• Des centaines d’ados sans-papiers mis à la rue après avoir refusé le chantage des pouvoirs publics | StreetPress
    https://www.streetpress.com/sujet/1700133112-centaines-adolescents-mineurs-isoles-sans-papiers-rue-expuls

    Des centaines d’ados étrangers ont été expulsés de centres d’hébergement, quelques jours seulement après avoir été mis à l’abri. Le motif : ils ont rejeté une procédure destinée à des personnes majeures.

    Ibrahim (1) a 16 ans et un débit de parole rapide, comme s’il avait eu besoin de parler depuis trop longtemps. Le jeune Guinéen fait partie des 430 mineurs non accompagnés (#MNA) remis à la rue ou menacés de l’être ces derniers jours à Paris, en pleine trêve hivernale. Tous avaient pourtant été pris en charge dans une grande opération de mise à l’abri organisée par la préfecture de la région Île-de-France, le 19 octobre dernier. Lui a été logé porte de la Villette, dans l’un des centres d’accueil et d’examen des situations (CAES), des hébergements destinés aux demandeurs d’asile où ont été répartis les mineurs isolés de la capitale. Deux semaines plus tard, Ibrahim est prié de quitter les lieux sous 48 heures.

    #paywall #douce_France #Paris #migrants

    • J’en peux plus du traitement fait aux MNA, aux mineurs en danger, aux personnes malades, détenus, personnes âgées, pauvres, racisées ...j’en peux plus de ce pays . J’ai lu des horreurs concernant tous ces sujets. J’en peux plus de l’ED, de la gauche , du centre... Cet hiver est une horreur pour les pauvres ...

  • Conflit Israël-Hamas : des ambassadeurs au Moyen-Orient manifestent leur inquiétude
    https://www.lefigaro.fr/international/conflit-israel-hamas-des-ambassadeurs-au-moyen-orient-manifestent-leur-inqu

    RÉCIT - Via une note commune, plusieurs ambassadeurs de France au Moyen-Orient regrettent la position de Paris dans le conflit israélo-palestinien.

    C’est un geste inédit dans l’histoire récente de la #diplomatie_française dans le #monde_arabe. Plusieurs ambassadeurs de France au Moyen-Orient et dans certains pays du Maghreb - une dizaine, selon nos informations - ont collectivement rédigé et signé une note, regrettant le virage pro-israélien pris par Emmanuel Macron dans la guerre entre l’État hébreu et le Hamas.

    Cette note commune a été adressée au Quai d’Orsay, avec des destinataires à l’Élysée, précise un diplomate à Paris, qui l’a lue. « Ce n’est pas un brûlot, ajoute ce diplomate, mais dans la note que l’on pourrait tout de même qualifier de note de dissidence, ces ambassadeurs affirment que notre position en faveur d’#Israël au début de la crise est incomprise au Moyen-Orient et qu’elle est en rupture avec notre position traditionnellement équilibrée entre Israéliens et #Palestiniens. » La note est à la fois claire sur le constat et relativement feutrée dans les termes utilisés. Selon ce diplomate, « elle établit une perte de crédibilité…

    #paywall

    • https://archive.ph/HuNR6

      Cette note commune a été adressée au Quai d’Orsay, avec des destinataires à l’Élysée, précise un diplomate à Paris, qui l’a lue. « Ce n’est pas un brûlot, ajoute ce diplomate, mais dans la note que l’on pourrait tout de même qualifier de note de dissidence, ces ambassadeurs affirment que notre position en faveur d’Israël au début de la crise est incomprise au Moyen-Orient et qu’elle est en rupture avec notre position traditionnellement équilibrée entre Israéliens et Palestiniens. » La note est à la fois claire sur le constat et relativement feutrée dans les termes utilisés. Selon ce diplomate, « elle établit une perte de crédibilité et d’influence de la France, et constate la mauvaise image de notre pays dans le monde arabe. Ensuite, sous une forme assez diplomatique, elle laisse entendre que tout cela est le résultat des positions prises par le président de la République ».

      Sollicités par Le Figaro, trois anciens diplomates chevronnés nous ont confirmé qu’il s’agissait « d’une démarche collective, sans précédent de la part d’ambassadeurs de France au Moyen-Orient », rappellent Denis Bauchard, Charles-Henri d’Aragon et Yves Aubin de la Messuzière, ex-ambassadeurs au Maghreb et au Moyen-Orient. Les auteurs de la note se sont collectivement engagés à rester discrets. Un autre diplomate, en poste au Quai d’Orsay et proche des contestataires, explique qu’« ils ont pris leurs responsabilités, ils sont solidaires et dans leur esprit, il s’agit d’une première étape ».
      Sollicités par Le Figaro, l’Élysée puis le Quai d’Orsay minimisent la portée de cette bronca feutrée et font chorus, répondant qu’ils n’ont « pas à commenter de la correspondance diplomatique qui est, par définition, confidentielle ». « Cette contribution, ajoutent-ils, est une contribution parmi de très nombreuses autres. À la fin, ce sont les autorités politiques élues par les Français, le président de la République et son gouvernement, en l’espèce sa ministre (Catherine Colonna, NDLR), qui décident de la politique étrangère de la France ».

      Crise de confiance
      La référence à Mme Colonna surprend au Quai d’Orsay, où le sentiment d’être marginalisé par l’Élysée est largement répandu. Ce fut le cas notamment - et cela alimenta la rancœur des « dissidents » - lorsque Emmanuel Macron a proposé, lors de sa rencontre à Tel-Aviv avec Benyamin Netanyahou, l’extension de la coalition internationale anti-Daech au Hamas. Une idée difficilement opérationnelle, qui a suscité l’incompréhension au Moyen-Orient, avant d’être abandonnée.

      Les auteurs de la note regrettent que dans plusieurs pays du Moyen-Orient et du Maghreb, les critiques les plus sévères soient adressées, certes aux États-Unis et à la Grande-Bretagne, mais aussi à la France, comme l’ont montré des manifestations devant leurs ambassades. « Nous sommes parfois accusés de complicité de génocide », confie sous le sceau du secret un jeune diplomate en poste au Moyen-Orient, qui reprend un grief de ses aînés.

      Depuis le début de la guerre, certains ambassadeurs de France n’ont plus accès à certains cercles décisionnaires des pays où ils sont en poste. Un ambassadeur a également reçu des menaces de mort par des radicaux, furieux des positions prises par Paris.

      Si la direction Afrique du Nord - Moyen-Orient - dont dépendent les frondeurs - n’a pas été mise dans la boucle en amont, le diagnostic dressé dans la note est largement partagé par les diplomates qui depuis Paris couvrent le monde arabe. En sous-main, au Quai d’Orsay, de nombreux diplomates soutiendraient leur initiative.

      La défiance vis-à-vis de nous est profonde et risque d’être durable. Nos interlocuteurs (...) estiment que notre discours basé sur l’humanisme est en contradiction avec notre nouvelle approche
      Un diplomate

      La crise de confiance entre la France et le Moyen-Orient est « grave » et risque d’être « durable », avertissent les auteurs de la note. « On a connu dans le passé des crises avec les caricatures du prophète Mahomet, mais nous sommes parvenus à les désamorcer assez rapidement », rappelle le diplomate, qui a lu la note. « Cette fois-ci, ajoute-t-il en écho à la mise en garde des contestataires, la défiance vis-à-vis de nous est profonde et risque d’être durable. Nos interlocuteurs trouvent que l’on se trahit nous-mêmes, ils estiment que notre discours basé sur l’humanisme est en contradiction avec notre nouvelle approche. Pour eux, la France avec sa parole alternative n’existe plus. »
      Toutefois, les frondeurs se félicitent du récent entretien d’Emmanuel Macron à la BBC dans lequel il critique sévèrement les frappes israéliennes contre les civils palestiniens de Gaza, « peut-être le signe qu’il a compris que sa position devait évoluer ».

    • Juste pour rire : essayez de citer de mémoire, là vite fait, le nom de notre ministre des Affaires étrangères. C’est tellement pas évident qu’ils ont été obligés de préciser dans une NDLR :

      « Cette contribution, ajoutent-ils, est une contribution parmi de très nombreuses autres. À la fin, ce sont les autorités politiques élues par les Français, le président de la République et son gouvernement, en l’espèce sa ministre (Catherine Colonna, NDLR), qui décident de la politique étrangère de la France ».

    • Aux Etats-Unis, la ligne pro-israélienne de Biden est contestée au sein même de l’Etat fédéral
      https://www.lemonde.fr/international/article/2023/11/15/aux-etats-unis-la-ligne-pro-israelienne-de-biden-est-contestee-au-sein-meme-

      Des notes internes, émanant notamment de diplomates du département d’Etat, appellent le président américain à demander un cessez-le-feu à Gaza et à se montrer plus critique envers Israël.

      https://archive.ph/e7bqi

      #France #USA

    • https://www.youtube.com/watch?v=NDAFNBkFWpg&feature=youtu.be

      14 nov. 2023, LCI, 30 minutes

      « Ce qui se passe à l’heure actuelle en Cisjordanie est absolument scandaleux. En réalité, ce que les colons sont en train de faire, c’est un nettoyage ethnique », Gérard Araud, ancien ambassadeur de France en Israël était l’invité de Un œil sur le monde

      https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9rard_Araud?wprov=sfla1

      En mars 2017, il prend position contre Marine Le Pen, à la suite de Thierry Dana, ambassadeur à Tokyo. Il devient le conseiller diplomatique d’Emmanuel Macron pendant sa campagne présidentielle de 2017 et, à ce titre, l’un des trente proches les plus influents du candidat selon Les Décodeurs du Monde.

      Lors de son départ à la retraite, alors qu’il est ambassadeur aux États-Unis, il qualifie Israël « d’État d’apartheid ».

      Après son départ à la retraite en avril 2019, il devient conseiller de l’entreprise israélienne de sécurité informatique NSO Group, éditrice du logiciel espion Pegasus et rejoint également la société de communication Richard Attias & Associates, détenue pour moitié par un fonds souverain saoudien. L’ancien ambassadeur fait l’objet, en 2021, « d’importantes vérifications » de la part de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, et d’un signalement pour « intelligence avec une puissance étrangère » auprès de la procureure de Paris,. Pour ses activités avec NSO Group, il subit une retenue de 5 000 euros sur sa retraite de haut fonctionnaire en tant que ministre plénipotentiaire hors classe ayant fait valoir ses droits à la retraite.

  • Le scandale de la disparition de 7 milliards d’euros de l’association patronale de garantie des salaires embarrasse l’#Unédic
    https://www.lejdd.fr/societe/le-scandale-de-la-disparition-de-7-milliards-deuros-de-lassociation-patronale-

    Le scandale de la disparition de 7 milliards d’euros de l’association patronale de garantie des salaires embarrasse l’Unédic

    Des milliards évaporés sans que personne ne s’inquiète. Des salariés qui portent plainte après avoir découvert qu’une partie de l’argent du fonds de garantie patronal ne leur est pas parvenue. Les révélations de l’ex-directrice du régime de garantie des salaires ont conduit à l’ouverture d’une enquête. Mais tout est fait pour décrédibiliser Houria Aouimeur-Milano.
    Raphaël Stainville

    #paywall

    • C’était dans Le Monde il y a une semaine, mais, en effet, pratiquement pas repris dans le reste des médias…

      L’ex-directrice du régime de garantie des salaires n’obtient pas le statut de lanceuse d’alerte
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/07/l-ex-directrice-du-regime-de-garantie-des-salaires-n-obtient-pas-le-statut-d

      Le conseil de prud’hommes de Paris a rejeté, mardi 7 novembre, la demande d’Houria Aouimeur, qui affirmait avoir révélé au grand jour un détournement de fonds de plusieurs milliards d’euros, au détriment du dispositif permettant de payer les travailleurs employés dans des entreprises en difficulté.

      C’est un coup dur pour celle qui affirmait avoir révélé le scandale des entreprises en difficulté. Mardi 7 novembre, Houria Aouimeur, l’ancienne directrice nationale du régime de garantie des salaires AGS, a été déboutée de toutes ses demandes par le conseil de prud’hommes de Paris. Elle réclamait, en particulier, le statut de lanceuse d’alerte dans une affaire de détournement de fonds, mais les juges, saisis en référé, ont refusé de lui donner gain de cause.

    • L’affaire prend une nouvelle dimension, à l’automne 2022, lorsque l’Unédic – l’employeur des personnels du régime AGS, donc de Mme Aouimeur – s’intéresse aux « frais de mission, de réception et de déplacement » de la directrice nationale et de ses proches collaborateurs. Une première « évaluation » met en évidence des dépenses très élevées : notes de restaurants, courses en taxi… Une autre expertise – du cabinet PwC – parvient à des constats similaires tout en pointant du doigt des contrats et des marchés passés avec des prestataires dans des conditions irrégulières. Du fait de tous ces « manquements », l’Unédic – qui est le patron de Mme Aouimeur – décide de la licencier, en février, pour « faute lourde ».

      Mme Aouimeur réfute les accusations portées contre elle, tout en soutenant que la rupture de son contrat de travail est une mesure de représailles destinée à la faire taire, après avoir mis au grand jour des détournements de fonds colossaux. Elle a engagé plusieurs procédures, dont l’une vise à obtenir l’annulation de son licenciement et la réintégration à son poste, en invoquant le fait qu’elle a été une lanceuse d’alerte.

      Mais le conseil de prud’hommes de Paris, statuant en « départage » (c’est-à-dire à l’issue d’une audience présidée par un magistrat professionnel), considère que Mme Aouimeur « ne peut revendiquer [ce] statut ». Dans son ordonnance rendue mardi, que Le Monde a pu consulter, il fait notamment valoir qu’elle avait été recrutée « avec pour mission spécifique d’engager un audit » sur des « anomalies » détectées dans le régime AGS au cours des semaines précédant son embauche. Elle en « a rendu compte à la direction de l’Unédic, dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail », ce qui a conduit cette dernière à déposer plainte. Autrement dit, Mme Aouimeur a rempli la tâche qui lui était dévolue – ni plus ni moins.
      « C’est une décision importante car elle protège les vrais lanceurs d’alerte de ceux et celles qui se prévalent de ce statut, de mauvaise foi, à des fins personnelles, pour masquer leurs propres turpitudes », réagit Me Frédéric Benoist, l’avocat de l’Unédic. De son côté, Me Stéphanie Lamy, l’avocate de Mme Aouimeur, exprime sa déception : « C’est un message décourageant envoyé aux lanceurs d’alerte. » Le dossier n’est pas clos pour autant. L’ex-responsable du régime AGS a l’intention de faire appel de l’ordonnance prononcée mardi. Par ailleurs, elle a saisi les prud’hommes pour contester, sur le fond, la rupture de son contrat de travail. L’audience aura lieu le 28 mars 2024.
      https://archive.ph/GM93D

    • Oui, tout le monde sait que le JDD est passé à l’extrême droite. Mais il reste peut-être quelques journalistes de qualité à qui on avait promis un papier …

  • 5 graphiques pour prendre la mesure de l’évitement fiscal | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/5-graphiques-prendre-mesure-de-levitement-fiscal/00108479

    Le « Global Tax Evasion Report 2024 », publié ce 23 octobre, offre des statistiques détaillées sur la lutte contre les paradis fiscaux et l’évitement fiscal. Nous en avons sélectionné 5 graphiques pour mieux saisir le phénomène.

  • Il privilegio del passaporto

    Quanto vale la libertà?

    I termini “migrazioni” e “migranti” sono quelli utilizzati soprattutto per parlare delle persone che provengono, principalmente, dal Sud America, dall’Africa, dal Medio Oriente e dal Sud dell’Asia.

    Per indicare invece lo spostamento delle persone che provengono dagli Stati Uniti, dal Giappone o dai Paesi dell’Unione Europea, i termini utilizzati sono principalmente “viaggio”, “expat”, “fuga di cervelli”.

    Questa asimmetria linguistica utilizzata per descrivere la mobilità umana ci suggerisce che esiste una disparità non solo dettata dalla percezione che si ha delle persone che “si spostano” ma anche, evidentemente, dal privilegio della nazionalità del Paese di provenienza. Tale privilegio dipende non solo dalla ricchezza del Paese in cui si nasce – al netto di tutte le disparità sociali che troviamo anche all’interno dei Paesi ricchi -, ma dal passaporto.
    Tutti i passaporti sono uguali ma alcuni sono più uguali di altri

    Nonostante la definizione di passaporto sia generalmente nota, difficilmente ci si sofferma a riflettere sulla potenza di un documento simile e sul suo significato. Il passaporto viene utilizzato per viaggiare da un Paese all’altro, è il lasciapassare, per l’appunto, per poter superare i confini e raggiungere la destinazione desiderata.

    Tuttavia, il passaporto è un’invenzione piuttosto recente. Nell’inchiesta Passaporti d’oro (o The man Who knows no boundaries), scritta dal giornalista Hannes Grassegger su Das Magazin e tradotta da Internazionale, si legge: “solo nella metà del ‘900 si è imposto l’obbligo del visto e quindi anche di dimostrare la cittadinanza. Storicamente, il passaporto […] è l’evoluzione dell’antico salvacondotto che garantiva una protezione ai nobili o ai loro emissari”. E ancora, “la ricercatrice Ayelet Schachar – giurista, Università di Toronto – parla di una lotteria dei passaporti in cui il paese di nascita condanna la maggioranza dell’umanità a stare tra i perdenti”.

    In effetti, se si osserva la classifica aggiornata del Global Passport Power Rank 2023, si noterà che tra i primi sette spiccano principalmente i Paesi nord occidentali – l’Italia è tra i passaporti che si trovano al secondo posto.

    L’unica eccezione sono gli Emirati Arabi Uniti (EAU) che si trovano al primo posto della classifica, infatti: “gli EAU hanno battuto paesi del calibro di Germania, Svezia, Finlandia e Lussemburgo nell’ultima classifica, anche se questi paesi sono tutti tra i primi cinque”, riporta la giornalista Natasha Turak sulla testata CNBC. In sostanza, se si è titolari di un passaporto degli EAU, è possibile viaggiare in un numero enorme di paesi senza visto e in molti altri è possibile ottenere un visto direttamente al proprio arrivo: la popolazione espatriata ammonta a circa l’88,52%, ovvero 9,0 milioni, mentre i cittadini emiratini ammontano solo all’11,48%, ovvero 1,17 milioni, secondo le statistiche del Global Media Insight.

    A differenza di persone di nazionalità siriana, nigeriana, sudanese o pakistana, ad esempio, una persona di nazionalità emiratina può entrare nell’area Schengen senza dover chiedere il visto e ciò dipende principalmente dalle relazioni economico-diplomatiche tra gli EAU e l’Unione Europea (UE), costituiti da accordi bilaterali per l’approvvigionamento di energia e il commercio – chiudendo, tuttavia, un occhio sulle violazioni dei diritti umani che si consumano quotidianamente nel ricco Paese del Golfo.

    L’assenza di vie legali effettivamente percorribili per entrare nei Paesi UE, l’impossibilità di ottenere visti di viaggio presso le ambasciate dei Paesi europei stanno alla base della creazione di un doppio binario: uno è quello percorso dalle persone costrette, ad esempio, a dover attraversare la pericolosa rotta del Mediterraneo, oppure cercare di oltrepassare i confini dalle rotte balcaniche (affrontando respingimenti violenti e illegali da parte delle autorità di frontiera). L’altro è il binario di prima classe e a cui i Paesi europei aprono le porte, ed è percorso da coloro che possono permettersi di acquistare i cosiddetti visti o passaporti d’oro.

    Passaporti e visti d’oro

    Come anticipato, se per la maggior parte delle persone provenienti dai Paesi del Sud Globale viaggiare in Europa legalmente risulta essere una corsa a ostacoli impossibile da superare, le procedure per ottenere visti e passaporti sono molto più semplici per alcune categorie di persone. Tali operazioni sono possibili per via di determinati schemi dell’area Schengen, come viene spiegato nel sito ufficiale della stessa: il Golden Visa è un programma di immigrazione che garantisce a persone facoltose un permesso di soggiorno in un paese straniero in cambio di un importante investimento. Il Golden Passport, invece, è un programma che garantisce [l’acquisizione] della cittadinanza e del passaporto del paese in cui si investe. In entrambi i casi, solitamente, all’investitore/trice non è richiesto di vivere a tempo pieno nel paese in cui ha investito.

    Per poter beneficiare di un visto d’oro o di un passaporto d’oro in Europa, l’investimento dovrebbe essere piuttosto elevato: si tratta di una somma che varia dai centinaia di migliaia ai milioni di dollari. A questo proposito, nel 2018, la coalizione Transparency International, ha pubblicato un rapporto dal titolo European Getaway 1 in cui è stato analizzato l’elevato rischio di corruzione generato dagli schemi Golden Visa e Golden Passport. Innanzitutto, si legge nel rapporto, almeno dal 2008 al 2018, nell’UE, 6 mila cittadini stranieri hanno ottenuto la cittadinanza e quasi 100 mila hanno ottenuto la residenza UE attraverso visti e passaporti d’oro. “Spagna, Ungheria, Lettonia, Portogallo e Regno Unito (prima della Brexit, l’uscita di quest’ultimo dall’Ue) hanno concesso il maggior numero di visti d’oro – oltre 10.000 ciascuno – agli investitori e alle loro famiglie. Seguono Grecia, Cipro e Malta”. I programmi dei visti d’oro, sempre nel medesimo arco di tempo, hanno attirato circa 25 miliardi di euro in investimenti diretti esteri.

    Tuttavia, come riporta la Transparency International, sebbene tali schemi siano legali, il rischio di corruzione deriva dalla scarsa trasparenza degli Stati UE (ad esempio, si legge nel rapporto, nessuno dei Paesi UE ha reso pubblica la lista degli investitori tranne Austria e Malta), sia perché – analizzando in modo particolare i casi di Cipro, Malta e Portogallo – è stata riscontrata una grave carenza sui dovuti controlli nei confronti di chi richiede tali documenti.

    Sia perché, come viene spiegato nel rapporto, gli schemi per l’ottenimento dei visti d’oro sono altamente desiderabili per chiunque abbia a che fare con la corruzione, in quanto offrono l’accesso a un rifugio sicuro – “e non soltanto in termini di stile di vita di lusso, quanto ad esempio in campo bancario, dove un cliente munito di passaporto UE si troverà in una posizione agevolata rispetto a chi proviene da un Paese considerato a rischio o sottoposto a sanzioni”, come ha spiegato il giornalista Duccio Facchini su Altreconomia.

    Dell’alto rischio di vendere visti e passaporti d’oro a ricchi investitori senza i dovuti controlli, ha molto parlato il Guardian che ad esempio, nel 2017, nell’articolo Corrupt Brazilian tycoon among applicants for Portugal’s golden visas ha riportato diversi casi di imprenditori brasiliani condannati, o accusati di corruzione, che hanno acquistato proprietà in Portogallo con il fine di ottenere visti d’oro. Di seguito alcuni esempi (tra i tanti): Otavio Azevedo, un ricco imprenditore brasiliano condannato a 18 anni di carcere per corruzione. Due anni prima del suo arresto, Azevedo aveva acquistato una proprietà da 1,4 milioni di euro a Lisbona e successivamente aveva chiesto un visto d’oro nel 2014; Pedro Novis, ex presidente e amministratore delegato di Odebrecht, la più grande impresa di costruzioni del Sud America, ha acquistato nel 2013 una proprietà da 1,7 milioni di euro a Lisbona. Questo acquisto è stato la base per la sua richiesta di visto d’oro presentata alla fine del 2013. La società è stata accusata di molteplici reati di corruzione in tutta l’America Latina; Carlos Pires Oliveira Dias, vicepresidente del gruppo edile Camargo Correa, ha investito 1,5 milioni di euro in Portogallo nell’ambito del programma Golden Resident nel 2014 – il gruppo Camargo Correa è stato anche collegato allo scandalo Car Wash (operazione della polizia federale brasiliana su gravi reati legati alla corruzione). Oliveira Dias ha confermato di aver ottenuto il visto d’oro.
    L’UE “corre ai ripari“

    Nel 2020 la Commissione Europea ha dato avvio a due procedimenti di infrazione rispettivamente contro Cipro e Malta ritenendo che la concessione della cittadinanza UE in cambio di pagamenti o investimenti predeterminati, senza alcun legame reale con lo Stato membro interessato, fosse in violazione del diritto dell’UE – in particolare dell’articolo 4(3) del Trattato sul Funzionamento dell’Unione Europea.

    La stretta sulla vendita dei passaporti d’oro si è ulteriormente intensificata in seguito allo scoppio della guerra in Ucraina, per impedire agli oligarchi russi – che già prima usufruivano dei programmi Golden Visa e Golden Passport, in particolare attraverso i programmi di Cipro – di entrare in UE. Nell’inchiesta “Passaporti d’Oro” del giornalista Grassagger, viene spiegato che all’inizio della guerra, molti cittadini russi benestanti hanno quindi acquistato il passaporto turco: “non uno falso, si badi”, spiega Grassager, “ma quello che si ottiene legalmente in cambio di denaro. La questione in Turchia è regolata dall’articolo 12 della legge n. 5901 sulla cittadinanza, in base alla quale, per diventare turchi, bisogna dimostrare di aver comprato immobili in Turchia per un valore minimo di 400 mila dollari oppure di aver creato cinquanta posti di lavoro o di aver portato in Turchia mezzo milione di dollari investendo in imprese turche per un minimo di tre anni”.

    Nel 2022, riporta il Middle East Monitor, 5 mila cittadini russi hanno acquistato la cittadinanza turca allo scoppio della guerra in Ucraina, specie a seguito delle pesanti sanzioni imposte dai Paesi occidentali. Nell’inchiesta Cyprus Papers (2020) della testata Al Jazeera, è stato rivelato che 2.500 cittadini milionari, inclusi criminali già condannati, hanno ottenuto la cittadinanza cipriota tramite investimento.

    Diversi Paesi europei hanno successivamente deciso di porre restrizioni sui programmi Golden Visa o Golden Passport, come riporta Euronews: nel febbraio 2023, l’Irlanda ha eliminato il suo programma di visti d’oro – l’Immigrant Investor Program – che offriva la residenza irlandese in cambio di una donazione di 500 mila euro o di un investimento triennale annuale di 1 milione di euro nel paese; nello stesso mese il primo ministro portoghese António Costa ha annunciato l’intenzione di porre fine al programma di residenza per contrastare la speculazione sui prezzi immobiliari e sugli affitti.

    Nel mese di settembre 2023, il Portogallo ha definitivamente chiuso il programma Golden Visa, pur concedendo il rinnovo dei visti d’oro già acquisiti.

    Anche l’Italia ha il suo programma Golden Visa (o Visto per Investitori). I beneficiari devono investire almeno 500 mila euro (250 mila euro se si tratta di start-up innovative) in una società per azioni italiana, un contributo di beneficenza di 1 milione di euro a favore di un ente impegnato in un settore specifico come quello dei beni culturali o paesaggistici, o in titoli di Stato per un importo di almeno 2 milioni di euro.

    Benché per l’ottenimento della cittadinanza sia necessario comunque aver maturato i 10 anni di residenza, se si è cittadini extra-UE, e si possiede il denaro necessario, è possibile ottenere un visto di durata biennale (con possibile rinnovo di altri tre anni). L’Italia ha inoltre sospeso i visti d’oro per coloro che sono di cittadinanza russa o bielorussa con un anno di ritardo rispetto ai provvedimenti UE.
    Conclusione: un mercato che si espande mentre le disuguaglianze aumentano

    Henley & Partners, Arton Capital, Cs global partners, PwC sono solo alcune delle aziende di consulenza che agiscono da intermediarie tra cittadini stranieri milionari e i Paesi con programmi Golden Visa o Golden Passport desiderabili. “Secondo le stime di Kristin Surak, sociologa della London School of Economics”, scrive Grasseger nella sua inchiesta, “ogni anno nel mondo si ottengono circa 25 mila cittadinanze in cambio di denaro”.

    E mentre le persone ricche continuano a godere del diritto alla libertà di movimento, tutte le altre non hanno diritto di avere diritti: dall’ennesimo rigetto di visto dalle ambasciate dei Paesi UE fino ai respingimenti sistematici alle frontiere, dalla criminalizzazione strutturale che le conduce nei centri di detenzione fino alla stipulazione di accordi bilaterali con Libia e Tunisia (nonostante le gravi violazioni dei diritti umani di queste ultime ai danni delle persone migranti).

    Non si potrà mai parlare del rispetto dei diritti fondamentali di ogni cittadino/a finché l’accesso a questi ultimi viene garantito solo a chi può permetterselo.

    https://www.meltingpot.org/2023/10/il-privilegio-del-passaporto

    #passeport #privilège #migrations #visa #visas #business #passeports #Golden_Visa #citoyenneté #Golden_Passport #Chypre #Malte

    –—

    ajouté à la métaliste sur la #vente de #passeports et de la #citoyenneté de la part de pays européens/occidentaux à des riches citoyen·nes non-EU :
    https://seenthis.net/messages/1024213

  • Barbares et civilisés, par Alain Gresh (Le Monde diplomatique, novembre 2023)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2023/11/GRESH/66250

    (...) Et pourtant… Nous sommes le 4 septembre 1997, rue Ben-Yéhouda, en plein centre de Jérusalem. Trois kamikazes du Hamas se font exploser, tuant cinq personnes, dont une jeune fille de 14 ans prénommée Smadar, sortie de chez elle pour acheter un livre. Elle porte un nom prestigieux en Israël. Son grand-père, le général Mattityahou Peler, a été l’un des artisans de la victoire de juin 1967, avant de devenir une « colombe » et l’un des protagonistes de ce que l’on a appelé les « conversations de Paris », premières rencontres secrètes entre des responsables de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et des Israéliens « sionistes ». En cette année 1997, M. Benyamin Netanyahou était déjà premier ministre et avait promis de détruire l’accord d’Oslo signé en 1993, ce qu’il réussira à faire. Il connaît aussi la mère de Smadar, Nourit, une camarade d’école et une amie de jeunesse. Quand il l’appelle pour lui présenter ses condoléances, elle lui rétorque : « Bibi qu’as-tu fait ? », le tenant pour responsable de la mort de sa fille (1). (...)

  • Ecriture inclusive : ce qu’en dit la #science

    Loin de se résumer à l’usage du #point_médian, l’usage de l’écriture inclusive a effectivement un impact sur les #représentations_mentales du lecteur, concluent de récents travaux français. Plus important encore, cet #impact varie en fonction du type d’écriture inclusive utilisée.

    « Péril mortel » de la langue française pour l’#Académie_Française ou « outil essentiel » d’après l’investigation Elles Font La Culture (https://ellesfontla.culture.gouv.fr/conseils_articles/42__;!!Orpbtkc!7gg4iKTPdMkm6FWuHya6vu_vrzDkrr_63AXwMlNYHRXM) portée par le ministère de la Culture, l’écriture inclusive divise. « Notre objectif est de remettre un peu de science dans ce débat qui évolue parfois en #polémique incontrôlée », pointe le psycholinguiste au CNRS Léo Varnet. Loin de se résumer à l’usage du point médian, l’usage de l’écriture inclusive a effectivement un impact sur les représentations mentales du lecteur, concluent de récents travaux français publiés dans la revue Frontiers in Psychology (https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2023.1256779/full#h3). Plus important encore, cet impact varie en fonction du type d’écriture inclusive utilisée.

    (#paywall)

    https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/ecriture-inclusive-ce-qu-en-dit-la-science_174628
    #écriture_inclusive

  • #Chartreuse : un #marquis privatise la #montagne, les randonneurs s’insurgent

    Des centaines de personnes ont manifesté dans le massif de la Chartreuse contre un marquis qui interdit de traverser ses terres. Elles réclament un véritable #droit_d’accès à la nature.

    « Entends nos voix, #marquis_de_Quinsonas… » Malgré la fraîcheur de cette matinée de dimanche, ils étaient plusieurs centaines, jeunes et vieux, à être venus pousser la chansonnette au #col_de_Marcieu (#Isère), aux pieds des falaises du massif de la Chartreuse. L’objet de leur chanson et de leur colère ? #Bruno_de_Quinsonas-Oudinot, marquis et propriétaire d’une zone de 750 hectares au cœur de la #Réserve_naturelle_des_Hauts_de_Chartreuse, et sa décision, il y a quelques semaines, d’en fermer l’accès aux randonneurs.

    C’est fort d’une loi du 2 février 2023, qui sanctionne le fait de pénétrer sans autorisation dans une « propriété privée rurale et forestière » [1] que le marquis a fait poser pendant l’été des panneaux « #Propriété_privée » aux abords de son terrain. Et si ces panneaux changent la donne, c’est parce qu’ils sont désormais suffisants pour verbaliser le randonneur qui voudrait entrer ici, chamboulant ainsi des siècles de culture de partage des montagnes.

    Immédiatement après la découverte de ces panneaux, une #pétition rédigée par le #collectif_Chartreuse a été publiée en ligne, réclamant « la liberté d’accès à tout-e-s à la Réserve naturelle des Hauts de Chartreuse » et récoltant plus de 35 000 signatures en quelques semaines (https://www.change.org/p/pour-la-libert%C3%A9-d-acc%C3%A8s-%C3%A0-tout-e-s-%C3%A0-la-r%C3%A9serve-nat). Ciblant le « cas » de la Chartreuse, elle s’oppose « plus globalement à l’accaparement du milieu naturel par quelques personnes pour des objectifs financiers, au détriment du reste de la population », souligne le collectif.

    Car c’est aussi ce qui cristallise la grogne des manifestants en Chartreuse. Tout en fermant l’#accès de son terrain aux #randonneurs et autres usagers de la montagne, le marquis de Quinsonas y autorise des parties de #chasse_privée au chamois, autorisées par le règlement de la #réserve_naturelle, que paient de fortunés clients étrangers.

    « C’est complètement hypocrite »

    « C’est complètement hypocrite », disent Stan et Chloé, deux grenoblois âgés d’une trentaine d’années, alors que le marquis avait justifié sa décision par la nécessité de protéger la faune et la flore de son terrain des dommages causés par le passage des randonneurs.

    « On n’a rien contre les chasseurs, et les #conflits_d’usage ont toujours existé. Mais on dénonce le fait qu’il y a deux poids, deux mesures », explique Adrien Vassard, président du comité Isère de la Fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM), venu « déguisé » en marquis pour mieux moquer le propriétaire des lieux.

    Beaucoup de manifestants craignent que l’initiative du marquis ne fasse des émules parmi les propriétaires privés d’espaces naturels, alors que 75 % de la forêt française est privée. « On n’est pas là pour remettre en cause la propriété privée, mais un propriétaire ne peut s’octroyer le droit d’accès à toute une montagne, il faut laisser un #droit_de_circulation », martèle Denis Simonin, habitant du massif et bénévole du collectif Chartreuse.

    Propriété privée contre liberté d’accéder à la nature, faudra-t-il choisir ? Les députés Les Écologistes de l’Isère Jérémie Iordanoff et de la Vienne Lisa Belluco ont en tout cas annoncé leur volonté de déposer un projet de loi pour abroger la contravention instaurée par la loi de février 2023, pour ensuite engager « un travail commun vers un vrai droit d’accès à la nature ». Rejoignant les revendications des manifestants, toujours en chanson : « Sache que les gueux ne s’arrêt’ront pas là, notre droit d’accès, oui on l’obtiendra ! »

    https://reporterre.net/Chartreuse-un-marquis-privatise-la-montagne-les-randonneurs-protestent
    #privatisation #résistance

    • Dans le massif de la Chartreuse, #mobilisation contre la « privatisation » de la montagne

      Fort d’une nouvelle législation, le propriétaire d’une zone de 750 hectares dans une réserve naturelle de la Chartreuse a décidé d’en restreindre l’accès aux randonneurs. Partisans d’un libre accès à la nature et défenseurs de la propriété privée s’affrontent.

      « Chemin privé – Passage interdit. » Tous les 500 mètres, le rouge vif des petits panneaux tranche sur le vert des arbres ou le gris de la roche. Les indications parsèment le chemin qui mène jusqu’à la tour Percée, une immense arche rocheuse émergeant à environ 1 800 mètres d’altitude, au cœur de la réserve naturelle des Hauts de Chartreuse, à quelques kilomètres de Grenoble (Isère). Ces panneaux, tout récemment posés, cristallisent depuis quelques semaines un conflit entre les différents usagers de la montagne… et ses propriétaires.

      (#paywall)
      https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/10/15/dans-le-massif-de-la-chartreuse-mobilisation-contre-la-privatisation-de-la-m

    • .... « Chemin privé – Passage interdit. » Tous les 500 mètres, le rouge vif des petits panneaux tranche sur le vert des arbres ou le gris de la roche. Les indications parsèment le chemin qui mène jusqu’à la tour Percée, une immense arche rocheuse émergeant à environ 1 800 mètres d’altitude, au cœur de la réserve naturelle des Hauts de Chartreuse, à quelques kilomètres de Grenoble (Isère).
      ... Théoriquement, un randonneur qui se rendrait à la tour Percée pourrait donc désormais recevoir une amende allant jusqu’à 750 euros.
      ... le conflit en Chartreuse est devenu « le cas d’école d’une situation qui va se développer sur tout le territoire ». « L’intention affichée du texte, de limiter l’engrillagement pour permettre la circulation de la faune sauvage, était bonne », souligne Jérémie Iordanoff. Mais, quand 75 % de la forêt est privée, ce n’est pas acceptable de dire aux gens qu’ils ne peuvent se promener que sur 25 % du territoire. »
      ... Dans les faits, l’application de la loi du 2 février et de la contravention qu’elle instaure s’avère complexe. Selon les textes, seuls les gendarmes et les gardes privés, agréés par la préfecture puis assermentés par le tribunal judiciaire, peuvent verbaliser les randonneurs au titre de la violation de la propriété privée rurale et forestière. Un sujet qui a pu faire naître des tensions autour de la tour Percée, des chasseurs ayant reçu la mission – informelle – de surveiller la propriété. Selon les informations du Monde, à l’heure actuelle, aucun garde privé n’a été dûment habilité pour contrôler le terrain du marquis.

      La tour Percée est une double arche de 30 mètres de haut, située sur la parcelle du marquis de Quinsonas-Oudinot, à 1 800 mètres d’altitude. Le 8 octobre 2023. SOPHIE RODRIGUEZ POUR « LE MONDE »

      avec une série de photos

      https://archive.ph/yCAI1

      #forêts #propriété_foncière

  • Des policiers falsifient des documents pour expulser des ados #sans-papiers

    Le ministère de l’Intérieur affirme qu’Ibrahim a 22 ans. Il en a pourtant six de moins. Pour pouvoir expulser des étrangers, des policiers font grandir des mineurs non accompagnés d’un simple coup de crayon. Une pratique illégale.

    (#paywall)

    https://www.streetpress.com/sujet/1698051854-policiers-falsifient-documents-expulser-adolescents-sans-pap
    #falsification #âge #expulsion #France #asile #migrations #réfugiés #adolescents #jeunes #majeurs #mineurs #faux_en_écriture_publique

    ping @karine4 @isskein

    signalé par @colporteur ici:
    https://seenthis.net/messages/1022663

  • Nucléaire : la création de nouveaux réacteurs pourrait être simplifiée jusqu’à 20 km autour de ceux en service
    https://www.actu-environnement.com/ae/news/simplification-procedures-nouveau-nucleaire-42794.php4

    Un projet de décret propose d’alléger la création de réacteurs construits à moins de 500 m (en zone littorale) ou 5 km (hors zone littorale) d’une installation nucléaire en service. Cette distance pourrait être étendue à 20 km sous certaines conditions.

    #paywall
    Le projet de décret en consultation :
    https://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/projet-de-decret-definissant-la-notion-de-a2921.html
    Avant pour exprimer la proximité il y avait l’expression « à un jet de pierre », du coup pour la proximité à distance de 20 km on dit « à un nuage contaminé » ?
    #nucléaire

  • Le Haaretz publie des données sur les victimes israéliennes qui semblent contredire les informations précédentes sur le nombre de morts comme sur leurs âges

    Sulaiman Ahmed sur X : « BREAKING : ISRAEL HAVE RELEASED THEIR OWN UNVERIFIED STATS ABOUT DEATH - NO BABIES HAVE BEEN KILLED https://t.co/Bg8Ac8FhuB » / X
    https://twitter.com/ShaykhSulaiman/status/1715801373735018695

    Sulaiman Ahmed

    @ShaykhSulaiman
    Souscrire
    BREAKING: ISRAEL HAVE RELEASED THEIR OWN UNVERIFIED STATS ABOUT DEATH - NO BABIES HAVE BEEN KILLED

    Source : https://www.haaretz.com/israel-news/2023-10-19/ty-article-magazine/israels-dead-the-names-of-those-killed-in-hamas-massacres-and-the-israel-hamas-war/0000018b-325c-d450-a3af-7b5cf0210000 (#paywall)

    • Déjà rien que sur le nombre total ya mensonge dès le départ

      western media reporting that Hamas allegedly killed around 1,400 Israeli

      the news outlet has released information on 683 Israelis killed during the Hamas-led offensive, including their names and locations of their deaths on 7 October

      Moins de la moitié donc de ce qui était annoncé pendant des jours (et encore récemment).

      Of these, 331 casualties – or 48.4 percent - have been confirmed to be soldiers and police officers, many of them female. Another 13 are described as rescue service members, and the remaining 339 are ostensibly considered to be civilians.

      Donc 352 civils, dont 16 enfants.

      The numbers and proportion of Palestinian civilians and children among those killed by Israeli bombardment over the past two weeks – over 5,791 killed, including 2,360 children and 1,292 women, and more than 18,000 injured - are far higher than any of these Israeli figures from the events of 7 October.

    • sauf erreur, il semble que ce chiffrage concerne les morts identifiés et dont l’identité et l’âge sont rendus publics. en ce qui concerne les français morts là bas, ce chiffre augmente quotidiennement (aujourd’hui on lit 30). en revanche, pour ce chiffrage, la proportion de militaire et personnel de sécurité est bien plus élevée qu’attendu et contredit la com israélienne reprise par les gouvernements elles média occidentaux

      #Israël #7_octobre_2023 #Hamas #civils_israéliens #propagande #propagande_de_guerre #palestiniens

  • Au #Sénégal, la farine de poisson creuse les ventres et nourrit la rancœur

    À #Kayar, sur la Grande Côte sénégalaise, l’installation d’une usine de #farine_de_poisson, destinée à alimenter les élevages et l’aquaculture en Europe, a bouleversé l’économie locale. Certains sont contraints d’acheter les rebuts de l’usine pour s’alimenter, raconte “Hakai Magazine”.
    “Ils ont volé notre #poisson”, affirme Maty Ndau d’une voix étranglée, seule au milieu d’un site de transformation du poisson, dans le port de pêche de Kayar, au Sénégal. Quatre ans plus tôt, plusieurs centaines de femmes travaillaient ici au séchage, au salage et à la vente de la sardinelle, un petit poisson argenté qui, en wolof, s’appelle yaboi ou “poisson du peuple”. Aujourd’hui, l’effervescence a laissé place au silence.

    (#paywall)

    https://www.courrierinternational.com/article/reportage-au-senegal-la-farine-de-poisson-creuse-les-ventres-

    #élevage #Europe #industrie_agro-alimentaire

    • Un article publié le 26.06.2020 et mis à jour le 23.05.2023 :

      Sénégal : les usines de farines de poisson menacent la sécurité alimentaire

      Au Sénégal, comme dans nombre de pays d’Afrique de l’Ouest, le poisson représente plus de 70 % des apports en protéines. Mais la pêche artisanale, pilier de la sécurité alimentaire, fait face à de nombreuses menaces, dont l’installation d’usines de farine et d’huile de poisson. De Saint-Louis à Kafountine, en passant par Dakar et Kayar… les acteurs du secteur organisent la riposte, avec notre partenaire l’Adepa.

      Boum de la consommation mondiale de poisson, accords de #pêche avec des pays tiers, pirogues plus nombreuses, pêche INN (illicite, non déclarée, non réglementée), manque de moyens de l’État… La pêche sénégalaise a beau bénéficier de l’une des mers les plus poissonneuses du monde, elle fait face aujourd’hui à une rapide #raréfaction de ses #ressources_halieutiques. De quoi mettre en péril les quelque 600 000 personnes qui en vivent : pêcheurs, transformatrices, mareyeurs, micro-mareyeuses, intermédiaires, transporteurs, etc.

      Pourtant, des solutions existent pour préserver les ressources : les aires marines protégées (AMP) et l’implication des acteurs de la pêche dans leur gestion, la création de zones protégées par les pêcheurs eux-mêmes ou encore la surveillance participative… Toutes ces mesures contribuent à la durabilité de la ressource. Et les résultats sont palpables : « En huit ans, nous sommes passés de 49 à 79 espèces de poissons, grâce à la création de l’aire marine protégée de Joal », précise Karim Sall, président de cette AMP.

      Mais ces initiatives seront-elles suffisantes face à la menace que représentent les usines de farine et d’huile de poisson ?

      Depuis une dizaine d’années, des usines chinoises, européennes, russes, fleurissent sur les côtes africaines. Leur raison d’être : transformer les ressources halieutiques en farines destinées à l’#aquaculture, pour répondre à une demande croissante des consommateurs du monde entier.

      Le poisson détourné au profit de l’#export

      Depuis 2014, la proportion de poisson d’élevage, dans nos assiettes, dépasse celle du poisson sauvage. Les farines produites en Afrique de l’Ouest partent d’abord vers la #Chine, premier producteur aquacole mondial, puis vers la #Norvège, l’#Union_européenne et la #Turquie.

      Les impacts négatifs de l’installation de ces #usines sur les côtes sénégalaises sont multiples. Elles pèsent d’abord et surtout sur la #sécurité_alimentaire du pays. Car si la fabrication de ces farines était censée valoriser les #déchets issus de la transformation des produits de la mer, les usines achètent en réalité du poisson directement aux pêcheurs.

      Par ailleurs, ce sont les petits pélagiques (principalement les #sardinelles) qui sont transformés en farine, alors qu’ils constituent l’essentiel de l’#alimentation des Sénégalais. Enfin, les taux de #rendement sont dévastateurs : il faut 3 à 5 kg de ces sardinelles déjà surexploitées [[Selon l’organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO)]] pour produire 1 kg de farine ! Le poisson disparaît en nombre et, au lieu d’être réservé à la consommation humaine, il part en farine nourrir d’autres poissons… d’élevage !

      Une augmentation des #prix

      Au-delà de cette prédation ravageuse des sardinelles, chaque installation d’usine induit une cascade d’autres conséquences. En premier lieu pour les mareyeurs et mareyeuses mais aussi les #femmes transformatrices, qui achetaient le poisson directement aux pêcheurs, et se voient aujourd’hui concurrencées par des usines en capacité d’acheter à un meilleur prix. Comme l’explique Seynabou Sene, transformatrice depuis plus de trente ans et trésorière du GIE (groupement d’intérêt économique) de Kayar qui regroupe 350 femmes transformatrices : « Avant, nous n’avions pas assez de #claies de #séchage, tant la ressource était importante. Aujourd’hui, nos claies sont vides, même pendant la saison de pêche. Depuis 2010, quatre usines étrangères se sont implantées à Kayar, pour transformer, congeler et exporter le poisson hors d’Afrique, mais elles créent peu d’#emploi. Et nous sommes obligées de payer le poisson plus cher, car les usines d’#exportation l’achètent à un meilleur prix que nous. Si l’usine de farine de poisson ouvre, les prix vont exploser. »

      Cette industrie de transformation en farine et en huile ne pourvoit par ailleurs que peu d’emplois, comparée à la filière traditionnelle de revente et de transformation artisanale. Elle représente certes un débouché commercial lucratif à court terme pour les pêcheurs, mais favorise aussi une surexploitation de ressources déjà raréfiées. Autre dommage collatéral enfin, elle engendre une pollution de l’eau et de l’air, contraire au code de l’environnement.

      La riposte s’organise

      Face à l’absence de mesures gouvernementales en faveur des acteurs du secteur, l’#Adepa [[L’Adepa est une association ouest-africaine pour le développement de la #pêche_artisanale.]] tente, avec d’autres, d’organiser des actions de #mobilisation citoyenne et de #plaidoyer auprès des autorités. « Il nous a fallu procéder par étapes, partir de la base, recueillir des preuves », explique Moussa Mbengue, le secrétaire exécutif de l’Adepa.

      Études de terrain, ateliers participatifs, mise en place d’une coalition avec différents acteurs. Ces actions ont permis d’organiser, en juin 2019, une grande conférence nationale, présidée par l’ancienne ministre des Pêches, Aminata Mbengue : « Nous y avons informé l’État et les médias de problèmes majeurs, résume Moussa Mbengue. D’abord, le manque de moyens de la recherche qui empêche d’avoir une connaissance précise de l’état actuel des ressources. Ensuite, le peu de transparence dans la gestion d’activités censées impliquer les acteurs de la pêche, comme le processus d’implantation des usines. Enfin, l’absence de statistiques fiables sur les effectifs des femmes dans la pêche artisanale et leur contribution socioéconomique. »

      Parallèlement, l’association organise des réunions publiques dans les ports concernés par l’implantation d’usines de farines et d’huile de poisson. « À Saint-Louis, à Kayar, à Mbour… nos leaders expliquent à leurs pairs combien le manque de transparence dans la gestion de la pêche nuit à leur activité et à la souveraineté alimentaire du pays. »

      Mais Moussa Mbengue en a conscience : organiser un plaidoyer efficace, porté par le plus grand nombre, est un travail de longue haleine. Il n’en est pas à sa première action. L’Adepa a déjà remporté de nombreux combats, comme celui pour la reconnaissance de l’expertise des pêcheurs dans la gestion des ressources ou pour leur implication dans la gestion des aires marines protégées. « Nous voulons aussi que les professionnels du secteur, conclut son secrétaire exécutif, soient impliqués dans les processus d’implantation de ces usines. »

      On en compte aujourd’hui cinq en activité au Sénégal. Bientôt huit si les projets en cours aboutissent.

      https://ccfd-terresolidaire.org/senegal-les-usines-de-farines-de-poisson-menacent-la-securite-a

      #extractivisme #résistance

  • [on veut un chiffrement de bourre en bourre] Casser le chiffrement des messageries, un serpent de mer politique inapplicable
    https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/10/20/casser-le-chiffrement-des-messageries-un-serpent-de-mer-politique-inapplicab

    Interrogé sur BFM-TV, jeudi 19 octobre, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a désigné une cible bien commode pour expliquer que le terroriste ayant assassiné le professeur de français Dominique Bernard à Arras, vendredi 13 octobre, ait pu agir alors même qu’il était sous surveillance rapprochée des services de renseignement : les applications de #messagerie.
    « Hier encore, les écoutes téléphoniques classiques nous renseignaient sur la grande criminalité et le terrorisme. Aujourd’hui, les gens passent par Telegram, par WhatsApp, par Signal, par Facebook (…) Ce sont des messageries cryptées (…) On doit pouvoir négocier avec ces entreprises ce que vous appelez une “porte dérobée”. On doit pouvoir dire : “Monsieur Whatsapp, Monsieur Telegram, je soupçonne que M. X va peut-être passer à l’acte, donnez-moi ses conversations.” »
    L’argument semble frappé au coin du bon sens et M. Darmanin s’est dit favorable à un changement de la loi pour imposer aux plates-formes de fournir le contenu des messages chiffrés lorsque les autorités le requièrent. Le problème, pourtant, c’est que ces demandes sont contraires à des lois bien plus difficiles à faire évoluer que celles de la République : celles des mathématiques.

    .... la seule méthode efficace dont disposent les enquêteurs pour lire le contenu de conversations WhatsApp ou Signal est tout simplement d’avoir accès aux téléphones ou ordinateurs utilisés par un ou plusieurs interlocuteurs d’une conversation. C’est d’ailleurs ce qu’ont tenté de faire les agents qui surveillaient l’auteur de l’attentat d’Arras, a rappelé M. Darmanin, en le contrôlant la veille de l’attaque dans l’espoir de mettre la main sur son téléphone portable, sans succès.

    https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/10/20/casser-le-chiffrement-des-messageries-un-serpent-de-mer-politique-inapplicab
    https://justpaste.it/c9a2b

    #police #surveillance #signal #chiffrement_de_bout_en_bout

    • Attentat d’Arras : comment la DGSI a échoué à accéder aux messages cryptés de Mogouchkov
      https://www.lexpress.fr/societe/attentat-darras-comment-la-dgsi-a-echoue-a-acceder-aux-messages-cryptes-de-

      .... le travail de la Direction générale de la sécurité intérieure (#DGSI) a bel et bien été compliqué par une immense faiblesse technique : l’incapacité du service secret français à accéder aux conversations du terroriste, Mohammed Mogouchkov, sur les messageries cryptées, WhatsApp, Signal, Telegram et Snapchat. L’enquête judiciaire en cours montre d’ailleurs que l’assaillant entretenait une correspondance troublante sur Snapchat avec un détenu fiché S pour radicalisation islamiste, Maxime C., par l’intermédiaire d’un des membres de la famille de ce dernier. Dans une de ces missives, le prisonnier radicalisé et prosélyte évoque « la mort douce avec l’épée à la main », selon Le Parisien.

      Le #contrôle_d’identité diligenté à l’encontre de Mogouchkov par les policiers, jeudi 12 octobre, la veille de l’attentat, avait notamment pour but de placer un #logiciel_espion dans son téléphone portable. Gérald Darmanin l’a reconnu au détour d’une réponse passée inaperçue lors de sa conférence de presse du 14 octobre : "La veille de l’attentat, nous avons procédé à l’interpellation de cette personne pour vérifier qu’il n’avait pas des armes sur lui mais aussi pour procéder à d’autres techniques de #renseignement plus intrusives, c’est-à-dire notamment d’avoir accès à son téléphone et aux messageries

      #Paywall

  • 18.10.2023 : Reintroduzione dei controlli delle frontiere interne terrestri con la Slovenia, nota di Palazzo Chigi

    Il Governo italiano ha comunicato la reintroduzione dei controlli delle frontiere interne terrestri con la Slovenia, in base all’articolo 28 del Codice delle frontiere Schengen (Regolamento Ue 2016/339).

    Il ripristino dei controlli alle frontiere interne, già adottato nell’area Schengen, è stato comunicato dal ministro Piantedosi al vicepresidente della Commissione europea Margaritis Schinas, al commissario europeo agli Affari interni Ylva Johansson, alla presidente del Parlamento europeo Roberta Metsola, al segretario generale del Consiglio dell’Unione europea Thérèse Blanchet e ai ministri dell’Interno degli Stati membri Ue e dei Paesi associati Schengen.

    L’intensificarsi dei focolai di crisi ai confini dell’Europa, in particolare dopo l’attacco condotto nei confronti di Israele, ha infatti aumentato il livello di minaccia di azioni violente anche all’interno dell’Unione. Un quadro ulteriormente aggravato dalla costante pressione migratoria cui l’Italia è soggetta, via mare e via terra (140 mila arrivi sulle coste italiane, +85% rispetto al 2022). Nella sola regione del Friuli Venezia Giulia, dall’inizio dell’anno, sono state individuate 16 mila persone entrate irregolarmente sul territorio nazionale.

    Questo scenario, oggetto di approfondimento anche da parte del Comitato di analisi strategica anti-terrorismo istituito presso il ministero dell’Interno, conferma la necessità di un ulteriore rafforzamento delle misure di prevenzione e controllo. Nelle valutazioni nazionali, infatti, le misure di polizia alla frontiera italo-slovena non risultano adeguate a garantire la sicurezza richiesta. La misura verrà attuata dal 21 ottobre prossimo per un periodo di 10 giorni, prorogabili ai sensi del Regolamento Ue 2016/339. Le modalità di controllo saranno attuate in modo da garantire la proporzionalità della misura, adattate alla minaccia e calibrate per causare il minor impatto possibile sulla circolazione transfrontaliera e sul traffico merci.
    Ulteriori sviluppi della situazione ed efficacia delle misure verranno analizzati costantemente, nell’auspicio di un rapido ritorno alla piena libera circolazione.

    https://www.governo.it/it/articolo/reintroduzione-dei-controlli-delle-frontiere-interne-terrestri-con-la-sloven

    #Slovénie #Italie #frontières #asile #migrations #réfugiés #frontières #contrôles_systématiques_aux_frontières #frontière_sud-alpine #Alpes
    –—

    ajouté à cette métaliste sur l’annonce du rétablissement des contrôles frontaliers de la part de plusieurs pays européens :
    https://seenthis.net/messages/1021987

    • Terrorismo, l’Italia sospende Schengen: Blindato il confine sloveno. Gli 007: “Falle nei controlli, i lupi solitari passano da lì”

      Meloni sui social: “La sospensione del Trattato di Schengen sulla libera circolazione in Europa si è resa necessaria per l’aggravarsi della situazione in Medio Oriente, me ne assumo la piena responsabilità”. Vertice tra la premier e i servizi di intelligence sul rischio attentati

      Non hanno nome. E nemmeno un volto. Sono fantasmi, impossibili da intercettare per l’intelligence e la Prevenzione. “Per un terrorista, come dimostra la cronaca, il corridoio balcanico rappresenta un percorso privilegiato verso l’Italia e l’Europa: niente fotosegnalazione, nessuna identificazione”, spiegano da settimane la Polizia e i Servizi al governo. Un’indicazione ribadita martedì, durante il comitato di analisi strategica antiterrorismo.

      (#paywall)

      https://www.repubblica.it/politica/2023/10/18/news/terrorismo_italia_allerta_slovenia-418144267

      #terrorismo

    • L’Italia vuole ristabilire i controlli alla frontiera con la Slovenia

      Il governo ha motivato la decisione – inedita – citando il conflitto israelo-palestinese e l’aumento degli arrivi di migranti

      Mercoledì pomeriggio il governo italiano ha annunciato di voler ristabilire dei controlli alla frontiera tra Friuli Venezia Giulia e Slovenia: la misura entrerà in vigore dal 21 ottobre prossimo, avrà una durata iniziale di 10 giorni e potrà eventualmente essere prorogata. La notizia è stata data dalla presidenza del Consiglio, dopo che era stata comunicata alle istituzioni europee da Matteo Piantedosi, ministro dell’Interno e titolare delle procedure di controllo alle frontiere. «L’intensificarsi dei focolai di crisi ai confini dell’Europa, in particolare dopo l’attacco condotto nei confronti di Israele, ha infatti aumentato il livello di minaccia di azioni violente anche all’interno dell’Unione» ha detto in un comunicato il governo, che dunque giustifica questa decisione con le tensioni generate dal conflitto israelo-palestinese.

      Di fatto quindi l’Italia vuole sospendere l’accordo di Schengen, ovvero un’intesa che garantisce la libera circolazione di persone e merci sul territorio europeo a cui aderiscono 23 dei 27 paesi membri dell’Unione Europea (e tra questi anche la Slovenia). È una scelta senza precedenti: l’Italia aveva sospeso Schengen solo in concomitanza con lo svolgimento sul territorio nazionale di eventi internazionali di grande rilevanza. Per il G20 di Roma (tra il 27 ottobre e il primo novembre del 2021), per il G7 di Taormina (tra il 10 e il 30 maggio del 2017) e per il G8 dell’Aquila (tra il 28 giugno e il 15 luglio del 2009). A seguito degli attentati terroristici a Parigi del 2015 si parlò dell’eventualità di un ripristino dei controlli alle frontiere, ma l’ipotesi fu poi accantonata dal governo di Matteo Renzi.

      Sono stati numerosi, invece, i paesi europei che hanno fatto ricorso a questa procedura negli ultimi due anni, cioè da quando dopo la lunga fase della pandemia la libera circolazione nell’area Schengen era stata reintrodotta stabilmente: Francia, Germania, Austria, Polonia, Danimarca, Slovacchia, Norvegia, Repubblica Ceca, quasi sempre per ragioni legate a un aumento dei flussi migratori ritenuto eccessivo e, più di rado, per minacce legate al terrorismo o a seguito di un attentato subito sul territorio nazionale.

      Insieme all’Italia vari altri paesi dell’Unione Europea hanno notificato alle istituzioni europee la decisione di sospendere Schengen temporaneamente in questi giorni e nelle prossime settimane: tra questi Austria, Germania, Polonia, Repubblica Ceca e Slovacchia. L’Italia è però l’unica, finora, a citare tra le ragioni a giustificazione della sospensione il conflitto israelo-palestinese. La motivazione ufficiale del governo cita anche «la costante pressione migratoria via mare e via terra» collegandola a una presunta «possibile infiltrazione terroristica» che «conferma la necessità di un ulteriore rafforzamento delle misure di prevenzione e controllo».

      Pochi minuti dopo l’annuncio, la Lega di Matteo Salvini ha diffuso a sua volta un comunicato in cui dice che la decisione adottata «è un’ottima notizia che conferma la serietà e la concretezza del governo. Avanti così, a difesa dell’Italia e dei suoi confini».

      https://www.ilpost.it/2023/10/18/controlli-frontiera-slovenia-schengen

    • Ripristinati i controlli al confine tra Italia e Slovenia

      ICS - Ufficio Rifugiati di Trieste: usato uno stratagemma che può riproporre gravissime condotte illegali

      7.000 sono le persone migranti intercettate e respinte in Slovenia nel corso del 2023. A fornire questi numeri è direttamente il ministro dell’Interno Matteo Piantedosi, all’indomani del ripristino dei controlli sul confine orientale per prevenire, secondo il Viminale, “infiltrazione terroristiche“.

      E’ difatti con questa motivazione che il Governo italiano giustifica la decisione di ripristinare i controlli: il Codice frontiere Schengen (Regolamento UE n. 2016/399) prevede che il ripristino dei controlli di frontiera interni può avvenire “solo come misura di extrema ratio (…) in caso di minaccia grave per l’ordine pubblico o la sicurezza interna di uno Stato membro” (Codice, art. 25) per il tempo più breve possibile. Il rischio di “attentati o minacce terroristiche” (Codice, art. 26) può motivare il temporaneo ripristino dei controlli di frontiera, ma tale rischio deve essere concreto e specifico.

      Secondo ICS – Ufficio Rifugiati onlus di Trieste le motivazioni del governo «appaiono del tutto vaghe e inadeguate; in particolare l’inserimento, nelle motivazioni, dell’esistenza di presunto problema dell’arrivo in tutto il Friuli Venezia-Giulia di un modestissimo numero di rifugiati (circa 1.500 persone al mese nel corso del 2023), in assoluta prevalenza provenienti dall’Afghanistan, risulta risibile e del tutto privo di alcuna connessione logico-giuridica con i criteri richiesti dal Codice Schengen per legittimare una scelta così estrema quale il ripristino dei confini interni».

      «E non può – ricorda l’associazione – comportare alcuna compressione o limitazione del diritto d’asilo in quanto “gli Stati membri agiscono nel pieno rispetto (…) del pertinente diritto internazionale, compresa la convenzione relativa allo status dei rifugiati firmata a Ginevra il 28 luglio 1951 «convenzione di Ginevra»), degli obblighi inerenti all’accesso alla protezione internazionale, in particolare il principio di non-refoulement (non respingimento), e dei diritti fondamentali”. (Codice, art. 3)».
      Ciò significa «che anche durante il periodo di temporaneo ripristino dei controlli di frontiera rimane dunque inalterato, alla frontiera italo-slovena, l’obbligo da parte della polizia, di recepire le domande di asilo degli stranieri che intendono farlo e di ammettere gli stessi al territorio per l’espletamento delle procedure previste dalla legge».

      L’Italia non più tardi di cinque mesi fa è stata condannata per le riammissioni / respingimenti illegali attuate nel 2020 e perfino al risarcimento economico dei richiedenti asilo, mentre la Corte di giustizia UE ha ribadito, a fine settembre, che è vietato il respingimento sistematico alle frontiere interne.

      Tutto questo fa emergere che l’inadeguatezza delle motivazioni fornite da Roma rendono non infondato il sospetto che la decisione – secondo ICS – «ben poco abbia a che fare con la difficile situazione internazionale, bensì rappresenti una misura propagandistica e uno stratagemma, attraverso le quasi già annunciate proroghe della misura, per riproporre gravissime condotte illegali al confine italo-sloveno tramite respingimenti di richiedenti asilo che sono tassativamente vietati dal diritto internazionale ed europeo».

      «In un pericolosissimo effetto domino, la situazione potrebbe facilmente degenerare in uno scenario di respingimenti collettivi a catena, radicalmente vietati dal diritto internazionale, in ragione della decisione assunta dalla Slovenia a seguito della decisione italiana di ripristinare a sua volta i controlli di frontiera con la Croazia e l’Ungheria», conclude l’associazione.

      https://www.meltingpot.org/2023/10/ripristinati-i-controlli-al-confine-tra-italia-e-slovenia
      #terrorisme

    • 27 ottobre 2023: Controlli ai confini con la Slovenia: divieto di circolazione, libertà di respingimento

      Preoccupa la reintroduzione dei controlli ai confini interni con la Slovenia annunciata il 18 ottobre dal Governo Meloni dopo gli attacchi compiuti da Hamas in territorio israeliano. Si tratta infatti di un’iniziativa infondata e strumentale, per la distorsione della presunta “costante pressione migratoria” (appena 1.500 persone al mese in Friuli-Venezia Giulia dall’inizio dell’anno), grave, per l’equivalenza che suggerisce all’opinione pubblica tra migranti in transito e potenziali “lupi solitari”, e che rischia soprattutto di tradursi in un palese “via libera” a riammissioni e respingimenti a catena a danno dei migranti e richiedenti asilo, in violazione del diritto interno ed europeo.

      Il tutto in un punto di transito, quello tra Italia e Slovenia, che ha già vissuto nel 2020 l’esperienza delle riammissioni informali attive disposte dall’allora capo di gabinetto della ex ministra dell’Interno Luciana Lamorgese e oggi titolare di quel dicastero, Matteo Piantedosi. Pratiche che hanno comportato il respingimento a catena delle persone, esponendole a violenze e trattamenti inumani e degradanti, e per questo dichiarate illegittime dai tribunali nel corso di questi anni. E che pure sembrano rappresentare ancora in principio l’unico strumento per l’esecutivo: uno strumento, è bene ribadirlo, illegale.

      Come hanno già fatto notare anche altri osservatori e organizzazioni sul campo, il ripristino dei controlli di frontiera interni e il sacrificio della libera circolazione può avvenire in base al Codice frontiere Schengen (Regolamento (UE) 2016/399) “solo come misura di extrema ratio […] in caso di minaccia grave per l’ordine pubblico o la sicurezza interna di uno Stato membro” (Codice, art. 25) per il tempo più breve possibile. Il rischio di “attentati o minacce terroristiche” (Codice, art. 26) può motivare il temporaneo ripristino dei controlli di frontiera, ma tale rischio deve essere concreto e specifico.

      Giocando all’equivoco intorno al concetto di minaccia per l’ordine pubblico o la sicurezza interna, e liquidando in poche battute il flop delle preesistenti “misure di polizia alla frontiera italo-slovena” annunciate in pompa magna solo pochi mesi fa, il governo ha però già esplicitato di voler prorogare il ripristino dei controlli per i prossimi mesi (la misura doveva durare per 10 giorni dal 21 ottobre 2023). A significare che il reale scopo della reintroduzione dei controlli ai confini interni non è contrastare la minaccia terroristica -verso la quale, come noto, è totalmente inefficace- quanto tentare di dar parvenza di (non) legittimità a prassi operative sovrapponibili a riammissioni e respingimenti. Puntando magari a vietare l’accesso al territorio per coloro che intendano chiedere asilo, scavalcando gli obblighi di informativa che stanno in capo alle autorità di frontiera, respingendo le persone senza lasciar loro in mano alcun provvedimento.

      “Le modalità di controllo saranno attuate in modo da garantire la proporzionalità della misura, adattate alla minaccia e calibrate per causare il minor impatto possibile sulla circolazione transfrontaliera e sul traffico merci”, ha provato a chiarire Palazzo Chigi. Ci si augura che dietro queste parole non si prefiguri il ricorso a forme di profilazione razziale, tema sul quale il nostro Paese è già stato bacchettato dal Comitato Onu per l’eliminazione delle discriminazioni razziali.

      Ecco perché è fondamentale monitorare l’attività delle autorità italiane al confine sloveno. La rete RiVolti ai Balcani, tramite le realtà che vi aderiscono, lo sta già facendo.

      Ed è molto importante al riguardo informare correttamente la cittadinanza.
      Ecco perché giovedì 9 novembre alle ore 18.30 sui canali social della rete è stata organizzata l’iniziativa pubblica online “Divieto di circolazione. Libertà di respingimento” per fare il punto della situazione sia per quanto riguarda la frontiera Italia-Slovenia e sia per quanto attiene alla condizione delle persone in transito lungo le rotte balcaniche, dove le violenze sono tornate ancora una volta a governare la “gestione” dei passaggi. Una gestione oscura, come insegna anche la “novità” italiana della reintroduzione dei controlli ai confini interni con la Slovenia.

      https://www.rivoltiaibalcani.org/news-5

    • Rotta balcanica, Piantedosi lancia le brigate antimigranti

      Lo stesso Piantedosi ha altresì annunciato che, non appena i controlli alle frontiere cesseranno (al momento sono prorogati fino al 20 novembre), è intenzione del Governo prevedere l’istituzione di “brigate miste” (di polizia) da “rendere stabili nel tempo”. Il termine utilizzato – brigate – è già piuttosto militaresco, ma, soprattutto, tali brigate miste come sarebbero composte, con quale mandato e con quali garanzie opererebbero al di fuori del territorio italiano? Anche sul confine sloveno-croato e su quello croato-bosniaco?

      https://seenthis.net/messages/1025275

  • L’anthropologue #Didier_Fassin sur #Gaza : « La non-reconnaissance de la qualité d’êtres humains à ceux qu’on veut éliminer est le prélude aux pires violences »

    Le sociologue s’alarme, dans une tribune au « Monde », que l’Union européenne n’invoque pas, dans le cadre du conflit israélo-palestinien, la « responsabilité de protéger » votée par l’Assemblée des Nations unies, et qu’elle pratique le deux poids deux mesures dans ses relations internationales.

    L’incursion sanglante du #Hamas en #Israël a produit dans le pays un #choc sans précédent et a suscité des réactions d’horreur dans les sociétés occidentales. Les #représailles en cours à Gaza, d’autant plus violentes que le gouvernement israélien est tenu responsable par la population pour avoir favorisé l’essor du Hamas afin d’affaiblir le #Fatah [le parti politique du président palestinien, Mahmoud Abbas] et pour avoir négligé les enjeux de sécurité au profit d’une impopulaire réforme visant à faire reculer la démocratie, ne génèrent pas de semblables sentiments de la part des chancelleries occidentales, comme si le droit de se défendre impliquait un droit illimité à se venger. Certaines #victimes méritent-elles plus que d’autres la #compassion ? Faut-il considérer comme une nouvelle norme le ratio des tués côté palestinien et côté israélien de la guerre de 2014 à Gaza : 32 fois plus de morts, 228 fois plus parmi les civils et 548 fois plus parmi les enfants ?

    Lorsque le président français, #Emmanuel_Macron, a prononcé son allocution télévisée, le 12 octobre, on comptait 1 400 victimes parmi les Gazaouis, dont 447 enfants. Il a justement déploré la mort « de nourrissons, d’enfants, de femmes, d’hommes » israéliens, et dit « partager le chagrin d’Israël », mais n’a pas eu un mot pour les nourrissons, les enfants, les femmes et les hommes palestiniens tués et pour le deuil de leurs proches. Il a déclaré apporter son « soutien à la réponse légitime » d’Israël, tout en ajoutant que ce devait être en « préservant les populations civiles », formule purement rhétorique alors que #Tsahal avait déversé en six jours 6 000 bombes, presque autant que ne l’avaient fait les Etats-Unis en une année au plus fort de l’intervention en Afghanistan.

    La directrice exécutive de Jewish Voice for Peace a lancé un vibrant « #plaidoyer_juif », appelant à « se dresser contre l’acte de #génocide d’Israël ». Couper l’#eau, l’#électricité et le #gaz, interrompre l’approvisionnement en #nourriture et envoyer des missiles sur les marchés où les habitants tentent de se ravitailler, bombarder des ambulances et des hôpitaux déjà privés de tout ce qui leur permet de fonctionner, tuer des médecins et leur famille : la conjonction du siège total, des frappes aériennes et bientôt des troupes au sol condamne à mort un très grand nombre de #civils – par les #armes, la #faim et la #soif, le défaut de #soins aux malades et aux blessés.

    Des #crimes commis, on ne saura rien

    L’ordre donné au million d’habitants de la ville de Gaza de partir vers le sud va, selon le porte-parole des Nations unies, « provoquer des conséquences humanitaires dévastatrices ». Ailleurs dans le monde, lorsque éclatent des conflits meurtriers, les populations menacées fuient vers un pays voisin. Pour les Gazaouis, il n’y a pas d’issue, et l’armée israélienne bombarde les écoles des Nations unies où certains trouvent refuge. Ailleurs dans le monde, dans de telles situations, les organisations non gouvernementales apportent une assistance aux victimes. A Gaza, elles ne le peuvent plus. Mais des crimes commis, on ne saura rien. En coupant Internet, Israël prévient la diffusion d’images et de témoignages.

    Le ministre israélien de la défense, #Yoav_Gallant, a déclaré, le 9 octobre, que son pays combattait « des #animaux_humains » et qu’il « allait tout éliminer à Gaza ». En mars, son collègue des finances a, lui, affirmé qu’« il n’y a pas de Palestiniens, car il n’y a pas de peuple palestinien ».
    Du premier génocide du XXe siècle, celui des Herero, en 1904, mené par l’armée allemande en Afrique australe, qui, selon les estimations, a provoqué 100 000 morts de déshydratation et de dénutrition, au génocide des juifs d’Europe et à celui des Tutsi, la non-reconnaissance de la qualité d’êtres humains à ceux qu’on veut éliminer et leur assimilation à des #animaux a été le prélude aux pires #violences.

    Rhétorique guerrière

    Comme le dit en Israël la présidente de l’organisation de défense des droits de l’homme, B’Tselem, « Gaza risque d’être rayée de la carte, si la communauté internationale, en particulier les Etats-Unis et l’Europe, ne fait pas stopper – au lieu de laisser faire, voire d’encourager – les crimes de guerre qu’induit l’intensité de la riposte israélienne ». Ce n’est pas la première fois qu’Israël mène une #guerre à Gaza, mais c’est la première fois qu’il le fait avec un gouvernement aussi fortement orienté à l’#extrême-droite qui nie aux Palestiniens leur humanité et leur existence.
    Il existe une « responsabilité de protéger », votée en 2005 par l’Assemblée des Nations unies, obligeant les Etats à agir pour protéger une population « contre les génocides, les crimes de guerre, les nettoyages ethniques et les crimes contre l’humanité ». Cet engagement a été utilisé dans une dizaine de situations, presque toujours en Afrique. Que l’Union européenne ne l’invoque pas aujourd’hui, mais qu’au contraire la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, se rende, sans mandat, en Israël, pour y reprendre la #rhétorique_guerrière du gouvernement, montre combien le deux poids deux mesures régit les relations internationales.
    Quant à la #France, alors que se fait pressante l’urgence à agir, non seulement le gouvernement apporte son appui sans failles à l’#opération_punitive en cours, mais il interdit les #manifestations en faveur du peuple palestinien et pour une #paix juste et durable en Palestine. « Rien ne peut justifier le #terrorisme », affirmait avec raison le chef de l’Etat. Mais faut-il justifier les crimes de guerre et les #massacres_de_masse commis en #rétorsion contre les populations civiles ? S’agit-il une fois de plus de rappeler au monde que toutes les vies n’ont pas la même valeur et que certaines peuvent être éliminées sans conséquence ?

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/18/l-anthropologue-didier-fassin-sur-gaza-la-non-reconnaissance-de-la-qualite-d

    #à_lire #7_octobre_2023

    • Le spectre d’un génocide à Gaza

      L’annihilation du Hamas, que la plupart des experts jugent irréaliste, se traduit de fait par un massacre des civils gazaouis, ce que la Première ministre française appelle une « catastrophe humanitaire », mais dans lequel un nombre croissant d’organisations et d’analystes voient le spectre d’un génocide.

      Au début de l’année 1904, dans ce qui était alors le protectorat allemand du Sud-Ouest africain, les Hereros se rebellent contre les colons, tuant plus d’une centaine d’entre eux dans une attaque surprise.

      Au cours des deux décennies précédentes, ce peuple d’éleveurs a vu son territoire se réduire à mesure que de nouvelles colonies s’installent, s’emparant des meilleures terres et entravant la transhumance des troupeaux. Les colons traitent les Hereros comme des animaux, les réduisent à une forme d’esclavage et se saisissent de leurs biens. Le projet des autorités est de créer dans ce qui est aujourd’hui la Namibie une « Allemagne africaine » où les peuples autochtones seraient parqués dans des réserves.

      La révolte des Hereros est vécue comme un déshonneur à Berlin et l’empereur envoie un corps expéditionnaire avec pour objectif de les éradiquer. Son commandant annonce en effet qu’il va « annihiler » la nation herero, récompensant la capture des « chefs », mais n’épargnant « ni les femmes ni les enfants ». Si l’extermination n’est techniquement pas possible, ajoute-t-il, il faudra forcer les Hereros à quitter le pays, et « ce n’est qu’une fois ce nettoyage accompli que quelque chose de nouveau pourra émerger ».

      Dans les mois qui suivent, nombre de Hereros sans armes sont capturés et exécutés par les militaires, mais la plupart sont repoussés dans le désert où ils meurent de déshydratation et d’inanition, les puits ayant été empoisonnés. Selon l’état-major militaire, « le blocus impitoyable des zones désertiques paracheva l’œuvre d’élimination ». On estime que seuls 15 000 des 80 000 Hereros ont survécu. Ils sont mis au travail forcé dans des « camps de concentration » où beaucoup perdent la vie.

      Le massacre des Hereros, qualifié par les Allemands de « guerre raciale » est le premier génocide du XXe siècle, considéré par certains historiens comme la matrice de la Shoah quatre décennies plus tard. Dans Les Origines du totalitarisme, la philosophe Hannah Arendt elle-même a établi un lien entre l’entreprise coloniale et les pratiques génocidaires.

      Comparaison n’est pas raison, mais il y a de préoccupantes similitudes entre ce qui s’est joué dans le Sud-Ouest africain et ce qui se joue aujourd’hui à Gaza. Des décennies d’une colonisation qui réduit les territoires palestiniens à une multiplicité d’enclaves toujours plus petites où les habitants sont agressés, les champs d’olivier détruits, les déplacements restreints, les humiliations quotidiennes.

      Une déshumanisation qui conduisait il y a dix ans le futur ministre adjoint à la Défense à dire que les Palestiniens sont « comme des animaux ». Une négation de leur existence même par le ministre des Finances pour qui « il n’y a pas de Palestiniens car il n’y a pas de peuple palestinien », comme il l’affirmait au début de l’année. Un droit de tuer les Palestiniens qui, pour l’actuel ministre de la Sécurité nationale, fait du colon qui a assassiné vingt-neuf d’entre eux priant au tombeau des Patriarches à Hébron un héros. Le projet, pour certains, d’un « grand Israël », dont l’ancien président est lui-même partisan.

      Pendant les six premiers jours de l’intervention israélienne, 6 000 bombes ont été lâchées sur Gaza, presque autant que les États-Unis et ses alliés en ont utilisé en Afghanistan en une année entière

      Dans ce contexte, les attaques palestiniennes contre des Israéliens se sont produites au fil des ans, culminant dans l’incursion meurtrière du Hamas en territoire israélien le 7 octobre faisant 1 400 victimes civiles et militaires et aboutissant à la capture de plus de 200 otages, ce que le représentant permanent d’Israël aux Nations unies a qualifié de « crime de guerre ». La réponse du gouvernement, accusé de n’avoir pas su prévenir l’agression, s’est voulue à la mesure du traumatisme provoqué dans le pays. L’objectif est « l’annihilation du Hamas ».

      Pendant les trois premières semaines de la guerre à Gaza, les représailles ont pris deux formes. D’une part, infrastructures civiles et populations civiles ont fait l’objet d’un bombardement massif, causant 7 703 morts, dont 3 595 enfants, 1 863 femmes et 397 personnes âgées, et endommageant 183 000 unités résidentielles et 221 écoles, à la date du 28 octobre. Pendant les six premiers jours de l’intervention israélienne, 6 000 bombes ont été lâchées sur Gaza, presque autant que les États-Unis et ses alliés en ont utilisé en Afghanistan en une année entière, au plus fort de l’invasion du pays.

      Pour les plus de 20 000 blessés, dont un tiers d’enfants, ce sont des mutilations, des brûlures, des handicaps avec lesquels il leur faudra vivre. Et pour tous les survivants, ce sont les traumatismes d’avoir vécu sous les bombes, assisté aux destructions des maisons, vu des corps déchiquetés, perdu des proches, une étude britannique montrant que plus de la moitié des adolescents souffrent de stress post-traumatique.

      D’autre part, un siège total a été imposé, avec blocus de l’électricité, du carburant, de la nourriture et des médicaments, tandis que la plupart des stations de pompage ne fonctionnent plus, ne permettant plus l’accès à l’eau potable, politique que le ministre de la Défense justifie en déclarant : « Nous combattons des animaux et nous agissons comme tel ». Dans ces conditions, le tiers des hôpitaux ont dû interrompre leur activité, les chirurgiens opèrent parfois sans anesthésie, les habitants boivent une eau saumâtre, les pénuries alimentaires se font sentir, avec un risque important de décès des personnes les plus vulnérables, à commencer par les enfants.

      Dans le même temps, en Cisjordanie, plus d’une centaine de Palestiniens ont été tués par des colons et des militaires, tandis que plus de 500 éleveurs bédouins ont été chassés de leurs terres et de leur maison, « nettoyage ethnique » que dénoncent des associations de droits humains israéliennes. Croire que cette répression féroce permettra de garantir la sécurité à laquelle les Israéliens ont droit est une illusion dont les 75 dernières années ont fait la preuve.

      L’annihilation du Hamas, que la plupart des experts jugent irréaliste, se traduit de fait par un massacre des civils gazaouis, ce que la Première ministre française appelle une « catastrophe humanitaire », mais dans lequel un nombre croissant d’organisations et d’analystes voient le spectre d’un génocide.

      L’organisation états-unienne Jewish Voice for Peace implore « toutes les personnes de conscience d’arrêter le génocide imminent des Palestiniens ». Une déclaration signée par 880 universitaires du monde entier « alerte sur un potentiel génocide à Gaza ». Neuf Rapporteurs spéciaux des Nations unies en charge des droits humains, des personnes déplacées, de la lutte contre le racisme et les discriminations, l’accès à l’eau et à la nourriture parlent d’un « risque de génocide du peuple palestinien ». Pour la Directrice régionale de l’Unicef pour le Moyen Orient et l’Afrique du nord, « la situation dans la bande de Gaza entache de plus en plus notre conscience collective ». Quant au Secrétaire général des Nations unies, il affirme : « Nous sommes à un moment de vérité. L’histoire nous jugera ».

      Alors que la plupart des gouvernements occidentaux continuent de dire « le droit d’Israël à se défendre » sans y mettre de réserves autres que rhétoriques et sans même imaginer un droit semblable pour les Palestiniens, il y a en effet une responsabilité historique à prévenir ce qui pourrait devenir le premier génocide du XXIe siècle. Si celui des Hereros s’était produit dans le silence du désert du Kalahari, la tragédie de Gaza se déroule sous les yeux du monde entier.

      https://aoc.media/opinion/2023/10/31/le-spectre-dun-genocide-a-gaza

    • Cette réponse sur AOC est d’une mauvaise foi affligeante. Ils se piquent de faire du droit international, et ne se rendent pas compte que leurs conclusions vont à l’encontre de ce qui est déclamé par les instances multilatérales internationales depuis des dizaines d’années.

      Personnellement, les fachos qui s’ignorent et qui prennent leur plume pour te faire comprendre que tu n’es pas assez adulte pour comprendre la complexité du monde, ils commencent à me chauffer les oreilles. La tolérance c’est bien, mais le déni c’est pire. Et là, cette forme de déni, elle est factuelle. Elle n’est pas capillotractée comme lorsqu’on étudie les différentes formes d’un mot pour en déduire un supposé racisme pervers et masqué.

    • La réponse dans AOC mais fait vraiment penser à la sailli de Macron sur les violences policières : « dans un État de droit il est inadmissible de parler de violences policières » : autrement dit ce ne sont pas les violences elles-mêmes, concrète, prouvées, qui sont à condamner, mais c’est le fait d’en parler, de mettre des mots pour les décrire.

      Là c’est pareil, l’État israélien fait littéralement ces actions là : tuerie de masse par bombes sur civils, destruction des moyens de subsistance en brulant les champs (d’oliviers et autres), et en coupant tout accès à l’eau (base de la vie quand on est pas mort sous les bombes) ; ce qui correspond bien factuellement au même genre de stratégie militaire d’annihilation des Héréros par les allemands. Mais ce qui est à condamner c’est le fait de le décrire parce que ça serait antisémite, et non pas les actions elles-mêmes.

      Parce que l’accusation d’empoisonnement est un classique de l’antisémitisme depuis le moyen âge, alors si concrètement une armée et des colons de culture juive bloquent l’accès à la subsistance terre et eau, ça n’existe pas et il ne faut pas en parler.

      (Et c’est le même principe que de s’interdire de dire que le Hamas est un mouvement d’extrême droite, avec une politique autoritaire et ultra réactionnaire, et qu’ils promeuvent des crimes de guerre, parce qu’ils se battent contre l’État qui les colonise. Il fut un temps où beaucoup de mouvements de libération, de lutte contre le colonialisme et ou les impérialismes, faisaient attention aux vies civiles, comme le rappelait Joseph Andras il me semble.)

      #campisme clairement ("mon camp", « notre camp », ne peut pas faire ça, puisque c’est les méchants qui nous accusaient faussement de faire ça…)

  • Résilience climatique : viser au dessus de la ligne Bordeaux-Lyon | Le Monde | 15.10.23

    https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2023/10/15/comment-la-creuse-est-devenue-un-eden-climatique-ici-tous-les-trois-jours-il

    Pascal Lenormand, ingénieur expert en sobriété énergétique :

    « Je ne suis pas collapsologue, se défend d’emblée le quadragénaire, père de deux enfants. Mais j’ai une vague idée que cela ne va pas s’arranger. J’ai cherché un lieu résilient où l’on pourra vivre normalement. Dans mon métier, depuis une décennie, je déconseille de migrer sous une ligne Bordeaux-Lyon pour des questions de ressources en eau et de surchauffe des bâtiments. Je me suis appliqué le conseil à moi-même. »

    Lenormand est maintenant un monsieur de Fursac (Creuse), migrant climatique en provenance de Chambéry (Savoie, fond de vallée).

  • Orwell, very well | LeMonde | 08.07.23

    https://www.lemonde.fr/culture/article/2023/07/08/comment-le-xxi-siecle-est-devenu-orwellien_6181089_3246.html

    Sa figure de reporter antitotalitaire et d’écrivain visionnaire est un véritable étendard. Pour beaucoup, Orwell est une vigie, un phare. Sans compter son héritage sans testament que se disputent populistes et anarchistes, conservateurs et progressistes. Une captation politique notamment opérée par une droite politique et médiatique déboussolée par l’effondrement du monde d’hier, qui cherche en George Orwell un support à sa rhétorique réactionnaire.

    il doit se retourner dans son nuage, le Georges, avec ces fans de droite.

    • Face à la réécriture de l’histoire par les éditorialistes nationaux-populistes, il est devenu nécessaire de le rappeler : Orwell n’est pas de droite, mais de gauche. Et n’est ni réactionnaire ni conservateur. Comme en atteste cette réponse sans appel adressée le 15 novembre 1945 à Katherine Marjory, duchesse écossaise d’Atholl, qui l’invitait à un meeting anti­communiste organisé par la Ligue pour la liberté européenne : « Je ne puis m’associer à une organisation essentiellement conservatrice, qui prétend défendre la démocratie en Europe, sans avoir un mot contre l’impérialisme britannique. » N’oubliant pas de préciser avec la plus grande netteté : « J’appartiens à la gauche et c’est en son sein que je dois travailler. » « Le risque avec une icône, c’est de s’attacher ­davantage à sa vie qu’à son œuvre », prévient Jean-Jacques Rosat, philosophe et auteur de Chroniques orwelliennes (Collège de France, 2013), qui a édité et préfacé trois de ses livres en français aux Éditions Agone. Impossible pourtant, avec Orwell, de dissocier sa vie de ses écrits.

      Victime et observateur de l’humiliation sociale

      Eric Arthur Blair est né dans une famille de la petite bourgeoisie britannique, le 25 juin 1903, au Bengale, où son père, Richard Walmesley Blair (1857-1939), s’occupe du ­commerce de l’opium au sein de l’administration coloniale. Sa mère, Ida Mabel Blair (1875-1943), née Limouzin­, était la fille d’un homme d’affaires français installé en Birmanie, propriétaire d’une plantation de teck. Il arrivait à cette femme indépendante et cultivée de prendre sous la dictée les premiers poèmes que son fils, inspiré par William Blake, écrivait dès l’âge de cinq ans, racontera plus tard l’écrivain dans Pourquoi j’écris (1946).

      Le jeune Eric Blair vécut également avec ses deux sœurs, Marjorie (1898-1946) et Avril (1908-1978) et gardera sans doute de l’atmosphère bucolique de ses vacances familiales en Cornouailles­ un goût prononcé pour la pêche et la nature qu’il traduira plus tard sous la forme d’une éthique dans l’une de ses chroniques : « Je pense que c’est en conservant notre amour enfantin pour les arbres, les poissons, les papillons, les crapauds… que l’on rend un peu plus probable la possibilité d’un avenir paisible et décent. » Mais l’auteur relate avant tout une enfance solitaire lors de laquelle il prit l’habitude de s’« inventer des histoires et de converser avec des personnages imaginaires ».

      Scolarisé en Angleterre, il fut très tôt sensible aux différences de classes, tour à tour victime et observateur de l’humiliation sociale. Roué de coups de cravache au collège de St Cyprian’s pour ses incontinences nocturnes, il gardera de cet épisode une profonde blessure, une aversion pour la toute-puissance du pouvoir de la surveillance et plus généralement l’impression de « perdre [son] temps » et de « gâcher [ses] talents » (« Tels, tels étaient nos plaisirs », 1947). Certains biographes ont vu en la personne du directeur de cette école huppée, surnommé « Sambo », autocrate qui favorisait les élèves les plus riches et, écrira Orwell, « menait la vie dure aux plus pauvres doués » dont « les cerveaux étaient considérés comme des mines d’or », les prémisses de Big Brother. À St-Cyprian’s, dans le sud de l’Angleterre, entre sa huitième et sa quatorzième année, Eric Blair fut ainsi sensibilisé au « système de castes » qui divisait les élèves entre la minorité des aristocrates millionnaires, le gros bataillon des bourgeois aisés et, dit-il, « le rebut » dont il faisait partie, notamment composé de fils de fonctionnaires de l’administration impériale.

      Un dominé chez les dominants

      Pensionnaire boursier du prestigieux collège d’Eton, de 1917 à 1921, il découvre et réprouve également le snobisme des public schools, ces écoles privées et prisées des élites qu’il proposera plus tard d’abolir dans Le Lion et la Licorne (1941). C’est toutefois dans ce prestigieux établissement du Berkshire qu’il dévore les auteurs qui feront partie de son panthéon personnel, comme H.G Wells et, bien sûr, Charles Dickens, l’auteur de David Copperfield, dont il fit plus tard l’éloge en forme d’autoportrait, imaginant le visage de l’écrivain derrière ses pages : « C’est le visage d’un homme qui ne cesse de combattre quelque chose, mais qui se bat au grand jour, sans peur, le visage d’un homme animé d’une colère généreuse, écrit-il dans un essai qu’il lui consacrera en 1939, une intelligence libre, un type d’individu également exécré par toutes les petites orthodoxies malodorantes qui se disputent aujourd’hui le contrôle de nos esprits. »
      Eric Blair rompt avec cette précaire méritocratie autoritaire. Sa route scolaire s’arrête et il n’empruntera pas la voie royale qui mène d’ordinaire cette élite à Oxford ou à Cambridge. Mais il gardera, jusque dans les bas-fonds de Paris ou de Londres, l’accent etonien qui marquera à jamais son appartenance à sa classe, même si Orwell est non pas un transfuge, mais un dominé chez les dominants, dirait une certaine sociologie aujourd’hui, un homme capable de circuler entre les mondes, les bourgeois et les prolétaires, les officiers et les ouvriers, les éditeurs et les mineurs.

      Il s’embarque pour la Birmanie en 1922 et devient officier de la police impériale des Indes, avant de démissionner en 1927, horrifié par « les visages gris et apeurés des détenus » et « les fesses zébrées des hommes châtiés à coups de bambous ». Sur le bateau qui le mène vers l’Asie, il prend à nouveau conscience des différences de classes devant le comportement d’un des quartiers-maîtres anglais « détalant comme un rat » afin de dévorer les restes d’un pudding pris illicitement par un steward sur la table d’un passager. Même ces « êtres quasi-divins » apparentés aux officiers ne sont pas épargnés par l’empire de la nécessité. « La stupeur qui me frappa à ce moment-là m’en apprit plus que ne l’aurait fait une demi-­douzaine de brochures socialistes », écrira-t-il dans une de ses chroniques données à Tribune (1947).
      Car l’auteur d’Une histoire birmane pense presque toujours à partir d’une expérience. Le futur Orwell n’est pas un homme de la théorie, ni seulement un faiseur de récit. C’est un écrivain à la pensée éprouvée. Et en Birmanie, les épreuves ne manquent pas. Il en tirera deux nouvelles et son premier roman, Une histoire birmane (1934), récit cinglant, drôle et cruel d’un employé d’une compagnie forestière égaré dans la jungle coloniale. Il assista un jour à une pendaison, qui lui parut « plus atroce que mille assassinats » et après laquelle il ne put jamais pénétrer à l’intérieur d’une prison « sans avoir l’impression que [sa] place était derrière les barreaux plutôt que devant ». Sans doute est-ce dans Comment j’ai tué un éléphant (1936), où le jeune officier relate la façon dont il fut contraint d’abattre un pachyderme pour préserver son statut face à la foule, qu’il décrit le mieux « la vacuité du règne de l’homme blanc en Orient ».

      La Birmanie fut sans doute le baptême de sa conscience européenne blessée. Non pas seulement l’occasion de verser un « sanglot de l’homme blanc » moqué par les néoconservateurs, mais une prise de conscience graduée, suivie d’une critique raisonnée de l’impérialisme et de « toute forme de domination de l’homme par l’homme ».

      Enquêtes en immersion, puis à visage découvert

      Pour en comprendre les ressorts, l’officier rincé par cinq années de service au sein de l’empire a besoin d’effectuer « une véritable plongée ». C’est pourquoi il démissionne en 1927 et rejoint l’Europe où il va vivre, de 1929 à 1931, avec les paumés et les travailleurs paupérisés, les mendiants et les chapardeurs, le prolétariat en haillon des vagabonds et des cueilleurs de houblon. Installé rue du Pot-de-fer à Paris, dans un quartier latin populaire, il devient plongeur dans les cuisines d’un grand hôtel parisien de la rue de Rivoli et en observe la sévère hiérarchie. Lui comme ses pairs sont « astreints à un travail épuisant, qui n’offre aucune perspective d’avenir » et leur « horizon [est] parfaitement bouché ». Ainsi, écrit-il, « le plongeur est l’un des esclaves du monde moderne ». Il poursuit son enquête à Londres, se grime, joue la comédie et dort dans les asiles de nuit avant de partir dans le Kent ramasser le houblon, dans des plantations « où les lois sur le travail des enfants sont outrageusement bafouées », reste toutes les journées débout au point de se « sentir réduit à l’état de véritable loque ». C’est à cette époque qu’il prend son nom de plume et devient George Orwell, du nom d’un fleuve du Suffolk qui se jette dans la mer à cinquante kilomètres de la maison où vivaient ses parents, et publie sous ce pseudonyme

      Dans la dèche à Paris et à Londres (1933).

      Orwell se réapproprie le récit d’immersion, notamment adopté par Jack London dans Le Peuple de l’abîme (1903), qui consiste à partager la vie de ceux que l’on souhaite approcher et même à se faire passer pour un des leurs. Une méthode notamment prolongée par le journaliste allemand Günter Wallraff, l’auteur de Tête de turc (La Découverte, 1985), qui prit l’identité d’un travailleur immigré sans carte de travail et révéla les brimades et l’exploitation dont faisait l’objet cette communauté précarisée en Allemagne. Une approche employée dans d’autres enquêtes menées parmi les SDF et tous « les perdants du meilleur des mondes ». Une manière d’être au plus près des classes populaires, d’en partager les travaux et les jours, témoigner de leur décence ordinaire. Mais sans prétendre pour autant faire partie de leur monde, sans s’illusionner sur cette proximité momentanée. Une démarche qui inspirera également la journaliste française Florence Aubenas qui travailla comme femme de ménage dans les ferrys du Quai de Ouistreham (Éditions de l’Olivier, 2010), titre choisi en référence au Quai de Wigan, que publiera Orwell en 1937.

      Car, après des années à chercher du boulot et parfois à en trouver, notamment comme libraire, mais aussi à vouloir percer dans le monde littéraire avec des romans sans succès, comme La Fille du clergyman (1935) ou Et vive l’aspidistra ! (1936), Orwell repart, cette fois-ci, dans le Lancashire et sa région minière. Toujours pour le compte de son éditeur, Victor Gollancz, qui lui commande, en 1936, une enquête sur la condition de la classe ouvrière et sur les chômeurs du nord de l’Angleterre. Pas de masque ni d’identité d’emprunt cette fois-ci. Orwell enquête deux mois durant à visage découvert. Il descend notamment dans la profondeur des mines de charbon et « découvre l’enfer » de ces cavités à l’air vicié où « rugissent » les machines actionnées par des mineurs qui doivent « rester en permanence à genoux ». Il montre comment « le travail presque surhumain » de ceux d’en bas est « la contrepartie obligée de notre monde d’en haut ».

      La décence ordinaire

      C’est dans Le Quai de Wigan (1937) que George Orwell forge son concept de « common decency », cette propension de l’homme ordinaire à la générosité, au respect, à l’entraide et à la solidarité, particulièrement répandue dans les classes populaires. Non pas une supériorité morale des pauvres, mais « une profonde humanité qu’il n’est pas facile de retrouver ailleurs­ », écrit-il. « Cherchant l’humiliation, il découvre l’humilité », résume le philosophe Bruce Bégout, selon qui la décence ordinaire est, chez Orwell, « le revers de l’apparente indécence publique » des puissants (De la décence ordinaire, Allia, 2019).
      Mais la seconde partie de l’ouvrage révèle un reporter réflexif, un journaliste critique, un observateur engagé à la plume aiguisée. Orwell mène une analyse sans concession de l’avenir du socialisme auquel il restera attaché jusqu’à la fin de sa vie. « Le mouvement socialiste a autre chose à faire que de se transformer en une association de matérialistes dialectiques ; ce qu’il doit être, c’est une ligue des opprimés contre les oppresseurs », écrit-il à l’usage des marxistes s’adonnant au « culte sans réserve de la Russie. » Orwell propose même une alliance par-delà les différences.

      L’écrivain, qui a « reçu une éducation bourgeoise » mais qui était contraint de « vivre avec un revenu d’ouvrier », y explique que « des classes distinctes peuvent et doivent faire front commun ». Tous « ceux qui courbent l’échine devant un patron ou frissonnent à l’idée d’un prochain loyer à payer » doivent « unir leur force », enjoint-il. Ce qui revient à dire que « le petit actionnaire doit tendre la main au manœuvre d’usine, la dactylo au mineur de fond, le maître d’école au mécano ». Une alliance qui, pour beaucoup, reste largement d’actualité, en dépit des changements survenus dans les corps de métiers.
      Une autre conviction s’ancre dès cette expérience fondatrice : « Le socialisme, c’est l’abolition de la tyrannie, aussi bien dans le pays où l’on vit que dans les autres pays. » Or le stalinisme se déploie. Et le fascisme s’étend. En Italie, bien sûr, avec Mussolini. Mais aussi en Angleterre, avec la British Union of Fascists d’Oswald Mosley, qui sera interdite en 1940 et dont le leader sera emprisonné pendant la guerre. En Allemagne, le parti national-­socialiste d’Adolf Hitler répand la terreur d’État depuis 1933. Sans oublier l’Espagne où les Républicains se battent sans le soutien des démocraties française et britannique contre les phalanges franquistes armées par les fascistes et les nazis.

      Le cottage aux animaux

      Marié depuis 1936 à Eileen O’Shaughnessy, une femme de gauche au « visage de chat », Orwell s’installe en couple dans un modeste cottage sans électricité ni salle de bains, s’occupe d’un poulailler et d’un potager entouré de chèvres qu’il trait au petit matin et d’un chien ironiquement appelé « Marx ». Après s’être cherché durant des années, il s’est enfin trouvé. Dans sa vie, son style et ses écrits. Et décide de partir en Espagne. Non seulement pour raconter et témoigner, mais pour « combattre le fascisme ». De passage à Paris, avant de prendre le train pour Barcelone, l’écrivain Henry Miller tente de l’en dissuader. En vain. Lui laissant sa veste en velours qu’Orwell gardera tout au long de son expédition catalane. Il faut dire qu’il en aura besoin, tant le front d’Aragon est, en hiver, balayé par la neige, les vents froids et « le claquement glacé des balles ».

      George Orwell arrive à Barcelone en décembre 1936 et s’engage dans les milices du Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM), organisation fondée en 1935 par Andrés Nin qu’il rejoint en raison de sa proximité avec l’Independant Labour Party, auquel Orwell adhère de juin 1938 à septembre 1939. Les drapeaux rouges des communistes, les fanions rouges et noirs des anarchistes qui tournoient dans les rues de Barcelone, les conversations lors desquelles tout le monde se tutoie, les différences sociales qui semblent soudainement abolies, les liesses lors desquelles des militants fraternisent, le grisent.
      Incorporé sur le front d’Aragon, dans la région de Saragosse et de Huesca, où il est nommé caporal, Orwell mène une guerre de tranchée avec de vieux fusils rouillés, guette les troupes ennemies en face de montagnes « grises et plissées comme la peau des éléphants », patrouille dans des « vallées obscures » où « les balles perdues passaient en sifflant comme des bécasseaux ». Le froid, les rats, l’attente. Une nuit, il tient un fasciste dans le viseur de son vieux Mauser. Mais il n’abat pas cette estafette franquiste en raison d’un détail qui interrompt son geste : l’homme tient dans sa main son pantalon. « J’étais venu pour tirer sur des fascistes ; mais un homme qui tient son pantalon n’est pas un fasciste, il est un être humain », écrira-t-il. Quatre mois plus tard, une permission le ramène à Barcelone où l’atmosphère a changé. Les distinctions sociales sont de retour et les divisions politiques éclatent au grand jour. Dans ces journées de mai 1937, la ville n’est plus, à l’image des milices qu’il a intégrées, ce « microcosme de la société sans classe » où « personne ne léchait les bottes à quelqu’un », mais une poudrière où les communistes s’affrontent aux anarchistes et aux poumistes.

      De retour sur le front d’Aragon, une balle fasciste lui traverse la gorge et Orwell échappe presque miraculeusement à la mort. Quand il revient à Barcelone, il découvre que les communistes ont obtenu que le POUM soit interdit par le gouvernement républicain. Ses membres sont ainsi arrêtés et emprisonnés. Les anciens alliés anarchistes et poumistes sont accusés d’espionnage, de trahison et de « complot trotskiste », à l’image du commandant de l’unité de sa milice, Georges Kopp (1903-1951), qui passera dix-huit mois dans les prisons républicaines. Eileen, venue rejoindre son mari et travailler au sein du bureau catalan de l’ILP, lui apprend qu’il est recherché. Orwell se cache pendant trois jours avant de réussir à partir, avec l’aide du consulat britannique.
      Une santé qui se dégrade
      Barcelone, Banuyls, puis Paris, avant de rejoindre le sud de l’Angleterre, « le plus onctueux paysage du monde ». Sur le trajet, une envie, perçue comme une « folie », lui traverse l’esprit : « retourner en Espagne ». Car malgré « l’épouvantable désastre » d’une « guerre politique », cette expérience inoubliable accroît sa « foi » dans la « dignité humaine ». George Orwell restera en quête d’un « trésor », un peu comme les maquisards selon René Char car, dit le poète, celui qui « a épousé la Résistance, a découvert sa vérité ». Orwell cherchera à retrouver cet élan malgré l’effondrement d’une Europe plongée dans de « sombres temps », une expression d’Hannah Arendt (1906-1975) qui estime que « l’histoire des révolutions pourrait être racontée sous la forme d’une parabole comme la légende d’un trésor sans âge qui, dans des circonstances les plus diverses, apparaît brusquement, à l’improviste, et disparaît de nouveau dans d’autres conditions mystérieuses, comme s’il était une fée Morgane ».

      Autant marqué par ce surgissement de la liberté que par la dérive totalitaire de certains révolutionnaires, Orwell a donc regagné une Angleterre plongée dans un « profond sommeil » et dont il craint qu’elle n’en soit arrachée par le vrombissement des bombes. Celles-ci ne tardent pas à tomber. En 1940, il assume pleinement son patriotisme sans renier pour autant son socialisme égalitaire. Et explique pourquoi, malgré son opposition politique aux tories, il a « choisi l’Angleterre », ce qui ne l’empêche pas de tonner contre « ces libéraux à la bouche fleurie qui attendent la fin de la Seconde Guerre mondiale pour toucher tranquillement leur dividende ». Il devient chroniqueur à la BBC, puis pour Tribune, le journal de l’aile gauche du Parti travailliste, et collaborateur de nombreuses revues. Il s’engage dans la Home Guard, organisation combattante composée de civils destinée à protéger le pays contre un potentiel débarquement allemand.

      En 1944, il adopte avec sa femme un fils, Richard Blair, qui préside aujourd’hui la Fondation Orwell et la Orwell society. En 1945, il publie La Ferme des animaux, chez Secker & Warburg, devenu son éditeur depuis les réserves émises par Gollancz sur ses analyses critiques de l’orthodoxie marxiste. Mais Eileen meurt la même année d’un cancer. Désemparé, Orwell se mettra rapidement en quête d’une épouse, notamment pour faire face à l’adversité, car l’avenir de sa paternité est menacé par une santé dégradée depuis qu’une sévère tuberculose a été détectée.

      « Mon erreur fondamentale »

      Ce sera Sonia Brownell (1918-1980), personnalité en vue du milieu littéraire et artistique, qui fut l’assistante de son ami Cyril Connolly à Horizon, la grande revue culturelle de l’époque, avec qui Orwell se marie en 1949, trois mois seulement avant sa mort. La même année paraît le roman 1984, qu’il termine à Barnhill, sur l’île écossaise de Jura, où il s’installe avec son tout jeune fils adoptif Richard. Sa sensibilité au mépris de classe s’aiguise presque jusqu’au dernier souffle et, dans une note du 17 avril rédigée au sanatorium de Cranham, Orwell raille encore la « satiété ronflante », la « sotte assurance » et la « lourdeur repue » des membres des classes huppées dont il entend les voix à l’hôpital. « Pas étonnant que tout le monde nous haïsse autant », conclut-il. Mais, rongé par la maladie, il n’aura pas le temps de connaître l’immense succès de son dernier livre, qu’il hésitait à titrer Le Dernier Homme en Europe, puisqu’il meurt le 21 janvier 1950, d’une hémorragie pulmonaire massive.

      Anticolonialiste dès la fin des années 1920, antitotalitaire dans les années 1930, patriote révolutionnaire dès 1940, socialiste radical et défenseur des libertés politiques jusqu’à sa mort, Orwell est doté d’un sens de l’histoire et d’une pensée de l’événement hors du commun. Une acuité politique remarquable qui le conduisit à être le premier auteur à forger la notion de « guerre froide » : « Il se pourrait que nous n’allions pas vers l’effondrement général, mais vers une époque aussi atrocement stable que les empires esclavagistes de l’Antiquité », écrit-il dans l’une de ses chroniques à Tribune (« La bombe atomique et vous », 9 octobre 1945). L’arme nucléaire contribuerait en effet à renforcer un certain type d’État qui serait « en même temps invincible et dans une situation permanente de « guerre froide » avec ses voisins », poursuit-il.
      Gare, toutefois, à ne pas transformer Orwell en « objet d’une vénération sirupeuse », prévient l’écrivain Christopher Hitchens, qui publia Dans la tête d’Orwell (Saint-Simon, 2019). Orwell n’est pas un saint qui ne se serait jamais trompé. Correspondant londonien à partir de janvier 1941 de Partisan Review, revue politico-littéraire de la gauche radicale américaine, Orwell reconnut notamment ses erreurs d’interprétation lors de la Seconde Guerre mondiale. Dans l’une de ces Lettres de Londres datée de décembre 1944, il admet s’être « grossièrement trompé » jusqu’en 1942. Son « erreur ­fondamentale », explique-t-il, a été de « croire qu’il était impossible de gagner la guerre sans ­démocratiser la manière de la mener ».

      Dès l’automne 1940, en effet, il avait avancé l’idée du patriotisme révolutionnaire, résumée en deux formules : on ne peut espérer faire la révolution un jour en Angleterre si on ne gagne pas la guerre. En effet si Hitler gagne, toute perspective de révolution socialiste disparaît, ce pour quoi il est violemment hostile au pacifisme, notamment celui de ses amis anarchistes. Mais on ne peut espérer gagner la guerre si on ne fait pas la révolution, si une alliance des ouvriers et des classes moyennes ne chasse pas du pouvoir la vieille classe dirigeante britannique.

      Le milieu littéraire boude Orwell

      C’est de la fausseté de cette seconde formule qu’Orwell prend conscience à la fin de l’année 1942. Exemplaire jusque dans la reconnaissance de ses erreurs d’appréciation, il écrit à la fin d’Hommage à la Catalogne, ouvrage qui dessilla les yeux de toute une génération sur la mainmise des staliniens sur la révolution : « Méfiez-vous de ma partialité, des erreurs sur les faits que j’ai pu commettre, et de la déformation qu’entraîne forcément le fait de n’avoir vu qu’un coin des événements. »
      Le succès de George Orwell repose aussi sur l’accessibilité et la limpidité de sa prose. C’est « un écrivain au style clair, précis et direct », observe Bruce Bégout. Loin de l’avant-gardisme de James Joyce ou d’Henry Miller, qu’il admirait et dont il lui arriva d’imiter maladroitement le style dans ses premiers romans, « Orwell écrit sans afféterie ni formalisme littéraire ».

      L’ambition d’Orwell est claire : il s’agit de « faire de l’écriture politique un art », explique-t-il dans Pourquoi j’écris (1946). Ce qui le « pousse au travail », c’est toujours « le sentiment d’une injustice, et l’idée qu’il faut prendre parti ». Pourtant, tient à ajouter Orwell, il lui serait « impossible d’écrire un livre » si cela ne représentait également « une expérience esthétique ».

      Un art du roman « imperméablement fermé à la poésie », lui reproche pourtant Milan Kundera­. Pour l’auteur des Testaments trahis (Gallimard, 1993), non seulement 1984 est un « mauvais roman », car « les situations et les personnages y sont d’une platitude d’affiche », mais cet ouvrage « fait lui-même partie de l’esprit totalitaire » puisqu’il réduit la vie à la politique, en l’occurrence celle d’une société haïe, « en la simple énumération de ses crimes ». Une posture également raillée par le romancier Claude Simon qui, dans le chapitre IV des Géorgiques (Minuit, 1981), réécrit Hommage à la Catalogne mais pour le déconstruire. Plébiscité par le grand public, Orwell fut longtemps boudé par le milieu littéraire, qui lui préférait Kafka ou Zamiatine.

      Mais la grande partie des écrits d’Orwell ne sont pas fictionnels. Ce sont des articles et des essais qui témoignent d’un goût de l’enquête réflexive et de la pensée informée. « Il y a du Montaigne en Orwell, analyse Bruce Bégout, l’idée qu’il faut aller voir les choses par soi-même et que connaître, c’est sortir de soi. » Une littérature de témoignage et d’engagement qui enthousiasme un public fervent. Des écrits qui apportent « un peu d’air frais », pour reprendre le titre d’un roman d’Orwell (1939), et tranchent avec les textes « théoricistes » de la radicalité savante et militante.

      Autre usage important et de plus en plus fréquent d’Orwell, sa critique de la société industrielle, déjà soulignée par Jaime Semprun dans L’Abîme se repeuple, ouvrage paru en 1997 à l’Encyclopédie des nuisances qui publia avec les éditions Ivrea, les Essais, Articles et lettres d’Orwell en France. Une lecture renforcée aujourd’hui par la prise de conscience de l’urgence écologique, au point que certains lecteurs le situent dans la famille des « précurseurs de la décroissance ». Sa sensibilité à la nature est évidente et son aversion contre la « mécanisation de la vie » est flagrante, en effet, comme en atteste sa critique des « lieux de loisirs », bulles de vacances artificielles qu’on imagine à l’époque, où l’« on n’est jamais en présence de végétation sauvage ou d’objets naturels de quelque espèce que ce soit ».

      Récupéré par les conservateurs

      Depuis quelques années, Orwell est loué dans la sphère conservatrice jusqu’à faire l’objet d’une véritable opération de récupération. C’est la notion de « décence ordinaire », cette morale des classes populaires selon lui instinctivement capables de distinguer « ce qui se fait » de « ce qui ne se fait pas », tout comme sa loyauté au gouvernement de son pays pendant la guerre, qui séduit une partie des conservateurs, inspirés par le travail du philosophe Jean-Claude Michéa, qui portraiture Orwell en « anarchiste tory ». Mais aussi parce que l’auteur de 1984 aimait à dire que « parler de liberté n’a de sens qu’à condition que ce soit la liberté de dire aux gens ce qu’ils n’ont pas envie d’entendre ». Il serait donc l’intellectuel incorrect, l’écrivain anti-« bien-pensant ». Orwell, en effet, savait parfaitement tancer son camp et notamment brocarder les « compagnons de route ».

      Mais son souci des autres désarmerait les adversaires les plus caricaturaux du « politiquement correct » et du « wokisme » qui font de l’antiracisme un nouveau communisme : « quiconque est informé d’un cas avéré de discrimination raciale doit systématiquement le dénoncer », écrivait-il ; son anticolonialisme viscéral, éclos lors de ces cinq années passées dans la police impériale des Indes, désemparerait aujourd’hui les pourfendeurs de la « repentance » postcoloniale : « Nous oublions qu’à l’autre bout du monde il y a toute une série de pays qui attendent d’être libérés » ; son égalitarisme déstabiliserait les modernes rentiers : « Pendant près de trois ans, les squares sont restés ouverts et leur gazon sacré a été piétiné par les enfants de la classe ouvrière, dit-il à propos des grilles qui avaient été retirées des parcs privés pendant la guerre. Une vision à faire grincer les dentiers des boursicoteurs. Si c’est du vol, alors tout ce que je peux dire, c’est : “ Vive le vol !”. »

      Orwell resta indéfectiblement de gauche et anticolonialiste jusqu’à ses derniers jours, européen favorable même à des « États-Unis socialistes d’Europe ». En un mot qui pourrait s’adresser à la droite libérale et autoritaire comme à ses intellectuels affidés : « Personne ne s’attend à ce que le parti tory et ses journaux nous apportent des lumières. »

      Plébiscitée, mais encore largement méconnue, l’œuvre de George Orwell reste d’une grande actualité. Elle invite surtout à faire vivre l’esprit critique, comme il le fit à l’égard de son camp dont il ne cessa de brocarder les facilités de pensée. « Le remplacement d’une orthodoxie par une autre n’est pas nécessairement un progrès. Le véritable ennemi, c’est l’esprit réduit à l’état de gramophone, et cela reste vrai que l’on soit d’accord ou non avec le disque qui passe à un certain moment », ­écrivait-il en 1945. Elle invite aussi ses lecteurs à sortir de l’entre-soi. À l’heure où le séparatisme social s’est particulièrement renforcé, elle affirme avec constance que « rendre les gens conscients de ce qui se passe en dehors de leur propre petit cercle » demeure l’« un des principaux problèmes de notre temps ».

  • Israël : Ursula von der Leyen, la bourde permanente – Libération
    https://www.liberation.fr/international/europe/israel-ursula-von-der-leyen-la-bourde-permanente-20231015_24YINO2VDZAH3G4
    https://www.liberation.fr/resizer/MMUWd9MAXfdvJT6EEeCWbZCht0U=/1200x630/filters:format(jpg):quality(70):focal(3450x1227:3460x1237)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/liberation/IKSQQKWC2FDSHH5IGRFMLSQ62Q.jpg

    Lors de sa visite improvisée en soutien à Israël vendredi 13 octobre, la présidente de la Commission européenne a largement dépassé ses fonctions, sans aucun mandat des Vingt-Sept.

    Si quelqu’un a la suite de l’article ?

    • l’Europe « hongroise »

      #Benyamin_Nétanyahou n’en a sans doute pas cru ses oreilles lorsqu’#Ursula_von_der_Leyen a proclamé, urbi et orbi, à l’issue de leur rencontre à Tel-Aviv, vendredi 13 octobre, qu’#Israël avait « le droit » et « même le devoir de défendre et de protéger sa population » après l’attaque terroriste des islamistes du #Hamas. C’est peu dire que les capitales européennes, mais aussi les responsables communautaires soigneusement tenus à l’écart, se sont étranglés de fureur en découvrant ces propos qui ne reflètent que « la sensibilité personnelle » de Von der Leyen, selon les mots d’un ambassadeur, et absolument pas la position de l’Union, la présidente de la Commission n’ayant aucune compétence en matière de politique étrangère. Mais le mal est fait : pour l’ensemble du monde, et notamment le monde arabe, peu au fait des subtilités de l’architecture institutionnelle communautaire, l’#UE a proclamé son alignement sans réserve sur un gouvernement israélien dirigé par un boutefeu de droite radicale engagé dans une opération de représailles sanglantes. D’autant que ce dérapage intervient après la tentative de la Commission de suspendre l’aide européenne aux #Palestiniens en début de semaine [revirement : vu les besoins actuels tout à faits... croissants, l’aide a depuis été multipliée par 5 -humanitaire only ?, l’UE ayant pour habitude de financer des pansements de la destructice politique israélienne, ndc]. Un cauchemar diplomatique.

      Pis encore, l’ancienne ministre allemande de la Défense n’a manifesté aucune compassion pour les civils palestiniens pris dans la tourmente de cette guerre éternelle [c’est Jean Quatremer..., ndc]. Elle s’est même abstenue de tout appel à la retenue dans la riposte, comme l’ont [très vaguement, ndc] fait les Etats-Unis [qui outre de nouvelles livraison d’armes à Israël, envoient un 2eme porte avions et préparent des forces d’élite en appui, officiellement pour dissuader Hezbollah et Iran, ndc] alors que le nombre de morts et de blessés ne cesse d’augmenter dans la bande de Gaza. « Je souscris pleinement à votre appel au Hamas pour qu’il libère immédiatement tous les otages et qu’il renonce totalement à prendre des civils comme boucliers, ce que le Hamas fait constamment », a-t-elle affirmé, rendant ainsi implicitement responsable des morts à venir le seul Hamas qui « constitue une menace non seulement pour Israël, mais aussi pour le peuple palestinien ».

      A #Bruxelles, #Eric_Mamer, le porte-parole de la Commission ou de Nétanyahou – on ne sait plus trop –, en a remis une couche sur les propos guerriers de sa patronne en expliquant à quel point #Tsahal respecte le #droit_humanitaire : « Les civils doivent être prévenus et alertés de l’imminence des opérations militaires, ce qui leur permet de partir. C’est ce que fait Israël. » Bien sûr, si le Hamas « empêche les gens de partir et les utilise comme bouclier humain », ça ne sera pas bien, mais que peut-on y faire ? Fermez le ban !

      Plantage

      Le problème est qu’Ursula von der Leyen a franchi une ligne rouge en interférant ainsi dans la politique étrangère de l’Union et dans celle des Etats membres . En effet, elle s’est non seulement rendue en Israël sans aucun mandat des Vingt-Sept, mais sans prévenir qui que ce soit [et pourtant, elle n’est pas hongroise, ndc] : Josep Borrell, le chef de la diplomatie de l’Union, et Charles Michel, le président du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement, les deux seules personnes ayant des compétences dans le domaine de la politique étrangère, ont appris son déplacement par des rumeurs puis par la presse. Selon nos informations, Von der Leyen, apprenant que la Maltaise Roberta Metsola, la présidente du Parlement européen, allait se rendre en Israël à l’invitation de la Knesset, s’est imposée dans son avion…

      Le téléphone a manifestement chauffé au rouge entre les capitales et Bruxelles. Samedi en fin d’après-midi, elle a donc annoncé que l’UE allait augmenter son aide humanitaire de 50 millions d’euros, et a enfin fait un peu de diplomatie : « La Commission soutient le droit d’Israël de se défendre contre les terroristes du Hamas, [mais] dans le plein respect du droit humanitaire international. Nous mettons tout en œuvre pour que les civils innocents de Gaza reçoivent un soutien dans ce contexte. »

      Ce plantage de Von der Leyen n’est pas le premier, mais c’est sans aucun doute le plus monumental. Car, depuis le début de son mandat, elle se prend pour la présidente de l’Union, ce qu’elle n’est pas, et a donc lancé une OPA sur les compétences de Charles Michel et de Josep Borrell, qu’elle déteste (mais on se demande qui elle ne déteste pas). Elle n’a manifestement pas compris qu’il n’y a pas de politique étrangère autonome de la Commission et que l’Union n’a une politique étrangère que dans les domaines où il y existe un consensus, comme sur l’Ukraine, mais pas sur le Proche-Orient.

      Il faut cependant reconnaître que l’Espagne, qui n’a toujours pas de gouvernement, est largement responsable de ce cafouillage : dès le lendemain des massacres du 7 octobre, Madrid, qui exerce la présidence tournante du Conseil des ministres, aurait dû convoquer les 27 ambassadeurs de l’Union pour arrêter les grandes lignes de la réponse européenne. Ou un Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement comme la présidence française l’a fait deux jours après le début de la guerre en Ukraine. Ce que l’#Espagne n’a pas fait, en dépit des demandes de plusieurs Etats membres, laissant ainsi la Commission libre de se livrer à des improvisations catastrophiques. Reste à savoir si les Etats s’en souviendront en juin, lorsqu’il faudra renouveler le mandat de Von der Leyen.

      #Europe (la phénicienne a mal tourné)

    • Le déplacement de von der Leyen en Israël provoque une nouvelle tempête au sein de l’UE
      https://www.lefigaro.fr/international/le-deplacement-de-von-der-leyen-en-israel-cree-une-nouvelle-tempete-au-sein

      « Je convoque un Conseil européen extraordinaire pour définir une position commune et une ligne d’action claire et unifiée ». Charles Michel a annoncé samedi soir une réunion en urgence des Vingt-Sept. Elle aura lieu mardi, en fin d’après-midi, par visio.

      C’est une réponse directe au récent déplacement d’Ursula von der Leyen en Israël. Sur place vendredi, lors de ses entretiens avec le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou ni lors de ses prises de parole publique, la présidente de la Commission européenne n’avait pas évoqué la question brûlante de l’évacuation risquée de Gaza ordonnée par Israël et plus largement le devoir d’Israël de respecter le droit international, n’insistant que sur le droit de ce pays à répliquer aux « atrocités commises par le Hamas ».

    • @kassem l’article cité est de Ration. Outre celui du Figaro également cité, Les échos semble rester allusif (mais #paywall)
      Israël-Hamas : les Vingt-Sept cherchent à unifier leurs positions
      https://www.lesechos.fr/monde/europe/israel-hamas-les-vingt-sept-cherchent-a-unifier-leurs-positions-1987194

      https://media.lesechos.com/api/v1/images/view/652be35debce0a406947f8d7/1024x576-webp/0902817241173-web-tete.webp
      (c’est du webp... sur fond de mur ocre criblé d’impacts elle est entourée, l’air pincé, de gradés de Tsahal équipé et en gilets pare balle)

      Le 13 octobre, Les présidentes du Parlement européen et de la Commission européenne, Roberta Metsola et Ursula von der Leyen, se sont rendues en Israël pour une visite qui a créé la polémique. (Union Européenne/Hans Lucas/AFP)

      Le Président du Conseil européen convoque une réunion extraordinaire des leaders de l’UE pour mardi 17 octobre. Il s’agit d’envoyer un message commun qui resserre les rangs après une semaine de cacophonie.

      @arno la dame semble plutôt en campagne pour un deuxième mandat : Union européenne : la discrète entrée en campagne d’Ursula von der Leyen
      https://www.lemonde.fr/international/article/2023/04/22/union-europeenne-la-discrete-entree-en-campagne-d-ursula-von-der-leyen_61705

  • Nanon - Georges Sand - Etude critique - Extraits #paywall

    Nanon est l’un des derniers romans de George Sand. Tout du moins, c’est sa dernière œuvre majeure. Il est d’ailleurs assez étonnant de constater qu’il n’est pas vraiment considéré comme tel. Ecrit tardivement, Nanon paraît en 1872, peu après le traumatisme que la Commune a causé à George Sand., Ce roman est le plus souvent injustement limité à une idylle amoureuse et à un hymne champêtre à la gloire de sa campagne ou à une sorte de conte de fées révolutionnaire. Pourtant, Nanon, histoire de la réussite sans tache d’une jeune paysanne libérée par la Révolution représente bien plus que ça. Sorte de testament, et véritable apologue des idéaux sandiens, le roman est l’illustration parfaite que George Sand fait de la littérature autrement. La grande idée du progrès moral de l’humanité, inspirée de Rousseau, domine cette œuvre totale, qui multiplie les étiquettes avec brio. Quoi qu’il en soit, Nanon ne peut pas laisser de marbre. L’objet de cet avis argumenté sera de démontrer que Nanon doit être considéré comme une œuvre aux multiples facettes, qui est importante dans la bibliographie de George Sand. Il sera intéressant, dans un premier temps, de montrer à quel point George Sand s’est attachée à faire de Nanon un roman à la diversité très riche en multipliant les genres, avant de s’attarder plus précisément au savoureux mélange entre le réalisme contemporain, et son romantisme latent. Enfin, nous établirons que Nanon est avant tout un roman politique et social, empreint d’idéalisme et d’optimisme.

    - Diversité des genres
    - Entre réalisme et romantisme
    - Un roman politique et social empreint d’idéalisme et de positivisme

    Extraits

    [...] Peu importe le nom, Sand dépeint le monde dans sa réalité, comme le dit Sainte-Beuve. Le style très agréable des descriptions champêtres de Nanon, renforce d’une certaine manière son réalisme, parce que Sand nous donne véritablement l’impression d’accompagner les personnages dans une excursion, notamment lorsqu’au milieu du roman, Nanon, Emilien et Dumont s’installent, tels des Robinsons, dans une forêt déserte du Berry, près de Crevant. Les descriptions de la vie paysanne et de ses drames se font de la même manière. [...]

    [...] Enfin, Nanon est un roman qu’on pourrait qualifier de roman historique. À ceci près que l’Histoire est analysée de façon subjective dans l’autobiographie fictive d’une jeune paysanne, ce qui est tout à fait singulier. Contrairement à des romans historiques tels que Don Carlos qui mettent en scène des personnages réels, Sand choisit de faire une peinture de l’histoire à travers les yeux de cette petite fille non instruite, puis de la jeune femme future marquise, avec l’évolution que cela incombe. [...]

    [...] Nanon a toutes les qualités morales que Louise n’a pas. On peut citer Nanon à la page 281 qui dit que la femme donne toujours raison et autorité à celui qu’elle aime Grâce à sa fidélité, Nanon s’en sort. La consécration pour elle sera l’héritage du prieur, et le mariage avec Emilien. Toutefois, même Louise et Costejoux s’en sortent honorablement, preuve une fois de plus du positivisme du roman. Pour ces raisons, Nanon est peut être également un écho à la Cosette des Misérables de Victor Hugo, qui dans sa postface, dit : Tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, et compliquant d’une fatalité humaine la destinée qui est divine ; tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l’enfant par la nuit, ne seront pas résolus ; tant que, dans de certaines régions, l’asphyxie sociale sera possible ; en d’autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles. [...]

    [...] Et par la suite il y’ aura une véritable émulation intellectuelle mutuelle entre eux deux traduite par de très nombreux débats sur lesquels nous reviendront plus tard. À l’époque, l’éducation est primordiale, et les paysans (et encore moins les femmes) ne sont pour la plupart pas instruits. Or, pour Sand, l’éducation est gage de réussite sociale. En outre lorsque que l’on voit, dans cette histoire l’efficacité toute relative du clergé, dont le rôle était, entre autres, de propager les nouvelles, on comprend la nécessité de savoir lire. [...]

    https://www.pimido.com/philosophie-et-litterature/litterature/fiche-de-lecture/nanon-g-sand-etude-critique-507307.html

    • Nanon, sujet de l’Histoire ? De la scène traumatique à la scène fraternelle
      https://books.openedition.org/ugaeditions/4854?lang=fr

      « Le récit des souffrances et des luttes de la vie de chaque homme est […] l’enseignement de tous ; ce serait le salut de tous si chacun savait juger ce qui l’a fait souffrir et connaître ce qui l’a sauvé », écrit George Sand dans Histoire de ma vie (t. I, p. 10). C’est un tel récit qu’entreprend l’auteure avec la rédaction de Nanon, roman écrit à la suite du drame sanglant de la Commune. Deux histoires s’écrivent à travers les souvenirs de l’héroïne éponyme : l’histoire de son ascension sociale, qui combine son accès à la propriété et à la culture, et son mariage avec un aristocrate ; et, en filigrane, l’histoire du traumatisme fondateur d’une société. En reconstruisant ses souvenirs, Nanon peint en effet l’arrière-plan historique de sa transformation, faisant ainsi revenir une histoire refoulée : celle de l’effacement des femmes et de l’instance féminine par le discours de la fraternité. Mais cet effacement, qui fut un véritable traumatisme collectif, met aussi en jeu la séparation d’avec sa mère dont souffrit la jeune Aurore. Dans cette étude, je me propose donc de lire Nanon comme une double réécriture des événements de la Révolution et de l’histoire familiale de l’auteure. Je montrerai que par la mise en scène de l’histoire révolutionnaire, Sand vise à réparer cette suppression de la mère d’origine humble et qu’elle le fait justement à travers la venue à la lecture et à l’écriture de Nanon. Dans le même geste, elle imagine une nouvelle fraternité qui prend en compte la matérialité du corps maternel tout en valorisant la terre et la fécondité.
      La Révolution française comme traumatisme

      De la remémoration à la réparation

      Terre et maternité dans Nanon

      Dans Nanon, Sand restaure le poids matériel du rôle maternel grâce à sa vision d’une fraternité où l’instance maternelle est reliée à la propriété et à la terre. D’origine paysanne, Nanon insiste sur ses racines et sur le lien profond à la terre qu’elles impliquent : « Je peux dire comment le paysan voit les choses, puisque je suis de cette race-là. Il considère avant tout, la terre qui le nourrit, et le peu qu’il en a est pour lui comme la moitié de son âme […]. » (N, p. 34) Le roman souligne ainsi les liens entre propriété et citoyenneté dans la République fraternelle. L’achat des terres nobles et ecclésiastiques sous la Révolution est au centre du roman. C’est avec un don de propriété que la communauté récompense Nanon, ce qui fait d’elle « la première acquéreuse » (N, p. 81). La propriété, manifestation matérielle de la citoyenneté, accorde au propriétaire un intérêt concret dans la nation. Ce lien entre propriété et citoyenneté est mis en valeur lors de la fête de la Fédération, où l’on voit des produits de la terre amassés sur un autel : « On se sentait par avance maître de ces épis, de ces fruits, de ces animaux, de tous ces produits de la terre qui allaient devenir possibles à acquérir28. » (N, p. 78) L’union idéale d’Émilien et de Nanon se fait entre deux classes unies par leur rapport ancestral à la terre, la paysannerie et la noblesse : « une alliance plus facile, je dirais presque plus naturelle, que l’union de la noblesse avec la bourgeoisie » (N, p. 328). Les classes associées à la Terreur, la bourgeoisie et les sans-culottes qui font peur à Nanon quand elle va à Paris, sont celles qui ne dépendent pas de la terre pour vivre.

      29 « Surgeon [jon], n. m. Rejeton qui naît de la souche d’un arbre et peut former un nouvel individu. (...)

      21En associant sa réinvention de la fraternité à la terre, Sand revalorise la maternité de manière concrète, tout en la séparant des relations sociales imposées par la naissance. La terre symbolise la fécondité et les qualités maternelles de Nanon. Son nom de famille, Surgeon, suggère la croissance, la fécondité, et surtout la renaissance29. Douée pour l’agriculture, Nanon est capable de rendre féconde la terre la plus aride. Quand elle se cache avec Émilien pendant la Terreur, elle cultive la terre infructueuse près de leur cachette pour en tirer « une récolte superbe » (N, p. 258). De retour à son village natal, elle fait fortune par la culture de la terre : « Je commençai par acheter avec le tiers de mon capital un terrain inculte, qu’avec le second tiers je fis cultiver, enclore, semer et fumer. » (N, p. 263) Tandis que la version révolutionnaire du roman familial fraternel cherchait à contrôler et sublimer la fécondité de la mère, Nanon lui accorde une place prééminente. On peut donc voir dans le roman une tentative de réinventer la fraternité en restaurant la place de la mère et de son corps fécond dans l’ordre social.

      22Une telle réinvention représente non seulement une revalorisation de la féminité, mais aussi une transformation des modèles traditionnels de la masculinité. Quand Nanon déclare que son but n’est pas de se faire remarquer, mais de « conserver pour [s] es enfants et pour [s] es petits-enfants le souvenir cher et sacré de celui qui fut [s] on époux », elle attire l’attention sur la refonte de la masculinité dans Nanon. Au début du roman, Émilien est presque aussi illettré que Nanon : il lit à peine et il écrit « comme un chat » (N, p. 55). En instruisant Nanon, il apprend lui-même à lire et à écrire, et à la fin du roman, il a même acquis un « langage pur » (N, p. 345). Il reconnaît que ce sont ses rapports fraternels avec Nanon, et le rapport à la terre qu’elle lui redonne, qui lui ont permis de survivre à la Révolution et de s’intégrer à la société fraternelle : « [Sans Nanon] je serais devenu un idiot ou un vagabond, au milieu de cette révolution qui m’eût jeté sur les chemins, sans notions de la vie et de la société », affirme-t-il (N, p. 330). Sa transformation est marquée à son retour de la guerre par la perte de son bras. Loin de considérer cette castration symbolique comme une catastrophe, il l’assume. En perdant la main qui tiendrait normalement l’épée, symbole de sa noblesse et de sa masculinité, il se libère : « j’ai payé le droit d’être citoyen […]. J’ai expié ma noblesse, j’ai conquis ma place au soleil de l’égalité civique » (N, p. 325). Au même titre que l’inceste, la castration n’est plus à craindre dans l’univers fraternel que met en place la nouvelle communauté. La double mise en scène de la Révolution permet ainsi à Sand d’imaginer une fraternité dans laquelle l’instance féminine est restaurée, les rôles masculins sont redéfinis, ce qui libère et l’homme et la femme.

      23L’emploi d’un cadre pastoral et l’accent mis sur le statut d’orphelins des protagonistes situent la vision fraternelle de Nanon dans la tradition littéraire de la période révolutionnaire. Les écrivains des années 1790 se servaient volontiers du genre pastoral en raison de son côté didactique, qui favorisait la dissémination des valeurs républicaines. Comme l’explique Florian, l’un des grands auteurs de pastorale de l’époque :

      30 J.-P. Claris de Florian, Essai sur la pastorale, p. 143.

      C’est en peignant des êtres vertueux et sensibles, qui savent immoler au devoir la passion la plus ardente, et trouvent ensuite la récompense de leur sacrifice dans leur devoir même […] que je crois possible de donner à la pastorale un degré d’utilité30.

      31 L. Hunt, Le Roman familial de la Révolution française, p. 102.
      32 N. Mozet, « Introduction » à Nanon, 1987, p. 18.

      24Lynn Hunt note la prédilection des auteurs pour des protagonistes orphelins ou abandonnés qui deviennent des exemples de vertu républicaine, tel le héros de Victor de Ducray-Duminil : « les écrivains favorables à la république semblent soucieux de démontrer que les enfants sans père sont des bastions de la vertu républicaine31 ». Sand situe sa représentation de la fraternité dans la généalogie littéraire de la Révolution, ce qui suggère qu’on peut lire Nanon, selon Nicole Mozet, comme « l’image de ce que la Révolution aurait pu être si elle n’avait pas été détournée de son cours32 ».

      25Cependant, l’idylle pastorale de Sand se distingue de ses modèles par sa juxtaposition avec une narration historique, tandis que les récits pastoraux se caractérisent par un manque de repères temporaux ou spatiaux. Dans Nanon, la Terreur envahit même l’utopie du roman. Le bourgeois Costejoux, qui achète le monastère d’Émilien, incarne la Révolution. À la différence de Nanon et d’Émilien, il n’a aucun attachement à la terre : il achète le monastère « par pur patriotisme » et sans Nanon « il n’eût rien tiré de son domaine » (N, p. 265-266). Malgré ses bonnes intentions, Costejoux échoue à vivre son idéal de fraternité dans sa vie privée, comme dans la sphère publique. Son mariage à la sœur d’Émilien, Louise, qui partage son dédain de la terre, est plutôt malheureux. Comme les révolutionnaires, Costejoux souhaite la subordination des femmes et traite son épouse de simple « femmelette » (N, p. 279). Les rapports de force qui caractérisent leur union les rendent malheureux tous les deux : « […] il ne pouvait la prendre au sérieux, et, par moments, il était sec et amer en paroles, ce qui montrait le vide de son âme à l’endroit du vrai bonheur et de la vraie tendresse. » (N, p. 342) De même, l’idéal révolutionnaire de fraternité auquel il s’est dévoué invertit les rapports de pouvoir sans changer les structures sociales. Les victimes et les bourreaux n’ont fait que changer de place. Cet échec se voit clairement dans le défilé auquel assiste Nanon à Châteauroux, où la déesse de la Liberté marche sur le dos d’un royaliste soupçonné (N, p. 188). Le récit historique s’immisce dans l’idylle pastorale, de sorte que l’utopie romanesque ressemble bien moins à une solution aux problèmes de la société française qu’à l’exploration d’un traumatisme collectif.

      26En lisant Nanon comme un « souvenir transformé », j’espère avoir montré que l’imaginaire sandien intègre à la fois les désastres politiques et la séparation d’avec la mère à la remémoration des traumatismes historiques fondateurs de la société post-révolutionnaire. Par le biais des mémoires de Nanon, Sand repense l’histoire collective et individuelle en juxtaposant des événements historiques à une utopie fraternelle qui restaure la médiation de l’instance maternelle et du sujet féminin. Par là même, Sand essaie de réparer ces traumatismes afin de proposer une nouvelle vision de la fraternité comme socle des relations sociales, vision offrant ainsi la possibilité d’une régénération durable.

    • Préface, notes et dossier de Nicole Savy

      Il faut nous débarrasser des théories de 93 ; elles nous ont perdus. Terreur et Saint-Barthélemy, c’est la même voie ”, écrit sans nuances George Sand à un jeune poète en octobre 1873.

      Cette lecture de la Terreur, la condamnation de la violence et le refus absolu de justifier les moyens par la fin viennent tout droit, pour elle, du traumatisme de la Commune qui est le point de départ décisif de l’écriture du roman. Nanon est un palimpseste : il suffit de se reporter à la correspondance de l’auteur pendant l’année terrible pour mesurer à quel degré elle superpose les violences de la Commune de Paris et la terreur révolutionnaire, qu’elle attribue de même non pas à la misère et à la colère populaire mais à une minorité dévoyée, et à la mise à l’écart complète de la France rurale dans un processus exclusivement parisien et ouvrier. “ Ce pauvre Paris représente-t-il encore la France ? L’Empire en avait fait un bazar et un égout. La Commune en a fait un égout et une ruine. Les cléricaux voudraient bien en faire un couvent et un cimetière ”, écrit-elle à son ami Henry Harrisse le 29 juin 1871.

      Flaubert et elle, à force de rage et de désespoir, ne parviennent même plus à s’écrire au printemps 1871, et pas seulement à cause de leurs désaccords politiques, lui haïssant la démocratie et elle la défendant malgré tout. “ Je suis malade du mal de ma nation et de ma race ”, lui écrit-elle le 6 septembre. George Sand a toujours été pacifiste et ennemie de la violence : mais pour la première fois elle se range dans le camp des modérés– bien plus que Hugo, dont elle juge inopportune l’offre d’asile aux communards poursuivis. Effrayée par “la boue et le sang de l’Internationale”, elle prend le parti désabusé d’une république bourgeoise. A la différence de Flaubert, elle ne désavoue pas le peuple : elle juge qu’il a été manipulé. Reste la province, “masse bête et craintive”, toujours attirée par la réaction quand Paris entre en convulsion. C’est dans une lettre à sa fille qu’elle résume le mieux son opinion sur la Révolution française et sur la Commune : “ Toute la révolution de 89 se résume en ceci, acquérir les biens nationaux, ne pas les rendre. Tout s’efface, se transforme ou se restaure, monarchie, clergé, spéculation. Une seule chose reste, le champ qu’on a acheté et qu’on garde. Les communeux comptent sans le paysan, et le paysan c’est la France matérielle invincible […], c’est le sauveur inconscient, borné, têtu ; mais je n’en vois pas d’autre. Il faudra bien que Paris l’accepte ou s’efface. ” Avec une conséquence littéraire directe : comme après son désespoir politique de 1848, qui avait été suivi de La Petite fadette et de François le champi , l’écrivain se remet au travail sur des sujets champêtres, ce qui ne veut certainement pas dire pour elle apolitiques. Réaction logique, puisque pour elle c’est là qu’est la vraie France.

      Pas plus que ses sentiments républicains, Sand n’a répudié son socialisme, mais elle le fonde sur un ordre social rassurant et sur l’acquisition par tous, en particulier par les paysans, de la propriété privée. Vision trop éloignée des masses urbaines et du mouvement ouvrier et syndical qui va se développer dans cette même fin du XIXe siècle pour que le roman n’ait pas été oublié, au moment où Zola développe la fresque du capital financier et de l’exploitation ouvrière dans Les Rougon-Macquart. En juillet 1872, c’est Le capital de Karl Marx qui est traduit en français : Nanon n’est vraiment pas dans l’air de son temps.

      C’est dans ce cadre qu’on peut comprendre l’itinéraire de Nanon, la bergère qui devient propriétaire de sa maison, puis exploitante de terres et de troupeaux qui lui permettent de s’enrichir et d’acquérir pour son compte, en empruntant et plaçant des fonds, un gros capital foncier qu’elle fait fructifier : non par goût de l’argent, dont elle n’a nul besoin personnel, mais parce que la Révolution lui en a donné le droit et la possibilité ; comme outil pour réaliser l’alliance de classes extrêmes que représente son mariage avec Emilien de Franqueville ; enfin par goût du travail bien fait, par souci de réussite dans toutes ses entreprises...

      http://excerpts.numilog.com/books/9782742755912.pdf

    • Communauté et sens du spectacle. La lecture dans Nanon

      Le roman de George Sand, Nanon (1872), comporte un passage consacré à un spectacle qui met en scène les tensions entre l’acte de voir et l’acte de lire dans le cadre de la Révolution française, posant ainsi les rapports entre le récit et la communauté. Dans le chapitre v, Nanon, qui est aussi narratrice de son histoire, relate la célébration de la fête de la Fédération à Valcreux, village fictif de la Creuse. Au cours de la cérémonie, tous les habitants sont doublement unis au sein de leur commune et avec le reste de la nation ; bouleversant les hiérarchies sociales, ils affirment dans le même temps des valeurs partagées. Un autel de gazon surmonté d’une inscription commémorative et dédié aux fruits de la nature et au travail de la terre constitue l’attraction principale de la cérémonie. Sobrement orné d’un arrangement de fleurs, de fruits, d’animaux et d’outils de labour, l’autel évoque l’allégorie d’une abondance à portée de main. Le message des symboles visuels diffère sensiblement de celui de l’inscription portée au bas de la croix d’épis de blé, qui couronne l’autel : « Ceci est l’autel de la pauvreté reconnaissante dont le travail, béni au ciel, sera récompensé sur la terre2. »

      2 La signification de l’autel, présentée de manière à la fois visuelle, par la mise en scène de symboles et d’objets, et de manière conceptuelle, par l’inscription-dédicace, pointe le décalage entre le petit groupe de ceux qui savent lire et la masse des spectateurs qui en sont incapables. Le sentiment euphorique d’union, associé à la fête de la Fédération, est ainsi troublé par le spectacle de l’autel qui sépare la communauté en deux groupes : d’un côté, les organisateurs du spectacle qui cherchent à transmettre des idées ; de l’autre, les spectateurs illettrés qui reçoivent passivement les informations. Cette communication, qui s’avère problématique durant tout le spectacle, notamment à l’endroit de l’autel, accroît paradoxalement le sentiment de communauté en ce que les habitants du village participent activement à la création du sens même de l’événement. En analysant le rôle du festival dans ce roman de Sand sur la révolution (qui inclut, dans le récit, les révolutions de 1789, de 1830 et de 1848), je montrerai comment les pratiques d’interprétation variées, voire concurrentes, permettent de construire une communauté démocratique, faisant de ce roman une réponse différée aux déchirements et à la violence de la Commune de 1871.


      3 Œuvre de Sand peu connue du grand public, Nanon fut en effet publié en feuilleton un an après la Commune, dans le quotidien Le Temps, du 7 mars au 20 avril 1872. Le roman a inspiré de nombreuses études depuis l’importante réédition réalisée par Nicole Mozet en 19873. Récit à la première personne dans lequel la narratrice âgée entreprend, en 1850, l’histoire de sa jeunesse, pendant et après la Révolution française, ce roman offre une perspective peu conventionnelle sur les événements historiques. Dans un style simple et élégant, la narratrice raconte comment elle est parvenue à mettre sur pied un commerce florissant, n’ayant au départ pour toute possession qu’un mouton. Pour atteindre un tel succès, elle apprend à lire, à prendre soin des autres et épouse le marquis de Franqueville – Émilien, aristocrate et novice au moutier de Valcreux, qui deviendra soldat, républicain et fermier. Dans Nanon, Sand allie le réalisme des descriptions de la vie quotidienne paysanne à l’idéalisme des promesses de la Révolution. Comme Nicole Mozet le précise dans sa préface au roman, chaque élément de l’histoire est réaliste, même si l’ensemble du récit peut apparaître improbable, voire utopique (N, p. 7). De son côté, Nancy E. Rogers reconnaît que l’histoire de la Révolution française jouit d’une certaine véracité dans le roman, mais pointe un décalage entre la scène historique révolutionnaire et le quotidien des paysans, privés d’information :

      […] la disjonction entre l’exactitude historique et les effets que ces événements majeurs ont sur les paysans de Nanon, qui sont dans l’ignorance et privés d’accès aux informations fiables en provenance de la capitale, crée une distance, voire une attitude ironique, chez le lecteur4.

      4 Cependant, cette distance avec le déroulement de la Révolution à Paris, pour les paysans, et avec ce que le lecteur en connaît, permet de repenser l’essence de la révolution et les possibilités d’une future action collective. Pour interpréter les événements tels qu’ils sont reconstruits et représentés dans le roman, il faut ainsi prêter attention à l’ensemble du contexte historique et, plus précisément, aux éléments qui vont à l’encontre des faits établis, donc à la rupture avec l’histoire telle qu’elle est exposée par la fiction.

      5 Dans le chapitre v, la narration offre une description de la fête de la Fédération qui est exacte, sur le plan historique, mais innove dans sa complication et sa portée pour le reste du roman. La fête révolutionnaire, qui eut lieu dans toute la France le 14 juillet 1790, constitue l’apogée de la première phase de la Révolution française. Ce fut une période de tranquillité, entre la grand-peur à laquelle Nanon fait référence dans le chapitre iii (N, p. 63-65), et la Terreur de 1793 qui menacera son ami et futur époux, Émilien. Si la fête de la Fédération commémorait par sa date la prise de la Bastille, elle célébrait aussi, comme son nom le suggère, l’union entre les différents départements et communes composant la nation et rendait également hommage aux gardes nationaux locaux. Ces derniers prêtèrent serment lors de cérémonies organisées partout en France durant l’hiver 1789 et le printemps 1790 : il s’agissait de fédérer les troupes pour les unir dans la défense de la France révolutionnaire contre ses ennemis. À l’époque, la fête fut vécue non pas comme un événement commémoratif rejouant le passé, mais plutôt comme un nouveau départ5. Les directives des autorités de Paris insistaient sur la synchronisation de la fête sur l’ensemble du territoire, ainsi que sur le caractère soigné de ses rituels. On espérait ainsi produire un événement qui serait vécu à travers tout le pays, au même moment, et véhiculant un même message, à la fois euphorique et éducatif6.


      6 Bien que les fêtes fussent mandatées par le pouvoir central, la mise en scène en était laissée à la discrétion des communes, qui utilisèrent les ressources disponibles sur place et les coutumes traditionnelles pour exprimer à leur manière leur vision de la Révolution7. Dans Nanon, la fête de Valcreux célèbre la Fédération en insistant davantage sur le sentiment d’unité nationale, et moins sur le besoin d’une défense nationale, qui était pourtant l’objectif premier de la Fédération. Nanon le précise clairement : « […] l’on se réjouissait surtout d’avoir une seule et même loi pour toute la France, et il [Émilien] me fit comprendre que, de ce moment, nous étions tous enfants de la même patrie. » (N, p. 76) Pour la commune de Valcreux, comme dans de nombreux villages en France, la fête offrait l’occasion d’affirmer le nouvel idéal d’égalité prôné par la Révolution. Quel que soit leur rang social, tous les résidents du village de Nanon participent à l’événement, y compris les anciens seigneurs des fermiers, les moines du moutier, qui bénissent les festivités à contrecœur. Selon Mona Ozouf, la nature démocratique de la fête fut, en grande partie, une illusion puisque, dans la plupart des cas, la séparation entre les classes sociales fut maintenue, quand les femmes et le peuple n’en furent pas purement et simplement exclus8. En faisant de son Valcreux fictif un village très pauvre, sans bourgeois, et dirigé par des moines, Sand présente la fête de la Fédération comme un moment d’harmonie entre la rhétorique démocratique de la Révolution et l’expérience commune du peuple.


      7 Dans le roman, les festivités commencent par un banquet modeste au cours duquel les paysans apportent du pain et un peu de vin. Un imposant autel est ensuite dévoilé et Émilien prononce un discours. Enfin, le banquet s’achève avec l’annonce de la décision, prise par l’ensemble du village, de faire de Nanon la propriétaire de sa maison en guise de récompense pour son travail et sa bonté, geste qui permet aussi de faire un premier essai pour l’acquisition des biens nationaux9. Les étapes de la fête s’enchaînent et culminent avec la joie de Nanon qui ne peut croire à sa bonne fortune. Pourtant, c’est le dévoilement surprise de l’autel par Émilien, durant le banquet, qui constitue le moment central des festivités :

      [O]n vit une manière d’autel en gazon, avec une croix au faîte, mais formée d’épis de blé bien agencés en tresses. Au-dessous, il y avait des fleurs et des fruits les plus beaux qu’on avait pu trouver ; le petit frère [Émilien] ne s’était pas fait faute d’en prendre aux parterres et aux espaliers des moines. Il y avait aussi des légumes rares de la même provenance, et puis des produits plus communs, des gerbes de sarrasin, des branches de châtaigniers avec leurs fruits tout jeunes, et puis des branches de prunellier, de senellier, de mûrier sauvage, de tout ce que la terre donne sans culture aux petits paysans et aux petits oiseaux. Et enfin, au bas de l’autel de gazon, ils avaient placé une charrue, une bêche, une pioche, une faucille, une faux, une cognée, une roue de char, des chaînes, des cordes, des jougs, des fers de cheval, des harnais, un râteau, une sarcloire [sic], et finalement une paire de poulets, un agneau de l’année, un couple de pigeons, et plusieurs nids de grives, fauvettes et moineaux avec les œufs ou les petits dedans . (N, p. 77)

      8 Jacques, le cousin de Nanon, et Émilien, ainsi que quelques autres hommes fabriquent un autel de bric et de broc en trois jours, puis ils le recouvrent de branches et de fagots afin de le cacher jusqu’au banquet. Ce tableau plutôt humble correspond à une esthétique allégorique, typique de l’imagerie révolutionnaire, dans la mesure où il est composé des objets réels et naturels qu’il est censé représenter. La forme de l’autel peut également évoquer les nombreux autels érigés à l’occasion des fêtes tout au long de la Révolution, notamment les monticules couverts d’herbe ou les pyramides qui furent dressés à Paris ou à Lyon pour la fête de la Fédération.

      9 Sand fournit au lecteur quelques indices sur l’apparence de l’autel par l’énumération de la longue liste des objets variés qui le décorent. La concurrence entre les symboles chrétiens, ceux de la Révolution et ceux de l’Antiquité, le tout combiné à la banalité des matériaux utilisés, amène Nanon à suggérer qu’il y avait quelque chose d’un peu maladroit, ou du moins de comique, dans ce « trophée bien rustique ». Comme pour s’excuser, elle loue la manière dont il est orné et ajoute : « À présent que je suis vieille, je n’en ris point. » (ibid.) Cet autel rustique, et par certains côtés risible, que le lecteur est censé imaginer, est aussi l’objet qui incarne toutes les nobles idées de la Révolution.


      10 Si le lecteur demeure incertain quant à la manière d’interpréter cet autel, les paysans le sont encore plus. L’objectif même de ce « spectacle », selon Nanon, est d’organiser les pensées désordonnées du paysan pour son propre bien : « Il faut au paysan qui regarde avec indifférence le détail qu’il voit à toute heure, un ensemble qui attire sa réflexion en même temps que ses yeux et qui lui résume ses idées confuses par une sorte de spectacle10. » (ibid.) L’autel rassemble des objets tirés du quotidien du paysan, lui apprend à regarder (ou plutôt à ne pas être indifférent aux détails), et oriente sa pensée en lui offrant un miroir et une synthèse de ses idées qui, sans cadre représentatif, restent « confuses » pour lui. Et pourtant les paysans demeurent aussi perplexes devant le spectacle, que les lecteurs à la description de Nanon. Les spectateurs accueillent d’abord l’autel en silence, soit parce qu’ils sont surpris par son aspect pour le moins singulier, comme le précise Nanon, soit parce qu’ils n’en comprennent pas la signification. En tout cas, selon Nanon, ils ne sont en mesure de formuler aucun sentiment : « Il y eut d’abord un grand silence quand on vit une chose si simple, que peut-être on avait rêvée plus mystérieuse, mais qui plaisait sans qu’on pût dire pourquoi. » (ibid.)

      11 De son côté, Nanon interprète mieux le spectacle parce qu’elle peut lire l’inscription qui surmonte les objets : « Moi, j’en comprenais un peu plus long, je savais lire et je lisais l’écriture placée au bas de la croix d’épis de blé ; mais je le lisais des yeux, j’étais toute recueillie […]. » (ibid.) Nanon comprend mieux le spectacle, non pas parce qu’elle peut lire l’inscription, puisqu’elle « lisai[t] des yeux », étant « recueillie » et pensive, mais plutôt parce qu’elle sait tout simplement lire. Bien avant cet épisode, quand Émilien lui enseigne l’alphabet et les bases de la lecture, elle prétend pouvoir désormais tout voir différemment, même la nature, comme si la simple connaissance des signes linguistiques lui avait ouvert les portes de l’interprétation du monde naturel (N, p. 70). Nanon distingue deux manières de lire, ou plutôt deux interprétations : la lecture visuelle des objets et symboles de l’autel (« je lisais des yeux »), et la lecture graphique de l’inscription (« je lisais l’écriture »). Cette capacité à lire à deux niveaux, à évoluer entre les registres interprétatifs et sociaux, annonce la fonction de médiatrice que jouera Nanon et qui lui permettra de construire une communauté durable autour d’elle, à la fin du roman.

      12 Les paysans qui peuvent voir l’autel mais ne peuvent lire l’inscription, le lecteur qui peut lire la description mais ne peut voir l’autel, et Nanon qui peut faire les deux mais demeure prise dans l’émotion du moment et ne peut donc pas le comprendre complètement, tous obtiennent finalement une explication lorsque Émilien demande à Nanon de lire à haute voix l’inscription sur la plaque : « Ceci est l’autel de la pauvreté reconnaissante dont le travail, béni au ciel, sera récompensé sur la terre. » (N, p. 78) À l’occasion d’une fête révolutionnaire qui devait célébrer la prise de la Bastille (à sa date du 14 juillet) et la confédération des gardes nationaux, Émilien et ses amis consacrent quant à eux un autel à la pauvreté, au travail et à leurs récompenses sur terre. Après cette explication verbale, la foule laisse échapper un long « Ah !… » que Nanon décrit « comme la respiration d’une grande fatigue après tant d’années d’esclavage », mais qui pourrait aussi être un « ah ah ! » exprimant leur satisfaction de comprendre enfin la signification de l’autel (ibid.). La confusion du paysan – et celle du lecteur – se comprend, étant donné la difficulté à lier la signification de l’inscription, le symbolisme visuel de l’autel et le contexte politique de la fête. Pourquoi choisir de consacrer un autel au travail et à la pauvreté pendant une fête censée célébrer l’unité nationale ?

      13 Le sens de l’inscription, comme celui de l’autel, s’éclairent alors dans la mesure où elle affirme que la Révolution a rendu possible la récompense de tout travail, par opposition avec l’Ancien Régime où les moines paresseux du moutier s’appropriaient les richesses produites par les paysans. Après la lecture de Nanon, la foule en liesse verse une libation sur l’autel, mais quelques « critiques » veulent parfaire le tableau en plaçant une « âme chrétienne » au-dessus des bêtes figurant dans l’autel. Émilien, bien sûr, choisit Nanon à la grande surprise de cette dernière, et la mène sous la croix, au sommet de l’autel, devenu « autel de la patrie » (la même formule désignant l’autel à Paris), plutôt que « reposoir », ce qui montre l’échange entre le sacré patriotique et le sacré religieux. À nouveau, les paysans sont déconcertés par le geste d’Émilien, mais cette fois, ils l’admettent ouvertement : « Il y eut un étonnement sans fâcherie, car personne ne m’en voulait [à Nanon], mais le paysan veut que tout lui soit expliqué. » (ibid.) Si l’autel, l’inscription et la fête constituent un ensemble peu cohérent, le choix de Nanon comme représentation allégorique du sacré est incompréhensible pour les paysans.

      14 Émilien justifie alors longuement son choix dans un discours où il explique que Nanon est la plus pauvre de la commune, qu’en dépit de son jeune âge, elle travaille « comme une femme » et surtout qu’elle apprend vite et enseignera à lire à d’autres. Depuis la mise en vente des biens nationaux, il était devenu indispensable de lire des documents de toute sorte. Nanon, en enseignant à lire aux autres, devrait permettre à chacun de bénéficier des fruits de la Révolution. Le discours d’Émilien parvient à convaincre les paysans du mérite de Nanon et de son droit à incarner les idéaux de l’autel. Ainsi, les membres de l’assemblée collectent un pécule qui permet à Nanon de devenir la propriétaire de sa maison et d’être la première « acquéreuse » d’un bien national dans son village.

      15 À mesure que se déroule la fête de la Fédération, les paysans acceptent les explications diverses d’Émilien par l’intermédiaire de Nanon qui lit l’inscription, puis incarne la signification allégorique de l’autel. Prise par la célébration de l’unité, l’assemblée oublie bien vite les divergences d’interprétation de l’autel, de la fête et du rôle symbolique de Nanon. Cependant, une lecture plus attentive du texte permet de montrer que la confusion initiale partagée par le lecteur et les spectateurs provient des contradictions inhérentes au spectacle même, à savoir la différence entre ses significations visuelle et écrite.


      16 En effet, la signification de l’inscription ne correspond que partiellement au spectacle de l’autel et à son incarnation allégorique en la personne de Nanon. Si l’on relit la description initiale de l’autel, avant même que Nanon ne lise l’inscription, on se rend compte que le travail est associé à des symboles peu pertinents dans l’autel décoré de jolies fleurs, de fruits, de quelques « légumes rares », tous dérobés par Émilien dans le jardin des moines, ainsi que par des branches d’arbres fruitiers sauvages : « tout ce que la terre donne sans culture aux petits paysans et aux petits oiseaux » (N, p. 77, je souligne). Au bas de l’autel, juxtaposés à ces produits naturels récupérés ici et là, se trouvent une charrue, une bêche, une pioche, une brouette, des chaînes et des fers à cheval. On note ainsi un décalage entre le haut et le bas de l’autel, car aucun de ces outils de labour n’a été nécessaire à la culture ou à la cueillette du trésor disposé sur l’autel. Enfin, des poulets, un jeune agneau, des pigeons et une variété de nids d’oiseaux sont placés à côté des outils de labour. Il ne s’agit donc pas de bêtes de somme telles que le cheval ou le bœuf, mais plutôt d’animaux dont on peut tirer de la nourriture sans trop de travail11.

      17 Tout comme l’autel d’Émilien ne remplit pas vraiment les deux buts politiques de la fête de la Fédération, l’incarnation en Nanon de la pauvreté, du travail et de la récompense bien méritée est problématique à certains égards. Au début du roman, l’héroïne est en effet une bergère n’ayant qu’un seul mouton, nommé Rosette. Nonobstant l’effort qu’exigeaient les tâches de la pastourelle, l’état de bergère était aussi associé, dans le contexte culturel du xviiie siècle, à la notion de loisir. Nanon est d’ailleurs bergère dans ce qui débute comme un roman pastoral. Bien entendu, le roman de Sand est plus réaliste que L’Astrée d’Honoré d’Urfé, mais le temps de la diégèse est contemporain du Hameau de Marie-Antoinette à Versailles. La pastorale exclut certes le travail pénible, mais cette exclusion permet justement à l’héroïne d’avoir un loisir productif. Nanon demande à Émilien, qui peut à peine lire lui-même, de lui enseigner tout ce qu’il sait. La vie de Nanon s’en trouve transformée ; elle peut désormais abstraire des idées à partir d’observations empiriques, faire de l’arithmétique, apprendre à lire aux autres, tracer un itinéraire sur une carte et, enfin, tenir les comptes de sa future fortune. Rien de cela n’aurait été possible sans le temps libre qu’autorise l’état de bergère. Dans La Nuit des prolétaires, Jacques Rancière a noté combien les activités intellectuelles auxquelles s’adonne l’ouvrier du xixe siècle pendant son temps libre déstabilisaient la hiérarchie des classes présentée comme naturelle ; Sand, qui avait vigoureusement soutenu les poètes ouvriers, comprenait bien l’importance sociale des pratiques culturelles des humbles et des ouvriers. Bien que le roman de Nanon soit situé dans le cadre paysan, l’analyse de Jacques Rancière est pertinente pour l’héroïne et sa promotion sociale. De pastorale, le texte de Nanon se transforme en roman sur la Révolution et le travail, tandis que le personnage éponyme utilise sa seule ressource, son temps libre (otium), pour s’investir dans le travail intellectuel des élites, le négoce (neg-otium) et l’écriture.

      18 La fête de la Fédération et son autel enseignent ainsi aux habitants de Valcreux comment un changement de perspective, produit par un nouveau moyen de lire et d’interpréter le monde, peut mener à l’émancipation. La définition du spectacle comme ensemble qui attire « en même temps » les yeux et la réflexion des paysans et lui « résume ses idées confuses » prend un tout autre sens lorsque Nanon en devient le symbole. Tout comme Nanon utilise le temps libre qu’offre son occupation pour s’instruire, l’autel met en scène des objets quotidiens et expose de nouvelles chances de prospérité puisque les biens du moutier, dont les terres, sont désormais disponibles pour tous : les fruits et les fleurs dérobés aux moines en attestent déjà la réalité. Par sa lecture et son incarnation, Nanon permet aux paysans de comprendre l’autel, comme elle leur enseignera plus tard à lire des textes. Ce n’est qu’en s’unissant que les habitants du village, officiellement nommé « commune » par la Révolution, pourront récolter les fruits du travail de tous. À travers le chapitre v, chacun des participants de la fête contribue à la compréhension de l’événement : les moines, avec leur bénédiction et leur tribut, involontaire, de fruits, fleurs et légumes pour l’autel ; Émilien, par la manière dont il a arrangé l’autel et inscrit le message sur la plaque, et par sa décision de choisir Nanon ; Nanon elle-même, grâce à sa lecture de l’inscription pour les paysans illettrés et son interprétation pour le lecteur, puis son rôle d’allégorie ; et surtout, le reste des paysans avec leurs demandes d’explication, leurs suggestions pour améliorer l’autel et leur réaction collective qui suggère qu’il y va de bien plus que d’une simple réponse affective à l’événement. Cette participation active de tous permet d’associer à la fête une variété de sens, à la fois politique, social et religieux. Conçues au départ pour dicter aux paysans quoi penser, la fête et ses étapes deviennent un texte ouvert à la lecture, à l’interprétation et à la discussion de chacun.

      19 La fête de la Fédération mise en scène dans Nanon, avec son spectacle construit sur le sentiment d’unité communautaire et sur un débat démocratique animé, trouve son origine non seulement dans la Révolution française, mais aussi dans la volonté de Sand de comprendre les victoires et les défaites de 1848 et la violence de la Commune de 187112. En rejouant ce qui est souvent considéré comme l’un des moments les plus exaltants de la première révolution, son roman suggère qu’une communauté ne peut se fonder que sur l’unité de but et sur la diversité d’opinion. Selon Arthur Mitzman, la description de la fête de la Fédération dans Nanon doit beaucoup au chapitre xi du livre III de l’Histoire de la Révolution française de Jules Michelet. Partageant le même style, les deux textes mettent l’accent sur l’inclusion démocratique qui caractérisent les diverses fêtes dans toute la France13. Dans un compte rendu lyrique, Michelet, qui assimile la fête de la Fédération à un « miracle », décrit la manière dont les jeunes et les moins jeunes, les riches et les pauvres, à travers toutes les régions, s’unirent pour l’événement afin de créer « la plus grande diversité (provinciale, locale, urbaine, rurale, etc.) dans la plus parfaite unité14 ». Pour Michelet, l’un des faits les plus remarquables est que les femmes, d’habitude exclues des rituels politiques, participèrent avec la plus grande passion, qu’elles fussent « appelées ou non appelées15 ». Ces femmes affirmaient ainsi avec force leur droit à jouer un rôle dans les célébrations politiques. Après un passage lyrique dans lequel il exprime la valeur universelle de la fête comme « solennel banquet de la liberté », l’historien termine son chapitre par de multiples anecdotes sur les fêtes dans toutes les régions et en commence un nouveau avec le récit d’une pratique qui eut lieu dans de nombreux villages, celle de placer sur les autels des enfants, ainsi « adoptés » par la communauté et couverts de cadeaux et de bénédictions16. Ces commentaires de Michelet permettent de mieux comprendre le personnage de Nanon qui, malgré son statut de jeune fille, se retrouve au cœur de l’attention publique par son rôle spirituel sur l’autel, avant de devenir une enfant adoptée par toute la communauté. Nanon est à la fois l’exception à l’égalité générale et la personne qui rassemble tous les êtres qui composent la communauté.


      20 Dans sa préface de 1868 à l’Histoire de la Révolution française, Michelet établit un lien explicite entre la fête de la Fédération de 1790 et les événements de 1848 : « Tel fut le cœur des pères aux Fédérations de 90, tel fut celui des fils à nos Banquets de Février. Journalistes, hommes politiques, professeurs, écrivains, nous eûmes l’élan désintéressé, généreux, clément et pacifique, humain17. » La lettre de Sand à son fils Maurice relatant sa participation au « spectacle » de la fête de la Fraternité (inspirée à plusieurs titres de la fête de la Fédération de 1790) du 20 avril 1848 anticipe à la fois la préface de Michelet de 1868 et le spectacle qu’elle imaginera dans Nanon en 1872 :

      La fête de la Fraternité a été la plus belle journée de l’Histoire. Un million d’âmes, oubliant toute rancune, toute différence d’intérêts, pardonnant au passé, se moquant de l’avenir, et s’embrassant d’un bout de Paris à l’autre au cri de Vive la fraternité, c’était sublime. […] Comme spectacle, tu ne peux pas t’en faire d’idée. [La fête] prouve que le peuple ne raisonne pas tous nos différends, toutes nos nuances d’idées, mais qu’il sent vivement les grandes choses et qu’il les veut. […] Du haut de l’arc de l’Étoile le ciel, la ville, les horizons, la campagne verte, les dômes des grands édifices dans la pluie et dans le soleil, quel cadre pour la plus gigantesque scène humaine qui se soit jamais produite ! (Corr., t. VIII, p. 430)

      21 Depuis le sommet de l’Arc de triomphe en 1848, comme Nanon sur son autel en 1790, Sand a une position privilégiée depuis laquelle elle peut voir un peuple unifié dans la célébration de la fraternité. Comme la romancière fera suggérer à Nanon narratrice que le « spectacle » organise les idées confuses des paysans, elle insiste en 1848 sur le fait que le peuple en fête n’a que peu d’intérêt pour les différences idéologiques (« tous nos différends »), mais qu’en revanche, il sent ce que les intellectuels républicains tels que Sand considèrent comme essentiel : la volonté innée du peuple lui paraît souveraine (« il les veut »). Cette différence fondamentale entre les discordes du « nous » politique et le peuple uni dans sa diversité sociale (« toute différence d’intérêts ») est accentuée par la séparation physique entre la foule et l’observatrice, jouissant d’une perspective élevée depuis le sommet de l’Arc de Triomphe. Symboliquement assise sur le siège du pouvoir, Sand exprime sa sympathie pour le peuple ; elle loue la force de ceux dont l’union spirituelle survivra aux fractures idéologiques : « Courage donc, demain peut-être, tout ce pacte sublime juré par la multitude sera brisé dans la conscience des individus ; mais aussitôt que la lutte essayera de reparaître, le peuple (c’est-à-dire tous) se lèvera et dira : “Taisez-vous et marchons !” » (Corr., t. VIII, p. 431)

      22 La prédilection de Sand pour le spectacle visuel d’un million de personnes unies, toutes classes sociales et toutes origines confondues – spectacle qu’elle oppose aux nuances verbales d’une certaine élite politique –, indique que la sensibilité politique de l’écrivaine n’a pas radicalement changé entre 1848 et 1872. À mesure que le roman progresse et que Nanon s’installe au moutier, elle crée une communauté qui n’est pas sans rappeler la manière dont Michelet caractérise la fête de la Fédération : « la plus grande diversité […] dans la plus parfaite unité ». Dans la communauté utopique de Nanon, paysans, domestiques, bourgeois, moines et aristocrates cohabitent, plus ou moins en paix, sans perdre leur diversité d’opinion ou d’identité. Dans quelques-uns des échanges les plus passionnés du roman, Nanon discute de la nature de la révolution, de la violence et du changement social avec plusieurs interlocuteurs : son oncle paysan, le moine Fructueux, le bourgeois révolutionnaire Costejoux et, bien sûr, son mari et ami, l’aristocrate libéral Émilien de Franqueville. Au cours de ces conversations, Nanon est capable de créer lentement et sans l’imposer, un consensus autour de l’idée que la fin ne justifie pas les moyens et qu’une révolution durable ne passe pas par la violence. Comme pour les spectacles de l’autel à la fête de la Fédération, ou la multitude à la fête de la Fraternité, le consensus naît de la diversité d’opinions et d’interprétations. Vers la fin du roman, Nanon explique qu’elle n’est plus impliquée dans les débats politiques :

      Il [Costejoux] est resté sous ce rapport aussi jeune que mon mari. Ils n’ont pas été dupes de la révolution de Juillet. Ils n’ont pas été satisfaits de celle de Février. Moi qui, depuis bien longtemps, ne m’occupe plus de politique – je n’en ai pas le temps – je ne les ai jamais contredits, et, si j’eusse été sûre d’avoir raison contre eux, je n’aurais pas eu le courage de le leur dire, tant j’admirais la trempe de ces caractères du passé […]. (N, p. 286)

      23 En ne participant plus à la vie politique, Nanon admet non seulement qu’elle n’a pas toujours raison (« si j’eusse été sûre d’avoir raison »), mais surtout, elle affirme son respect pour les opinions politiques de son mari et de Costejoux, tous deux valorisés par rapport aux hommes du présent. De plus, lorsqu’elle prétend ne plus avoir le temps de s’investir dans la politique, elle fait aussi allusion à son rôle de médiatrice et de négociatrice dans le roman.

      24 La fin de Nanon remet en jeu, indirectement, les questions soulevées par le spectacle de la fête de la Fédération : la communauté est construite et en même temps divisée par la lecture comme par le caractère délicat de l’équilibre entre les paysans et les citoyens instruits. Dans la dernière page du roman, le narrateur anonyme qui reprend le contrôle de la narration pour annoncer la mort de Nanon et ses contributions à la communauté, rapporte ce qui est advenu de ses cousins, Pierre et Jacques, qui représentaient ses derniers liens avec son passé humble. Jacques, à qui Nanon a appris à lire, comme l’indique le narrateur, devint officier militaire, mais « [se mit] en tête de supplanter » Émilien (N, p. 287). Ayant l’usage de ses deux bras (Émilien a perdu un bras à la guerre), Jacques est convaincu qu’il ferait un meilleur époux qu’Émilien et est aussi gradé que lui. Il est forcé de quitter le village et de s’installer ailleurs, après avoir perturbé l’harmonie collective. Le lecteur de Sand se souvient sans doute que Jacques a aidé Émilien à construire l’autel de la fête de la Fédération. On peut donc penser qu’il a cherché à imposer sa propre interprétation de la Révolution aux autres paysans. Apprendre à lire lui a non seulement permis de s’élever au rang d’officier, mais l’a aussi encouragé à faire passer ses propres désirs avant ceux de la communauté. L’autre cousin, Pierre, demeure un ami de la famille, et son fils, « sans cesser, quoique convenablement instruit, d’être un paysan », épouse l’une des filles de Nanon (ibid.). Dans ce roman, la classe sociale ne constitue jamais un obstacle au succès, et comme l’illustre Nanon, le bonheur et la fortune dépendent non seulement de la capacité à lire, mais aussi de la volonté de participer au bien de la communauté.

      25 Le spectacle idyllique de la fête de la Fédération porte à la fois les germes de la violence révolutionnaire (une division du public entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas lire) et sa possible résolution en une communauté unifiée dans sa diversité. Ceux qui ont planifié l’événement et qui savent lire partagent avec les participants illettrés les même objectifs patriotiques et égalitaires, mais échouent à les communiquer de manière efficace jusqu’à ce que Nanon médiatise une meilleure compréhension et incarne la valeur sacrée de l’autel, annonçant ainsi son rôle de fondatrice d’une nouvelle communauté. Dans ce dernier grand roman de Sand, le spectacle révolutionnaire ne propose pas de signification directe ou transparente, mais sa jouissance passe par des signes visibles et des symboles qui appellent l’interprétation et surtout la lecture. C’est une communauté nouvelle qui naît dans l’espace entre ce qui peut être seulement vu et ce qui ne peut être que lu.

      https://books.openedition.org/ugaeditions/4845

  • 29.04.2018 : "Another migrant appears to have drowned in #Kolpa"

    Črnomelj, 30 April - Police apprehended a group of seven migrants in the south of the country after they entered Slovenia illegally from Croatia across the Kolpa river. Suspecting that there had been another person in the group who failed to swim over, police called in firefighters to inspect the river and they found a body.

    https://english.sta.si/2509414/another-migrant-appears-to-have-drowned-in-kolpa

    #frontières #mourir_aux_frontières #asile #migrations #réfugiés #Croatie #Slovénie #Alpes

    –-

    ajouté à la métaliste sur les morts à la frontière entre la Croatie et la Slovénie :
    https://seenthis.net/messages/811660

  • “Affaire du 8 décembre” : quinze ans après Tarnac, l’antiterrorisme encore à la dérive face à l’ultragauche ?
    https://www.telerama.fr/debats-reportages/affaire-du-8-decembre-quinze-ans-apres-tarnac-l-antiterrorisme-encore-a-la-

    Bis repetita ? À l’heure où le premier flic de France vitupère contre les « écoterroristes » de Sainte-Soline et le « terrorisme intellectuel » de l’extrême gauche, l’affaire dite du 8 décembre (son autre nom) pose une question cruciale : où s’arrête le maintien de l’ordre, et où commence l’antiterrorisme, avec son cortège de mesures dérogatoires qui, demain, pourraient viser des milliers de personnes ? Cette interrogation est d’autant plus sensible que le procès débutera sur un sol meuble : selon des éléments consultés par Télérama et Le Monde, le projet des prévenus – « d’intimidation ou de terreur visant l’oppression ou le capital » – semble bien flou et les preuves, évanescentes. « Il n’y a pas de projet, il y a un scénario préétabli par le parquet, qui construit le récit d’une extrême gauche criminelle en y plaquant une méthodologie issue des dossiers d’islamistes radicaux », objectent d’emblée maîtres Lucie Simon et Camille Vannier, avocates d’un des mis en cause. « C’est artificiel, grossier, et terriblement dangereux ».

    • C’est drôle. C’est tout expliqué là.
      https://justpaste.it/bb2t5

      Et entre autre :

      Alors que les effectifs de la DGSI ont presque doublé depuis les attentats de 2015, la menace djihadiste perd en intensité, et les services doivent justifier leur raison d’être. Au point de gonfler artificiellement les nouvelles menaces en maçonnant grossièrement des dossiers pleins de fissures ? Dans une récente interview au Monde, Nicolas Lerner, patron de la maison, tentant de trouver la bonne mesure, assumait cette porosité entre le champ du droit commun et celui de l’exception : « L’ultragauche constitue d’abord et avant tout une menace pour l’ordre public. […] ce n’est pas parce [qu’elle] n’est pas passée à l’acte terroriste ces dernières années que le risque n’existe pas. »

      Ça a le mérite d’être clair, non ?

    • Sérieux ?
      Les milices d’extrême-droite, elles, ont pratiquement pignon sur rue et ont commis l’essentiel des attentats ces dernières années.
      Donc, si ces 🤡 ont besoin de justifier leur existence, on large de quoi avec les #fafs et les suprémacistes.

      C’est bien la preuve que tout ça, c’est de la grosse Bertha purement politicienne, en mode « détruire les alternatives de gauche tout en faisant la courte échelle aux fafs ».

    • Affaire du 8 décembre : L’antiterrorisme à l’assaut des luttes sociales
      Publié le 27 septembre 2023

      Analyse détaillée et politique du dossier d’instruction.

      Militant·es des Soulèvements de la Terre détenues par la Sous-Direction-Antiterroriste (SDAT), unités antiterroristes mobilisées contre des militant.e.s antinucléaire, syndicalistes CGT arrêtés par la DGSI, unités du RAID déployées lors des révoltes urbaines... La mobilisation récurrente des moyens d’enquête antiterroriste pour réprimer les mouvements sociaux associée à la diffusion d’éléments de langage sans équivoque - « écoterrorisme », « terrorisme intellectuel » - ne laissent aucun doute.

      Il s’agit d’installer l’amalgame entre terrorisme et luttes sociales afin de préparer l’opinion publique à ce que les auteurices d’illégalismes politiques soient, bientôt, inculpées pour terrorisme. Et donner ainsi libre cours à la répression politique en lui faisant bénéficier de l’arsenal répressif le plus complet que le droit offre aujourd’hui : la législation antiterroriste.

      C’est dans ce contexte que se tiendra, en octobre, le premier procès pour« terrorisme » de militant.es de gauche depuis l’affaire Tarnac [1]. L’enjeu est majeur. Une condamnation viendrait légitimer le glissement répressif souhaité par le gouvernement. C’est la ligne de partage symbolique entre ce qui peut être, ou non, qualifié de terrorisme que le pouvoir cherche dans ce procès à déplacer.

      https://paris-luttes.info/affaire-du-8-decembre-l-17399#nb2

      Et aussi :

      https://www.laquadrature.net/2023/06/05/affaire-du-8-decembre-le-chiffrement-des-communications-assimile-a-un-

      Cet article a été rédigé sur la base d’informations relatives à l’affaire dite du “8 décembre”1 dans laquelle 7 personnes ont été mises en examen pour « association de malfaiteurs terroristes » en décembre 2020. Leur procès est prévu pour octobre 2023. Ce sera le premier procès antiterroriste visant « l’ultragauche » depuis le fiasco de l’affaire Tarnac

      https://paris-luttes.info/super-bingo-quel-terroriste-d-16515
      (SUPER BINGO ! Quel terroriste d’ultragauche es-tu ?)
      ❝L’adhésion présumée à certaines idées de nos camarades du 8/12 tient une place centrale dans l’accusation qui leur est faite. De la DGSI au PNAT, la criminalisation de leurs engagements politiques est l’axe principal permettant d’alimenter une présomption de culpabilité qui semble se suffire à elle-même. Ce degré extrême de répression des idées révolutionnaires a pour objectif de purger la société de ses éléments contestataires afin d’imposer un régime néo-fasciste. Des pans de plus en plus larges du mouvement social sont visés par les dispositifs antiterroristes : black blocs, écologistes, anarchistes, grévistes, (pro)kurdes, journalistes d’investigation, etc.

      Voilà pourquoi il nous a semblé important de vous partager ces 50 questions qui ont été posées par la DGSI aux inculpé.es lors des gardes-à-vue à Levallois-Perret entre le 8 et le 12 décembre 2020.

      True Story.
      #FuckDGSI

      ✨👇 TELECHARGE LE SUPER BINGO DU TERRORISTE D’ULTRAGAUCHE ICI ! 👇✨
      SuperTerro ! A4 https://paris-luttes.info/IMG/pdf/superterro_a4.pdf
      SuperTerro ! LIVRET https://paris-luttes.info/IMG/pdf/superterro_livret.pdf

      ALORS, QUEL TERRORISTE D’ULTRAGAUCHE ES-TU ?
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      « De fait, l’ultragauche est multiple et protéïforme »
      Parquet National Anti-Terroriste

      L’« ultragauche » est une construction policière qui a pour intérêt d’englober pêle-mêle la multitude des luttes sociales qui échappent au contrôle électoral, associatif et syndical. Le PNAT considère que la menace d’ultragauche se dissimule dans un vaste panel de lieux et de pratiques. Pratique !

      Dans ses réquisitions de novembre 2022, le PNAT associe à une « menace terroriste » :

      ☠ « un certain nombre de maisons d’édition » (La Fabrique, Agone, Entremonde, Libertalia, etc.)
      ☠ « une myriade de sites internet » (Lundi Matin, Attaque, Chronique de la guerre sociale en France, La Horde, Paris Luttes Info, La Bogue, IAATA, ect.)
      ☠ « un militantisme non-violent » (tractage, organisation de concerts, collage, graffiti, piquets de grève, soutien logistique à des grèvistes et des ressortissants étrangers, etc.)
      ☠ « certains espaces de rencontres » (bars associatifs, clubs de sport, centres sociaux, collectifs d’habitants, librairies, squats, etc.)
      ☠ « certains espaces ruraux désertés » (Cévennes, Corrèze, Ariège, Tarn, Ardèche, Dordogne, etc.)
      ☠ « les dégradations de biens privés ou publics » (champs OGM, caméras de surveillance, antennes relais, armoires de fibre optique, banques, multinationales, véhicules de gendarmerie, etc.)
      ☠ « l’occupation illégale de lieux » (squats, occupations, ZADs, etc.)
      ☠ « des actions coup de poing » (attaques de permanences de partis, affrontements avec des militants d’extrême-droite, black bloc, actions de solidarité internationale, etc.)

      Il peut y avoir plusieurs manières de réagir face à une GAV antiterroriste. La plus recommandée est d’exercer son droit à garder le silence. Cependant, vu la « gravité » des soupçons qui pèsent sur toi, ta non-collaboration sera considérée comme un aveu de culpabilité, ou une « preuve » que tu es un.e militant.e aguerri.e. Tu iras probablement en détention provisoire, mais ta défense sera plus « facile ».
      Une fois le dossier entre tes mains, tu sauras à quoi t’en tenir.

      Les conditions d’une GAV antiterroriste sont particulières : privation sensorielle et temporelle, interrogatoires très intensifs (entre 300 et 800 questions), instabilité émotionnelle due à l’arrestation spectaculaire, menace d’une peine de prison démesurée, techniques de manipulation des enquêteur.ices, etc.

      Il n’y a pas de honte à craquer, pleurer, répondre aux questions, etc. Ce sont des professionnels qui ont accumulé des décennies d’expériences pour « faire parler » leurs suspects. Mais il ne faut jamais oublier : chaque question (même anodine) a pour objectif que tu t’incrimines toi-même ou que tu incrimines d’autres personnes. Les agents te mentiront aisément.
      POUR S’ARMER FACE À LA GARDE A VUE
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      « Comment la police interroge et comment s’en défendre » du Projet Évasions
      ☻ Disponible en téléchargement sur le site : https://projet-evasions.org

      « Petit manuel de défense dollective : de la rue au tribunal » de Riposte Collective
      ☻ Disponible sur le site : https://infokiosques.net
      Note

      Pour soutenir les inculpé.es du 8 décembre et trouver plus d’infos, rdv sur https://soutien812.net

    • Riace resiste e chiede giustizia per Lucano

      Battuta dal vento Riace aspetta sulla collina. Un piccolo borgo immerso nella Locride calabrese che ha conquistato l’attenzione del mondo intero per ben due volte negli ultimi cinquant’anni, a vederlo oggi sembra davvero che dorma impassibile di fronte alla storia e in attesa di un destino già scritto. Come tanti altri borghi su queste stesse colline, come potrebbe dirsi di tanti altri luoghi delle cosiddette aree interne, Riace sa che in questo modello di sviluppo non ha futuro. Lo avrà forse la Marina del paese, che ambisce a trovare il suo posto almeno per qualche mese l’anno nell’industria del turismo. Qualche anziano nei bar, poche luci accese nel paese. Rimangono aperte le botteghe di un altro mondo possibile, il vasaio di Kabul, le sarte, gli artisti, e attendono, anche se non ci sono passeggiatori pronti a entrare. Un sonno inquieto dove non c’è pace e rassegnazione mista a rabbia si contendono il campo. Il 20 settembre Domenico Lucano, detto Mimmo, detto Mimì Capatosta, tornerà sul banco degli imputati per essere nuovamente giudicato sulla sua condotta da sindaco prima che una piccola restaurazione tornasse a conquistare questo piccolo borgo che ha tentato la rivoluzione. In questa estate torrida un mese di eventi e incontri ha animato il Villaggio globale di Riace sfidando il senso di sconfitta e la ragionevolezza. Un appuntamento per rinsaldare alleanze e rilanciare.

      (#paywall)
      https://left.it/2023/09/07/riace-resiste-e-chiede-giustizia-per-lucano-left

    • Scandale – Procès politique : Mimmo Lucano, jugé pour avoir accueilli des migrants

      Migrants. Au moment où Lampedusa reflète à la fois le durcissement de la politique migratoire de l’Europe et l’urgence de construire des réponses aux guerres, aux dictatures, à l’exploitation capitaliste, au dérèglement climatique qui conduisent à l’exode, qu’est-ce qui peut bien valoir 13 ans de prison aujourd’hui en Italie ? L’hospitalité, ce serait le crime de Domenico Mimmo Lucano, ex-maire de Riace en Calabre. Déjà condamné à 13 ans de prison en septembre 2021 en première instance, son procès en appel se tient ce 20 septembre. Notre article.
      Que reproche-t-on à Mimmo Lucano ?

      En 1998, 200 réfugiés kurdes échouent sur les plages de Riace. Le village, sous l’impulsion du prêtre et de Mimmo Lucano, installe les migrants dans les maisons du village abandonnées du fait de l’exode intérieur calabrais vers le nord de l’Italie ou vers l’Allemagne, voire l’Amérique. Avec l’emprunt contracté auprès d’une banque éthique et l’accord des propriétaires, les maisons du centre-ville sont rénovées. Mimmo Lucano s’engage dans les municipales autour des valeurs d’hospitalité, consubstantielles selon lui de la Calabre, en désignant les réfugiés non pas comme un problème, mais comme la solution à la désertification et à l’appauvrissement de son village. Et ça marche.

      De fait, l’école rouvre ainsi que les petits commerces, des coopératives et des entreprises artisanales, avec la mobilisation citoyenne et l’engagement de l’équipe municipale. Un exemple : le village dans sa partie haute est escarpé et les rues étroites. Le marché du ramassage des ordures ménagères a été attribué à une coopérative de carrioles conduites par des ânes, là où les appels d’offres conduisaient à l’allouer à des entreprises liées à la N’dranghetta, la mafia calabraise, pour une tâche non effectuée. Mimmo est réélu deux fois.

      Il devient regardé dans le monde, cité en exemple par de nombreuses ONGs et par l’ONU, désigné meilleur maire de la planète par ses pairs, de nombreux articles, reportages, films dont un signé par Wim Wenders relatent cette « utopie réalisée ».
      Riace : une zone à mettre en quarantaine pour l’extrême droite italienne

      Dès 2016, les aides économiques du Centre d’accueil extraordinaire sont coupées. En 2018, avec l’arrivée au ministère de l’Intérieur de Matteo Salvini en Italie, les aides du Système de protection pour demandeurs d’asile et réfugiés sont suspendues. Le ministre de l’Intérieur d’extrême droite, venant du parti la Ligue du Nord, le désigne comme un ennemi à abattre. Le 1er octobre 2018, il est arrêté.

      Une décision de justice le bannit de Riace. Le 5 septembre 2019, après 11 mois d’interdiction de séjour dans sa commune, l’ancien maire obtient la révocation de cette décision de justice contre l’avis du procureur, et retourne vivre dans son village après des municipales ayant donné la victoire à la Ligue du Nord. Son procès s’ouvre et en septembre 2021, il est condamné à 13 ans de prison et 500 000 euros d’amendes. Son crime ? Avoir considéré les migrants comme des frères et sœurs en humanité.

      Mimo dit souvent que c’est la réussite et la diffusion de l’exemple de Riace qui a mis le village dans la ligne de mire de la mafia calabraise puis des différents pouvoirs italiens et des néo-fascistes. Au-delà même du point de vue sur la politique migratoire, cette propagation mettait en cause un modèle de pouvoir politique et aussi économique, c’est-à-dire considérer les réfugiés sans-papiers comme de la main d’œuvre bon marché et corvéable pour ramasser les olives.
      L’Italie sous Meloni : la chasse aux migrants

      En Italie, sous Salvini puis Meloni, l’hospitalité est donc punie sous les motifs d’inculpation d’ « escroquerie », « détournement de fonds », » abus de pouvoir », « faux en écriture » et « association de malfaiteurs ». Comme un air des Soulèvements de la Terre qui plaine dans les plaines de Calabre. Autant de supposés délits et infractions attribués au maire, commis dans l’organisation de l’accueil et l’intégration de migrants dans son village de Riace.

      Mimmo Lucano a été condamné en première instance pour avoir favorisé l’immigration illégale et pour détournement de fonds. Il a été aussi condamné pour avoir conclu un contrat avec la coopérative de ramassage des ordures ménagères contre les entreprises mafieuses, décrété la gratuité pour tous – de la demande de certificats municipaux de toutes natures – et la prise en charge municipale du versement de 5 euros à la préfecture. On pourrait ainsi égrener les mille pages du délibéré.

      Le tribunal de Locri, ville siège de la N’dranghetta, reproche au maire d’avoir utilisé les fonds quotidiennement attribués à l’accueil des migrants pour des projets d’intégration à long terme. Plus simple pour le pouvoir italien de financer avec cet argent, des entreprises privées qui bricolent des prisons à migrants. L’ancien maire est aussi condamné pour ne pas avoir respecté les procédures d’attribution des marchés municipaux en favorisant les coopératives locales de migrants et d’habitants de Riace.

      La rumeur parcourt la ville et le tribunal d’une infamante accusation d’association de malfaiteurs. Et d’enrichissement personnel. Un théorème accusatoire auquel manque la pièce maîtresse : l’accusation a été incapable non seulement de démontrer, mais même de repérer quelque forme d’enrichissement personnel ou d’accumulation de patrimoine.

      Au bout de ces deux mandats comme maire à la Mairie de Riace, Mimmo Lucano est resté le même homme, aux revenus modestes et sans patrimoine personnel, qu’il était avant son élection. Et si aucune trace d’enrichissement personnel n’apparaît, la réussite du modèle d’accueil et d’intégration des migrants dans le village de Riace est bien une réalité établie sous les yeux de tous et saluée dans le monde entier. En effet, Mimmo Lucano n’a fait que « tordre » les règles de la bureaucratie pour réussir avec peu un pari contraire au dogme libéral et que d’autres définissent comme utopique.
      Face à l’infâmie, la solidarité s’organise

      Mimmo a plusieurs fois répété que l’exemple est venu de France.

      Le 17 novembre 2021, à l’initiative de deux collectifs citoyens, un meeting de solidarité réunissant 700 personnes se tenait à la Bourse du travail de Paris en présence notamment de Danièle Obono, députée insoumise. Plusieurs villes et villages dont Grabels, Marseille… faisaient du maire de Riace leur citoyen d’honneur.

      Le 21 mars 2022, Jean-Luc Mélenchon signait une lettre adressée au premier ministre Italien Draghi et au président Mattarella dans une coalition de personnalités mondiales dont Ada Colau, maire de Barcelone, Noam Chomsky, linguiste américain, Malin Bjork eurodéputée suédoise, Jeremy Corbyn, député anglais, Yara Hawari, écrivaine palestinienne, Oezlem Demirel députée européenne allemande, Carola Rackete, capitaine de navire en Méditerranée…

      Avec une simple demande : « Abandonnez toutes les charges contre Mimmo Lucano ». Un livre réunissant les contributions inédites de 40 auteurs et 20 graphistes – Terre d’humanité/un chœur pour Mimmo ed Manifestes ! – et le film Un paese di Calabria de Shu Aiello et Catherine Catella servaient d’activeurs à des dizaines de réunions dans des associations, des théâtres, cinémas et librairies.

      Dans un silence médiatique assourdissant.
      Ce 20 septembre, un procès hautement politique

      Aujourd’hui, Mimmo Lucano affronte son procès en appel. Les réquisitions du procureur intervenues en octobre 2022 sont de 10 ans et 5 mois d’emprisonnement. La possibilité de la condamnation de Mimmo est réelle, après l’expérience hospitalière de Riace saluée dans le monde entier, du Haut-commissariat aux réfugiés de l’ONU au Pape. Il serait ainsi « le premier prisonnier politique du gouvernement Meloni-Salvini ». Cela ne peut nous laisser indifférent.

      Mimmo ne se rendra pas à son procès. Autour de quelques amis et soutiens, il tient à profiter encore de sa terre, son village pour ce qui pourrait être ses derniers moments non d’homme libre mais de liberté de mouvement. Il assume la totalité de ses actes et déclare « J’assume d’être sorti de la légalité, mais la légalité et la justice sont deux choses différentes. La légalité est l’instrument du pouvoir et le pouvoir peut être injuste. »

      Il continue la bataille de Riace. Après une interdiction, le moulin à huile d’olive « free N’dranghetta » a été remis en circuit ainsi que des parcelles agricoles. L’association Citta futura réfléchit à comment reprendre le contrôle des maisons, certains propriétaires reprenant la jouissance de leurs biens abandonnés mais restaurés grâce à l’argent public et aux dons, avec l’accord du nouveau maire de la Ligue du nord, pour les louer via AIRbnB. La côte napolitaine étant saturée, les bétonneurs, spéculateurs et autres mafieux visent la Calabre.

      Pendant que des politiques français, de Darmanin à Le Pen pérorent en Italie et y prônent la chasse aux réfugiés comme ils font la chasse aux pauvres en France, de nombreux militants tentent de donner de la visibilité à ce procès. Très vite, on parlera de lui de nouveau à l’occasion de la publication du verdict fin septembre, soit pour fêter sa liberté et reprendre le cours de l’expérience de Riace, soit pour continuer le combat pour Mimmo. Pour un autre monde, fondé sur l’hospitalité et la fraternité.

      Laurent Klajnbaum
      Mise à jour de la rédaction du 20 septembre 2023, 14h07 : à la demande du procureur, la dernière audience du procès de Mimmo a été reportée au 11 octobre.

      https://linsoumission.fr/2023/09/20/scandale-mimmo-migrants

    • Processano Riace, vogliono altre carceri per innocenti

      Processano Riace e Mimmo Lucano, criminalizzano la buona accoglienza e la solidarietà. E puntano tutto su respingimenti, “guerra ai trafficanti” e nuovi e altri centri di detenzione. Il fatto è che il business non è l’accoglienza, come si affanna a strombazzare la destra peggiore. Il business sono i rimpatri e la detenzione.

      di Tiziana Barillà

      Sì, Italia e Unione Europea investono fior di miliardi per spostare oltre le frontiere la loro ferocia, con accordi consolidati come quelli con Libia e Turchia, e nuovi come quello con la Tunisia. Ma i lager e le carceri per innocenti non sono un’esclusiva della Libia, della Turchia o dei paesi terzi a cui appaltiamo la barbarie.

      Le prigioni per innocenti ci sono anche in Italia, e adesso vogliono farne altre 12.

      Torino, Milano, Bari, Brindisi, Macomer, Gradisca d’Isonzo, Roma, Caltanissetta, Palazzo San Gervasio e Trapani. In Italia ci sono 10 Centri di Permanenza per il Rimpatrio: carceri per innocenti dove – attraverso la misura di detenzione amministrativa – vengono trattenute centinaia di persone che hanno l’unica colpa di essere arrivati qui in cerca di un rifugio.

      Non hanno commesso nessun reato – se non quello di attraversare i confini senza documenti – ma vengono privati della libertà e rinchiusi in vere e proprie prigioni, in attesa di essere rimpatriati nei loro Paesi di origine.

      Centri gestiti da privati che sono un vero e proprio fulcro di affari per le multinazionali che gestiscono la detenzione dei migranti: quasi sempre multinazionali che si occupano di carceri.

      Eh sì, è questo il business. A farsi carico della loro gestione non è lo Stato ma cooperative o multinazionali, che hanno trovato nella detenzione amministrativa un business niente male: 44 milioni di euro nel triennio 2018-2021 per gestire circa 400 detenuti, le strutture e il personale di sorveglianza.

      E nel triennio 2021-2023 sono previsti 56 milioni di euro.

      Queste prigioni per innocenti – oltre a essere inaccettabili – non rispettano nemmeno gli standard minimi europei del comitato per la prevenzione della tortura.

      Stanze sovraffollate in condivisione con le blatte, finestre senza vetri, materassi ammuffiti, bagni senza porte

      Niente psicologo, niente mediatori, niente personale sanitario

      I governi, italiano ed europeo, consentono e alimentano il profitto sulla pelle di detenuti innocenti, sacrificano centinaia di vite umane sull’altare del capitalismo criminale e questo mentre chiudono e rendono impossibile la vita ai progetti di buona accoglienza e criminalizzano il suo simbolo, la Riace di Mimmo Lucano

      L’alternativa a questo schifo la conosciamo già: è il modello Riace. Quello infamato e assediato con ogni mezzo: mediatico, politico, giudiziario. Quello che da due anni toglie il sonno a Mimmo Lucano, in attesa di una sentenza che tarda ad arrivare.

      ps. l’udienza per conoscere la sentenza di appello nel processo Xenia – che vede coinvolti Lucano e altri 17 imputati – è stata fissata per l’11 ottobre 2023, alla Corte d’appello di Reggio Calabria.

      https://www.osservatoriorepressione.info/processano-riace-vogliono-carceri-innocenti

    • Che cosa succede al processo contro Mimmo Lucano? Al processo d’appello, la parola alla difesa

      Salvo sorprese, questo dovrebbe essere il mio ultimo report dalle udienze del processo su Riace e Lucano in corso presso la Corte d’Appello di Reggio Calabria. Il 20 settembre si è tenuta l’ultima udienza, dedicata alla difesa dell’ex-sindaco di Riace: gli avvocati difensori, Giuliano Pisapia e Andrea Daqua, che da anni lo difendono a titolo gratuito, hanno illustrato le loro valutazioni critiche della sentenza di primo grado emessa dal Tribunale di Locri ormai quasi due anni fa. Al prossimo appuntamento, fissato per l’11 ottobre, si aprirà la Camera di Consiglio per definire la sentenza di secondo grado.

      Con le parole dei difensori di Lucano è riapparso come per incanto il dibattimento. Quel dibattimento che la sentenza di Locri aveva ignorato, tutta schiacciata com’era sulle argomentazioni dell’accusa, al punto da non tener in nessun conto le vicissitudini che avevano subìto nel corso della discussione processuale. La logica della prova, della sua debolezza o della sua mancanza, vibrava di nuovo nell’aria, dopo che quella sentenza l’aveva relegata a indizio, supposizione, pre-giudizio, se non addirittura a gratuiti voli pindarici su intenzioni passate e future.

      Giuliano Pisapia ha voluto mettere a fuoco la figura di Lucano, perché in un processo penale, ha detto, l’elemento soggettivo è fondamentale: vi si giudica una persona, non solo degli atti. E lo ha fatto partendo dalla lettura di una sua lettera ai giudici. “Come tutti gli esseri umani posso aver commesso degli errori, ma ho sempre agito con l’obiettivo e la volontà di aiutare i più deboli e di contribuire all’accoglienza e all’integrazione di bambini, donne e uomini che fuggivano dalla fame, dalla guerra, dalle torture”. Lucano racconta di aver vissuto anni di grande amarezza non solo e non tanto per la limitazione della libertà personale, quanto per l’ingiusta campagna di denigrazione che si è abbattuta su di lui e sull’esperienza di Riace. Per questo ha continuato a dedicarsi, da privato cittadino, alla riapertura e alla gestione del Villaggio Globale di Riace che continua a ospitare persone con fragilità. “Non si è interrotta, dunque, quella che considero la missione della mia vita, a prescindere da incarichi pubblici e finanziamenti statali. Altro che associazione a delinquere!”.

      Ecco, dice Pisapia, “io non parlo di un santo. Mi interessa chi è colui che oggi è imputato e al momento ha una sentenza con una condanna esorbitante”. La sentenza di primo grado ha volutamente disconosciuto i valori che hanno ispirato tutta la sua azione pubblica e il carattere ideale di questa sua missione. A questo servono i giudizi morali, le derisioni, i veri e propri insulti che infarciscono la sentenza e che hanno scandalizzato tanti giuristi che vi hanno visto la negazione dell’imparzialità del giudice. Eppure costituiscono un pezzo importante della sentenza: la denigrazione di Lucano fa parte di una strategia di sospetto nei confronti di chiunque agisca in nome di valori, osserva Luigi Ferrajoli, perché dietro non può che esserci un secondo fine, una ricerca di vantaggi personali. Così anche per Lucano si è sostenuto che inseguisse un vantaggio economico. Dalla lettura degli atti processuali, però, risulta che non aveva un soldo sul proprio conto corrente, che ha messo tutto a disposizione degli altri, perfino i premi che ha ricevuto, che vive in condizioni di povertà. “Falcone diceva di seguire i soldi. Vi prego, seguite i soldi di Lucano, non li troverete”.

      Allora, di fronte all’impossibilità di provare il vantaggio economico, si è preteso che Lucano abbia agito per vantaggi politici, per creare un sistema clientelare che gli garantisse una lunga carriera politica. Ma come si fa a dire che ha fatto quello che ha fatto per motivi politici se, come tutti sanno, ha ostinatamente rifiutato di candidarsi per un posto praticamente assicurato al Parlamento Europeo? “Questo dovrebbe già chiudere il processo”, osserva Pisapia, perché manca il dolo e manca la consapevolezza e la volontà di perseguire un vantaggio personale – due fattori essenziali per stabilire un reato penale.

      Lucano è una persona che ha sempre avuto come priorità il bene altrui. Come aveva detto Monsignor Bregantini al Tribunale di Locri, è qualcuno che ha anticipato lo spirito dell’Enciclica “Fratelli tutti” di Papa Francesco. Certo, anche chi agisce a fin di bene può arrivare a violare norme, ma questo comporta dei rilievi che vanno chiariti, non rinnega certo la finalità virtuosa dell’azione. Se il sistema di accoglienza a Riace era cresciuto in modo esponenziale, vuol dire che Riace si era messa a disposizione di istituzioni in difficoltà nell’affrontare un problema nazionale. Negare il valore di questo contributo, trasformare l’accoglienza a Riace in un’azione criminale di accaparramento, insinuare che la povertà di Lucano sia un’astuta menzogna, sono modalità proprie di quello che Ferrajoli ha indicato come il processo offensivo, dove il giudice si considera nemico del reo, non cerca prove certe, ma solo conferme di una colpevolezza presunta.

      Dopodiché Pisapia è entrato brevemente nella discussione di alcuni capi d’imputazione, in particolare quelli che riguardano i cosiddetti “lungo permanenti”, le verifiche su rendicontazioni e documentazione da parte delle associazioni, una carta d’identità considerata falsa. Su nessuno di questi capi d’imputazione, ha detto, il dibattimento ha provato in modo certo la responsabilità di Lucano; per questo ne ha chiesto l’assoluzione.

      Si è rivolto direttamente ai giudici: “La vostra sentenza sarà importante perché, specialmente in questo periodo in cui la situazione dei migranti è particolarmente difficile e complicata, avere tante Riace aiuterebbe a risolvere tanti problemi e a evitare situazioni drammatiche che un Paese come il nostro non dovrebbe guardare da lontano, ma dovrebbe essere capace di affrontare”. E ha concluso con una chiosa, evidentemente riferita alla sua esperienza di avvocato e di politico. “Quando la politica entra nelle aule di giustizia, la giustizia scappa inorridita dalla finestra. Per me è qualcosa di insuperabile: un conto è la giustizia e un conto è la politica. Devono avere ognuno i propri ruoli e non devono entrare nei ruoli altrui”.

      A questo punto ha preso la parola l’avvocato Andrea Daqua, per esaminare nel dettaglio i capi d’imputazione su cui la sentenza di primo grado ha costruito la condanna di Lucano a più di tredici anni di reclusione. Per mostrarne debolezze e contraddizioni, è ripartito dalle anomalie delle relazioni su Riace: dalla prima relazione prefettizia fortemente negativa, finita in mano a Il Giornale ancor prima di arrivare al sindaco; alla seconda relazione della Prefettura, sollecitata dallo stesso Lucano, che esprimeva un giudizio positivo dell’accoglienza, che però il Prefetto secretò per circa un anno. Fino all’ispezione congiunta di Prefettura e Sprar, affidata a Sergio Troilo e Enza Papa, con l’obiettivo di svalutare Riace e che portò all’improvvisa chiusura dello Sprar. Il ricorso di Lucano contro quella misura fu accolto, fino alla conferma definitiva da parte del Consiglio di Stato, che definì Riace un “modello encomiabile” e stabilì che lo Sprar doveva essere riaperto. Intanto però era stato chiuso.

      Daqua descrive la sentenza di primo grado come il punto di arrivo di un’indagine unidirezionale che, invece di accertare i fatti, ha eliminato ogni elemento in contrasto con l’impianto accusatorio precostituito da quelle ispezioni. Ne è prova quell’intercettazione a discarico che il tribunale di Locri si era rifiutato di prendere in considerazione e che i giudici d’appello hanno ammesso riaprendo l’istruttoria. In quell’intercettazione, l’ispettore Del Giglio rivelava a Lucano che “lo Stato non vuole il racconto della realtà di Riace [perché] l’obiettivo integrazione è soltanto una parola buttata là” e confessava di ritenere personalmente che “Riace, al di là delle disfunzioni eventuali o delle anomalie amministrative, quindi della burocrazia, abbia realizzato una realtà evidentemente ancora unica sul territorio nazionale. Dovete difenderla”.

      Così, il Tribunale di Locri si è appiattito sull’accusa, ha stravolto i fatti, ignorato la documentazione prodotta dalla difesa e i contributi dei suoi consulenti, travisato il contenuto di testimonianze, distorto il contenuto delle intercettazioni, fino ad assumere un linguaggio che trasuda un fumus denigratorio fuorviante. Daqua ha portato molti esempi per denunciare l’uso distorto delle intercettazioni, realizzato in modo chirurgico e tendenzioso. Frasi inesistenti inserite, errori di trascrizione che cambiano il senso delle parole, interpretazioni stravolte per confermare convinzioni precostituite.

      Esemplare il caso dell’intercettazione ambientale del 10/07/2017 in cui Lucano e Capone parlano del frantoio; il tribunale mette in evidenza il ruolo di Lucano nell’indicare “le false dichiarazioni che avrebbero dovuto rendere concordemente in merito a quelle spese effettuate”, e questo grazie alla frase “E’ per i rifugiati, gli devi dire”. Peccato che le parole “gli devi dire” non esistono nella registrazione audio, compaiono, sì, nella trascrizione della polizia giudiziaria che l’accusa aveva usato nel dibattimento, ma non ci sono nella trascrizione ufficiale fatta dal perito del tribunale. Questo rivela qualcosa di molto grave: l’appiattimento del giudice sulle argomentazioni dell’accusa, fino al punto di contraddire il tribunale stesso e di perdere la sua terzietà.

      Grave anche perché proprio questa intercettazione svolge nella sentenza di Locri un ruolo chiave: secondo il tribunale Lucano, non sapendo ancora di essere indagato, starebbe qui costruendo le false dichiarazioni da diffondere a proposito del frantoio, rivelando così che in realtà da quell’acquisto si aspettava un ritorno economico. Questa interpretazione distorta diventa uno spartiacque: perché per dare valore probatorio a questi elementi, la sentenza esclude tutte quelle intercettazioni da cui si desume invece che il frantoio va effettivamente a vantaggio dei rifugiati considerandole artefatte in quanto, essendo successive a quella data, ormai l’indagine era nota. Quell’intercettazione sarebbe insomma la prova della torsione della verità che Lucano avrebbe astutamente architettato… e non una ricostruzione preordinata che esiste solo nella mente del tribunale.

      In realtà, continua Daqua, il frantoio rappresenta un’attività conforme agli obiettivi e allo spirito dello Sprar, che promuove progetti speciali per l’integrazione e non c’è nessuna prova che si tratti di un’appropriazione privata. Il frantoio è al cuore dell’accusa di distrazione di fondi pubblici, ma il reato di distrazione richiede un uso improprio delle somme distratte e non c’è prova di uso improprio del frantoio. Come non c’è del resto per le altre case che pure rientrano nell’accura di peculato, di cui anzi la difesa ha fornito precisa documentazione, dimostrando che sono state usate per l’accoglienza dei migranti. D’altronde, tutti i fondi che arrivavano ai progetti di Riace confluivano in un unico conto corrente – pubblici, privati, anche rimborsi di progetti precedenti. Siccome il tribunale ha fatto i suoi accertamenti a livello di cassa, era difficile riuscire a distinguere analiticamente quali fondi venivano di volta in volta spesi. E’ stato questo il contributo della consulente Madaffari, che aveva portato il libro mastro contabile del Comune di Riace, dove invece risultava anche la fonte, ma il tribunale ha ignorato del tutto le consulenze prodotte dalla difesa.

      Quanto all’imputazione più grave, l’associazione a delinquere, di cui Lucano sarebbe il capo indiscusso, Daqua riprende dal dibattimento le testimonianze prodotte dalla stessa accusa che escludono il reato associativo. Più volte il Presidente Accurso aveva chiesto al colonnello Sportelli di precisare se c’era in gioco un rapporto collettivo, dei legami di concertazione, una consapevolezza di questi legami; sempre Sportelli aveva risposto negativamente. Enza Papa aveva dichiarato che gli uffici dello Sprar erano messi in difficoltà dalla frammentazione del sistema Riace, con tutte quelle associazioni che non comunicavano fra di loro, ognuna andava per conto proprio, non c’era organizzazione. Non ci sono insomma i presupposti per il reato associativo. Ma il tribunale ricorre come al solito ad un’intercettazione in cui si parla della necessità di coordinarsi e la porta come prova di quel legame, che gli stessi testimoni dell’accusa negano; peccato che il coordinamento di cui si sta parlando sia un coordinamento di tipo funzionale. Un’altra forzatura intollerabile.

      In conclusione, Daqua dichiara che si tratta di una “sentenza ingiusta ed errata per tutti i capi di imputazione”. Per questo, come Pisapia, chiede l’assoluzione di Lucano da tutti i reati a lui ascritti dalla sentenza di primo grado. E incalza i giudici: “Voi avete la possibilità di correggere un macroscopico errore”. Lo faranno?

      https://www.pressenza.com/it/2023/09/che-cosa-succede-al-processo-contro-mimmo-lucano-al-processo-dappello-la-