• Ode à la méthanisation agricole

    France Culture mercredi 4 mai 6h00

    Entretien avec François Bost, professeur de géographie économique et industrielle à l’université Reims-Champagne-Ardennes, spécialiste de la réindustrialisation des territoires.

    « (…) Avec le photovoltaïque et l’éolien, le biogaz, ou « gaz vert » représente aujourd’hui un potentiel d’avenir. La méthanisation agricole s’est développée très fortement à partir des années 2000, et connaît aujourd’hui un véritable boom. On compte déjà ainsi plus de 360 gros méthaniseurs dans toute la France. »

    Suit une ode énamourée à ladite méthanisation, « exemple achevé de l’économie circulaire », sans un mot sur les périls environnementaux et sanitaires, et notamment les centaines d’accidents déjà enregistrés, notamment les pollutions de l’eau provoquées par des déversements accidentels de digestats, le résidu liquide de la méthanisation. Pour notre expert, le digestat est un excellent « engrais » qui peut-être réutilisé dans les champs !

    « (…) Les régions privilégiées d’implantation sont les zones d’élevage (porcs en Bretagne), mais aussi les régions comme la Champagne (déchets de la viticulture), mais aussi les aires suburbaines, comme le parc des Calanques à Marseille… »

    « On nous a annoncé de grandes ambitions. D’ici à 2030 ce gaz vert pourrait représenter de 10 à 15% de la consommation du gaz en France. Soit l’équivalent de nos importations de gaz russe… »

    La FNSEA ne devrait pas tarder à devenir l’un des sponsors premium de France Culture, dès que Macron 2 aura supprimé la redevance…

  • Stopper la montée de l’insignifiance, par Cornelius Castoriadis (Le Monde diplomatique, août 1998)
    https://www.monde-diplomatique.fr/1998/08/CASTORIADIS/3964


    Je sais, c’est vieux et multicité, mais c’est ouvert en lecture intégrale et terriblement d’actualité.

    Les responsables politiques sont impuissants. La seule chose qu’ils peuvent faire, c’est suivre le courant, c’est-à-dire appliquer la #politique ultralibérale à la mode. Les socialistes n’ont pas fait autre chose, une fois revenus au pouvoir. Ce ne sont pas des politiques, mais des politiciens au sens de micropoliticiens. Des gens qui chassent les suffrages par n’importe quel moyen. Ils n’ont aucun programme. Leur but est de rester au pouvoir ou de revenir au pouvoir, et pour cela ils sont capables de tout.

    Il y a un lien intrinsèque entre cette espèce de #nullité de la politique, ce devenir nul de la politique et cette insignifiance dans les autres domaines, dans les arts, dans la #philosophie ou dans la littérature. C’est cela l’esprit du temps. Tout conspire à étendre l’insignifiance.

    La politique est un métier bizarre. Parce qu’elle présuppose deux capacités qui n’ont aucun rapport intrinsèque. La première, c’est d’accéder au #pouvoir. Si on n’accède pas au pouvoir, on peut avoir les meilleures idées du monde, cela ne sert à rien ; ce qui implique donc un art de l’accession au pouvoir. La seconde capacité, c’est, une fois qu’on est au pouvoir, de savoir gouverner.

    Rien ne garantit que quelqu’un qui sache gouverner sache pour autant accéder au pouvoir. Dans la monarchie absolue, pour accéder au pouvoir il fallait flatter le roi, être dans les bonnes grâces de Mme de Pompadour. Aujourd’hui dans notre « pseudo- démocratie », accéder au pouvoir signifie être télégénique, flairer l’opinion publique.

    Je dis « pseudo-démocratie » parce que j’ai toujours pensé que la #démocratie dite représentative n’est pas une vraie démocratie. Jean-Jacques Rousseau le disait déjà : les Anglais croient qu’ils sont libres parce qu’ils élisent des représentants tous les cinq ans, mais ils sont libres un jour pendant cinq ans, le jour de l’élection, c’est tout. Non pas que l’élection soit pipée, non pas qu’on triche dans les urnes. Elle est pipée parce que les options sont définies d’avance. Personne n’a demandé au peuple sur quoi il veut voter. On lui dit : « Votez pour ou contre Maastricht ». Mais qui a fait Maastricht ? Ce n’est pas le peuple qui a élaboré ce traité.

    Il y a la merveilleuse phrase d’Aristote : « Qui est citoyen ? Est #citoyen quelqu’un qui est capable de gouverner et d’être gouverné. » Il y a des millions de citoyens en France. Pourquoi ne seraient-ils pas capables de gouverner ? Parce que toute la vie politique vise précisément à le leur désapprendre, à les convaincre qu’il y a des experts à qui il faut confier les affaires. Il y a donc une contre-éducation politique. Alors que les gens devraient s’habituer à exercer toutes sortes de responsabilités et à prendre des initiatives, ils s’habituent à suivre ou à voter pour des options que d’autres leur présentent. Et comme les gens sont loin d’être idiots, le résultat, c’est qu’ils y croient de moins en moins et qu’ils deviennent cyniques.

  • Comment le futur Premier ministre de Macron va mener la planification écologique

    Le futur chef du gouvernement sera chargé de la planification écologique, a promis Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle. Il devrait disposer à cet effet d’un secrétariat général composé d’experts aux profils variés.

    https://www.lesechos.fr/politique-societe/gouvernement/comment-le-futur-premier-ministre-de-macron-va-mener-la-planification-ecolo

  • Procès cannabis à Niort le 5 mai 2022

    Un CP reçu à l’instant qui témoigne du monde dans lequel nous vivons...

    « Mesdames messieurs les journalistes,

    En ma qualité d’avocat je me permets de vous faire savoir que je défendrai jeudi 05/05 devant le Tribunal correctionnel de Niort, un prévenu poursuit pour usage et détention de cannabis.

    Mon client, retraité âgé de bientôt 65 ans, a été dénoncé de façon anonyme pour avoir cultivé du cannabis dans son jardin.

    Lors de la perquisition il a été trouvé 13 pieds de cannabis (allant de la simple bouture à 1m 20) ainsi que 26,74 grammes d’herbes de cannabis séchés.

    J’ai saisi cette occasion pour developer une double argumentation.

    En l’absence de preuve de trafic celui-ci aurait dû être renvoyé pour le simple délit d’usage illicite (conformément à la définition de la Cour de cassation).

    Renvoyé uniquement pour usage rien n’empêchait que celui-ci soit soumis à la procédure et à la peine d’amende forfaitaire délictuelle de 200 € (article L4321-1 alinéa 3 du code de la santé publique instauré par la loi du 23 mars 2019).

    En lieu est place il est poursuivi sur le fondement de l’alinéa 1 du même article (L3421-1 al 1) qui prévoit une peine d’un an d’emprisonnement et 3750 € d’amende.

    Dès lors j’ai donc déposé devant le Tribunal une Question Prioritaire de Constitutionnalité que je soutiendrai à l’audience qui 05 mai, et qui j’espère ira jusqu’au Conseil constitutionnel.

    Ces histoires de cannabis étant récurantes dans la presse locale et nationale, j’ai pensé que peut être vous serriez intéressé pour suivre ce procès.

    Dans ce cas et si vous le souhaitez, j’aurai plaisir ou vous faire passer mon mémoire et mes conclusions.

    Restant à votre disposition,

    Je vous prie de croire à l’expression de ma considération distinguée. »

    Nicolas Hachet
    Avocat à la Cour
    4 Rue des Trois Conils
    33 000 BORDEAUX
    06.16.87.29.40.
    Hachet.avocat@gmail.com

  • Guerre en Ukraine : un fournisseur d’énergie « verte » explose ses prix

    Comment Marc ; où l’on vérifie, une fois de plus, qu’il suffit d’accoler l’adjectif « vert » à la plus grossière arnaque pour que des légions de Lapins crétins se précipitent pour se faire tondre !

    A rapprocher de l’explosion du mythe du « gaz vert », promu par les tenants de la méthanisation agricole et les énergéticiens, nouveau scandale environnemental et sanitaire à venir...

    https://reporterre.net/Guerre-en-Ukraine-un-fournisseur-d-energie-verte-dans-la-tourmente

  • LE VARENNE DE L’EAU ETAIT BIEN UN "VARENNE A BASSINES"...

    Les pantomines « écolo » électoralistes à Marseille étaient bien du brassage de vent, comme en témoignent, et l’adoption d’un nouveau Code minier, par ordonnance, entre les deux tours, et la course à marches forcées vers l’irrigation à outrance, qui va se poursuivre à vitesse grand v…

    (…)

    « Comme dirait le président « cela ne va pas assez vite, il faut accélérer ».
    Dès la formation du nouveau gouvernement, NKM, Pascal Canfin et Marc Fesneau vont s’y atteler. »

    http://www.eauxglacees.com/Le-Varenne-de-l-Eau-etait-bien-un

  • Politique agricole : au delà de l’accumulation fordiste pour un programme rouge et vert

    L’agriculture française va mal. La politique agricole, qu’instituent l’État français et les autorités européennes, la détruit. Le monde agricole est le lieu d’une double dynamique, qui s’accentue depuis la fin des années 1990 : l’accumulation du capital économique par une élite, qui alimente l’expropriation de la majeure partie des agriculteurs

    « (…)

    Production standardisée, sujétion des agriculteurs aux négociants, allocation des aides publiques en fonction du capital économique : l’accumulation est débridée ; en conséquence de quoi l’expropriation bat son plein. Mais ce n’est pas tout : l’accumulation fordiste détruit aussi les écosystèmes. L’historiographie environnementale des Trente glorieuses est sur ce point désormais établie.

    Dans le cas de l’agriculture, le schéma économique qui vise à relever ses niveaux de profit en augmentant les volumes produits conduit à l’intensification des moyens de production par une consommation accrue d’« intrants » (engrais, pesticides, aliments, produits vétérinaires). Des indicateurs solides attestent que l’accumulation qui frappe le monde agricole s’accompagne d’un accroissement de l’intensification.

    Ainsi, concernant les grandes cultures, la France se distingue toujours par sa grande consommation de pesticides (la France comptant parmi les principaux pays consommateurs en Europe et dans le monde), dont les effets délétères sur l’état des sols, rivières, nappes phréatiques, sur la qualité de l’air et sur la biodiversité ne sont plus à démontrer. Ainsi, concernant la production laitière, la concentration depuis le début des années 2000 est allée de pair avec une augmentation de la part du maïs-ensilage dans les assolements.

    Nous y voilà : l’accumulation fordiste, qu’orchestrent État français et Union européenne, détruit agriculture et environnement naturel. Belle politique agricole que celle qui organise l’expropriation des agriculteurs au profit d’une poignée d’élites et qui compromet la conservation des vies naturelles et humaines ! On le comprend maintenant plus clairement : offrir un avenir à l’agriculture française, c’est changer de politique agricole. »

    Par Matthieu Ansaloni et Andy Smith Politistes.

    Lire l’article :

    https://aoc.media/opinion/2021/05/26/politique- agricole-au-dela-de-laccumulation-fordiste-pour-un-programme-rouge-et-vert/

  • VIDEO : Déficience des services de l’Etat

    Lors de la 6ème édition des Rencontres des lanceurs d’alerte, tenue à L’Ile-Saint-Denis en novembre dernier, trois praticiens des services publics et de l’environnement dressaient un tableau accablant des déficiences croissantes des services de l’Etat, détruits par le libéralisme dominant.

    Voir la suite :

    http://www.eauxglacees.com/VIDEO-Deficience-des-services-de-l?var_mode=calcul

  • Les raisons d’une nouvelle victoire de Viktor Orban

    Comment Marc : comme le disait Clinton « It’s the economy, stupid »

    « (…)

    Malgré la crise du COVID, l’économie hongroise se portait plutôt bien. La croissance annuelle était aux alentours de 4-5 % (7,1 % en 2021, grâce au rebond après la pandémie), le chômage se stabilisait autour de 3-4 % (contre 11 % en 2010 quand Viktor Orbán est arrivé au pouvoir après le gouvernement socialiste), les salaires nets augmentaient depuis des années de 10 à 11 % annuellement. Grâce aux fonds européens, les infrastructures et les équipements publics (routes, ponts, écoles, hôpitaux etc.) ont été modernisés ou reconstruits.

    Prédisant un duel serré, fin 2021, début 2022, le gouvernement proposait et la majorité parlementaire votaient une série de mesures extrêmement populaires, chaque catégorie sociale recevant des avantages considérables. Une hausse de 20% du salaire minimum, des primes spéciales pour les policiers et autres agents de l’État, un treizième mois pour les retraités, un allègement de l’impôt sur le revenu pour les ménages ayant des enfants à charge et l’exonération complète des jeunes travailleurs en dessous de 25 ans. Conscient du danger que l’inflation (7%) représente, le Premier ministre décidait parallèlement de geler les prix de six produits de base. Pour contrer les mesures généreuses (et extrêmement coûteuses), l’opposition était en désarroi. Elle ne pouvait pas les attaquer frontalement, et avait de la peine à proposer autre chose. Son message étant inaudible, beaucoup d’électeurs ont préféré le Fidesz, qui semblait beaucoup plus près de la préoccupation des Hongrois que l’opposition dont les thèmes centraux (État de droit, corruption, orientation géopolitique) étaient moins attractifs. »

    https://www.telos-eu.com/fr/hongrie-les-raisons-dune-nouvelle-victoire-de-vikt.html

  • La Face cachée de nos consommations - Quelles surfaces agricoles et forestières importées ?

    Cette étude menée par Solagro éclaire la question des #importations sous un angle inédit. Elle s’intéresse aux #surfaces_agricoles et forestières dont nous avons besoin, à l’autre bout de la planète, pour produire nos #biens_de_consommation courante, alimentaires et non-alimentaires et elle présente les impacts induits de l’#exploitation de ces surfaces. L’originalité de cette étude consiste à ne plus seulement mesurer les #importations en euros et en tonnes mais en #surfaces, éclairant les enjeux environnementaux sous un angle nouveau. La #France est exportatrice nette de 2,7 millions d’hectares. Néanmoins, ce solde positif cache de nombreux flux d’imports et d’exports : « La face cachée de nos consommations ». En effet, la France reste très dépendante de l’étranger. Les produits que nous importons (soja, cacao, café, viandes, huile de palme, coton, fruits et légumes, bois...) nécessitent une surface de 14 millions d’hectares hors de nos frontières soit 25% de la surface de la France. Pour la plupart, ces productions génèrent de fortes pressions environnementales : déforestation, assèchement des nappes, usage massif de pesticides... Cette #brochure illustrée décrit 7 des principaux produits d’importation et leurs conséquences. Elle présente les raisons pour lesquelles notre système n’est plus durable et décrit les leviers qui peuvent être mobilisés pour réduire notre empreinte importée : #sobriété, #efficience, #relocalisation, #substitution, #équité.

    https://solagro.org/travaux-et-productions/publications/la-face-cachee-de-nos-consommations

    #solagro #forêts #dépendance #terre

    ping @odilon @reka

  • VIDEO : Raymond Avrillier, « ouvrier de l’accès à l’information »…

    Notre ami Raymond Avrillier vient d’accorder un long entretien à Daniel Ibanez, créateur du Salon des lanceurs d’alerte, dont la 7ème édition aura lieu les 13, 14 et 15 novembre prochains à l’Ile-Saint-Denis. Il y livre sa conception de la défense de l’intérêt public.

    L’affaire Carignon, l’arrêt de Superphénix, les sondages de l’Elysée, le scandale de la privatisation des autoroutes, et des centaines d’autres dossiers dans lesquels il apporte discrètement son soutien à des associations, des politiques, des syndicalistes, lui ont permis de forger une véritable philosophie de la défense de l’intérêt public, en remontant jusqu’aux origines, les articles 13 à 16 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

    Une véritable leçon de choses, porteuse d’espoir pour l’avenir.

    https://video.lanceurs-alerte.fr/w/6TZqVuBKcZ34pGFzsELmNE

  • « Mélenchon a mobilisé un électorat qui ne votait plus » Didier Eribon :
    https://www.mediapart.fr/journal/france/140422/didier-eribon-melenchon-mobilise-un-electorat-qui-ne-votait-plus

    Dans Retour à Reims (Fayard, 2009), récemment adapté au cinéma par Jean-Gabriel Périot, le philosophe et sociologue Didier Eribon analyse, à travers le récit intime de sa famille, le glissement du vote de la classe ouvrière du communisme vers le Front national (FN), puis le Rassemblement national (RN). Le résultat du premier tour de l’élection présidentielle, le 10 avril, confirme selon lui l’inscription dans le temps d’un « vote de classe » favorable à l’extrême droite.

    Une partie des causes de ce basculement est à chercher dans la conversion au néolibéralisme du Parti socialiste (PS), qui a « créé de la colère, de l’abstention, et finalement le vote » des classes populaires qu’il devait représenter contre lui – c’était l’objet de son essai, D’une révolution conservatrice et de ses effets sur la gauche française (Léo Scheer, 2007). Le score piteux du PS (1,75 %) marque à ce titre « l’aboutissement d’un processus entamé au début des années 1980 », et qui a abouti à l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, explique-t-il.

    Il estime cependant que la dynamique de Jean-Luc Mélenchon (qu’il a soutenu publiquement), plébiscité dans les quartiers populaires, peut être de nature à faire dérailler l’anéantissement « programmé » de la gauche.

    Le premier enseignement de ce premier tour de l’élection présidentielle, c’est que l’extrême droite obtient plus de 30 % des voix, et qu’elle s’installe pour la deuxième fois consécutive au deuxième tour de ce scrutin. Comment interprétez-vous ce phénomène structurant de la vie politique française ?

    Didier Eribon : Je crois que malheureusement le vote à l’extrême droite est bien installé. Cela s’est produit progressivement, depuis le milieu des années 1980. Au départ, c’était en grande partie un vote de protestation. Quand j’ai demandé à ma mère pourquoi elle avait voté Le Pen pour la première fois, elle m’a dit : « Pour donner un coup de semonce ». La deuxième fois, c’était sans doute pour donner un deuxième coup de semonce. Et la troisième fois, cela devient le vote naturel qui a remplacé celui d’autrefois pour la gauche.

    Cela signifie que c’est toute la perception du monde qui change. Les conversations quotidiennes, le rapport aux autres, aux partis politiques, à ses propres aspirations personnelles. Le vote n’est pas seulement un acte électoral.
    C’est aussi une sorte de culture au sens très large du terme. Comme je le disais dans Retour à Reims, dans ma famille, on ne votait pas seulement pour le Parti communiste français (PCF) : c’était toute une culture qui allait avec. On parlait le langage du Parti communiste. Il y avait une culture communiste, qui s’est délitée, laissant les individus à l’état d’abandon politico-idéologique.

    C’est, bien sûr, lié à la transformation du monde du travail. Quand ma mère était ouvrière, dans les années 1970 et 1980, aux Verreries mécaniques champenoises, il y avait 1 700 ouvriers, dont 500 étaient membres de la CGT. C’était une force mobilisable, et souvent mobilisée, une force collective considérable.

    L’usine a fermé dans les années 1980. Les enfants et petits-enfants de ces ouvriers n’ont pas retrouvé de travail dans ce type d’usines, qui fermaient les unes après les autres.
    Quand ils ne sont pas chômeurs, ou au RSA, ou occupant des emplois temporaires, ils travaillent maintenant beaucoup dans la logistique, dans les entrepôts d’Amazon. Or, si vous êtes livreur, que vous travaillez dans un entrepôt, où la syndicalisation est difficile et risquée, il est évident que vous n’avez plus le même rapport à la politique. Vous étiez une force collective, vous êtes devenu un individu isolé.
    Les gens privés de cette culture politique, et du mode d’expression qu’elle leur conférait, se sont reconstitué individuellement et collectivement une autre culture et un autre moyen de s’exprimer : le vote pour le FN, puis le RN. Pour eux, c’est une manière de se constituer collectivement comme sujet politique.

    Ce qui est inquiétant, c’est que ce vote de classe [en faveur de Marine Le Pen] s’est durablement inscrit dans le paysage politique.
    C’est ainsi que Marine Le Pen obtient des scores impressionnants dans l’Aisne, le Pas-de-Calais, le Nord, la Moselle, la Meurthe-et-Moselle, etc., c’est-à-dire les anciens bastions ouvriers, miniers, qui avaient été les berceaux du mouvement ouvrier français, et qui sont désormais désindustrialisés, précarisés, désespérés.
    Si c’est une autre forme de vote ouvrier, de vote des catégories populaires, on peut donc dire que c’est un vote de classe. Ce qui est inquiétant, c’est que ce vote de classe s’est durablement inscrit dans le paysage politique. Il faut alors essayer de comprendre pourquoi. Et on ne peut pas comprendre ce qui se passe si on ne fait pas l’histoire dans le temps long, en remontant à la fin des années 1970.

    Dans votre livre sorti en 2007, D’une révolution conservatrice et de ses effets sur la gauche française, vous situez l’origine de ce que nous vivons au tournant idéologique effectué par le Parti socialiste (PS) dans les années 1980. Pensez-vous qu’avec le score réalisé par le PS à cette élection, 1,75 %, on est arrivés au bout de cette séquence politique ?

    On assiste à l’aboutissement d’un processus entamé au début des années 1980. La démarche critique, politique et intellectuelle a certes reflué par des effets structuraux après l’effervescence des années 1960 et 1970. Mais il y a eu aussi une volonté intellectuelle mise en œuvre par des think tanks dont l’objectif explicite était de défaire tout ce qui faisait que la gauche était la gauche, en démantelant la pensée de gauche, la pensée critique : Foucault, Bourdieu, Derrida étaient – déjà ! – les cibles principales.

    Des cénacles se sont créés, comme la fondation Saint-Simon, créée par François Furet, avec des universitaires, des patrons de l’industrie et de la banque comme Roger Fauroux, Jean Peyrelevade, des journalistes, etc.

    Ils ont activement organisé ce basculement vers la droite du champ politico-intellectuel en combattant la pensée de gauche – François Furet n’avançait pas masqué, puisque sa référence était Raymond Aron. Le Parti socialiste (PS) a été l’un des acteurs et des vecteurs de ce glissement organisé vers la droite. Si vous remplacez la notion de classe sociale, l’idée de mobilisation sociale et l’idée pourtant élémentaire qu’un parti de gauche doit s’appuyer sur ces réalités et sur ces processus, et doit représenter les ouvriers, les précaires, les chômeurs, et porter leur voix dans l’espace public, si tout cela est ignoré, repoussé et combattu idéologiquement, qui va se reconnaître dans ces partis de gauche ?

    Pierre Bourdieu m’avait dit au milieu des années 1990 : « Ce pur produit de l’ENA [École nationale d’administration] qu’est François Hollande, se faisant élire à Tulle, ça veut dire le FN à 20 % dans dix ans. » Que des technocrates élus sous l’étiquette PS dans des régions ouvrières développent des politiques néolibérales destructrices pour les vies des gens qui les ont élus, cela crée de la colère, de l’abstention, et finalement le vote contre ces gens-là.

    C’était devenu aussi naturel pour un de mes frères de voter FN que pour mes parents de voter communiste autrefois. Il n’y a pas eu de transmission d’héritage politique, si ce n’est un héritage de révolte.
    Si les partis de gauche ne représentent plus, ne soutiennent plus, ne se font plus les porte-voix des ouvriers, des précaires, dans la sphère publique, alors ceux qui sont ainsi abandonnés ne votent plus à gauche, ils s’abstiennent ou votent FN. J’ai observé comment quasiment toute ma famille est passée en moins de dix ans d’un vote communiste à un vote FN.

    En écrivant Retour à Reims, je me suis aperçu, par exemple, que c’était devenu aussi naturel pour un de mes frères de voter FN que pour mes parents de voter communiste autrefois. Il n’y a pas eu de transmission d’héritage politique, si ce n’est un héritage de révolte, de colère contre la situation qui est faite aux subalternes, et du vote comme moyen collectif de protestation. Le contenu du vote a changé, mais le geste est le même.

    Si la gauche avait été du côté de Bourdieu au moment de la grande grève de décembre 1995, et pas du côté des cénacles qui la dénonçaient et qui insultaient les grévistes et les intellectuels qui la soutenaient, si elle avait soutenu et représenté les mouvements sociaux au lieu de les combattre, nous n’en serions pas là.

    Les journalistes ont aussi une part de responsabilité. Libération employait contre Bourdieu des vocables que ce journal n’employait même pas contre Le Pen. Dans The Class Ceiling : Why It Pays to Be Privileged, de Sam Friedman et Daniel Laurison, il y a un tableau qui montre que les professions dont l’accès est le plus réservé aux classes supérieures, c’est la médecine puis le journalisme. Cette homogénéité ne peut pas ne pas avoir de conséquences. Cela explique évidemment le soutien de la presse à Emmanuel Macron en 2017 : l’affinité des habitus l’emporte sur les différences de surface.

    Finalement, nous aurions pu vivre en France un scénario à l’italienne, c’est-à-dire une disparition de la gauche ?
    C’était programmé, en effet. Le PS a renoncé depuis longtemps à faire vivre la pensée de gauche. À la parution de mon livre sur la révolution conservatrice, Christian Paul m’avait dit vouloir créer des ateliers pour réinventer cette pensée. Le premier invité était Alain Finkielkraut, et le deuxième était Marcel Gauchet. Réinventer la gauche avec des idéologues aussi réactionnaires ! Vous voyez où on en était.

    Il est évident que quelque chose se jouait à ce moment-là. Le PS s’est de plus en plus dissocié à la fois des classes populaires d’un côté, et des intellectuels de gauche de l’autre. C’est devenu un parti d’énarques dont les références intellectuelles se situent très, très, très à droite.
    Ça a commencé sous Jospin, et l’aboutissement de tous ces processus a été la présidence Hollande, élu contre Sarkozy. Son secrétaire général adjoint était Emmanuel Macron, devenu son ministre de l’économie.
    Rétrospectivement, on se dit : si le ministre de l’économie d’un gouvernement qui se disait de gauche à ce moment-là était Emmanuel Macron, comment aurait-il pu être possible que les classes populaires se reconnaissent dans le PS ? Le divorce, qui était déjà bien entamé, allait devenir un gouffre. C’était évident. Hollande n’a même pas pu se représenter.

    Puis la droite a soutenu Macron, aux côtés de tous les hiérarques socialistes, préoccupés par leurs postes : on a vu Olivier Véran et Muriel Pénicaud gouverner avec Bruno Le Maire et Gérald Darmanin. S’ils peuvent cohabiter dans un même gouvernement, c’est qu’ils pensent tout simplement la même chose. Ils sont les mêmes : des représentants des classes supérieures qui regardent le monde social d’en haut et imposent leurs décisions. Tout cela a provoqué chez les électeurs de gauche un sentiment profond de révolte, de fureur même…

    L’effondrement du PS est l’aboutissement de cette droitisation. Et l’aboutissement logique de cette séquence, c’est Macron, l’enfant idéologique de François Hollande et de la technocratie néolibérale qu’il avait épousée en noces publiques en édictant la loi Travail, et autres mesures du même genre.
    Il n’y a plus besoin d’un PS néolibéral, oxymore qui se retrouve condensé dans la personne d’Emmanuel Macron.
    Macron est l’incarnation de cette séquence historique. Il n’a pas de talent particulier : il est un effet, un produit de ces processus historiques. Il n’y a plus besoin d’un PS néolibéral, oxymore qui se retrouve condensé dans sa personne. Et la vraie droite et la fausse gauche réunies dans leur programme commun.

    C’était le projet de la fondation Saint-Simon dans les années 1980. Réunir droite et gauche au « centre », ce qui veut dire à droite. Au fond, Furet et Rosanvallon étaient les prédécesseurs de Blanquer et Vidal, avec leur assaut contre la pensée critique, qui représentait à leurs yeux une menace pour la « cohésion sociale », le « pacte social », la « rationalité gouvernementale », la « modernité économique », et toutes ces notions qui ressortissent à une perception bourgeoise, conservatrice et autoritaire de la vie politique. Bourdieu était leur cible principale. On voit aujourd’hui le beau résultat de leurs agissements délétères.

    Jean-Luc Mélenchon a-t-il réussi à faire dérailler durablement ce scénario à l’italienne programmé depuis les années 1980 ? Est-il de nature à desserrer l’étau qui nous enferme dans l’alternative entre l’extrême droite et l’extrême libéralisme de Macron ?

    C’est l’autre phénomène le plus frappant de cette élection de 2022 : la dynamique qu’a su créer Jean-Luc Mélenchon en mobilisant les énergies à gauche, sur un programme élaboré. Ce succès est insuffisant, mais tout de même incroyable. Il faut s’interroger sur ce que ça peut signifier pour les possibilités futures de recréer une dynamique de gauche.
    Sartre dit, dans un entretien, qu’il y avait une puissante force collective de transformation sociale en mai 1968, qui s’est effondrée quand chacun s’est retrouvé dans l’isoloir, le 30 juin. Le régime gaulliste a été sauvé par les votes des millions de travailleurs dont les grèves l’avaient si brutalement ébranlé.

    Au fond, le PS des années 1980, 1990, 2000 a rêvé, comme la droite, d’un 30 juin permanent, c’est-à-dire de la fin de la protestation sociale et la soumission des gouvernés aux décisions des gouvernants. Ce à quoi il est urgent et nécessaire d’opposer un « Mai 68 » permanent ou en tout cas un « esprit de 68 ».
    Mélenchon a su faire passer l’idée qu’une dynamique de gauche était encore possible dans les manifestations, mais aussi à travers le vote, pensé comme un acte de reconstitution d’une force qui va compter.

    Je pense que les mouvements sociaux de ces dernières années ont réinventé une dimension collective de la perception de soi. La violence de la répression subie par ces mouvements a accentué cette dimension collective. Et, cette fois-ci, Mélenchon a su faire passer l’idée qu’une dynamique de gauche était encore possible dans les manifestations, mais aussi à travers le vote, pensé comme un acte de regroupement, de reconstitution d’une force qui va compter, qui va peser. On n’est plus les objets de la décision politique, on redevient des sujets.

    Olivier Masclet a écrit un livre important sur la manière dont la gauche n’a jamais su s’intéresser aux énergies dans les quartiers populaires [La gauche et les cités. Enquête sur un rendez-vous manqué, 2006 – ndlr]. La gauche a méprisé, oublié les habitants de ces quartiers. Ils ne vont plus voter. Mélenchon a su les respecter, les défendre, les soutenir et leur faire considérer qu’ils pouvaient se faire entendre dans l’espace public par le moyen de leur vote.
    On voit ce qui s’est passé à Marseille, à Roubaix, ou en Seine-Saint-Denis : une bonne partie du vote des quartiers populaires s’est portée sur son nom. Il a mobilisé un électorat qui ne votait plus. Mélenchon, malgré toutes les critiques que je peux lui faire, a réussi à recréer une dynamique de gauche.

    Mais est-ce durable ? Mélenchon a fait des scores importants dans l’ancienne ceinture rouge de la banlieue parisienne, où le PCF n’existe plus. Mais La France insoumise (LFI) n’a pas les structures partisanes du PCF de la grande époque…
    Il est entouré d’une équipe de gens très talentueux, dont j’admire le travail et l’engagement. Maintenant, il est vrai qu’ils n’ont pas beaucoup de mairies, ni d’implantation dans des structures stables comme le PCF ou le PS, dans les régions ouvrières du Nord, en avaient autrefois. J’imagine que les Insoumis s’en préoccupent.
    Jean-Luc Mélenchon a rassemblé plus de 22 % des suffrages au niveau national et réalisé une percée spectaculaire dans les grandes villes et les banlieues alentour.

    Quand le meeting, la manifestation, l’élection s’arrêtent, il faut faire perdurer la mobilisation dans le « pratico-inerte », selon le mot de Sartre, rappelé par Geoffroy de Lagasnerie dans Sortir de notre impuissance politique : c’est-à-dire dans la vie quotidienne, sur les lieux de travail, dans les quartiers, etc.
    Ce n’est pas simple. Et je ne donne pas de leçons. Je sais que cela ne se décrète pas. Il faut aussi que des gens le veuillent et le puissent, alors qu’ils ont des préoccupations quotidiennes plus urgentes. Le vote ouvrier (blanc et non diplômé) du Nord et de l’Est est d’ailleurs allé globalement davantage à Marine Le Pen, alors que celui des jeunes urbains des villes universitaires (Nantes, Grenoble…) est allé à Mélenchon.
    Ce sont des blocs importants, dans les deux cas, la question étant pour la gauche de savoir comment les rapprocher, les réconcilier.

    Cette composition de son électorat ne donne-t-elle pas finalement raison au rapport de Terra Nova sorti en 2011 (« Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 »), dans lequel on lisait : « La classe ouvrière n’est plus le cœur du vote de gauche, elle n’est plus en phase avec l’ensemble de ses valeurs. » L’électorat de Mélenchon, urbain, jeune, diplômé, ne confirme-t-il pas ce rapport, malgré lui ?

    Pour moi, ça ne donne pas du tout raison à Terra Nova, car leur rapport concluait qu’il ne faut plus s’occuper des classes populaires, qu’elles seraient définitivement perdues. Si vous voulez seulement vous occuper du féminisme, de l’écologie et du mouvement LGBT (et je n’ai pas besoin de préciser à quel point ces mouvements sont importants à mes yeux), délaissant les questions sociales, vous laissez des pans entiers de la société en déshérence politique, sans cadre pour se penser, et qui finissent par voter FN, ou qui continueront à le faire...

    Ce rapport était un signe supplémentaire que la bourgeoisie socialiste cherchait à justifier son effacement des questions ouvrières. David Gaborieau, un sociologue qui travaille sur les métiers de la logistique et les entrepôts d’Amazon, montre bien qu’il y a une classe ouvrière nouvelle, qui ne ressemble pas à celle des années 1950 ou 1960.
    Il suffit de voir le film de Ken Loach, Sorry We Missed You, pour le comprendre. La classe ouvrière aujourd’hui, c’est, pour une bonne part, le livreur Amazon et l’aide à domicile. Mais sans la grande usine, comment se mobiliser ? Il n’y a plus de lieu où peut se créer la solidarité de classe.
    Au lieu de les effacer du paysage intellectuel et organisationnel de la gauche, il faut au contraire les y intégrer en multipliant et renforçant les organisations syndicales et politiques qui offrent à cette nouvelle classe ouvrière les moyens de se penser comme sujet politique collectif.

    Vous plaidez pour le retour d’un discours de classe ?

    La classe ouvrière est une réalité économique et objective. Mais c’est aussi une production discursive performative. Il y a des classes sociales, parce que Marx a dit qu’il y avait des classes, et la théorie, en proposant une perception du monde, façonne la réalité et notamment celle des luttes.
    Il faut repenser, retravailler ces cadres théoriques qu’on ne peut jamais tenir pour acquis et définitifs. La réalité change. La théorie doit changer. La grande tâche de LFI est d’élaborer un tel cadre théorique, qui donne un cadre politique pour se penser soi-même comme une force collective de gauche.

    Quand le PCF faisait ses meilleurs scores (plus de 20 % des voix), c’étaient à peu près 30 % à 40 % des ouvriers qui votaient pour lui, et les autres, c’étaient des enseignants, des employés, le monde de la culture, etc. Pourtant, ce parti se présentait comme le parti de la classe ouvrière et, d’une certaine manière, il l’était effectivement. Il l’était pour mes parents, ma famille, des millions d’autres, même si de nombreux ouvriers votaient à droite.

    Le cadre discursif produit performativement le creuset, le foyer politique, dans lequel un « bloc », pour parler comme Gramsci, constitué de catégories différentes, peut s’agréger.
    Je n’adhère pas à l’idée d’un “populisme de gauche”. L’idée de “peuple” ne peut pas venir remplacer l’idée de classe.
    Et je ne pense pas que le concept central puisse en être la notion de « peuple ». Je n’adhère pas à l’idée d’un « populisme de gauche », même dans la version éminemment sophistiquée et séduisante qu’en propose mon amie Chantal Mouffe.

    L’idée de « peuple » ne peut pas venir remplacer l’idée de classe, même s’il s’agit d’articuler les « équivalences » entre différents mouvements – classe, genre, race, écologie... La notion de « peuple » peut paraître combler les manques de la notion de classe mais elle revient à dire qu’une demande sociale ne devient politique que si elle se réfère à une notion commune de « peuple » et se transcende dans cette notion.

    Il me semble qu’il faut au contraire penser la multiplicité, la spécificité et l’autonomie des mouvements, chacun ayant ses traditions, ses revendications, ses formes d’organisation, ses divergences internes… Disons que ce serait déployer une activité critique généralisée, tant théorique que pratique, pour défaire les différentes formes instituées de pouvoir et de domination.

    La notion de « peuple » construit la politique en référence à une identité fictive, alors que, selon moi, il faut ancrer la politique dans les expériences et les identités vécues, les oppressions concrètes…. Et il incombe aux organisations politiques telles que LFI d’essayer de « travailler avec » tous ces mouvements pour proposer des débouchés politiques effectifs. Cela s’appelle la gauche. Une démarche de gauche.
    À l’aune de la campagne de Mélenchon en 2022, peut-on dire que le « moment populiste » de 2017 est terminé ?
    Je ne sais pas. Il peut prendre d’autres formes. Ou resurgir plus tard ou ailleurs. Et cela peut toujours avoir des effets mobilisateurs. Mais l’essentiel pour moi n’est pas là. Je crois qu’opposer le « peuple » à la « caste », ou à l’ « oligarchie », n’est pas une stratégie pertinente ni viable à long terme.
    On voit ce que ça a produit en Espagne, où les fascistes de Vox sont à 18 %, en prétendant défendre le « peuple », et Podemos à 10 ou 11 %. L’idée de peuple est dangereuse à manipuler. Marine Le Pen peut très bien elle aussi opposer le « peuple » à « l’oligarchie ». Si « peuple » est un « signifiant vide », comme le disent Laclau et Mouffe, on peut hélas y mettre ce qu’on veut, et cela ne correspond pas toujours aux souhaits agréables de ces deux auteurs.

    Il est plus difficile pour l’extrême droite de se réclamer d’une idée de « classe ouvrière » organisée, de mobilisations sociales ancrées dans une perspective de justice sociale, de solidarité collective, de protection sociale, d’égalité, de développement des droits sociaux…
    Un des défis de LFI est de construire un cadre qui puisse rendre compte des transformations de la classe ouvrière : la précarisation, le chômage… Comment s’adresser au père ou à la mère d’Édouard Louis, qui sont au RSA et qu’on menace de radier s’ils ne reprennent pas un travail, alors qu’ils ont le dos brisé, les articulations usées, et qui ont souvent voté FN ? Il faut justement leur donner un moyen de s’exprimer qui ne passe pas par le vote Le Pen. Un programme social comme celui de LFI peut contribuer à ce changement.
    Je suis frappé quand on dit de Mélenchon qu’il est de gauche radicale. Mélenchon a un projet social-démocrate classique. Dans L’Esprit de 45, Ken Loach montre bien ce qu’était le projet des travaillistes britanniques après la Deuxième Guerre mondiale : création de services publics dans tous les secteurs, nationalisations… C’est ce projet, largement réalisé, que la droite s’est acharnée à détruire par la suite avec le thatchérisme, et qu’aujourd’hui on considérerait comme extrémiste, quasiment soviétique.
    Mélenchon ne pourrait même pas envisager d’aller si loin. Celui qui a un programme extrémiste, c’est Macron, il est du côté du thatchérisme, de la violence sociale du néolibéralisme.

    L’électorat de Mélenchon se divise sur l’attitude à avoir au deuxième tour. Il a donné pour consigne de ne pas donner une seule voix à l’extrême droite, mais ça ne suffira peut-être pas…
    Tous mes amis ont voté pour Mélenchon et, évidemment, personne ne songe, même une seule seconde, à voter Marine Le Pen. Cela va de soi. Certains vont se résigner à voter Macron, malgré le dégoût profond qu’il leur inspire…
    Mais nous ne sommes pas représentatifs de l’électorat de Mélenchon, et il est possible que la colère contre Macron soit si forte que certains dans d’autres catégories sociales soient prêts à faire n’importe quoi pour le lui faire savoir.
    Il m’est difficile de voter pour quelqu’un qui, à chaque fois que j’ai voulu exprimer mon opinion, m’a envoyé la police la plus violemment répressive.
    Plusieurs de mes amis vont s’abstenir. Et c’est ce que je vais faire aussi. Il m’est difficile de voter pour quelqu’un qui, à chaque fois que j’ai voulu exprimer mon opinion, m’a envoyé la police la plus violemment répressive, m’a asphyxié dans des nuages de gaz lacrymogène, a terrorisé des gens pour qu’ils ne manifestent plus. Selon l’Observatoire des street-médics, il y a eu 28 000 blessés dans les manifestations entre fin 2018 et début 2020. Le bilan du macronisme est effarant.

    Et puis, il ne faut pas inverser les responsabilités. J’ai soutenu les grèves de 1995, j’ai manifesté contre la loi Travail, contre les réformes des retraites, j’ai soutenu l’hôpital public, j’ai prévenu que la destruction des services publics et l’appauvrissement et la précarisation des plus pauvres allaient faire monter l’extrême droite.
    Depuis 30 ans, je « fais barrage ». J’ai écrit avant le premier tour de 2017 que voter Macron aurait pour résultat inéluctable de faire monter Le Pen. J’avais raison. Ceux qui nous ont combattus, insultés, réprimés sont les responsables de la situation actuelle. Les responsables, ce sont ceux qui ont installé le macronisme, soutenu cette politique ! Pas moi !

    J’ajoute que ceux qui voulaient faire barrage à Marine Le Pen avaient un moyen très simple : voter pour Mélenchon au premier tour. Il lui a manqué un point. Et je n’oublie pas que ceux qui viennent donner des leçons aujourd’hui allaient jusqu’à proclamer que, en cas de deuxième tour entre Mélenchon et Le Pen, ils s’abstiendraient, ou même iraient jusqu’à voter Le Pen. Je n’invente rien !
    Et ils viennent nous dire désormais que s’abstenir, c’est être complice de Le Pen, alors qu’ils étaient prêts à voter pour elle, il y a encore quelques jours ? On croit rêver.

    La possible victoire de Marine Le Pen, alors qu’on sait ce qu’elle ferait si elle arrivait au pouvoir, ne vous oblige-t-elle pas, justement, à faire barrage malgré tout ?

    Je pense vraiment qu’il y a fort peu de chances pour que Le Pen puisse gagner cette élection. Le risque est très faible, quasiment inexistant. On essaie de nous faire peur pour augmenter le score de Macron afin qu’il puisse ensuite affirmer que son projet a été soutenu par un grand nombre d’électeurs.
    Et dès qu’il sera élu, il reprendra sa politique de démolition, et accueillera tous ceux qui voudront protester avec des charges policières, des grenades lacrymogènes, des « balles de défense », provoquant à nouveau blessures et mutilations.

    Ce n’est donc pas seulement que je ne veux pas voter pour Macron, c’est que je ne peux pas. La politique de classe qu’il incarne me révulse. Il a fait barrage aux mouvement sociaux, aux revendications syndicales, aux demandes sociales.
    Il a fait barrage aux libertés publiques, à la démocratie. Il nous dit qu’il va changer, qu’il va écouter, mais c’est évidemment une obscène plaisanterie. Comment pourrait-il changer ? Non, sauf dans le cas tout à fait improbable où les sondages indiqueraient qu’il existe un danger réel, je ne voterai pas pour lui.

    #PS #LFI #vote #présidentielle #abstention sauf si

    • Ni Macrine Ni Maron, Révolution !
      https://oclibertaire.lautre.net/spip.php?article3119

      A la vérité, les discours d’En marche et du Rassemblement national se sont rapprochés, et le quinquennat macronien a contribué à rendre moins inquiétante la perspective d’un quinquennat lepénien : quand s’installe une fascisation des pratiques et des pensées, le fascisme n’est plus un épouvantail très efficace. D’où la crainte qu’ont certains de voir la mégère soudain déguisée en douce bergère l’emporter cette fois sur le bellâtre moderniste qui s’est avéré un vrai père tape-dur. Invoquer les « valeurs morales » d’un « patrimoine humaniste rempart contre le fascisme » ne devrait pourtant pas suffire à faire oublier la gestion de la société par Macron à qui l’a subie au quotidien. En revanche, le « vote utile » fait en sa faveur le 10 avril par une partie de l’électorat des Républicains et du PS, et dans une moindre mesure des écologistes, montre que cette gestion satisfait une fraction de la population – celle qui en tire avantage : les managers, banquiers, DRH, entrepreneurs de start-up, technocrates de la croissance et de l’environnement, fonctionnaires installés, rentiers et retraités privilégiés. Et c’est grâce à ce vote opportuniste de partisans de la gauche et de la droite réunis au centre que Macron est de nouveau au second tour, car l’ensemble doit bien représenter 10 % des suffrages qu’il a obtenus. Le résultat du premier tour ne traduit donc pas tant une opinion ou un choix politique que la défense de leurs intérêts matériels par tous ceux et celles qui auraient eu quelque chose à perdre avec un duel Mélenchon-Le Pen.

      L’impulsion du prétendu « ni gauche ni droite, mais en même temps l’une et l’autre » a été donnée dès avant 2017 : sous Hollande, la social-démocratie était déjà la seconde main droite de la bourgeoisie. Et ce « ni gauche ni droite, mais en même temps l’une et l’autre » a également permis de crédibiliser un RN dont le « ni de droite ni de gauche, mais du peuple ou de la nation » ne faisait jusque-là pas massivement illusion.

      Alors que se profile le second show Macron-Le Pen, on réentend les cris d’orfraie poussés par certains « démocrates [1] » ou « radicaux [2] » face à la « menace fasciste » : il est fort peu probable que Le Pen gagne, mais l’inconstance de l’électorat futile peut réserver des surprises – nombre de participant·es aux précédents « votes de barrage » ont juré qu’on ne les y prendrait plus, hein, et l’idée qu’« en votant Marine ça pétera enfin » est émise ici ou là. Et l’extrême gauche tombe une fois de plus dans le piège de l’antifascisme, car son appel à dire « non » à l’extrême droite passe par la réélection du Président sortant dont elle a critiqué l’action pendant cinq ans. Le scénario est si rodé qu’on ne nous propose même plus guère de le faire en se bouchant le nez et en nous promettant un « second tour social »… Mais qu’est-ce qui pourrait bien pousser les révolutionnaires à prendre position dans ce vaudeville bourgeois ?

      Si Macron sert la modernisation de l’exploitation dont le capital transnational a besoin, et si Le Pen est historiquement condamnée pour sa crispation sur un capital réduit à une sphère nationale bien illusoire à l’heure de la mondialisation, ils ont l’un et l’autre pour seul programme toujours plus de croissance au profit de qui détient les moyens de production. Renier ses convictions pour inciter à choisir un camp du capital contre l’autre serait donc non seulement aberrant, mais reviendrait à se tirer une nouvelle balle dans le pied. Pour notre part, nous n’appellerons pas à voter pour ou contre Machine ou Truc, mais un élément important sera à prendre en considération : l’importance du nombre de gens qui ne se laisseront pas prendre au piège du vote Macron. C’est un peu ce baromètre qui donnera des indications sur le contenu des luttes à venir et sur l’état de la fracture entre une partie des prolétaires et leurs représentations/institutions, fracture que nous devons contribuer à élargir alors que les « fronts républicains » ou autres tentent de les réduire.

    • Le Pen :

      Présomption de légitime défense pour les forces de l’ordre. Toute violence policière ou presque sera légitimée.
      Les policiers pourront de façon anonyme porter plainte pour des attaques dont ils seraient victimes. Cela ne laissera aucune possibilité pour la personne mise en cause de vérifier la véracité des faits qui lui sont reprochés.

      Référendum sur l’immigration et l’identité. Pour mettre la Préférence nationale dans la Constitution.
      Interdiction du port du voile
      Suppression de l’aide médicale d’État (AME) qui privera les sans-papiers d’accès aux soins.
      Menace de « sanctions pénales » contre les gens aidant des sans-papiers.
      Expulsion des non-Français des logements sociaux. Suppression des prestations familiales aux étrangers vivants en France.
      Fin de l’acquisition automatique de la nationalité française par mariage, réduction du nombre de naturalisations, impossibilité de régulariser les personnes en situation irrégulière.
      Suppression de la "présomption de minorité" des mineurs étrangers non accompagnés, tant qu’on n’a pas vérifié leur age, ils seront sans aucun droit.

      Cantonner les syndicats à l’entreprise, pour qu’ils ne s’impliquent surtout pas dans la vie de la cité.

      Prison : recours généralisé à des peines de prison ferme, présentées comme la seule sanction efficace, réduction des aménagements de peines et les courtes peines devront être effectuées en prison.

  • Comment calculer le « prix de l’eau » ?

    Dans l’imaginaire collectif, la notion de « prix de l’eau » renvoie à la facture d’eau, que ne reçoivent jamais les millions de Français qui résident dans des copropriétés privées ou dans le parc social. Dans ce cas c’est leur syndic ou leur bailleur, qui répartit dans les charges locatives ou de copropriété le montant de la fameuse « facture d’eau ». Mais ce premier biais n’est que l’arbre qui cache la forêt. En réalité tous les Français acquittent sans le savoir et par d’autres canaux des contributions considérables dédiées à la gestion de l’eau. Inventaire.

    Lire la suite :

    http://www.eauxglacees.com/Comment-calculer-le-prix-de-l-eau,2758