte du Saray, du Han Hasan Paşa et à partir de la rue Yeni Kapı jusqu’à la porte de Mardin, toutes les rues situées à l’est de la Gazi Caddesi. La porte de Mardin est elle-même condamnée tandis que tous les points de passage ménagés dans la muraille entre Sur et le quartier de Ben-U-Sen sont fermés et que seules fonctionnent les portes d’Urfa, de Çift Kapı et de Dağ Kapı où la circulation est néanmoins filtrée par des barrages de police. Des quartiers tenus au secret, seuls transitent les nombreux camions-bennes chargés de déblais