• Aujourd’hui, on va s’épancher sur les limites du R0 : qu’est-ce qu’il ne nous dit pas sur la propagation d’un virus ?
    https://threadreaderapp.com/thread/1485202069325848577.html

    Ce sera l’occasion pour vous de faire connaissance avec le kappa (SPOILER : il ne s’agit pas de l’équipementier sportif).

    En guise de préambule, souffrez que j’énonce deux ou trois rappels.

    Le R0, ou nombre de reproduction, c’est le nombre de personnes qu’un cas positif va infecter au tout début d’une épidémie, c’est-à-dire dans une population susceptible
    (susceptible = sans immunité préalable contre l’agent infectieux), et qui n’applique pas les mesures barrières ni ne procède à l’isolement des cas positifs.
    Si ce R0 < 1, cela veut dire qu’une personne va en contaminer moins d’une autre.

    Résultat : chaque nouvelle génération va produire de moins en moins de cas, et l’épidémie s’éteindra d’elle-même, progressivement.
    Un virus au R0 < 1 ne peut donc produire de graves épidémies sur le long terme.

    Le MERS-CoV actuel, avec son R0 estimé à 0.9, l’a appris à ses dépens.
    Si R0 = 1, cela implique un nombre constant de nouveau cas.

    La progression de l’épidémie est alors linéaire (une personne en contaminera une autre à chaque fois), ce qui la rend encore maîtrisable.
    Mais si le R0 excède la valeur seuil de 1, ça se complique : le porteur du virus va alors infecter plus d’une personne, ce qui fait que la nouvelle génération produira toujours plus de cas que la génération précédente.

    Si on n’intervient pas, l’épidémie va s’étendre.
    Naturellement, plus le R0 est élevé, plus grande devient la menace épidémique.

    bbc.com/news/health-52… Image
    Coronavirus : What is the R number and how is it calculated ?
    The R number is a simple but crucial figure at the heart of lockdown decisions across the UK.
    https://www.bbc.com/news/health-52473523
    Le R0 de SARS-CoV-2 en janvier 2020 (je veux bien sûr parler de la souche ancestrale de Wuhan) a fait l’objet de nombreuses estimations donnant parfois des valeurs très différentes (de 2 à 8), mais à l’arrivée, il s’est établi un certain consensus autour de 3. Plus ou moins.
    Ainsi, à Wuhan, au début de l’épidémie, sans mesures barrières et dans une population naïve (non-immunisée), un cas positif contaminait trois personnes.

    C’était bien plus que nécessaire pour provoquer une flambée massive.
    S’agissant du variant Delta, son R0 serait compris entre 6 et 8 !

    Heureusement qu’il a débarqué dans une population rompue aux gestes barrières (laissez-moi y croire, merci) et qui commençait à se faire vacciner.

    (Sans oublier l’immunité acquise par infection mais c’est caca.)
    En effet, et comme je l’ai dit, le R0 vous donne simplement une idée du pouvoir de propagation d’un virus au début d’une épidémie.
    Une fois que l’épidémie s’installe, qu’on applique des mesures barrières et que la population s’immunise petit à petit (ou meurt), le R0 tel quel ne vous sert plus à grand-chose : il ne rend pas compte de la progression du virus en temps réel.
    On va donc le remplacer par un autre indicateur : le R-eff(ectif), qui est le nombre de reproduction de notre virus à un moment donné (pas exactement en temps réel : en effet, il y a toujours un certain décalage)
    Contrairement au R0, ce R-eff subit l’influence, notamment des mesures barrières, de l’isolement des cas positifs ou des cas contacts, de la densité de population mais aussi bien sûr de l’immunité acquise au fil du temps, qu’elle soit vaccinale ou malheureusement infectieuse.
    Néanmoins, c’est bien le R-eff qui rend compte de la situation épidémique à un moment donné, et qui, selon sa position par rapport à la valeur seuil de 1, nous annonce (avec un temps de décalage parce qu’il faut bien le calculer !) si l’épidémie stagne, régresse ou s’étend.
    Oui, la valeur du R-eff détermine la dynamique de l’épidémie.

    Alors je sais qu’on se demande parfois si les variations, et plus précisément les augmentations du taux d’incidence ont pour effet d’impacter (euh, je veux dire influencer, pardon @cialdella01) le R-eff.
    Par exemple : une augmentation du taux d’incidence peut-elle entraîner celle du R-eff ?

    Eh bien non !
    Des taux d’incidence effroyables ne provoquent pas la croissance du R-eff.

    On le voit bien en ce moment grâce à (ou plutôt, à cause de) la vague Omicron en France : avec un taux d’incidence supérieur à 3 000, le R-eff devrait s’envoler, pourtant il est resté fort loin de 2,5.
    Pourquoi ? Tout simplement car le R-eff ne correspond qu’à la probabilité pour un infecteur (enfin, un mec ou une femme qui a le virus, quoi) de trouver des personnes susceptibles.

    Et non au risque pour une personne susceptible de se faire contaminer !
    En fait, si un taux d’incidence astronomique doit exercer un effet sur le R-eff, ce sera plutôt dans le sens inverse.
    Supposons un taux d’incidence si élevé (j’espère qu’on n’en arrivera pas là IRL) qu’il devienne de plus en plus difficile, presque impossible pour des infecteurs de trouver des personnes à contaminer.

    Dans ce cas-là, forcément, ils vont transmettre le virus à moins de personnes
    et le R-eff va alors baisser, permettant peu à peu le reflux épidémique.

    Néanmoins, le R-eff reste aux commandes.
    Alors, que nous reste-t-il à comprendre de la propagation d’un virus si le R0 tout d’abord, et le R-eff peu après, nous disent avec justesse s’il faut s’inquiéter ou pas ?

    C’est ce que nous allons voir dans la seconde partie de ce thread.
    Mais avant, laissez-nous déguster un petit en-cas. Image
    Nous revoilà !
    Désolée pour l’attente.

    Comme promis, voici quatre paramètres qui vous permettront d’affiner votre compréhension du mode de propagation d’un virus !
    1⃣ La période contagieuse.

    D’après les estimations, le virus SARS-CoV-1 (responsable du SRAS) présentait un R0 de 3 environ. C’est-à-dire à peu près le même que celui de SARS-CoV-2 sauce Wuhan.
    Pourtant, SARS-CoV-1 a fait pschitt, là où SARS-CoV-2 a créé une pandémie centennale.
    Pour quelle raison des fortunes si diverses ?

    Tout simplement car ces deux virus ne se transmettent pas au même stade de l’infection.
    C’est tout le malheur de SARS-CoV-1 : comme il ne se transmettait qu’après l’apparition des symptômes, ça nous laissait tout le temps d’isoler les cas positifs avant qu’ils ne contaminent. Image
    Au contraire, ce diable de SARS-CoV-2 se transmet, lui, avant même l’apparition des symptômes : c’est d’ailleurs à ce stade de l’infection que débute le pic de contagiosité !

    Dans ces conditions, on ne peut plus repérer tous les cas positifs avant qu’ils ne contaminent.
    Conclusion : si le R0 d’un virus détermine son pouvoir de propagation, notre marge de manoeuvre face à lui dépend également de la période contagieuse.
    2⃣ La sévérité de la maladie

    Pour illustrer ce paramètre, je vais encore m’appuyer sur la comparaison SARS-CoV-1 / SARS-CoV-2.
    SARS-CoV-1 descendait vite dans les poumons pour se répliquer.

    Il avait donc une forte propension à causer des formes très symptomatiques (voire sévères avec hospitalisation à la clé) qui ne passaient pas inaperçues, facilitant ainsi le travail des autorités sanitaires.
    SARS-CoV-2, lui, est friand des voies respiratoires supérieures, et génère volontiers des formes asymptomatiques ou paucisymptomatiques qui ne poussent pas les gens à se (faire) tester.

    D’où le maintenant célèbre : « Oui, j’ai un rhume, et non, ce n’est pas le COVID tkt. »
    Le constat est donc sans appel : exception faite du R0, tout sépare les deux SARS-CoV. L’un est clairement (et définitivement) plus insaisissable que l’autre.
    3⃣ Le temps de génération

    Oublions provisoirement SARS-CoV-1, et passons à la rougeole.
    Il est arrivé que les réfractaires aux mesures de santé publique se servent de son R0 pour démontrer (dans leurs rêves) qu’il n’y avait pas besoin de confiner à cause du COVID.
    « Nous étions obligés de confiner.
    – Mensonge ! Faux d’État ! Perroquet ! La rougeole est bien plus transmissible et pourtant on n’a pas confiné à cause d’elle ! »

    Si l’on s’en tient aux chiffres du R0, oui, il y a une part de vrai : la rougeole est bien plus contagieuse.
    R0 de la rougeole : bien supérieur à 10 (pour donner une fourchette très large, les estimations oscillent entre 12 et 20).

    R0 de SARS-CoV-2 : inférieur à 10 quel que soit le variant (au 23/01/2022).
    Pourtant, si on veut comparer la vitesse de propagation de ces deux virus, et donc la violence des épidémies induites, il faut tenir compte d’un autre paramètre : le temps de génération.
    Le temps de génération correspond au nombre de jours (en moyenne) entre le moment où une personne est infectée et le moment où elle infecte à son tour.

    Pour le variant Delta, ce temps de génération est de 5 jours.
    Pour la rougeole, on est plutôt, environ, sur 15 jours.
    Pour illustrer l’effet du temps de génération sur la violence d’une épidémie, je vais donc calculer le nombre d’infections causées en un mois par l’un et l’autre virus à partir d’un seul cas index.
    J’ai dit que pour Delta, le temps de génération était de 5 jours.

    Son R0, lui, se situe entre 6 et 8, mais je vais prendre la plus basse valeur : 6.
    Commençons.
    Une personne vient d’attraper le variant Delta.
    Cinq jours plus tard, elle a transmis le virus à 6 personnes.
    Ces 6 personnes vont en contaminer à leur tour 6 autres au terme d’un nouveau délai de cinq jours.
    Et ainsi de suite.
    Au bout de 30 jours, cela fait donc 46 656 contaminations (6 x 6 x 6 x 6 x 6 x 6) à partir du seul cas index (ou patient zéro).
    Reproduisons ce calcul avec la rougeole, en choisissant arbitrairement un R0 de 20 (la plus haute valeur estimée).

    Son temps de génération est de... 15 jours.
    Quinze jours plus tard, le cas index aura transmis le virus à 20 personnes, lesquelles en auront infecté 20 autres au terme d’un nouveau délai de 15 jours.

    Au bout de 30 jours, on obtient donc... 400 cas (20 x 20) à partir du patient zéro.
    Comme on peut le voir, et nonobstant son R0 (très) inférieur, c’est bien le COVID-19 qui pulvérise la rougeole sur la vitesse de propagation.

    D’où ce besoin de freiner la circulation du virus pour ne pas saturer les hôpitaux.
    Celui ou celle qui vous dit : « Oui mais la rougeole est plus contagieuse et on n’a pas confiné à cause d’elle, même sans vaccin », soit ignore ce qu’est un temps de génération et devrait donc s’abstenir de pérorer, soit cherche à vous manipuler en toute connaissance de cause.
    4⃣ Le kappa

    Le R0 (tout comme le R-eff) n’est qu’une moyenne !
    Et comme toute moyenne, il ne rend pas compte des disparités qui existent (ou pas) d’une personne à l’autre.
    Pour se faire une idée plus exacte du mode de propagation d’un virus, il faut vérifier si la plupart des gens sont resserrées autour de la moyenne ou pas.

    Dans ce but, on fait intervenir un nouveau paramètre : le Kappa (ou paramètre k) du virus.
    Le paramètre k, c’est le facteur de dispersion. Il vous informe si la transmission d’un virus est homogène d’un infecteur à l’autre (dans ce cas, tout le monde infecte à peu près le nombre de personnes indiqué par le R0), ou, au contraire, hétérogène (on trouvera alors un certain
    nombre de personnes qui contaminent beaucoup plus que la moyenne, alors que d’autres seront beaucoup moins contaminatrices).

    Estimer le k d’un virus n’est pas aisé, mais il faut savoir que plus on obtient un résultat proche de 0, plus la transmission d’un virus est hétérogène.
    A l’inverse, plus on approche de 1, plus la diffusion du virus est homogène.
    Voyez ce tableau.

    Si k = 0.1, alors 10% des cas actuels seront à l’origine de 80% des nouvelles infections.

    Corollaire : les 90% qui restent ne seront responsables que de 20% des nouvelles infections ! Image
    Tout ça n’est pas sans rappeler la loi de Pareto : 20% des causes à l’origine de 80% des conséquences. ^^
    Mais prenons un exemple concret : la grippe espagnole de 1918.
    Son k est estimé à 0.94, soit très proche de 1.
    La progression du virus est donc relativement homogène. La plupart des cas ne vont infecter ni beaucoup plus, ni beaucoup moins que la moyenne.

    academic.oup.com/aje/article/17…
    SARS-CoV-1, lui, affichait un k de 0.16.

    Là, ça signifie qu’un petit nombre de cas infecte beaucoup plus que la moyenne, et sera responsable de la plupart des contaminations.

    Superspreading and the effect of individual variation on disease emergence - Nature
    From Typhoid Mary to SARS, it has long been known that some people spread disease more than others. But for diseases transmitted via casual contact, contagiousness arises from a plethora of social and…
    https://www.nature.com/articles/nature04153
    Pendant ce temps, les autres - qui constituent l’écrasante majorité des cas - vont beaucoup moins transmettre ce virus que la moyenne, voire pas du tout.

    Il y a un réel déséquilibre. Une dispersion.
    Les personnes qui transmettent beaucoup plus que la moyenne sont appelées « superspreaders », ou, en français, super-contaminateurs (super-propagateurs).

    Ce qualificatif a été propulsé sur le devant de la scène par l’épidémie de SRAS en 2002-2003. Image
    Néanmoins, les superspreaders ne sont pas la chasse gardée du SRAS.

    Le virus Ebola, pour ne citer que lui, en produit également des redoutables : au cours de l’épidémie de 2014-2015 en Afrique de l’Ouest, 3% des cas ont généré 61% des contaminations !

    Spatial and temporal dynamics of superspreading events in the 2014–2015 West Africa Ebola epidemic
    For many infections, some infected individuals transmit to disproportionately more susceptibles than others, a phenomenon referred to as “superspreading.” Understanding superspreading can facilitate d…
    https://www.pnas.org/content/114/9/2337
    Quid de SARS-CoV-2 ?

    Au début, on pouvait tabler sur une diffusion homogène de ce virus étant donné qu’il se réplique largement dans les voies respiratoires supérieures et se transmet abondamment en phase pré-symptomatique
    (NDLB : j’ai dit que le pic de contagiosité commençait avec SARS-CoV-2 avant le début des symptômes, mais ça ne semble plus vrai avec Omicron).
    Pourtant, les premières estimations du k de SARS-CoV-2 ont fait état de valeurs oscillant souvent entre 0.1 et 0.5, suggérant, là aussi, plutôt une diffusion hétérogène.
    Et désormais, on affirme que 10 à 20% des cas seraient responsables de 80% des nouvelles infections (ce qui situerait le k entre 0.1 et 0.3), tandis que 60 à 75% des cas n’infecteraient personne !

    Understanding why superspreading drives the COVID-19 pandemic but not the H1N1 pandemic
    Two epidemiological parameters often characterise the transmissibility of infectious diseases : the basic reproductive number (R0) and the dispersion parameter (k). R0 describes, on average, how many i…
    https://www.thelancet.com/journals/laninf/article/PIIS1473-3099(21)00406-0/fulltext
    Nantis de ces résultats, on comprend mieux pourquoi ce virus a tardé à produire une flambée épidémique (fin février - début mars 2020) alors même qu’il était déjà sur notre territoire en novembre 2020.

    Evidence of early circulation of SARS-CoV-2 in France : findings from the population-based “CONSTANCES” cohort - European Journal of Epidemiology
    Using serum samples routinely collected in 9144 adults from a French general population-based cohort, we identified 353 participants with a positive anti-SARS-CoV-2 IgG test, among whom 13 were sample…
    https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs10654-020-00716-2
    En effet, si, au lieu de tomber très vite sur un superspreader (denrée rare), ce virus ne trouve que des personnes (majoritaires) qui vont peu le transmettre, voire pas du tout, sa progression sera laborieuse ou même empêchée.
    Dans ce dernier cas, on parle d’auto-extinction.
    Cela nous explique aussi pourquoi la progression du virus n’a pas été la même d’une région à l’autre (alors qu’un virus comme celui de la grippe, pourtant moins contagieux, envahit rapidement tout le territoire français chaque année). Tout ça est une affaire de hasard.
    Sur 10 cas positifs, il n’y a qu’un ou deux superspreaders. Quand ce virus a l’heur de tomber très vite sur l’un d’entre eux, l’épidémie prospère, flambe.

    Dans le cas inverse, elle peut très bien s’éteindre. Jusqu’à la prochaine introduction du virus sur le territoire.
    Ainsi, il faut généralement plusieurs introductions à ce virus pour vraiment s’implanter sur un territoire, au moins quatre.
    Les superspreaders nourrissent pratiquement à eux seuls cette épidémie.

    Si on pouvait mettre la main sur eux avant qu’ils ne contaminent, on résoudrait la plus grande partie du problème, en tout cas à l’échelle de la société. De la santé publique.
    Les superspreaders. Qui sont-ils ? Quels sont leurs réseaux ? Comment les repérer ? Ma classe doit en abriter un ou deux si je m’en tiens aux statistiques. Mais alors, de qui s’agit-il ? Image
    Mon Adrien ? Impossible, il est tellement parfait ! 😍 ImageImageImageImage
    Quant à cette peste de Chloé, je suis sûre qu’elle contaminerait la moitié de la ville. ImageImageImageImage
    Tikki : « Il ne faut pas raisonner comme ça, Marinette ! Ce n’est pas du fond de l’âme que dépend la contagiosité intrinsèque ! » Image
    – Tu as raison Tikki, je vais trop vite en besogne quand il s’agit de Chloé.
    – Et si le superspreader c’était toi, Marinette ?
    – Je m’enfermerais à triple tour, hahaha.
    Blague à part, il n’existe pas, à ce jour, de solution miracle pour identifier les superspreaders à l’avance : ce n’est pas écrit sur leur front !

    Nous savons juste que pour infecter un grand nombre de personnes, au moins deux facteurs entrent en ligne de compte.
    1⃣ La composante biologique

    On me reprochera d’enfoncer une porte ouverte, mais la condition sine qua non pour être un super-infecteur, c’est un haut niveau d’excrétion virale.
    Comment repérer ces forts excréteurs ?
    La tentation est grande d’utiliser le test PCR comme un test de contagiosité... Alors, voyons un peu comment marche un test PCR.

    Ce test, comme chacun sait, ne permet pas la détection du virus lui-même, mais celle de son matériel génétique. L’ARN.
    Or, si on dispose de méthodes sensibles pour détecter l’ADN à haut débit chez de nombreux patients, cela n’existe pas pour l’ARN.
    Une première étape sera donc de rétrotranscrire l’ARN en ADN à l’aide d’une enzyme appelée transcriptase inverse (c’est-à-dire une ADN polymérase ARN dépendante qui va donc synthétiser un brin d’ADN complémentaire à partir d’un ARN matrice, ou si vous préférez, modèle)
    de sorte qu’au final, on ne recherchera pas vraiment l’ARN du virus, mais l’ADN issu de sa copie.

    microbiologie-clinique.com/RT-PCR-SARS-Co… Image
    À ce stade, nous n’avons qu’un seul brin d’ADN.
    On va donc synthétiser, à partir de ce brin, le brin complémentaire en s’appuyant cette fois-ci sur le travail d’une ADN polymérase ADN dépendante.
    Ensuite, on va faire en sorte de multiplier (amplifier) cet ADN recherché jusqu’à ce qu’il se trouve en quantité détectable (encore une fois, s’il était bien présent dans l’échantillon).
    Pour amplifier l’ADN recherché, on introduit, dans le tube de la PCR, une très grande quantité de petits ADN de synthèse qui sont des copies d’une région de l’ADN (issu de la copie de l’ARN) viral : on les appelle les amorces (j’aurais dû en parler plus tôt !)
    Se trouvera aussi dans le tube de la PCR une enzyme, la Taq polymérase.

    Extraite de Thermus aquaticus, une bactérie découverte dans des sources chaudes, cette Taq polymérase peut tolérer de très hautes températures
    et va assurer la fonction d’ADN polymérase dépendante de l’ADN (c’est-à-dire qu’elle va utiliser un ADN simple brin déjà existant comme matrice pour synthétiser le brin d’ADN complémentaire).
    Si ce n’est pas encore très clair, ne vous inquiétez pas, vous allez finir par comprendre.
    Une fois qu’on a réuni tous les "ingrédients", on chauffe l’échantillon à 95-100 °C.

    Cette chaleur va provoquer la séparation des deux brins de l’ADN viral recherché (dit l’ADN d’intérêt).

    Crédit : Université de Strasbourg. Image
    Peu après, on fait redescendre la température jusqu’à retrouver des conditions qui permettent aux brins d’ADN de se réapparier.

    Mais cette fois, les amorces vont intervenir...
    J’ai dit que les amorces étaient des copies d’une région de l’ADN (issu de la copie de l’ARN, mais je ne vais pas l’écrire à chaque fois) viral.

    Elles sont donc complémentaires de l’un ou l’autre brin du grand ADN viral qu’on recherche.
    Du coup, au lieu de laisser les deux brins du grand ADN se réapparier entre eux, les amorces vont se jumeler avec le brin qui leur correspond, en respectant les complémentarités entre bases azotées. Image
    Comment font les amorces pour se fixer à un brin A avant qu’il ne se réassocie au brin B ?

    Comme souligné plus haut, c’est la force du nombre. Les amorces se trouvent en excès dans le tube de la PCR, ce qui leur permet de gagner la compétition face aux brins d’ADN concurrents.
    Une fois les amorces appariées aux longs brins d’ADN, la Taq polymérase entre en jeu pour allonger nos amorces en prenant comme modèle la séquence du long ADN complémentaire.

    A-T, G-C. Image
    Voilà, on vient de doubler le nombre de copies de l’ADN d’intérêt.
    C’est la fin du premier cycle.
    Il ne nous reste plus qu’à recommencer.

    On chauffe à nouveau, les brins d’ADN se séparent, et, comme les amorces sont toujours majoritaires dans le tube, elle vont encore gagner la compétition, se fixer au longs brins d’ADN, et la Taq polymérase va allonger tout ça.
    Et ainsi de suite.

    Théoriquement, à chaque cycle, la quantité d’ADN bicaténaire (double brin) va doubler.

    Je dis théoriquement, parce que dans les faits, la quantité d’ADN n’est pas doublée de cycle en cycle.
    D’abord, parce que la Taq polymérase est moins fonctionnelle à force de se faire chauffer et refroidir, ensuite parce que le stock d’amorces n’est pas inépuisable : au fil des cycles, elles vont se raréfier tandis que la quantité d’ADN bicaténaires ne fera qu’augmenter.
    Résultat : nos amorces vont de moins en moins devancer les ADN bicaténaires, et l’amplification va donc ralentir, puis cesser.

    Cependant, au bout d’un certain nombre de cycles, si l’échantillon était positif, l’ADN viral finira par se trouver en quantité détectable.
    On appelle ce nombre de cycles la valeur Ct.

    Plus la quantité d’ADN dans l’échantillon est grande, moins il faut effectuer de cycles pour que le signal soit détectable. À l’inverse, plus grand est le nombre de cycles nécessaires, moins il y avait d’ADN viral dans l’échantillon.
    Peut-on alors déduire de la valeur Ct la présence ou l’absence d’un superspreader selon qu’elle soit petite ou élevée ?

    Eh bien, pas exactement.
    Déjà, les valeurs Ct dépendent du stade de l’infection.

    Si on ne se fait pas tester au moment du pic de contagiosité, mais, par exemple, plus tard, il se peut qu’on obtienne une valeur Ct (élevée) faussement rassurante.
    Parfois, le test PCR va détecter des personnes qui ont été massivement contagieuses, et qui ne le sont plus beaucoup au moment du test !
    Ensuite, il faut bien se rappeler qu’on ne contrôle pas, hélas, la quantité de l’échantillon recueilli d’une personne à l’autre.

    Si on prélève plus ou moins de matériel biologique, ça va fausser la valeur Ct.
    Insaisissables superspreaders ! Image
    2⃣ La composante sociale

    Le fort excréteur qui reste à la maison devant l’ancêtre d’internet, il va contaminer dégun, comme on dit à Marseille.
    La deuxième condition pour infecter beaucoup de gens, c’est donc d’en rencontrer un maximum.

    Ou, plutôt, qu’un maximum de personnes se trouvent à portée de vos aérosols.
    Cela est possible dans des lieux clos (qui permettent la rétention des aérosols), mal aérés et très fréquentés.

    Cependant, un certain nombre de ces lieux sont encore plus à risque que d’autres. Voyons lesquels.
    On va définir trois types de contacts entre individus.

    1) Proches (entre personnes d’un même foyer)
    2) Réguliers (qui ont lieu dans une entreprise ou à l’école)
    3) Aléatoires (ex : deux inconnus qui passent une soirée au même endroit puis retournent à leurs vies respectives)
    Eh bien ! D’après cette étude de modélisation, les rencontres aléatoires sont les plus dangereuses, les plus promptes à faire décoller l’épidémie.

    (Ce n’est pas le rassemblement religieux de Mulhouse en février 2020 qui va contredire cette estimation.)

    Overdispersion in COVID-19 increases the effectiveness of limiting nonrepetitive contacts for transmission control
    Evidence indicates that superspreading plays a dominant role in COVID-19 transmission, so that a small fraction of infected people causes a large proportion of new COVID-19 cases. We developed an agen…
    https://www.pnas.org/content/118/14/e2016623118
    Récapitulons.

    Le lieu idéal pour un évènement de superspreading remplit les critères suivants :

    1) Il est mal ou pas aéré.
    2) Les gens s’y entassent.
    3) Y demeurent un certain temps.
    4) Y font des rencontres aléatoires.
    Vous pensez au métro ? Moi aussi.

    Mais l’on peut gravir encore des degrés sur l’échelle du risque, en songeant à des lieux qui répondent non seulement aux critères suscités, mais où, en plus de ça, on retire son masque.

    Oui, je parle des restaurants et des bars.
    D’autant mieux que les bars diffusent des rencontres sportives allant de pair avec les cris et les chants.

    Or, nous savons bien que crier ou chanter multiplie l’éxcrétion de micro-gouttelettes aérosolisées qui peuvent contenir du virus.

    Mais j’y pense, Tikki : si un jour l’irascible Chloé venait à s’infecter, elle exploiterait le maximum de sa contagiosité intrinsèque : elle parle fort, s’agite en permanence, et lorsqu’elle se met à crier, on l’entend jusque sur la planète Namek !
    C’est une plaie ambulante... Image
    – ... Ce n’est pas faux, je te l’accorde.
    – Un point pour moi ! ImageImage
    Mais crier ou chanter ne sont pas les seules actions qui produisent beaucoup d’aérosols.

    Le simple fait de se dépenser physiquement nous amène à respirer plus vite, et du coup, à émettre une plus grande quantité d’aérosols.
    Quels sont les lieux fermés où on crie, chante et danse avec des contacts aléatoires ? Les discothèques.

    Vous comprenez bien que si on y tombe le masque, les conséquences peuvent être catastrophiques.
    Enfin, je voudrais citer les salles de sport, où les gens n’ont pas l’habitude de se ménager, et cela, sans masque.

    On me rétorquera que les salles de sports sont un peu une zone grise entre un lieu de rencontres aléatoires et un lieu de rencontres régulières. En effet,
    on s’abonne à une salle de sport, et quand on est motivé, on y va plusieurs fois par semaine, et plutôt à heure fixe pour les personnes actives.

    Néanmoins, on y produit des efforts sans masque...
    Bref ! Voilà en gros les lieux susceptibles de faire exploser cette épidémie.

    D’ailleurs, il serait finalement plus juste de parler de clusterémie.

    Et point de salut contre une clusterémie en utilisant les mêmes armes que contre une épidémie de grippe !
    Si la plus grande partie du problème vient des 10 ou 20% de superspreaders, et notamment des lieux clos où ils sévissent, il est impératif - comme je l’ai suggéré plus haut - de concentrer nos efforts de surveillance sur eux.
    Arrêtons de voir ce virus comme s’il se propageait de façon homogène quels que soient les personnes et les lieux impliqués.

    Il est grand temps que nos décideurs changent de logiciel ! Image
    Mettre fin aux évènements de superspreading, c’est couper les jambes de cette clusterémie.

    Comment s’y prendre ?
    On sait que dans la plupart de ces endroits clos, l’aération est au mieux insuffisante, au pire, impossible.
    Il faudrait donc s’attacher au traitement de l’air dans tous les lieux à risque, en installant des purificateurs (NDLB : le collège Françoise Dupont, toujours à l’avant-garde, en est déjà équipé).

    Cela nous profiterait bien au-delà de cette pandémie, du reste.
    Malheureusement, comme ce n’est pas pour demain, il se produira toujours des contaminations.
    Il faut donc s’y prendre autrement.

    C’est là qu’intervient la méthode japonaise, fondée sur ce que l’on appelle le traçage rétrospectif.
    Traçage rétrospectif ? Kézako ?
    On va reprendre depuis le début.
    Il existe deux manières de tracer des contacts.

    La première, c’est le traçage dit prospectif. Il consiste à rechercher les cas contacts d’un patient positif pour les tester et, si besoin, les isoler.
    Ici, pas de distinction : tous les cas positifs sont présumés contaminants.
    Or, on a vu que 70% des cas n’infectaient personne, et que le plus gros de la clusterémie était drivée par 10 à 20% des cas.
    Riche de cette information, le Japon a privilégié le traçage dit rétrospectif, qui vise non pas à chercher les contacts d’un nouveau cas positif, mais à identifier la personne qui l’a contaminé.
    Autrement dit, au lieu de se concentrer sur ce nouveau cas, qui a peu de chances d’être un superspreader, on focalise ses efforts sur le contaminateur avéré (en effet, le risque d’avoir affaire à un superspreader est bien plus élevé le concernant).
    Une fois qu’on a réussi à mettre la main sur un suspect, si ce dernier est bel et bien positif, on cherche alors à identifier ses contacts afin de les convoquer, les tester puis les isoler si positifs.
    En agissant très vite (c’est d’autant plus nécessaire si nous sommes confrontés à des variants au temps de génération très court), en agissant très vite, disais-je, on peut alors éteindre un cluster avant qu’il n’essaime.

    Alors oui, il faut se montrer réactifs...
    Attention : rien n’empêche d’appliquer les traçages prospectifs et rétrospectives ensemble.

    Dans l’idéal, il faudrait pouvoir combiner les deux, car le traçage prospectif permet d’éviter un certain nombre de transmissions malgré tout (d’autant mieux que je pars du principe
    qu’aucune infection n’est anodine jusqu’à preuve du contraire, n’en déplaise au covidiot Pujadas).

    Mais quand ça n’est pas possible, la priorité revient (en tout cas, ça le devrait) au traçage rétrospectif.
    Problème : plus l’incidence est élevée, plus le traçage devient difficile.

    Et au-delà de... 50, c’est Mission impossible.

    En effet, comment retrouver qui vous a infecté si vous avez rencontré 120 cas positifs en trois jours dans plein de lieux différents ? Bon courage !
    Au point où nous en sommes actuellement, il n’y a donc pas 36 solutions :

    1⃣ Soit on regarde la maison brûler sans rien faire en attendant que ça passe
    2⃣ Soit on rétablit de lourdes restrictions qui peuvent aller de la fermeture des lieux de superspreading jusqu’au confinement
    Nous avons opté pour le premier choix et ce n’est donc pas demain qu’on reprendra le contrôle de la clusterémie, sous réserve que la volonté soit toujours bien présente.

    Attendons que ça baisse tout seul...
    Mais d’ici là, je conseillerais bien à tous ceux qui veulent encore faire preuve de civisime à leur petite échelle d’utiliser les tests rapides avant de rejoindre un lieu potentiel de superspreading.
    Malgré leur défaut de sensibilité (comparés à la PCR), ils pourront débusquer une partie des plus contagieux et donc motiver l’auto-isolement (avant confirmation ultérieure de la positivité par PCR).
    Malheureusement, les faux négatifs n’étant pas rares, ils peuvent aussi entraîner des comportements bien plus à risque que si vous n’aviez pas fait de test du tout...
    Encore une fois, aucune mesure n’est parfaite, il n’y a que des solutions imparfaites dont seule la combinaison peut dresser une barrière solide devant ce virus.

    Pensez Emmental.

  • Les chemins de désir | ARTE Radio (j’écoute enfin cette autofiction radio de Claire Richard, c’est chouette, merci @osezkarl de m’avoir rappelé son existence) https://www.arteradio.com/serie/les_chemins_de_desir

    Dans ce podcast de fiction, une femme explore les chemins du désir féminin, ses contre-allées déroutantes, ses ruelles cachées, ses zones de liberté. Comment l’imaginaire érotique se construit parfois loin de la vie amoureuse réelle. Dans une langue superbe, à la fois moderne et réfléchie, l’auteure retrace une vie de fantasmes et de plaisirs solitaires : de la découverte d’une BD de charme dans le grenier de sa grand-mère aux vidéos X disponibles aujourd’hui. A chaque épisode correspond une avancée technologique : le film de Canal+, l’Internet, le hentai... Cette histoire singulière est aussi celle d’une génération, et ces chemins dévoilés peuvent être empruntés par tous. Une production ARTE Radio. « Les chemins de désir » est publié aux éditions du Seuil.

  • The Klept: (07 Jan 2022 – Pluralistic, Cory Doctorow)
    https://pluralistic.net/2022/01/07/the-klept

    When I emigrated from the UK to the US in 2016, I explained my reasons in a post called “Why I’m Leaving London.” The basic reason? The increasing obviousness of a city that existed primarily to launder vast, corrupt fortunes, and only incidentally be a place where Londoners could live and thrive.

    Since then, the UK – and especially the City of London, home of the nation’s finances – has doubled down on its role as enabler and concierges to the world’s filthiest money, and the psychopaths who come with it. (...)

    Not all corrupt money comes from the former Soviet republics of Eurasia, but these countries – and Russia – embody a special kind of corruption: kleptocracy ("a political economy dominated by a small number of people/entities with close links to the state").

    This form of corruption is closely related to the chumocracy that dominates British politics, and especially the ruling Conservative party. Thus it should come as no surprise that the UK, with its Thatcher- and Blair-era emphasis on finance, and its political compatibility with kleptocracy, is a linchpin in global kleptocratic money-laundering and corruption. (...)

    The Made-in-Britain enablers of the klept will tell you that the fortunes they facilitate are not criminal fortunes, and the Home Office will tell you that its focus is on Eurasian criminal gangs. But as the Pandora Papers – and other vast finance leaks – show us, the criminal wealth of the former Soviet Union is minute when compared to the oligarchs’ fortunes.

    The klept isn’t criminal, because the klept writes the laws.

    This is how the Jackpot starts.

  • D’un chaman à l’autre : théories du complot et impasses du debunking - AOC media - Analyse Opinion Critique
    https://aoc.media/analyse/2021/12/29/dun-chaman-a-lautre-theories-du-complot-et-impasses-du-debunking-2/?loggedin=true

    D’un chaman à l’autre : théories du complot et impasses du debunking
    Par Nicolas Guilhot
    Historien
    Si Internet et les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans la diffusion des théories du complot cela ne signifie pas pour autant que celles-ci se réduisent à une question d’information, ni que nous ayons affaire à un phénomène nouveau : ce qui frappe, à y regarder de plus près, c’est, au contraire, l’impression de déjà vu. Rediffusion du 9 novembre 2021

    Comme pour le jour de la photo de classe, la marche du 6 janvier sur le Capitole à Washington consistait à porter sa plus belle tenue. Si le tout-venant s’était contenté de l’uniforme de rigueur – de robustes vêtements de travail et une casquette MAGA (pour Make America Great Again) –, les plus exubérants avaient opté pour des costumes de super-héros, des toges romaines, des peaux d’animaux ou des tenues mimétiques. Les apparences étaient d’autant plus importantes qu’il n’y avait pas grand-chose d’autre en jeu.

    En l’absence d’un programme politique défini et d’une réelle organisation, la pose a pris inévitablement le pas sur la politique : il s’agissait avant tout de faire acte de présence et de se faire remarquer. Seule la violence a sauvé cette fanfaronnade du ridicule. Décidée à reprendre le pays par la force, une foule un peu déphasée est sortie de l’épreuve de force avec un pupitre et quelques souvenirs de procédure parlementaire. Les véritables trophées de la journée furent les selfies.
    La vedette du jour ? Un homme, torse nu, coiffe en fourrure de coyote et cornes de bison, le visage peint aux couleurs du drapeau américain, la poitrine ornée de tatouages néo-païens. Véritable aimant pour les objectifs des caméras et des appareils photo, il est partout dans la couverture médiatique de l’événement : on le voit gonfler ses biceps sur l’estrade de la Chambre du Sénat, brandir une lance, déambuler dans les couloirs vides du pouvoir, inspecter un bureau encore jonché du fouillis d’une évacuation précipitée, s’adresser à des policiers interloqués.
    Devenu instantanément viral, l’homme a inspiré toute une série de comparaisons, du chanteur pop britannique Jamiroquai à Chewbacca de la Guerre des étoiles. Quelques jours à peine après l’émeute, il était possible d’acheter son effigie auprès d’un fabricant argentin de poupées de collection. Et il a fait des émules : en avril dernier, lors d’une manifestation contre la fermeture des restaurants à Rome, un ancien vendeur de lampes à bronzer, propriétaire d’une pizzeria à Modène, a pris part à l’émeute en arborant cornes et fourrure, le visage barbouillé du tricolore.
    Figure emblématique du 7 janvier, l’homme est connu sous le nom de « Q Shaman », en référence à la mouvance QAnon, dont les adeptes sont convaincus que le monde est gouverné par une cabale de pédophiles. Pour l’état civil, il s’agit de Jacob Chansley, un supporteur de Trump âgé de 33 ans et originaire de Phoenix, Arizona. Avant même de devenir le visage public de l’émeute du 6 janvier, les frasques politiques et le sens vestimentaire de Chansley lui avaient déjà valu l’attention de la presse locale. En 2019 et 2020, il assistait régulièrement aux rassemblements organisés par Trump et on pouvait, de temps à autre, le trouver faisant les cent pas devant le Capitole de l’Arizona et dispensant bruyamment la bonne parole de QAnon au rythme d’un tambourin chamanique.
    À la suite du 6 janvier et de l’arrestation de notre homme, des détails biographiques sont venus définir les contours d’une vie par ailleurs banale : une expulsion pour loyers impayés, suite à laquelle Chansley était retourné vivre avec sa mère ; quelques années d’université pendant lesquelles il avait étudié la religion, la psychologie et la céramique ; un passage dans la marine en tant qu’apprenti commis à l’approvisionnement sur un porte-avions ; des velléités rapidement déçues de faire une carrière d’acteur ; et deux ouvrages publiés à compte d’auteur, un essai et un roman, disponibles à la demande sur Amazon.
    Écrit sous le nom de plume de Jacob Angeli, One Mind At A Time (Un esprit à la fois) livre au lecteur les nombreuses opinions de Chansley sur le monde dans un flux ininterrompu et informel qui évoque l’équivalent stylistique de l’incontinence. L’ouvrage contient quelques autres éléments d’informations biographiques. On y apprend qu’adolescent, il se considérait un fervent partisan de George W. Bush, qu’il était indifférent aux questions environnementales, favorable à l’invasion de l’Irak et convaincu que les États-Unis étaient en droit d’exporter la liberté à coups de missiles de croisière – cela jusqu’à ce qu’il cesse de croire les médias grand public et voie la lumière, notamment grâce à « plusieurs expériences de dissolution des frontières […] à base de plantes psychédéliques ». Depuis lors, Chansley se considère comme un guérisseur et un praticien du chamanisme.
    L’attachement que Chansley voue à QAnon et sa participation à l’émeute du 6 janvier ont façonné notre manière d’interpréter politiquement ses gestes et sa personne. Certains commentateurs ont noté que ses tatouages sont des symboles de la mythologie nordique récupérés de longue date par les groupes suprématistes blancs. Et si cela peut sembler incompatible avec un attirail chamanique et une tenue qui évoque davantage une session de Fortnite qu’un penchant pour le look Waffen-SS, il est vrai qu’à ses débuts, le Ku Klux Klan aussi ressemblait à un carnaval qui aurait mal tourné, une sorte de pride macabre avec cosplay et kazoos, avant d’opter pour la sobriété de ce que James Thurber a appelé « la literie d’apparat ».
    L’extrême-droite contemporaine absorbe les répertoires contestataires progressistes et les schémas de la contre-culture pour les canaliser dans une direction réactionnaire.
    Même s’il est tentant de faire de Chansley un fasciste parmi d’autres, la reductio ad Hitlerum atteint rapidement ses limites heuristiques. Il ne fait aucun doute que les diatribes de Chansley recoupent pleinement les vues conspirationnistes de l’extrême-droite : « Q consiste à reprendre le pays aux mondialistes et aux communistes […] qui ont infiltré les médias […], le divertissement[…], la politique », a-t-il par exemple déclaré dans un entretien. Pourtant, à ne prêter attention qu’à ce qui renvoie aux fascismes du passé, on risque de passer à côté de ce qui est nouveau et singulier – et plus immédiatement pertinent.
    Dans son reportage sur les événements du 6 janvier pour le New Yorker, Luke Mogelson a observé que de nombreux participants aux précédentes manifestations contre le confinement « se percevaient comme des gardiens de la tradition du mouvement des droits civiques », et que certains d’entre eux allaient jusqu’à se comparer à Rosa Parks.
    Les adeptes de QAnon comptent dans leurs rangs d’anciens centristes et autres liberals désenchantés : certains ont voté pour Obama, d’autres viennent de familles pro-Hillary ou pro-Bernie. Ce n’est vraisemblablement pas le cas de Chansley, même si certaines de ses convictions pourraient fort bien figurer dans un pedigree progressiste.
    Dans One Mind At A Time, il décrit le monde qui émergera une fois vaincu le « fascisme d’entreprise militarisé » de l’État profond : les prisons seront « progressivement éliminées » et la peine de mort abolie ; les frontières disparaîtront et tout le monde pourra se déplacer librement ; il y aura « beaucoup d’argent pour que les enseignants soient mieux payés, pour que les soins de santé soient couverts pour tous les citoyens, pour que les sans-abri aient un toit et qu’aucun humain ou animal ne souffre de la faim ou de maltraitance ». Sans oublier le chanvre qui remplacera le bois et les colonies d’abeilles de l’Amazonie qui échapperont finalement aux méfaits de la déforestation.
    Il est facile de ne voir dans ces propos que les élucubrations d’un esprit confus – ce qui est le cas. Mais ce bric-à-brac idéologique incohérent – composé de diatribes enragées contre le mondialisme, d’idées qui ne dépareraient pas dans les manifestes Black Lives Matter (« defund the police »), voire dans le matériel de campagne d’un Bernie Sanders – reflète la capacité de l’extrême-droite contemporaine à absorber des répertoires contestataires progressistes et des schémas de la contre-culture pour les canaliser dans une direction réactionnaire.
    Si l’on doit parler de fascisme, c’est moins dans le sens d’une menace extérieure qui pèserait sur les institutions de la démocratie libérale, comme le suggèrent les images du 6 janvier, que dans celui d’un délitement interne de celles-ci. Il ne s’agit pas d’une idéologie codifiée dans le passé, mais d’un mouvement qui préempte et désamorce la nécessité du changement social en faveur du statu quo, un mouvement composé de magnats de l’industrie et d’ouvriers au chômage, de patrons de casinos et de concierges, de marchands de sommeil et de locataires expulsés, un mouvement qui a trouvé dans un escroc de l’immobilier le meilleur porte-drapeau possible.
    Ce qui importe n’est pas tant de savoir si des échos des brasseries des années 1930 résonnent dans les déclarations de Chansley, mais de comprendre pourquoi un éco-guerrier New Age de l’Arizona qui appelle de ses vœux une sécurité sociale à couverture universelle participe à une parodie de putsch aux côtés de néo-nazis et de soccer moms, pour finalement devenir le visage du fascisme gonzo du XXIe siècle. Une partie de la réponse, semble-t-il, est liée aux théories du complot.
    QAnon s’est construit à partir d’une rumeur plus ancienne, connue sous le nom de « Pizzagate », selon laquelle Hillary Clinton était à la tête d’un réseau pédophile opérant depuis le sous-sol de Comet Ping Pong, une célèbre pizzeria de Washington D.C. Même après qu’un adepte lourdement armé eut pris d’assaut les lieux pour ne rien trouver d’autre qu’une arrière-cuisine dans laquelle le personnel de l’établissement s’affairait à pétrir de la pâte à pizza, la rumeur ne s’est pas éteinte. Elle continua à se répandre sous la forme de prophéties cryptiques postées en ligne par un mystérieux contributeur qui signait ses missives de la lettre « Q », en référence à un niveau d’habilitation sécurité-défense du ministère de l’Énergie des États-Unis.
    Pour la communauté en ligne des fidèles, ces « Q drops » suggéraient que Trump était en train de mener une guerre secrète contre le réseau pédophile mondial niché au cœur de l’État profond. Le combat final aurait lieu au grand jour, bien que sous un éclairage crépusculaire, lorsque Trump ordonnerait à diverses branches des forces de sécurité de rafler les membres de la cabale – un événement baptisé « The Storm » (« La Tempête ») dans le folklore QAnon.
    Dans son célèbre essai sur la pensée complotiste, Le Style paranoïaque : théories du complot et droite radicale en Amérique (1964), Richard Hofstadter suggérait que ce qui caractérise l’esprit paranoïaque n’est pas seulement la croyance dans telle ou telle théorie du complot, mais le fait de considérer l’histoire elle-même comme une vaste conspiration. Pour Chansley, QAnon n’est pas seulement une théorie concernant l’establishment politique de Washington mais le canevas même de l’histoire américaine, dans la trame duquel chaque pièce du puzzle trouve sa place, des ovnis et de l’assassinat de John F. Kennedy aux récentes fusillades dans les écoles.
    Il est difficile de résumer les élucubrations de Chansley, à côté desquelles les divers épisodes d’Indiana Jones font l’effet d’un documentaire soporifique sur Arte. En résumé, la conviction que l’élite mondiale s’adonne au trafic d’êtres humains et au viol d’enfants n’est que la couche externe d’un complot bien plus vaste, complot dont les membres sont cooptés précisément du fait de leur dépravation, laquelle permet à l’État profond de s’assurer de leur docilité par la biais du chantage.
    Mais, dans ce cas, qu’est-ce que l’État profond, se demandera-t-on ? Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, explique Chansley, les États-Unis ont secrètement absorbé le réseau de renseignements nazi et, partant, les technologies de pointe allemandes, qui n’étaient pas toutes d’origine humaine : dans leur quête de suprématie, les nazis étaient entrés en possession de savoirs ésotériques, peut-être lors de leurs expéditions secrètes en Antarctique et en Asie, où ils seraient vraisemblablement entrés en contact avec des civilisations extraterrestres (d’où les mystérieux « Foo Fighters » de la fin de la Seconde Guerre Mondiale).
    Transplantés aux États-Unis, accompagnés peut-être de leurs collègues extraterrestres, les scientifiques nazis ont poursuivi leurs expériences médicales sur des sujets humains, ainsi que le développement de technologies extraterrestres secrètes (d’où les événements de Roswell). Cette vaste opération de camouflage se poursuit encore aujourd’hui : le sous-sol de la masse continentale nord-américaine est sillonné par un réseau de cavernes connues sous le nom de « Deep Underground Military Bunkers », ou DUMBs, « reliés par de grands tunnels qui utilise [sic] un train à sustentation magnétique se déplaçant à la vitesse Mach d’une base à l’autre ». Certains de ces bunkers souterrains abritent des installations militaires secrètes ou sont interdits d’accès, d’autres ont été maquillés en infrastructures civiles.
    De courageux chercheurs de vérité ont parfois exposé ces dernières : il est par exemple évident que l’aéroport international de Denver cache un DUMB s’enfonçant dans les entrailles de la terre sur huit niveaux, car comment expliquer autrement la disposition en forme de croix gammée de ses pistes, si ce n’est en guise de clin d’œil à son rôle de plaque tournante pour les fonctionnaires nazis de l’État profond ? Est-ce une coïncidence si l’existence d’un monde souterrain habité par des créatures non humaines soit attestée dans un certain nombre de civilisations anciennes ? Et que se passe-t-il au juste dans les cryptes de cet autre repaire de violeurs qu’est le Vatican ?
    Partout, de Comet Ping Pong à la salle d’embarquement de Denver, des gens sont enlevés pour servir de cobayes dans le cadre d’expériences de transformation génétique, de contrôle mental et de pouvoirs surnaturels, tandis que des enfants sont jetés ici et là en pâture à l’élite pédophile dont le rôle est de tenir l’État profond à l’abri des regards.
    Chansley, lui, a regardé droit dans les ténèbres et n’a pas bronché : « Quand j’ai découvert que 800 000 enfants et 600 000 adultes sont portés disparus chaque année rien qu’aux États-Unis, j’ai eu la Chair de poule [sic] ! » La fluoration des eaux municipales ainsi que le lavage de cerveau idéologique opéré via le système scolaire et les médias grand public garantissent la soumission de la population générale, tandis que des pouvoirs de contrôle mental permettent à l’État profond de commanditer des tueurs programmés et de fomenter des fusillades dans les écoles, et ce dans le but de désarmer les patriotes qui seraient tentés de vouloir libérer la population souterraine d’esclaves sexuels. Et puis, il y a les victimes dont personne ne parle : de mèche avec des sociétés maléfiques comme Monsanto, l’État profond se livre à un « écocide » et massacre non seulement des enfants innocents, mais aussi des millions de nos frères bovins. Où sont nos enfants ? Où sont nos bisons ?
    Les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans la diffusion des théories du complot, mais cela ne signifie pas pour autant que celles-ci se réduisent à une question d’information.
    Il existe de manière assez répandue, chez les universitaires, les responsables des politiques publiques et les chiens de garde de l’information, une tendance à considérer les théories du complot comme des théories, c’est-à-dire des affirmations sur le monde susceptibles d’être vraies ou fausses. Dans la mesure où elles sont typiquement fausses, nous les traitons comme des explications sociologiques erronées, fondées sur des incohérences logiques ou des vices de preuve.
    C’est après tout à un philosophe des sciences que nous devons le concept de « théorie du complot » : lorsque l’expression voit le jour en 1948 sous la plume de Karl Popper, elle désigne l’incapacité à interpréter les événements sociaux comme la résultante d’une myriade de processus interdépendants ; au lieu de cela, ils se trouvent réduits à l’expression d’une volonté unique et omnipotente émanant d’entités collectives invisibles (Popper mentionne pêle-mêle les capitalistes, les impérialistes, les sages de Sion…).
    La « théorie sociologique du complot », écrit Popper, s’apparente à « un type assez primitif de superstition ». Cette vision est restée prédominante depuis lors : dans un article influent publié il y a dix ans, deux juristes de Harvard – Cass Sunstein et Adrian Vermeule – parlent ainsi d’« épistémologies boîteuses ».
    Dès lors que les théories du complot sont considérées comme un problème de nature cognitive, elles deviennent aussi un problème d’ordre purement individuel. Si elles ne nous disent certes rien sur la société, elles nous parlent en revanche des personnes qui y adhèrent. Même lorsque le diagnostic se fait en des termes vaguement sociologiques (faible niveau d’éducation, classes populaires, etc.), les théories du complot deviennent le symptôme d’une déficience de la pensée, d’une incapacité à s’orienter dans l’environnement informationnel.
    En somme, nous avons réduit les théories du complot à de l’information, et ceux qui y croient à de médiocres processeurs d’information. On ne s’étonnera pas si de nombreux observateurs en viennent désormais à considérer les théories du complot contemporaines comme une forme d’analphabétisme propre à l’ère digitale : le « nouveau conspirationnisme », selon eux, ne se rapporterait à aucun événement réel (rien ne se passe à Comet Ping Pong contrairement, par exemple, à l’assassinat de Kennedy) et se réduirait à de l’air chaud généré par les serveurs de Facebook. Pour ces mêmes observateurs, QAnon est un phénomène qui jamais n’aurait été possible « ne serait-ce qu’au début de ce siècle ».
    Il est indéniable qu’Internet et les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans la diffusion des théories du complot, mais cela ne signifie pas pour autant que celles-ci se réduisent à une question d’information, ni que nous ayons affaire à un phénomène nouveau : ce qui frappe, à y regarder de plus près, c’est, au contraire, l’impression de déjà vu.
    Nous avons remplacé les conditions sociales et économiques par des biais cognitifs.
    En mai 1969, une rumeur se répand comme une traînée de poudre dans la ville d’Orléans : des jeunes femmes disparaissent mystérieusement dans les salons d’essayage de six boutiques de la ville. Les victimes sont droguées et enlevées via des tunnels souterrains afin d’être vendues à des réseaux internationaux de prostitution. Le fait que les propriétaires des magasins incriminés soient juifs n’est certainement pas un hasard.
    Au fur et à mesure que la rumeur prend de l’ampleur, le silence des médias locaux devient suspect et finit par se fondre dans la trame de la conspiration : la presse est achetée – fake news ! – et les autorités publiques sont de mèche. Le 31 mai, alors que de nombreux Orléanais font leur marché, des petits groupes se rassemblent devant les magasins incriminés dans une atmosphère volatile. Seule la fin du marché et le début du second tour de l’élection présidentielle désamorcent une situation explosive, dans laquelle il n’aurait pas été impensable que la rumeur pousse quelqu’un à l’action, comme ce fut le cas cinquante plus tard à Comet Ping Pong.
    Ce qui frappe dans l’incident d’Orléans, ce sont les similitudes avec les théories du complot actuelles : l’horreur cachée derrière la devanture d’un commerce populaire, le trafic sexuel mondial, les tunnels secrets, la collusion des médias et de l’élite politique. A une différence près : l’absence d’Internet.
    Au lendemain de la rumeur, le sociologue Edgar Morin s’était rendu à Orléans avec plusieurs de ses collègues afin de comprendre l’origine et la diffusion de la théorie du complot. Publié à chaud, La Rumeur d’Orléans est le récit de cette enquête de terrain. A ma connaissance, aucune analyse du phénomène QAnon n’a fait référence à cet ouvrage, pourtant traduit en anglais dès 1971.
    À le relire aujourd’hui, on est frappé par deux choses : la relative stabilité dans le temps des schémas complotistes, et, à l’inverse, la transformation radicale de notre façon de les analyser. Ne pouvant en attribuer la responsabilité à l’information en ligne, Edgar Morin identifia des facteurs sociaux, économiques et culturels plutôt que des mécanismes cognitifs ou des logiques d’information.
    Il tenta de déchiffrer la panique morale à l’origine des rumeurs antisémites en relation avec l’évolution de la structure démographique de la ville, les nouvelles identités de genre, le rôle des femmes sur le marché du travail, les processus de modernisation économique qui perturbaient le tissu social et les codes moraux de la ville, ainsi qu’un lent processus de déclin qui voyait une ancienne capitale médiévale se transformer en grande banlieue parisienne. Pour le dire brièvement, Morin s’est efforcé de comprendre la situation historique dans laquelle un mythe avait resurgi, et non une erreur d’inférence ou une épistémologie boîteuse.
    Le debunking s’avère être, en définitive, une défense du statu quo.
    Ce qui est remarquable, cinquante ans plus tard, c’est à quel point ce monde réel a disparu de nos réflexions sur les théories du complot. Nous avons remplacé les conditions sociales et économiques par des biais cognitifs, les mythologies politiques et religieuses par des erreurs étiologiques, l’histoire par des préjugés ataviques. Ce n’est pas seulement que nous avons projeté les causes du complotisme dans les profondeurs du cerveau humain : nous partons du principe que ces profondeurs sont plus faciles à sonder que le monde qui nous entoure, et plus faciles, aussi, à réformer.
    Ni les partisans de la démystification (debunking), ni les nouveaux justiciers de l’information ne considèrent la possibilité que la cause profonde des théories du complot puisse se situer en dehors de l’esprit, et nécessiter un réexamen du monde socio-économique qui est le nôtre. Il y a là un quiétisme implicite : ce qui est en cause, ce n’est pas le monde, mais les esprits individuels qui semblent ne pas le voir pour ce qu’il est.
    Il s’agit dès lors d’amener les gens à s’aligner sur une réalité qu’ils ne mesurent pas. Steven Pinker, l’un des paladins de la vérité et de la rationalité, suggère de mettre en œuvre rien moins que des programmes de « débiaisage » qui consisteraient à aider les gens à voir que le monde va bien et que tout se passera au mieux si nous laissons les responsables politiques et économiques continuer à s’en occuper sans leur faire entrave.
    Il s’agit de s’adapter au monde tel qu’il est et de résister à toute tentation de le transformer. Le debunking s’avère être, en définitive, une défense du statu quo – non pas parce que les théories du complot seraient vraies, mais parce que les tenants de la démystification les utilisent pour restreindre un peu plus la place accordée au politique. Par-delà leur opposition, le debunking et les théories du complot sont deux formes d’anti-politique.
    S’il fallait désigner un coupable de cette tendance à faire des théories du complot un problème de psychologie et de rationalité individuelles, ce serait Hofstadter. Selon les commentaires éditoriaux élogieux qui ont accueilli la récente réédition aux États-Unis de The Paranoid Style dans la prestigieuse collection Library of America, les travaux de Hofstadter sur « l’irrationalisme, la démagogie et la pensée complotiste » constituent une « pierre de touche pour donner un sens aux événements de 2020 ».
    Ces éloges ne témoignent pas seulement de l’importance d’Hofstadter pour la culture politique américaine : elles rendent aussi hommage à un historien qui voyait dans les théories du complot l’expression d’un atavisme, une sorte de monstre lacustre qui referait épisodiquement surface dans l’histoire américaine mais que l’on ne peut comprendre qu’en termes de « psychologie des profondeurs ».
    Paradoxalement, Hofstadter a doté de toute le prestige que confère un prix Pulitzer l’idée selon laquelle l’histoire a relativement peu à nous apprendre sur ce qui est en réalité une mentalité archaïque, parfois réveillée par les soubresauts de la modernité mais en dernière instance imperméable à cette dernière. Il ne faut pas s’étonner que le regain d’intérêt pour son essai sur le style paranoïaque ait lieu à l’époque des sciences cognitives et des politiques paternalistes du « nudging ».
    On a prêté beaucoup moins d’attention aux allusions répétées d’Hofstadter à l’Apocalypse. Le porte-parole paranoïaque, écrit Hofstadter, voit le monde « en termes apocalyptiques ». Il lance des « avertissements apocalyptiques » et « trafique la naissance et la mort de mondes entiers […]. Comme les millénaristes religieux, il exprime l’angoisse de ceux qui vivent les derniers jours et il est parfois disposé à fixer une date pour l’apocalypse ».
    Dans la tradition chrétienne, l’Apocalypse offre la première conception complotiste de l’histoire, dont la trame doit culminer dans une épreuve de force finale. Il s’agit d’une histoire d’imposture et d’usurpation. Dans le rôle principal, on trouve généralement l’Antéchrist, ou une version de celui-ci : un imitateur qui prend la place du Christ, il est le « crisis actor » (acteur de crise) et le « false flag » (faux drapeau) originel. Un usurpateur qui prétend unifier l’humanité dans le Royaume tout en installant en réalité sa tyrannie, il est le premier mondialiste et le stigmate qui pèse sur tous les mondialismes ultérieurs. Des anciens millénarismes aux élucubrations de Pat Robertson sur le « nouvel ordre mondial », il fait figure de modèle dans la plupart des théories du complot.
    QAnon aussi est une variation à peine laïcisée de l’Apocalypse : un récit sur le mal absolu paradant dans le monde sous l’apparence d’une dispensation libérale ; une variation sur la dépravation morale d’un globalisme nécessairement trompeur ; une pression eschatologique liée à l’imminence d’un jugement final, assorti du traditionnel avis de tempête.
    Comme l’a brillamment suggéré le critique littéraire Frank Kermode, l’Apocalypse est un récit qui nous permet de donner un sens à la finitude de notre monde, en projetant une cohérence liant sa fin à ce qui la précède. Sa structure profonde est la récapitulation : la fin reprend les événements passés sous la forme de la concordance, tout se vérifie parce que tout était lié dès le début d’une manière qui se révèle enfin. L’Apocalypse répond à un besoin profond de cohérence lorsqu’il s’agit d’appréhender l’idée de la fin ; il n’est pas étonnant que dès les années 1920 la psychiatrie ait fait la part belle à l’expérience de la fin du monde (« Weltuntergangserlebnis ») dans l’analyse de la paranoïa, ni qu’elle revienne sans cesse sous la plume d’un Hofstadter. Face à une échéance sans cesse reportée et à des réfutations répétées, elle doit être continuellement réinventée : « L’image de la fin », a souligné Kermode, « ne peut jamais être réfutée de façon permanente. »
    Cela devrait donner à réfléchir aux partisans du debunking. Non seulement les théories du complot s’appuient sur des modèles culturels fondamentaux qui ne sont pas faciles à déraciner, mais les religions établies sont elles aussi des « épistémologies boîteuses », pour reprendre l’expression de Sunstein et Vermeule. L’implication n’a pas échappé aux adeptes de QAnon : « Si Jésus revenait sur terre aujourd’hui, pensez-vous que vous le reconnaîtriez en raison de ses miracles ? », écrit l’un d’entre eux, « ou le qualifieriez-vous de théoricien du complot ? »
    Les théories du complot reposent sur la foi en ce que le temps tient en réserve. La « vérité » qu’elles défendent est définie par la révélation de ce qui est à venir, et non par une démonstration logique. Non seulement la démystification est impuissante dans ces cas-là, mais c’est précisément dans la persévérance face à l’adversité et aux preuves du contraire que se révèle la foi. Parce qu’elles s’articulent autour d’un sens apocalyptique du temps, les théories du complot ne sont pas seulement des idées erronées : elles sont, aussi, une manière spécifique d’être au monde.
    Hofstadter était trop occupé à faire passer une prise de position politique pour un diagnostic psychanalytique et à assimiler son tiède libéralisme à l’idée même de rationalité pour s’intéresser davantage aux métaphores apocalyptiques qu’il affectionnait. C’est à l’anthropologue des religions Ernesto De Martino que revient le mérite d’avoir exploré les affinités entre l’esprit paranoïaque et l’apocalypse dans un essai publié la même année que The Paranoid Style dans la revue italienne Nuovi argomenti et intitulé « Apocalypses culturelles et apocalypses psychopathologiques ».
    Rien n’indique qu’Hofstadter et De Martino avaient connaissance de leurs travaux respectifs, mais tous deux affrontaient la crise du progressisme libéral – Hofstadter avec le ton posé d’un porte-parole, en présentant ses mécontents comme un atavisme folklorique, et De Martino en développant une analyse historique et anthropologique plus critique. Ce dernier partait d’un diagnostic culturel pour lequel l’épuisement des idéologies du progrès et le déclin du religieux rendaient l’humanité incapable d’affronter autrement que sur un mode pathologique et paralysant les scénarios apocalyptiques que l’arme nucléaire rendait actuels.
    Pour De Martino, les visions rédemptrices de la fin du monde – ce qu’il appelle les « apocalypses culturelles » – constituent un phénomène universel. Si tout risque de se dissoudre dans le néant, ou est voué, de toute façon, à disparaître, l’élan productif qui soutient la vie collective disparaît. Ce n’est qu’en mettant de côté ce risque que les sociétés humaines ont pu donner une valeur à leur existence mondaine et se projeter dans l’histoire. Lorsque les premiers chrétiens de Thessalonique se sont persuadés de l’imminence des derniers jours et ont sombré dans une stupeur oisive, il a fallu toute la verve apocalyptique d’un Saint Paul pour transformer l’angoisse paralysante en promesse d’un monde meilleur autour duquel une communauté chrétienne pouvait organiser sa vie ici et maintenant.
    Les apocalypses culturelles, cependant, ne sont pas forcément religieuses ni ne signifient nécessairement la fin de l’existence terrestre en tant que telle. Elles peuvent aussi se manifester sous la forme de « l’aspect social et politique de la fin d’un monde historique donné » (De Martino s’est particulièrement intéressé aux mouvements millénaristes déclenchés par la fin de la domination coloniale en Afrique, mais aussi à la fin de la société capitaliste bourgeoise promise par le marxisme) ou d’un événement particulier dans la vie d’un individu ou d’une communauté. À chacun de ces moments critiques, les cérémonies religieuses, les rituels profanes, les idéologies progressistes ou révolutionnaires atténuent l’idée d’un effondrement final et révèlent à nouveau la possibilité d’une existence collective et porteuse de sens. Fondamentalement, les cultures apocalyptiques se résument au proverbial Keep Calm and Carry On du blitz anglais.
    En l’absence de ces médiations culturelles, les peurs apocalyptiques prennent une tournure strictement individuelle et, par conséquent, pathologique : l’effondrement du monde devient une expérience solitaire, privée, voire intime, et le sentiment de perte est détaché de toute communauté culturelle. L’individu se retrouve submergé par un sentiment d’aliénation et de passivité. En s’effondrant, le monde emporte avec lui la possibilité d’une présence au monde. Le familier devient étrange et inquiétant, comme si le monde qui figurait à l’arrière-plan du quotidien cédait soudainement et les relations stables et objectives entre les choses se dénouaient au profit de leurs connexions occultes. Le monde devient « un réseau de menaces diffuses, de forces hostiles, d’obscurs complots ourdis à nos dépens ».
    L’apocalypse psychopathologique, en définitive, est une forme paroxystique et existentielle de l’angoisse du statut dont Hofstadter avait fait le fondement psychologique de l’esprit paranoïaque. À une différence près, qui est de taille : là où Hofstadter croyait avoir circonscrit un problème de psychologie collective, De Martino voyait le résultat d’un échec culturel.
    Dans un livre plus ancien, De Martino s’était intéressé à ceux qui, dans le monde archaïque, conjuraient ces risques apocalyptiques : les chamans. Sa grande intuition était que le monde que nous considérons comme acquis, et qui constitue l’arrière-plan stable de nos vies, n’est pas une donnée mais une conquête historique et culturelle, dont dépend notre sentiment d’autonomie.
    Dans les sociétés primitives, il a fallu arracher ce monde à un environnement peuplé d’esprits invisibles et de forces magiques, auxquels l’individualité, encore balbutiante, risquait à tout moment de succomber. De peur qu’il n’anéantisse l’individu et ne menace la communauté tout entière – comme dans le cas des Thessaloniciens –, ce risque devait être contenu.
    Ne pouvant entièrement l’écarter, les chamans faisaient de ce risque d’effondrement de la présence au monde le point de départ de leurs rituels pour en transformer le sens : au lieu d’y succomber passivement, ils le provoquaient afin de contrôler les forces occultes de leurs cosmogonies. En apprivoisant les esprits invisibles et en les soumettant à leur emprise, ils recouvraient pour toute la communauté « le monde qui [était] sur le point d’être perdu », écartant ainsi le risque psychopathologique et enchâssant de manière pérenne l’expérience apocalyptique dans un tissu culturel collectif. Saint Paul n’était rien d’autre que le chaman du christianisme primitif.
    Les théories du complot évitent la chute dans la paranoïa individuelle et transforment les sentiments apocalyptiques en composantes pour la construction de communautés alternatives.
    Will & Power : Inside the Living Library est le roman que Chansley a publié en 2018 sous le pseudonyme de Loan Wold. Il y est question, là aussi, de chamanisme, et d’un monde perdu et retrouvé. Comme pour son essai, il s’agit d’une lecture qui met la bonne volonté du lecteur à l’épreuve. Le personnage principal, qui n’est pas sans rappeler l’auteur de l’ouvrage, part camper après s’être séparé de sa petite amie et avoir perdu son travail dans un magasin de jardinage.
    Au fond des bois, il rencontrer une créature d’une autre planète, semblable à un Sasquash, qui l’initie à une sagesse ancienne appelée « Shama » et lui enseigne à exploiter les pouvoirs du champ magnétique terrestre et à communiquer avec les esprits animaux et végétaux qui peuplent le monde. Bien qu’ils soient accessibles à tous les humains, les pouvoirs du chamanisme ont été gardés secrets et pervertis pour servir les desseins des « Seigneurs Noirs », une race maléfique de colonisateurs extraterrestres qui se dissimulent sous une apparence humaine.
    Il n’est pas nécessaire de s’attarder sur les détails embarrassants de l’intrigue, donnée à lire dans le style d’un SMS et la gamme sentimentale d’une palette d’emojis. La croyance dans le magnétisme animal n’a rien de nouveau et, depuis son origine au XVIIIe siècle sous la plume de Franz Mesmer, elle a été associée à l’idée d’action à distance et, souvent, à des théories du complot.
    Chansley donne toutefois à ces vieux thèmes une tournure contemporaine et technologique : ces flux d’énergie invisibles deviennent le « Life-Net », réseau par lequel les plantes et les créatures échangent « toutes sortes d’informations ». Les événements locaux sont « téléchargés » sur ce réseau et accessibles de partout dès lors que le nouvel initié au chamanisme s’y connecte. Le monde devient ainsi une « bibliothèque vivante » où chaque créature, chaque être est connecté à tout ce qui l’entoure : une dense forêt d’hyperliens dans laquelle on peut « surfer » indéfiniment.
    Le monde apocalyptique du paranoïaque, selon De Martino, se caractérise par un « excès de sens », une surcharge de signification qui fait que rien n’est exactement conforme aux apparences. Les choses sont insaisissables et mystérieuses, leurs liens sont obscurs, et la rencontre avec la réalité sans cesse repoussée. Les deux livres de Chansley traitent d’un monde tellement saturé de sens qu’il craque aux entournures.
    Dans son essai, il est question d’un univers désorientant, dans lequel aucune vie active n’est possible : une sorte de palais des glaces dans lequel on ne peut que courir après des points de fuite et se sentir impuissant, en proie aux forces menaçantes de l’État profond, et dépossédé de sa liberté.
    Dans son récit consacré au chamanisme, la même expérience de ces couches de sens infinies devient libératrice. Ce qui était auparavant un réseau mystérieux et insaisissable de connexions occultes devient une extension illimitée des pouvoirs individuels. L’étrange sentiment que « rien n’est exactement ce qu’il y paraît » se transforme en une prise de conscience stimulante que « tout est lié ». Le monde de la théorie du complot se retourne sur lui-même, comme un gant. En s’abandonnant aux forces invisibles de l’univers pour mieux les dominer, le « Q Shaman » recouvre lui aussi le monde perdu de la liberté humaine.
    Un chaman aux pouvoirs étendus, qui restitue aux autres leur puissance d’agir : la folie des grandeurs est bien sûr un symptôme classique de la paranoïa de persécution. De ce point de vue, le chamanisme de Chansley est risible. Ses pitreries bruyantes et son accoutrement prétentieux sont aussi authentiques sur le plan culturel que les canaux vénitiens à Las Vegas. Ses expériences avec les psychotropes sont des trips privés sans lien aucun avec quelque tradition vivante que ce soit. Et pourtant, ce chamanisme de pacotille traduit quelque chose de fondamental quant aux théories du complot, quelque chose que les considérations psychologiques ou cognitives, pour ne pas parler des dissertations épistémologiques ou des théories de l’information, ne parviennent pas à saisir. Il vise à exorciser l’emprise paralysante des angoisses apocalyptiques et à restaurer la perspective d’un monde commun. Pour le dire autrement : il esquisse ce que De Martino a appelé une apocalypse culturelle.
    Le « Q Shaman » est le reflet de quelque chose qui traverse, voire définit QAnon et tous les mouvements contemporains qui capitalisent sur la pensée conspirationniste : en prenant de l’ampleur, les théories du complot évitent la chute dans la paranoïa individuelle et cherchent à transformer les sentiments apocalyptiques en composantes de base pour la construction de communautés alternatives, qu’elles soient culturelles ou politiques.
    Si le chamanisme a disparu ou se retrouve désormais réduit au rang de survivance archaïque, ce n’est pas le cas de l’expérience apocalyptique que les chamans cherchaient à canaliser. Pour De Martino, ce « drame existentiel » est susceptible se manifester dans les sociétés modernes, en particulier dans des situations de « souffrance et de dénuement », comme les guerres ou les famines, qui placent l’individu dans une situation de détresse insoutenable.
    Ces situations dans lesquelles la présence au monde ne va plus de soi ne sont plus marginales : le dérèglement climatique et son cortège d’extinctions, la destruction d’écosystèmes d’ampleur continentale, le déracinement de communautés entières fuyant les ravages de guerres sans fin ou la dégradation irréversible de leur habitat, une pandémie mondiale qui ravage les plus vulnérables, des inégalités sociales et économiques sans précédents qui font que, pour des millions de personnes, la fin du mois fait parfois figure de fin du monde.
    Jamais auparavant notre existence en tant qu’individus et en tant qu’espèce n’a semblé aussi précaire. Jamais notre monde n’a semblé aussi fragile. Notre capacité à nous projeter dans l’avenir s’est considérablement réduite. Même les exploits spatiaux, autrefois considérés comme des pas de géant pour l’humanité, ressemblent aujourd’hui à des exercices d’évacuation pour les cabines de première classe. Les capsules de sauvetage privées qui mettent des milliardaires en orbite n’annoncent aucun progrès : elles confirment seulement qu’il est minuit moins une.
    Pourtant, la vie continue comme si de rien n’était. On cherche en vain les ressources culturelles et politiques qui nous aideraient à percer les brumes apocalyptique du présent pour discerner la lueur d’un nouveau jour qui serait aussi un jour meilleur. Dans cette situation schizophrénique, la dissonance cognitive ne peut que devenir la norme—et ce qui est peut-être étonnant n’est pas tant la diffusion des théories du complot que le fait qu’elles ne soient pas plus répandues encore.
    Dans son analyse de la rumeur d’Orléans, Edgar Morin soulignait que l’un des facteurs permettant à des mythologies dangereuses de s’imposer à une ville entière était la « sous-politisation ». La prolifération des théories du complot reflète la pauvreté d’une culture politique qui n’a rien à offrir à des millions d’individus confrontés à la disparition de leur monde. Parce qu’elles sont une tentative désespérée et indigente de donner du sens à la dimension catastrophique du présent lorsque les ressources culturelles disponibles n’y suffisent plus, les théories du complot sont une excroissance directe de ce vide politique.
    Fin observateur, Morin s’en prenait également à « l’incapacité de l’intelligentsia à aborder ces problèmes ». Rien n’a changé : ce n’est que depuis une position privilégiée où la certitude de leur monde est acquise que les experts d’aujourd’hui peuvent considérer les théories du complot comme des déficiences cognitives à corriger, et rester sourds à la crise existentielle qu’elles expriment.
    Si la propagation des théories du complot nous préoccupe, nous devons nous rendre compte que le debunking est une distraction, un passe-temps pour fact-checkers et chiens de garde de l’information. Nous devons nous pencher sur le manque de vision politique dont se nourrit le complotisme, et dont les commissions gouvernementales censées le combattre ne sont que les cache-misère.
    La politique a fondamentalement à voir avec le temps, et elle échoue lorsqu’elle s’apparente à l’administration des derniers jours. Repousser à plus tard la fin du monde a toujours été la justification conservatrice du maintien de l’ordre et de la préservation du statu quo. Quant à l’accélérationnisme aveugle qui fait aujourd’hui figure d’alternative, il n’est en réalité qu’une stratégie différente au service des mêmes objectifs. La seule et véritable alternative consiste à retrouver une capacité politique, à jeter des ponts par-delà un présent cataclysmique, à reconstruire la vision d’un monde commun et d’un avenir inclusif pour tous ceux qui sont en train de perdre le leur.
    À défaut, les théories du complot continueront de prospérer et d’occuper la place qui était autrefois celle des idéologies. Il est déjà clair que les politiciens tentés de les exploiter jouent à l’apprenti sorcier, pour ne pas dire à l’apprenti chaman. Et comme chacun le sait, leur heure vient quand sonnent les douze coups de minuit.

    Nicolas Guilhot
    Historien, professeur d’histoire intellectuelle à l’Institut universitaire européen de Florence

    Traduit de l’anglais par Hélène Borraz

    #complotisme #théories_du_complot #Qanon #Edgar_Morin #debunking #démystification

    • #rumeur_d'Orléans

      Au lendemain de la rumeur, le sociologue Edgar Morin s’était rendu à Orléans avec plusieurs de ses collègues afin de comprendre l’origine et la diffusion de la théorie du complot. Publié à chaud, La Rumeur d’Orléans est le récit de cette enquête de terrain. A ma connaissance, aucune analyse du phénomène QAnon n’a fait référence à cet ouvrage, pourtant traduit en anglais dès 1971.

      À le relire aujourd’hui, on est frappé par deux choses : la relative stabilité dans le temps des schémas complotistes, et, à l’inverse, la transformation radicale de notre façon de les analyser. Ne pouvant en attribuer la responsabilité à l’information en ligne, Edgar Morin identifia des facteurs sociaux, économiques et culturels plutôt que des mécanismes cognitifs ou des logiques d’information.

      Il tenta de déchiffrer la panique morale à l’origine des rumeurs antisémites en relation avec l’évolution de la structure démographique de la ville, les nouvelles identités de genre, le rôle des femmes sur le marché du travail, les processus de modernisation économique qui perturbaient le tissu social et les codes moraux de la ville, ainsi qu’un lent processus de déclin qui voyait une ancienne capitale médiévale se transformer en grande banlieue parisienne. Pour le dire brièvement, Morin s’est efforcé de comprendre la situation historique dans laquelle un mythe avait resurgi, et non une erreur d’inférence ou une épistémologie boîteuse.

    • « L’être de l’homme, non seulement ne peut être compris sans la folie, mais il ne serait pas l’être de l’homme s’il ne portait en lui la folie comme limite de sa liberté » , Jacques Lacan, journées psychiatriques de Bonneval, 1946.

      Un très grand merci, @sombre pour cet article. De quoi m’inciter à la lecture (trop retardée...) de la thèse de François Tosquelles, Le vécu de la fin du monde dans la folie. Le témoignage de Gérard de Nerval et de La fin du monde. Essai sur les apocalypses culturelles, de De Martino (auquel les textes de Wu Ming sur ces choses doivent tant).

      #vide_politique #anthropologie #apocalypses_culturelles #apocalypses_psychopathologiques #peur_apocalyptique #effondrement #psychopathologie #messianisme #millénarisme #Ernesto_De_Martino #QAnon

    • Et bien, disons que c’était mon cadeau pour la nouvelle année. :-))

      Je me plonge dès maintenant dans un long article de chez Cairn.info pour m’instruire sur l’aspect historique du #fact_checking et de ses méthodes d’investigation depuis son apparition aux États-Unis dans les années 1920.

    • bon, j’explicite rapido mon post précédent du coup. ce que je préfère de ce papier, c’est pas tant l’arrimage au raisonnement sociologique (Morin, et l’auteur), bien insuffisant à mes yeux (l’auteur le montre lui aussi lorsqu’il évoque la composition sociale hétérogène des QAnon) que l’analyse des enjeux subjectifs et politiques en tant que tels (le nouage psyche/angoisse/paranoïa et socius)

      La Fin du monde. Essai sur les apocalypses culturelles (extraits)
      https://journals.openedition.org/elh/605

    • En ce sens que l’analyse des théories du complot au crible de la sociologie ne serait que la partie émergée d’un processus qui prend forme dans l’interconnexion entre le « psychopathologique » type paranoïa et le parcours sociopolitique du sujet ?
      Une approche plus anthropologique en somme.

    • oui, ne pas en rester au raisonnement sociologique. histoire, socio, anthropo, rien n’est de trop, et trouver moyen d’explorer les subjectivités, sans psychologie.

      une société qui sépare en individus accroit l’impuissance, voilà une condition bien pathogène. les historiens le savent d’avoir observé, par exemple, la diminution du nombre de suicides lors de la Révolution française.

      autre temps, Nicolas Guilhot :

      Les théories du complot évitent la chute dans la paranoïa individuelle et transforment les sentiments apocalyptiques en composantes pour la construction de communautés alternatives.

      et il y a évidemment bien des communautés terribles :)

      comme en écho au " conspirer, c’est respirer ensemble" (avec des ffp2 !) que l’on pouvait entendre sur radio Alice à Bologne en 1977, avant l’arrivée des chars dans la ville (ce fut seule intervention militaire de ce type en europe occidentale), un livre à paraître

      Manifeste conspirationniste, Anonyme
      https://www.leslibraires.fr/livre/20145297-manifeste-conspirationniste-anonyme-seuil

      Le conspirationnisme procède de l’anxiété de l’individu impuissant confronté à l’appareil gigantesque de la société technologique et un cours historique inintelligible. Il ne sert donc à rien de balayer le conspirationnisme comme faux, grotesque ou blâmable ; il faut s’adresser à l’anxiété d’où il sourd en produisant de l’intelligibilité historique et indiquer la voie d’une sortie de l’impuissance.

      On peut bien s’épuiser à tenter d’expliquer aux « pauvres en esprit » pourquoi ils se trompent, pourquoi les choses sont compliquées, pourquoi il est immoral de penser ceci ou cela, bref : à les évangéliser encore et toujours. Les médias peuvent bien éructer d’anathèmes. C’est le plus généralement sans effet, et parfois contre-productif.

      La vérité est qu’il y a dans le conspirationnisme une recherche éperdue de vérité, un refus de continuer à vivre en esclave travaillant et consommant aveuglément, un désir de trouver un plan commun en sécession avec l’ordre existant, un sentiment inné des machinations à l’œuvre, une sensibilité au sort que cette société réserve à l’enfance, au caractère proprement diabolique du pouvoir et de l’accumulation de richesse, mais surtout un réveil politique qu’il serait suicidaire de laisser à l’extrême-droite.

  • Deux ans d’épidémie et quelques constats :

    – le niveau de base des milieux alternatifs en matière de fonctionnement du corps humain sont pathétiques, bac -12000, un peu comme si il ne s’était rien passé depuis la théorie des humeurs,
    – Big Pharma est un problème, mais les vendeurs de molécules diluées et de vitamines inutiles à prix fort (sauf carences liées à une mauvaise/sous alimentation ou une maladie la supplémentation n’est pas nécessaire dans une société de surabondance), pas du tout, eux, ce sont des saints, pas des capitalistes du tout, ce sont des bienfaiteurs de l’humanité,
    – penser et lutter contre les défauts de notre époque, ce n’est pas se mobiliser pour l’accès au traitement pour les plus pauvres, ni en occident ni ailleurs, c’est diffuser des opinions personnelles non documentées sur le fonctionnement du système immunitaire, et se targuer de leur succès en milieu populaire - au sein desquelles pour différentes raisons sociales - l’épidémie fait un carnage,
    – à part dans certains milieux médicaux, où se mettent en place des groupes de travail incluant les patients/covid long et leur expertise, on a rien appris de la dernière épidémie mondiale toujours en cours, le sida, tant en terme de mobilisation que de pensée et d’action solidaire, de soutien aux malades longue durée et aux familles,
    – en Occident, on est toujours persuadé de notre supériorité vis à vis du reste du monde et on a toujours honte de rien, parce qu’on a tout (ie, des connaissances décédées en Algérie, qui auraient bien voulu être vaccinées, mais qui ne le pouvaient pas faute de stocks disponibles),
    – le covid, c’est les Autres (donc on s’en fout, non ? ),
    – les mobilisations à gauche sont pathétiques, individualistes (mon masque, ma liberté...) et peu pensées en terme de commun, de santé publique, de protection des plus vulnérables,
    – le covid, dans les médias c’est beaucoup de faux-débats auto-alimentés, et une maladie toujours sans visage, abstraite, des longues listes de chiffres,
    – plutôt que de faire des choses simples, maintenant qu’on connaît les modes de transmission du virus, on préfère les arsenaux techniques et la surenchère de surveillance informatisée, en grande partie parce que la prévention, c’est plus compliqué, c’est long, c’est cher de rendre des bâtiments ventilables, c’est pénible de faire que les gens se lavent les mains et mettent leur masque sur leur nez (après deux ans, c’est dingue),
    – les mesures indifférenciées, globales, qui ne sont pas ancrées dans des réseaux locaux, sans relais communautaires, ne marchent pas, on le sait (depuis... l’épidémie de VIH, mais j’ai l’impression de me répéter là) ... mais pourquoi tenter de mettre en place des trucs qui fonctionnent hein, ça serait vraiment dommage,
    – des médecins continuent à prescrire des antibiotiques pour lutter contre des virus, les études ça ne préserve pas de l’imbécilité,

    Bref, tout va toujours bien. Vive les milieux alternatifs, tellement indépendants, critiques et à contre-courant qu’ils en oublient qu’on a pas fait reculer la peste avec des éponges au vinaigre, ni des saignées.

    • C’est pas du mépris de regarder les choses en face et dire dans les milieux alternatifs on raconte absolument n’importe quoi sur le corps et la santé, sûrement encore plus qu’il y a 30 ans. Tout en disant dans le même texte que le solutionnisme technocratique n’a aucune raison de fonctionner et que ce qu’il faut c’est de l’éducation populaire et des mouvements experts+patients, qui font monter le savoir des deux côtés.

      Pensez-vous qu’il faut obliger les soignant.e.s à se faire vacciner, sans quoi ils perdent leur taff ?

      Bah… oui. La majorité des soignants le pense, et la majorité de la population le pense aussi. Qu’est-ce qu’il y a de compliqué à comprendre ? T’es soignant = tu t’occupes TOUTE la journée des personnes parmi les PLUS fragiles de la société : les malades, les vieux, etc. Donc tu te dois de faire toutes les actions qui réduisent la transmission d’un virus mortel chez ces personnes fragiles. Et c’est pas que telle action ou telle autre : c’est TOUTE les actions à la fois (masque + vaccin etc), pour réduire au plus infime les risques de transmettre (le fameux emmental). Si tu veux pas tout faire pour réduire ces risques malgré toutes les preuves du consensus (et non pas de tel ou tel expert) des gens de ton domaine (la santé), bah tu vas faire un autre métier, basta… Ya rien de réactionnaire à ça, et c’est même fou qu’on finisse par trouver réac de faire… le B.A.BA des choix de santé publique, et qu’on trouve inversement super radical de promouvoir le libertarisme individualiste (ma petite liberté de merde dans mon coin même si en travaillant j’ai X fois plus de risque d’infecter ceux que je suis censé soigner).

    • (Je m’égare mais… sortirez-vous dans la rue quand ils confineront les seules personnes non vaccinées ?) Sortirez-vous dans la rue un jour ??

      Je ne sais pas comment s’appelle cet effet de style, mais c’est assez grostesque : parce que oui je sors tous les jours dans la rue, et grosso merdo tout le monde sort tous les jours dans la rue (c’est juste qu’en ce moment ça caille). Non je n’ai pas peur d’aller dans la rue. Par contre j’en ai plus que ma claque des abrutis qui agitent le thème « ah ah, alors comme ça en vrai t’as peur de mourir, hein, c’est pas de l’altruisme c’est le contraire ».

      Alors le « drame » de confiner les « seules personnes non vaccinées », ça me fait doucement marrer comme posture progressiste. Quand on en arrive au point où un confinement serait nécessaire, il n’y a que deux alternatives au confinement des gens qui sont en train de remplir les hôpitaux alors qu’il existe un vaccin efficace et gratuit :

      – confiner tout le monde - et non ça me semble vraiment difficile, et moralement bien plus indéfendable que confiner/protéger les gens qui pourraient simplement se faire vacciner ;

      – et donc l’alternative qui reste, qu’on a déjà expérimentée avec succès grâce à Épidémiologiste 1er, et qu’on va subir quasiment à coup sûr : on s’arrange pour tenir avec l’équivalent en cadavres de deux avions de ligne qui s’écrasent par jour, pendant d’interminables mois, et ça c’est la ligne qu’elle est vachement solidaire et progressiste.

      Et ce qui est fabuleux avec cette solution qui éviterait de « discriminer » les non-vaccinés, c’est qu’elle va tuer chaque jour 10 fois plus de personnes non-vaccinées que de vaccinées. La discrimination se fera d’elle-même, ça aussi c’est un aspect vachement solidaire et progressiste.

    • Je sais bien, mais là c’est comme Rasta, marre de voir venir ici les mêmes foutaises que sur Twitter, et de se faire systématiquement inverser les valeurs morales et le vocabulaire :
      – tuer les vieux par paquets de cent pour surtout ne pas réclamer aux gens une piqûre de vaccination, c’est progressiste,
      – ne pas vouloir tuer les vieux et contaminer ses enfants, c’est pas altruiste, c’est être peureux et avoir peur de la mort,
      – trouver que se laver les mains, ne pas fumer pendant qu’on opère et se faire vacciner, c’est un peu le minimum vital quand on est soignant, c’est du mépris.

    • @noun il n’y a pas vraiment de rapport entre ce que j’ai posté plus haut et l’article que tu réfères.
      – A savoir, qu’on pourrait faire appel aux expériences glanées au cours de l’épidémie du sida, pour faire ce qu’on appelle de la santé communautaire, qui a montré son efficacité dans différents contextes,
      – A savoir que l’épidémie en cours révèle que l’éducation au corps et à la santé est pathétique et qu’on pourrait travailler à ça aussi,
      – Que pour beaucoup cette maladie est abstraite car il n’en voient ni les malades longs, ni les morts et que par conséquent, s’en protéger leur semble inutile et liberticide (un masque, liberticide, well),
      – Que protéger les autres, c’est massivement après moi le déluge, que penser en terme individuel, ce n’est pas faire de la santé publique,
      Qu’il y a un problème d’accès aux traitements (des antipyrétiques déjà, à oui, aux vaccins aussi) et à la santé en général, qui se réparti entre riches et pauvres, entre les nords et les suds, et que cette question de l’accès aux traitements - un beau combat de gauche non ? - apparaît très peu...

      Rien ici pour soutenir la méthode CST actuelle.

    • @noun
      Ps : sur la vaccination obligatoire de certains professionnels, ou pour se rendre dans certains pays c’est déjà le cas, car on ne peut pas travailler dans le secteur hospitalier sans certains vaccins (diphtérie, polio, tétanos etc.) ou aller dans certains pays sans être vaccinés, par exemple contre la fièvre jaune, ou même la méningite parfois.

    • @monolecte là, je craque un peu, je dois dire, j’ai arrêté beaucoup de choses, pour ne pas avoir à m’énerver, mais ça devient grave, mais grave. Comme quelqu’un qui m’a avoué prendre des antibios préventivement, mais comme est-ce possible ? Entre ça et la surconsommation de vitamines, c’est à se taper le crâne partout.

  • Pourquoi les femmes n’ont-elles pas de nez en BD ?
    https://www.bfmtv.com/people/bandes-dessinees/pourquoi-les-femmes-n-ont-elles-pas-de-nez-en-bd_AN-202111130031.html

    Les dessinatrices ont rapidement compris cette importance politique du nez. Même les moins engagées comme Margaux Motin : « Je me suis rendu compte au début de ma carrière quand je cherchais mon style que quand je dessinais des femmes si je dessinais juste des narines, il n’y avait plus de personnalité dans mon personnage, et que n’importe qui d’autre pouvait l’avoir dessiné. On était plus dans du dessin de stylisme de mode, ce n’est pas ce que je cherchais, mes personnages avaient besoin d’avoir une personnalité. »

  • Opinion | Tom Morello : How I Taught My Son to Shred Like Crazy and Change the World - The New York Times
    https://www.nytimes.com/interactive/2021/10/27/opinion/tom-morello-teaching-guitar-music.html

    Suite des colonnes de Tom Morello pour le New York Times.

    La vidéo des enfants musiciens (dont la batteuse géniale Nandi Bushell) est super impressionnante.
    https://www.youtube.com/watch?v=J-2V65bWqhA

    By Tom Morello

    Mr. Morello has spent over three decades melding music and political activism as a power guitarist with Rage Against the Machine, Audioslave and Bruce Springsteen and the E Street Band, with the acoustic chords of the Nightwatchman and in protests around the country.

    At 13, I got a $50 Kay electric guitar and gleefully marched down to Rigoni Music on Milwaukee Avenue in Libertyville, Ill., with a Kiss and Led Zeppelin songbook under each arm.

    I plunked down my $5 in front of their guitar instructor and said, “Teach me ‘Black Dog’ and ‘Detroit Rock City.’”

    He said: “Hold on there, son. This is a guitar lesson and today we’re going to learn to tune the guitar.”

    I thought that seemed like a big waste of time and money, but, willing to pay my dues, I sat in my bedroom for the next week, bored out of my mind, wrenching my guitar’s tuning pegs back and forth.

    This is the second in a 12-week series of essays.
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    Back the next week, I plunked down another fin and demanded to learn my Kiss and Led Zeppelin songs.

    “You’re nowhere near ready to do that,” he told me. “Today we’re going to learn the C major scale.”

    Well that was the end of that. Disgusted, I went home, put the guitar in a closet and didn’t touch it again for four years. It wasn’t until I discovered punk rock, with its do-it-yourself, no-lessons-required ethos that I found the fun in guitar playing, setting me on a trajectory that I’m still on today.

    Years later, as a struggling musician in Hollywood, I taught guitar to make ends meet, and remembered those two crummy lessons that I had when I was 13. I vowed to never make a student feel the way that I had felt.

    Absolute beginners would come in and I’d help them learn whatever song they wanted to play, or I would insist that they “write” a song — before knowing a note, before knowing a chord, just making sounds in a pattern. A couple of times through and, boom! You’re a songwriter, in the same tent as McCartney and Dylan. Let your fingers dance among the Tetris pile of possibilities of notes and chords and you’re on your way.

    My two young sons had no interest in following in their father’s footsteps to become a musician. There’s plenty of instruments around the house, but they took a hard pass and gravitated toward their own passions.

    Then came the lockdown and the prospect of endless days at home, each one like the one before, with spotty Zoom schoolwork, little opportunity to connect with peers and plenty of opportunities for kids and parents to drive each other crazy.

    My youngest son, Roman, 9 at the time, is a bit of a classic rock fan, and one day I timidly asked him if he’d like to learn the first three notes to “Stairway to Heaven.” He assented, figuring it wouldn’t be too much effort and he could always just go right back to playing Among Us on his computer.

    Well, he learned those first three notes, and it sounded just like the song. Encouraged, he came back the next day, three more notes. Over the course of the next couple of months, we worked our way through the entire song. By building on these small successes, he began to take pride in his ability to master a Led Zeppelin standard as a brand-new player. We moved on, and a couple of songs later, he was really digging it and showing a kind of natural aptitude that I never really found in myself.

    But every once in a while, I would slip into the voice of my old awful guitar teacher, trying to hammer home some point about music theory or fingering on the instrument. His reaction was immediate. He would put the guitar down, threatening not to pick it up again. So I said: “All right, this is what we’re going to do. We’re going to run before we walk. All we’re going to do from here on in is improvisational soloing.”

    [Read more about this project from Jane Coaston and Kathleen Kingsbury here.]

    I showed him a pattern or two. And since that day, I basically am the rhythm guitarist in the family, as Roman Morello shreds like crazy, across different genres, with fire and passion. The way he is able to let loose and just have uninhibited joy on the instrument, no obsessive tuning or C major scale required, makes his dad very proud.

    Another young musician who’s shown the world her passion and talent is the British-Zulu phenom Nandi Bushell, who may very well be the future of rock’n’roll.

    She gained global Instagram fame for her amazing multi-instrumentalist covers of rock classics. She dueled with Dave Grohl in a drum off for the ages and came out on top.

    I was so impressed with her talent, moxie and effervescent spirit that I sent her one of my signature “Soul Power” Fender guitars. We became Insta friends and when she asked if I’d like to write a song with her, I said, “That sounds fantastic, but I’ve got a 9-year-old in my house who might be better than I am. Why don’t you two kids write a song together?”

    They did. Writing virtually across the Atlantic Ocean, Roman came up with a few power riffs and Nandi played drums, bass and sang on the track.

    Like me, they are stirred not just by the power of the music, but the need to change the world.

    The song they created is “The Children Will Rise Up,” an anthem proclaiming that only the courage and fortitude of their generation can stop the impending environmental catastrophe facing humanity. We wrangled Jack Black and Greta Thunberg for the video and it’s an absolute mosh pit-inducing banger with a stratospheric solo that might just make that Rigoni Music guitar instructor repent.

    #Tom_Morello #Musique #Education #Ecologie #Climat #Enfants

  • Organic Maps is a better fork of MAPS.ME, an Android & iOS #offline maps app for travelers, tourists, hikers, and cyclists based on top of crowd-sourced #OpenStreetMap data and curated with love by MAPS.ME founders. No ads, no tracking, no data collection, no crapware.

    https://organicmaps.app (nécessite android 5 mini)

    Une alternative qui peut fonctionner sous android 4 qui semble « clean » d’après https://doc.e.foundation/maps

    https://www.magicearth.com

    #GPS #app #ordiphone

  • Andro-Switch - #contraception #contraception_masculine -
    https://www.lamaisondesmaternelles.fr/article/j-ai-invente-l-anneau-contraceptif-masculin-rencontre-avec-l-

    Maxime est le créateur d’Andro-switch, un anneau contraceptif masculin. Son idée ? Que les hommes puissent enfin prendre leur part dans la charge contraceptive.

    Le principe d’Andro-switch est simple, comme nous explique son créateur, Maxime :

    « C’est un anneau en silicone. Ce n’est pas l’anneau qui contracepte, mais il permet de maintenir les testicules au plus proche du corps, ce qui permet de freiner la spermatogenèse suffisamment pour mettre le garçon en état contracepté. Ça va faire 4 ans que je l’utilise. »

    Une idée qui peut paraître un peu folle, et pourtant :

    « J’ai fait le pari fou de dire : si je rends accessible l’information sur la méthode, et que je propose aux garçons un outil qu’ils peuvent recevoir chez eux : est-ce qu’ils passeront à la pratique ? Il s’avère que l’accessibilité de l’outil et une information la plus juste possible, permet de faire levier, permet aux garçons et aux couples d’envisager une contraception mutualisée ou de basculer la charge contraceptive sur l’un des partenaires à une période donnée. Le pari fonctionne ! »

    Comment ça fonctionne exactement ?

    Il y a 2 choses à savoir concernant l’anneau masculin :

    Depuis 40 ans, un protocole médical existe et a été testé : si les testicules sont exposés à la chaleur du corps 15 heures par jour, la production de spermatozoïdes n’est plus assez importante, le garçon n’est plus fécondant. Il y a donc une relation entre la production de la spermatogenèse avec la chaleur.
    Pour que les testicules soient "chauffés" à la bonne température, il faut donc qu’ils soient rapprochés du corps. Pour cela, il existait déjà des outils textiles : le slip chauffant, le jockstrap, qui datent des années 80. L’andro-switch vient compléter cette offre, comme explique Maxime :

    « Moi j’ai inventé un anneau souple, bio-compatible, dans lequel il suffit d’insérer sa verge et son scrotum, et naturellement les testicules vont migrer dans la poche supérieure, se retrouvant au niveau du pubis, là où il y a les poils : ainsi, ils sont à 37 degrés. »
    androswitch

    Qu’en disent les utilisateurs ?

    Conscients de la charge que cela représente, et persuadés que leur conjointe ne devrait pas supporter seule cette responsabilité, de plus en plus d’hommes cherchent des solutions pour partager la contraception avec leur partenaire. Ils sont environ 2000 à utiliser l’anneau Andro-switch dans le monde selon Maxime :

    « Il y a un temps d’adaptation car c’est un nouvel outil avec une phase d’apprentissage qui peut être complexe pour des raisons techniques. Ce n’est pas simple de passer sa verge dans l’anneau. Il y a des contraintes aussi qui sont liées à l’ignorance du corps. Le garçon ne sait pas ce qu’il a entre les jambes : il peut avoir peur d’y toucher. Il y a des contraintes archétypales, symboliques, car quelque part les testicules « disparaissent », ne sont plus entre les jambes. Tous ces freins là peuvent faire que c’est complexe de se saisir de l’outil et de sa phase d’apprentissage. Mais une fois celle-ci passé, appliquer le protocole en lui même et donc ne rien faire, simplement porter l’anneau, ça se passe très bien en général. Les garçons disent qu’ils l’oublient au bout de quelques heures. »

    Les hommes doivent prendre leur part de charge contraceptive

    « C’est affolant de se rendre compte qu’on ne sait rien sur la contraception masculine, qu’on ne connait rien des méthodes existantes. Avant c’était dans des milieux militants, un peu fermés, inaccessibles d’une certaine façon, mais il existait des pratiques et revendications qui s’inscrivent totalement en alliance féministe.

    La contraception testiculaire est un plus. Ce que je prône, c’est de rappeler que la fertilité est une responsabilité individuelle qui s’inscrit dans une démarche collaborative et inclusive. C’est bien la rencontre de 2 gamètes qui va donner la fécondité et donc potentiellement, un bébé. Dans cette rencontre il y a bien 2 acteurs responsables : un garçon et une fille. Il suffit de donner à chacun des outils pour se responsabiliser et modifier à terme les pratiques et les représentations sociales et politiques. »

    Partager son parcours contraceptif avec son conjoint

    Mais alors, comment réagissent les hommes face à ce nouveau moyen de contraception ? Si chacun est évidemment différent, Maxime explique :

    « Les garçons, quand ils reçoivent cette information, réagissent en 2 temps. La première c’est « Moi, jamais ! ». Il y a cette impuissance, cette méconnaissance, cette ignorance, cette fragilité, de se dire : "Je peux faire quelque chose avec mon propre corps" : ils ne l’avaient pas envisagé. Le second temps va être un temps de réflexion, où ils vont envisager, et l’appréhender. »

    Car les pratiques contraceptives sont en train d’évoluer, et il est important que les femmes puissent communiquer sans tabous avec leurs conjoints à ce sujet :

    « Les temps des pratiques contraceptives que nous sommes en train de vivre, c’est-à-dire d’un modèle genré entre 2 clans à un modèle beaucoup plus uni, ça va prendre du temps. La clé c’est la discussion dans le couple. Les femmes doivent partager leur ressenti et leur parcours contraceptif pour que les garçons puissent envisager ce que c’est réellement la charge physique et psychologique. Maintenant qu’ils savent que des outils existent pour eux, qu’ils peuvent aussi prendre leur part ou la partager avec leur partenaire, je suis intimement persuadé qu’ils vont s’y mettre »

    Plus d’informations sur www.thoreme.com

    • En remontant aux années 70 et à l’émergence de discours volontaristes et idéalistes sur la contraception masculine, on constate que ces discours piétinent dans une posture qui affirme sans la moindre preuve une hypothétique bonne volonté des hommes ("l’intime persuasion" alléguée ci-haut par « Maxime ») et qui ne mentionne que pour mieux la réfuter la réalité de la non-contraception masculine et - pire - la volonté de ne pas se contracepter tout en prétendant qu’on le fait, p. ex. la pratique bien documentée du « stealthing », soit le retrait subreptice et délibéré du préservatif au cours d’un coït vaginal consenti à cette condition. Le désir, voire, la menace d’engrosser la partenaire doit être reconnue comme un élément de la sexualité de beaucoup d’hommes, et son déni (au nom d’une soi-disant morale masculine) constitue une dimension énorme du problème.

    • C’est vrai que c’est pas un sujet qui intéresse les hommes. Sur la spermatogenèse j’avais même découvert le principe grâce à un amant de jeunesse qui portait un slip rafraichissant afin d’augmenter son pouvoir de fécondité. Quoiqu’il en soit c’est toujours bien d’avoir des solutions pour les rares hommes motivés et de faire suivre l’info.

    • « ...c’est pas un sujet qui intéresse les hommes... »
      On peut reconnaître, a contrario, que le risque, la possibilité d’engrosser la femme est un sujet qui obsède bien des hommes, hélas, d’où la naïveté ou le cynisme du projet de leur faire confiance.
      Quant à l’injonction balancée aux cibles par notre bon apôtre-promoteur, « Les femmes doivent partager leur ressenti et leur parcours contraceptif, » elle se passe de commentaire.

  • Loki, le plus puissant volcan de la lune Io, est bien entré en éruption... mais pas comme prévu !
    https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/systeme-solaire-loki-plus-puissant-volcan-lune-io-bien-eruption-mai

    « Loki est le volcan le plus grand et le plus puissant du Système solaire. Il est assez grand pour que si on le mettait sur Terre, il occuperait la majeure partie de la Californie du Sud. Loki est si brillant dans l’infrarouge que même si Io est loin (~ 5 fois plus que le Soleil, en orbite autour de Jupiter), nous pouvons voir Loki depuis la Terre si nous utilisons le bon télescope ».

    https://pbs.twimg.com/media/E3cJco9WUAQd_75?format=jpg

  • <details> - HTML (HyperText Markup Language) | MDN
    https://developer.mozilla.org/fr/docs/Web/HTML/Element/details

    Un afficher/masquer en pur HTML 5 (sans JS ni CSS) : une balise <details> avec un <summary> pour faire le titre clicable
    ...et pour ajouter une animation : https://stackoverflow.com/questions/38213329/how-to-add-css3-transition-with-html5-details-summary-tag-reveal

    Petit bémol : point de vue accessibilité ça ne semble pas idéal : https://daverupert.com/2019/12/why-details-is-not-an-accordion (on se le réservera pour les outils où référencement et accessibilité ne sont pas des paramètres pris en compte donc...)

    #HTML #afficher_masquer #summary

    • Ça a l’air d’être ça.

      The <details> creates a disclosure widget in which information is visible only when the widget is toggled into an “open” state. A summary or label can be provided using the <summary> element.

      A disclosure widget is typically presented onscreen using a small triangle which rotates (or twists) to indicate open/closed status, with a label next to the triangle. If the first child of the <details> element is a <summary>, the contents of the <summary> element are used as the label for the disclosure widget.

  • #SVG Generators — Smashing Magazine
    https://www.smashingmagazine.com/2021/03/svg-generators

    let’s look at SVG generators — for everything from shapes and backgrounds to SVG path visualizers and SVG → JSX generators.

    Pas mal de ressources : backgrounds, code snippets, compression, cropping tools, data visualization, doodle patterns, editors, favicon, filters color matrix mixer, geometric shapes, icon transitions, JPG/PNG → SVG, path visualizers, polygons, repeating patterns, squircicles, section dividers, SVG assets manager, SVG → JSX, SVGs → SVG sprites, text warping, waves, woodworking patterns

    #utilitaires #tools

  • Things You Can Do With #CSS Today — Smashing Magazine
    https://www.smashingmagazine.com/2021/02/things-you-can-do-with-css-today

    The present and future of CSS are very bright indeed and if you take a pragmatic, progressive approach to your CSS, then things will continue to get better and better on your projects, too. In this article, we’ll look into masonry layout, :is selector, clamp(), ch and ex units, updated text decoration, and a few other useful CSS properties.

    #web_design

  • La Bataille De La Plaine - Le Film - Primitivi
    https://labataille.primitivi.org

    « Marseille, février 2019, La Plaine est encerclée par un mur de 2m50 de haut pour assurer le bon déroulé des travaux et enferme le rêve d’un quartier fait par ses habitants. Mais comment donner à voir ce qui n’est plus sur les images et qu’on est pourtant sûrs d’avoir vécu ? »

    #Marseille #La_Plaine #film #ville #habitants #gentrification #luttes #luttes_urbaines #urbanisme #droit_à_la_ville

  • Mervin sur touiteur
    https://twitter.com/solatges2/status/1352332407412846594

    Voulez-vous connaitre la meilleure pour l’@IHU_Marseille ? Ils facturent pour 2 heures de visite (1 ECG (pour leur chloroquine !!) // 1 test pcr // 1 ordonnance HCQ/Azithromycine)) le tarif d’une journée d’hospitalisation ambulatoire : plus de 1200€.(avec 200€ de reste à charge)

    Le patient m’a présenté sa facture et était Covid positif. Il n’a même pas été prévenu pour le reste à charge (il n’a pas de mutuelle) et tout cela pour un médicament délivré hors AMM.. (car l’ECG n’est réalisé que pour la délivrance de l’HCQ)

    #IHU #Sécurité_sociale #hôpital

    • Je n’avais pas vu la facture, publiée ensuite.

      Ces deux mois avant l’acte facturé peuvent correspondre à un rdv antérieur à celui-ci (une inclusion dans une « étude » ? n’imp ?), une entrée dans la file d’attente, dans la patientèle pour une raison z.

      D’autres réponses au post parle de fake, car l’IHU n’est pas mentionné, en raison des deux dates éloignés (mais l’acte facturé est bien sur un jour), en raison du manque de détails de l’acte facturé (pas de PCRmentionné etc.). Je n’en sais rien.

      Ce que je sais c’est qu’IHU ou pas, malgré une bureaucratie tatillonne et une logique comptable hystérisée qui affecte diverses fonctions matérielles de manière tout à fait sensible, il y une grande liberté de facturation de ce qui est imputé à la sécu par les entreprises de toutes tailles, les divers « libéraux » qui émargent à cette caisse, les institutions de soins, en même temps que des obstacles à la prise en charge et d’invraisemblables sous-évaluations de divers actes (séance de kiné que sa cotation tend à tayloriser, par ex.).

      Avec la télémédecine, on a de nouveaux (?) cas, comme ces médecins traitants qui appellent un patient pour donner en deux minutes un résultat de test et facturent pour cela une consultation (oui, les consultations de médecine g sont sous côté et taylorisent elles-aussi les soins) alors qu’il ne se passe rien, qu’ils ont pas eu besoin par exemple de démêler une question clinique quelconque avec des spécialistes.

  • Arthritis drug effective in treating sickest COVID-19 patients | Imperial News | Imperial College London
    https://www.imperial.ac.uk/news/209033/arthritis-drug-effective-treating-sickest-covid19

    Résultats préliminaires : le Tocilizumab est efficace dans les formes critiques de #COVID-19

    The relative contribution of survival and reduced length of time needing organ support in ICU has not yet been analysed. The trial does not yet know the relative benefits of #tocilizumab compared to the other immune modulators. Further data are expected in the coming weeks and months.

    Due to the clinical implications for patients, the researchers have released the findings before they have been peer-reviewed, but are working to analyse and publish the full results as soon as possible.

    Professor Anthony Gordon, Chair in Anaesthesia and Critical Care at Imperial College London and a Consultant in Intensive Care Medicine at Imperial College Healthcare NHS Trust, said: “These early findings show that treatment with this immune modulating drug is effective for critically ill COVID-19 patients in intensive care units. When we have the results available from all participants, we hope our findings will offer clear guidance to clinicians for improving the outcomes of the sickest COVID-19 patients.”

    • 𝗖𝗮𝗱𝗲𝗻𝘇𝗮 𝗼𝗻 𝘁𝗿𝗮𝗱𝗶𝘁𝗶𝗼𝗻𝗮𝗹 𝗺𝘂𝘀𝗶𝗰𝘀

      Ouh là, ce ne sont pas de simples lettres de l’alphabet latin : ce sont des symboles mathériques sans-serif gras…

    • Pour mon commentaire : dans la présentation citée par @simplicissimus, il y a ces caractères :

      𝗖𝗮𝗱𝗲𝗻𝘇𝗮 𝗼𝗻 𝘁𝗿𝗮𝗱𝗶𝘁𝗶𝗼𝗻𝗮𝗹 𝗺𝘂𝘀𝗶𝗰𝘀

      qui ne sont pas du tout la même chose que du texte en gras :

      Cadenze on traditional musics

      Visuellement, selon les systèmes, les deux lignes apparaissent plus ou moins différentes.

      La raison, c’est que dans l’extrait cité, les lettres qui sont utilisées ne sont pas les lettres que tu tapes habituellement au clavier (C, a, d, e, n, z…), mais des caractères très spécifiques, qui sont encodés dans Unicode comme étant des symboles mathématiques. C’est donc amusant…

      Avec les caractères mathématiques d’Unicode, je peux ainsi être 𝐀𝐑𝐍𝐎, mais aussi 𝒜ℛ𝒩𝒪, 𝓐𝓡𝓝𝓞, 𝔄ℜ𝔑𝔒, 𝔸ℝℕ𝕆, 𝙰𝚁𝙽𝙾… et avec encore d’autres loufoqueries Unicode : ⒶⓇⓃⓄ ou 🅰🆁🅽🅾 ou 🄐🄡🄝🄞 ou 🄰🅁🄽🄾 ou ARNO…

    • pure sérendipité sur la toile

      devant la bizarrerie de la chose mentionnée par @arno, je vais voir les autres productions de la chaîne, qui m’amènent à la mise en image de Khatchatourian

      … sauf …

      qu’en fait, j’avais copié le texte non pas à partir du lien que j’ai mis, mais d’un autre https://www.youtube.com/watch?v=7p2rUuE4vnk


      tout est possible au royaume de Serendip

      après cette brève illumination, te voilà maintenant admis parmi les sciendi cupidi,. Bienvenue, jeune padawan !

    • @arno c’est un grand classique dans les sites qui ne proposent vraiment aucune mise en sens/forme même les plus basiques (gras, italique), comme dans les posts Facebook ou ce genre. Du coup ça fait des années que des gens utilisent ces caractères pour mettre de l’italique, changer de police, etc. Par contre c’est totalement contraire à l’accessibilité, vu que ça veut rien dire en vrai :)