Le problĂšme soulevĂ© câest bien toujours celui de lâignorance et de la croyance aux miracles. Lâengouement pour la permaculture depuis dĂ©but 2000 a Ă©tĂ© une lubbie, une sorte de mode citadine avec laquelle rhabiller de thĂ©ories fumeuses tout·es celleux qui font de lâagriculture ou du jardinage (ce qui est bien diffĂ©rent) et oĂč la permaculture a Ă©tĂ© prise comme fourre tout idĂ©ologique.
Pour moi, la permaculture quand elle nâĂ©tait pas Ă la mode, câĂ©tait vraiment une approche neuve de notre rapport humain au monde, une expĂ©rimentation In Vivo qui nâĂ©tait pas appelĂ©e Ă devenir le pilier de dĂ©bats dichotomiques vains. Remettons les choses dans leur contexte : lâagriculture intensive sans compter le hors-sol reprĂ©sentent 90% de la SAU la dominance dâaujourdâhui, le bio en france câest Ă peine 4% des grandes cultures dans laquelle la permaculture ne peut mĂȘme pas ĂȘtre comptĂ©e car elle ne reprĂ©sente pratiquement rien.
Je ne suis pas fan de la ferme du Bec Hellouin, qui tourne grace Ă beaucoup de main dâĆuvre quâil faudrait rĂ©munĂ©rer, rapport au politique et Ă lâexploitation humaine. Et la permaculture demande comme le bio beaucoup de main dâĆuvre, pourquoi refuser de penser Ă cela et payer correctement sa nourriture. Je suis ravie de voir quâil y a des lieux dâexpĂ©rimentation et quâil existe de grandes fermes oĂč lâon a cessĂ© dâarracher les anciennes haies de fruitiers qui bordaient les champs et ou les engrais verts sont largement utilisĂ©s parce que la permaculture est vraiment penser pour respecter un ecosystĂšme, pas pour lâĂ©puiser. Je mâen fous que ce soit 100% perma, il y a des grands principes qui sont inaliĂ©nables : le mulch pour recouvrir les sols, la place des animaux, le fait de ne pas retourner la terre et de rĂ©apprendre Ă Ă©couter la nature, la connaitre.
Parfois certains vourdraient faire un jardin Ă lâombre totale ou bien jâai entendu des citadins dâune AMAP sâĂ©tonner que les radis poussent dans la terre. Quand 99% de la population en est Ă un niveau si bas de connaissance des paramĂštres naturels, tu peux que tenter des trucs qui ressemblent Ă de lâĂ©sotĂ©risme pour les aider Ă comprendre ce quâest un cycle de vie. Allonge toi et ferme les yeux au soleil puis va te mettre Ă lâombre et ressent si lâĂ©nergie solaire passe cette fois ⊠ben ouais, câest Ă©ducation niveau zĂ©ro, on peut imaginer lâincapacitĂ© totale Ă envisager un autrement si on ne sait mĂȘme pas que lâeau mouille ou que certaines plantes sont des indicateurs du sol. Si les vieux paysans prennent la terre dans leur main, la regardent et lâeffritent pour « sentir » de quoi elle est faite, ce ressenti on lui colle maintenant le terme dâĂ©sotĂ©risme parce quâon est juste incapable de faire le lien sensible de connaissance et dâexpĂ©rience et parce quâil nây a pas toujours besoin de faire appel Ă un laboratoire « scientifique » pour savoir si ta terre est morte ou combien elle contient dâargile. Je rejette rien du scientifique, je remarque que ces validations arrivent aprĂšs, pour valider ou invalider, pour accompagner des expĂ©rimentations et le dĂ©sespoir aussi qui est un moteur pour chercher diffĂ©remment que dans le productivisme Ă court terme.
Donc, je dis bien Ă©couter la nature, lâobserver, reconnaitre les signes de ce qui va sâamĂ©liorer, se tromper aussi, sâappuyer sur des rĂ©sultats concrets et scientifiques why not, mais je ne vois pas pourquoi dâautres façons de faire plus expĂ©rimentales, sensibles quâon taxe dâĂ©sotĂ©riques seraient Ă bannir. Les courants bio anthroposophes ou biodynamiques qui sont fustigĂ©s câest pas tous des gens idiots qui te disent de ne pas aller Ă lâhopital quand tu en as besoin. Le risque câest de croire nâimporte quoi parce que le fanatisme abruti lâesprit, mais câest pas du Ă la permaculture. Les fanatiques de lâengrais chimique et du tracteurs sont bien plus dangereux. La plupart des potagers de particuliers semblent regorger de ces merdes qui sâĂ©coulent ensuite dans les riviĂšres. Mais je voudrais quâon distingue le particulier de la politique agricole menĂ©e Ă grande Ă©chelle.
Tu dis :
Le fait que « la permaculture ça marche pas », mĂȘme si dit grossiĂšrement, ya quand mĂȘme lâidĂ©e que pour beaucoup ils ont trois courgettes savoureuses avec une immense terrain, bah câest pas ça qui va nourrir le monde. Car le but câest quand mĂȘme de montrer (et le faire) quâon peut nourrir rĂ©ellement les gens, et pas juste trois riches, sans faire des trucs horribles.
Câest une caricature du discours tenu par les exploitants agricoles de la FNSEA ? en gĂ©nĂ©ral ça permet de dĂ©nigrer la permaculture pour dĂ©nigrer lâensemble du bio. Fukuoka produisait largement plus que lâintensif, pour ces agrumes (certes au bout de plusieurs essais foireux sensibles et expĂ©rimentals) et aussi pour son riz, câĂ©tait pas un divertissement.
Et donc entre un jardin de 60m2 en permaculture et une terre agricole de 100ha yâa quand mĂȘme pas la mĂȘme approche. Pour fournir de quoi manger Ă tout le monde, il y a dâabbord pas mal de combats Ă mener avant et lâennemi câest certainement pas la permaculture. Peut-ĂȘtre quâon voudrait lui faire porter ce fardeau dâinconsĂ©quences diverses.
Tu dis aussi
Et donc en agriculture, pour nourrir les gens, ça doit ĂȘtre pareil : ni des trucs Ă©sotĂ©riques, ni des trucs juste thĂ©oriques qui ont lâair sympa, il faut avoir prouvĂ© de maniĂšre reproductible (mĂ©thode scientifique) que ça marche et quâon peut nourrir une grande quantitĂ© de personnes, avec de moins en moins dâespace possible (trĂšs malheureusement).
Mais la terre câest justement pas une machine sur laquelle appliquer un algorithme reproductible, câest vivant, ça bouge sans cesse, yâ a des personnes qui y habitent ou pas, avec leurs habitus, un climat qui change chaque annĂ©e, des terres qui se dĂ©sertifient, des rĂ©ponses diffĂ©rentes suivants les biotopes, la taille de la structure etc. La plupart des recherches scientifiques (ça commence Ă changer Ă lâINRA) sont basĂ©s sur le rendement, qui par essence est Ă court terme, et câest aussi ça qui nous a foutu dedans en ne prenant pas en compte un ensemble plus large, laissant sâĂ©puiser les sols et la vie. La permaculture nâest pas forcĂ©ment « efficace » immĂ©diatement ni lâunique rĂ©ponse Ă lâappauvrissement des sols dâautant que ça peut ĂȘtre long de comprendre un terrain pour y appliquer ses principes, mais câest un apport important pour requestionner plus globalement le monde, notre rapport Ă la nature et au politique.
@odilon