Reka

géographe cartographe information designer - rêveur utopiste et partageur de savoirs

  • Chez visionscarto, on publie un deuxième texte sur la période coloniale allemande au Cameroun, confié par Richard Tsogang Fossi*, et qui revient sur le processus de la colonisation à la fin du XIXe siècle et au début du XXe.

    Comment le « Cameroons » est devenu allemand
    https://visionscarto.net/comment-le-cameroons-est-devenu-allemand

    « Dès l’origine, le projet colonial s’est accompagné d’une « rhétorique de civilisation » et d’une volonté d’accumulation d’exemples matériels de la culture et de la nature du continent africain, ce qui, en d’autres termes, revenait à organiser la « protection » de l’État pour les collectionneurs et les collections : en Afrique centrale, c’est dans la région qui constitue le territoire national de l’actuel Cameroun que les effets s’en feront particulièrement ressentir. Nous esquissons ici les conditions politiques de l’exploitation culturelle du pays par la puissance coloniale allemande. »

    Nous rappelons que le premier texte, de Yann LeGall exhume l’histoire des expéditions punitives, en rappelant la cruauté l’absolu cynisme des autorités allemandes coloniales.

    « Ne s’obtient que par la force »
    https://visionscarto.net/ne-s-obtient-que-par-la-force

    * Germaniste, spécialisé en études littéraires et culturelles, en histoire et mémoire coloniales, et en recherches de provenances.
    Membre de l’équipe de recherche Provenance Inversée, Université technique Berlin (TU)/ Université de Dschang/GBHS Sangmelima.

    #colonisation #cameroun #histoire #allemagne #restitution

  • #Chowra_Makaremi : « Le #viol devient le paradigme de la loi du plus fort dans les #relations_internationales »

    En #Ukraine, Poutine revendique de faire la guerre au nom du genre. En #Iran, le régime réprime implacablement la révolution féministe. Dans d’autres pays, des populistes virilistes prennent le pouvoir. Une réalité que décrypte l’anthropologue Chowra Makaremi.

    IranIran, Afghanistan, invasion russe en Ukraine, mais aussi les discours des anciens présidents Donald Trump ou Jair Bolsonaro ou du chef de l’État turc, Recep Tayyip Erdogan : tous ont en commun de s’en prendre aux #femmes, comme l’explique l’anthropologue Chowra Makaremi.

    L’autrice de Femme ! Vie ! Liberté ! Échos du soulèvement en Iran (La Découverte, 2023) fait partie des chercheuses sollicitées par Mediapart pour #MeToo, le combat continue, l’ouvrage collectif publié récemment aux éditions du Seuil et consacré à la révolution féministe qui agite le monde depuis l’automne 2017 et le lancement du fameux mot-clé sur les réseaux sociaux. Depuis, toutes les sociétés ont été traversées de débats, de controverses et de prises de conscience nouvelles. Entretien.

    Mediapart : « Que ça te plaise ou non, ma jolie, il va falloir supporter. » Cette phrase a été prononcée le 7 février 2022 par le président russe, #Vladimir_Poutine, devant Emmanuel Macron. Elle était adressée à l’Ukraine et à son président, Volodymyr Zelensky, qui venait de critiquer les accords de Minsk, signés en 2015 pour mettre fin à la guerre dans le Donbass. Quelle lecture en faites-vous ?

    Chowra Makaremi : Le viol devient le paradigme de la #loi_du_plus_fort dans les relations internationales. La philosophe #Simone_Weil souligne dans un texte combien la #guerre relève de la logique du viol, puisque sa matrice est la #force qui, plus que de tuer, a le pouvoir de changer l’être humain en « une #chose » : « Il est vivant, il a une âme ; il est pourtant une chose. [L’âme] n’est pas faite pour habiter une chose ; quand elle y est contrainte, il n’est plus rien en elle qui ne souffre violence », écrit-elle.

    Cette comptine vulgaire de malfrats que cite #Poutine dit la culture criminelle qui imprègne sa politique. Elle me fait penser à ce que l’anthropologue Veena Das nomme la dimension voyou de la souveraineté étatique : la #truanderie comme n’étant pas seulement un débordement illégitime du pouvoir mais, historiquement, une composante de la #souveraineté, une de ses modalités.

    On le voit avec le pouvoir de Poutine mais aussi avec ceux de #Narendra_Modi en #Inde (dont parle Veena Das), de #Donald_Trump aux #États-Unis, de #Jair_Bolsonaro au #Brésil, de #Recep_Tayyip_Erdogan en #Turquie. Quand Poutine a dit sa comptine, personne n’a quitté la salle, ni Emmanuel Macron ni la presse, qui a cherché, au contraire, à faire parler la symbolique de cette « remarque ». Tout le réseau de sens et de connexions qui permet à cette cruelle boutade de tenir lieu de discours guerrier intuitivement compréhensible et audible montre que le type d’#outrage dont elle relève est une #transgression qui appartient, à la marge, à l’#ordre.

    On parle de la #masculinité_hégémonique au pouvoir avec Poutine, mais elle fait écho à celle de nombreux autres chefs d’État que vous venez de citer. Quelles sont les correspondances entre leurs conceptions de domination ?

    Il n’y a pas, d’un côté, les théocraties comme l’Iran et l’Afghanistan, et, de l’autre, les populismes virilistes de Trump, Erdogan, Bolsonaro, qui s’appuient sur des « #paniques_morales » créées par la remise en cause des rôles traditionnels de #genre, pour s’adresser à un électorat dans l’insécurité. Bolsonaro, très lié à l’armée et à l’Église, s’est appuyé sur je ne sais combien de prêcheurs pour mener sa campagne. Dimension religieuse que l’on retrouve chez Poutine, Modi, Erdogan.

    La #religion est un des éléments fondamentaux d’un #pouvoir_patriarcal très sensible à ce qui peut remettre en question sa #légitimité_symbolique, sa #domination_idéologique, et dont la #puissance est de ne pas paraître comme une #idéologie justement. Cette bataille est menée partout. Il y a un même nerf.

    Quand l’anthropologue Dorothée Dussy parle de l’inceste et de sa « fonction sociale » de reproduction de la domination patriarcale, son analyse est inaudible pour beaucoup. C’est ainsi que fonctionne l’#hégémonie : elle est sans pitié, sans tolérance pour ce qui peut en menacer les ressorts – et du même coup, en cartographier le pouvoir en indiquant que c’est là que se situent les boulons puisque, précisément, la puissance de l’hégémonie est dans l’invisibilité de ses boulons.

    Si on prend le #droit_de_disposer_de_son_corps, en Occident, il s’articule autour de la question de la #santé_contraceptive et du #droit_à_l’avortement et dans les mondes musulmans, autour de la question du #voile. De façon troublante, une chose est commune aux deux situations : c’est le viol comme la vérité des rapports entre genres qui organise et justifie la #contrainte sur les femmes à travers leur #corps.

    En Occident, le viol est le cas limite qui encadre juridiquement et oriente les discussions morales sur l’#avortement. Dans les sociétés musulmanes, la protection des femmes – et de leur famille, dont elles sont censées porter l’honneur – contre l’#agression_masculine est la justification principale pour l’obligation du voile. Il y a de part et d’autre, toujours, cet impensé du #désir_masculin_prédateur : un état de nature des rapports entre genres.

    C’est ce qu’assènent tous les romans de Michel Houellebecq et la plupart des écrits du grand Léon Tolstoï… « L’homme est un loup pour l’homme, et surtout pour la femme », dit un personnage du film Dirty Dancing. Cette population définie par ces rapports et ces #pulsions, il s’agit de la gouverner à travers l’#ordre_patriarcal, dont la domination est posée dès lors comme protectrice.

    L’Iran et l’#Afghanistan figurent parmi les pays les plus répressifs à l’encontre des femmes, les régimes au pouvoir y menant un « #apartheid_de_genre ». Concernant l’Afghanistan, l’ONU parle même de « #crime_contre_l’humanité fondé sur la #persécution_de_genre ». Êtes-vous d’accord avec cette qualification ?

    Parler pour la persécution de genre en Afghanistan de « crime contre l’humanité » me semble une avancée nécessaire car elle mobilise les armes du #droit pour désigner les #violences_de_masse faites aux femmes et résister contre, collectivement et transnationalement.

    Mais il me paraît tout aussi important de libérer la pensée autour de la #ségrégation_de_genre. À la frontière entre l’Iran et l’Afghanistan, au #Baloutchistan, après la mort de Jina Mahsa Amini en septembre 2022, les femmes sont sorties dans la rue au cri de « Femme, vie, liberté », « Avec ou sans le voile, on va vers la révolution ». Dans cette région, leur place dans l’espace public n’est pas un acquis – alors qu’il l’est à Téhéran – et elles se trouvent au croisement de plusieurs dominations de genre : celle d’un patriarcat traditionnel, lui-même dominé par la puissance étatique centrale, iranienne, chiite.

    Or, en participant au soulèvement révolutionnaire qui traversait le pays, elles ont également renégocié leur place à l’intérieur de ces #dominations_croisées, chantant en persan, avec une intelligence politique remarquable, le slogan des activistes chiliennes : « Le pervers, c’est toi, le salopard, c’est toi, la femme libérée, c’est moi. »

    C’est en écoutant les femmes nommer, en situation, la #ségrégation qu’on saisit le fonctionnement complexe de ces #pouvoirs_féminicides : en saisissant cette complexité, on comprend que ce n’est pas seulement en changeant des lois qu’on les démantèlera. On se trouve ici aux antipodes des #normes_juridiques, lesquelles, au contraire, ressaisissent le réel dans leurs catégories génériques. Les deux mouvements sont nécessaires : l’observation en situation et le #combat_juridique. Ils doivent fonctionner ensemble.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/040124/chowra-makaremi-le-viol-devient-le-paradigme-de-la-loi-du-plus-fort-dans-l

  • Transatlantic slavery continued for years after 1867, historian finds

    Exclusive: Evidence found by Hannah Durkin includes ships landing in Cuba in 1872, and people held in Benin in 1873

    Historians have generally assumed that the transatlantic slave trade ended in #1867, but it actually continued into the following decade, according to new research.

    Dr Hannah Durkin, an historian and former Newcastle University lecturer, has unearthed evidence that two slave ships landed in #Cuba in 1872. One vessel, flying the Portuguese flag, had 200 captives aged from 10 to 40, and the second is believed to have been a US ship with 630 prisoners packed into its hold.

    Durkin said she found references in US newspapers from that year to the landings of these ships. “It shows how recently the slave trade ended. The thefts of people’s lives have been written out of history and haven’t been recorded.”

    Other newly discovered evidence includes an 1872 Hansard parliamentary record of a British politician challenging “assurances of the Spanish government that there had been no importation of slaves into Cuba of late years”.

    Durkin said that, while Spain officially ended its slave trade in 1867, she had come across an account by the explorer Sir Henry Morton Stanley, who had travelled to Benin and visited the slave port of Ouidah in 1873. He wrote of seeing 300 people locked in a barracoon, a slave pen, and noted that two slave ships had recently sailed from that port.

    Ouidah was the second-most important slave port in the whole of Africa, behind only Luanda, in Angola, Durkin said. “The region bore the European nickname ‘Slave coast’ for the vast numbers of people that were forcibly displaced from there between the mid-17th and mid-19th centuries. Almost 2 million people, around one in six of all enslaved people sent to the Americas, are estimated to have been transported from the Bight of Benin.”

    Although Stanley’s account had appeared in the New York Herald at the time, Durkin said it was another overlooked key piece of evidence that she unearthed. There had been rumours of later trade but this evidence supported findings by Cuban historians that trafficking continued into the 1870s.

    Recently digitised newspapers of the 19th century had been particularly revealing, she said: “Historians haven’t easily been able to consult those sources before, which is one reason why I was able to find so much.”

    The research will feature in her forthcoming book, Survivors: The Lost Stories of the Last Captives of the Atlantic Slave Trade. Drawing on previously unseen archival material, it tells the story of the #Clotilda, the last US ship of the Atlantic slave trade.

    She has identified most of the Clotilda’s 110 captives for the first time and tracked down their descendants. One of them had a previously unpublished 1984 interview with the grandson of Amey Greenwood Phillips that her family had kept. She had been a teenager when she was enslaved and put to work on an Alabama plantation.

    Durkin said: “Amey’s enslaver was a man named Greenwood. According to her grandson Percy Phillip Marino, Amey’s enslaver was a ‘good man’, but he hired out Amey to unidentified enslavers in another state who beat her. He retrieved Amey when he learned of the abuse, but the scars on her legs never healed.”

    Others told Durkin of the sexual violence to which their ancestors had been subjected. She found an account of a woman who had been enslaved at the age of 13. The horrors she endured included being made to sleep with African-American and Native American men so that she would have children – who could also be enslaved.

    Durkin said: “There’s a lot of evidence of a system in which the enslavers wanted to produce small enslaved children because that would make them richer.

    “Whether it’s sugar plantations of Cuba or the cotton plantations of the US south, wherever slavery took place, it was a barbaric system that completely dehumanised people.”

    Durkin’s research found that almost all the Clotilda survivors were Yoruba speakers from the same town in present-day south-west Nigeria, challenging previous conclusions that they were from a variety of locations in Benin and Nigeria.

    https://www.theguardian.com/world/2024/jan/04/transatlantic-slavery-continued-for-years-after-1867-historian-finds
    #esclavage #esclavage_transatlantique #histoire #Bénin

    ping @reka

    • Survivors: The Lost Stories of the Last Captives of the Atlantic Slave Trade

      This is an immersive and revelatory history of the survivors of the Clotilda, the last ship of the Atlantic slave trade, whose lives diverged and intersected in profound ways.

      The Clotilda docked in Mobile Bay, Alabama, in July 1860 – more than half a century after the passage of a federal law banning the importation of captive Africans, and nine months before the beginning of the Civil War. The last of its survivors lived well into the twentieth century. They were the last witnesses to the final act of a terrible and significant period in world history.

      In this epic work, Dr. Hannah Durkin tells the stories of the Clotilda’s 110 captives, drawing on her intensive archival, historical, and sociological research. Survivors follows their lives from their kidnappings in what is modern-day Nigeria through a terrifying 45-day journey across the Middle Passage; from the subsequent sale of the ship’s 103 surviving children and young people into slavery across Alabama to the dawn of the Civil Rights movement in Selma; from the foundation of an all-Black African Town (later Africatown) in Northern Mobile – an inspiration for writers of the Harlem Renaissance, including Zora Neale Hurston – to the foundation of the quilting community of Gee’s Bend – a Black artistic circle whose cultural influence remains enormous.

      An astonishing, deeply compelling tapestry of history, biography and social commentary, Survivors is a tour de force that deepens our knowledge and understanding of the Atlantic slave trade and its far-reaching influence on life today.

      https://harpercollins.co.uk/products/survivors-the-lost-stories-of-the-last-captives-of-the-atlantic-sla

      #livre

  • Du nouveau en littérature (et en #Histoire)
    https://laviedesidees.fr/Du-nouveau-en-litterature-et-en-histoire

    L’histoire et la littérature sont de plus en plus soucieuses des traces. C’est ce nouveau rapport au temps qui explique la richesse des hybridations actuelles. Après les avant-gardes des années 1950-1970, l’écriture serait-elle en train de renouer avec le réel ? À propos de : François Dosse, Les Vérités du roman. Une histoire du temps présent, Cerf

    #historiographie #sciences_sociales
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20240103_dosse.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20240103_dosse.pdf

    • No 2023/77
      Le 29 décembre 2023
      https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/192/192-20231229-pre-01-00-fr.pdf
      La République sud-africaine introduit une instance contre l’État d’Israël et prie la Cour d’indiquer des mesures conservatoires

      LA HAYE, le 29 décembre 2023. Ce jour, l’Afrique du Sud a déposé devant la Cour internationale de Justice (CIJ), organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies, une requête introductive d’instance contre l’État d’Israël au sujet de supposés manquements par cet État
      aux obligations qui lui incombent au titre de la convention pour la prévention et la répression du
      crime de génocide (la « convention contre le génocide ») en ce qui concerne les Palestiniens dans la
      bande de Gaza..

    • Guerre à Gaza : l’Afrique du Sud accuse Israël de se livrer à des « actes de génocide »

      L’Afrique du Sud a soumis vendredi à la Cour internationale de justice une requête accusant Israël de se livrer à des « actes de génocide contre le peuple palestinien à Gaza ».

      Le Monde avec AFP | Publié le 29 décembre 2023 à 20h29
      https://www.lemonde.fr/international/article/2023/12/29/guerre-a-gaza-israel-rejette-les-accusations-d-actes-de-genocide-portees-a-s

      Israël rejette « avec dégoût » les accusations d’« actes de génocide » dans sa guerre à Gaza portées par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice (CIJ), a déclaré vendredi 29 décembre sur X le porte-parole du ministère des affaires étrangères israélien, Lior Haiat. Un recours en justice que le ministère a qualifié de « diffamation ».

      La CIJ, organe judiciaire principal des Nations unies, a annoncé vendredi que l’Afrique du Sud lui avait soumis une requête accusant Israël de se livrer à des « actes de génocide contre le peuple palestinien à Gaza ».

      Dans sa requête, l’Afrique du Sud affirme que les « actes et omissions d’Israël revêtent un caractère génocidaire, car ils s’accompagnent de l’intention spécifique requise (…) de détruire les Palestiniens de Gaza en tant que partie du groupe national, racial et ethnique plus large des Palestiniens », a rapporté dans un communiqué la CIJ, basée à La Haye.

      Des « accusations infondées » pour Israël

      Selon le pays, « par son comportement – par l’intermédiaire de ses organes et agents et d’autres personnes et entités agissant sur ses instructions ou sous sa direction, son contrôle ou son influence – à l’égard des Palestiniens de Gaza, Israël manque aux obligations qui lui incombent au titre de la convention contre le génocide », a précisé la CIJ.

      « Les affirmations de l’Afrique du Sud sont dénuées de fondement factuel et juridique et constituent une exploitation méprisable et méprisante de la Cour », a rétorqué le porte-parole israélien. « L’Afrique du Sud coopère avec une organisation terroriste qui appelle à la destruction de l’Etat d’Israël », a-t-il ajouté, exhortant « l a CIJ et la communauté internationale à rejeter complètement les accusations infondées de l’Afrique du Sud ».

  • Des collections en résistance
    https://laviedesidees.fr/Des-collections-en-resistance

    Si l’art est incapable d’arrêter la guerre, il rend possible des formes de #résistance symbolique et institutionnelle, explique Marion Slitine, commissaire associée de l’exposition Palestine à l’IMA et spécialiste de la création contemporaine palestinienne. Entretien avec Marion Slitine à propos de l’exposition « Ce que la Palestine apporte au monde », à l’Institut du monde arabe, jusqu’au 31 décembre 2023.

    #Arts #conflit_israélo-palestinien #art_contemporain
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20231222_palestine-2.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20231222_palestine-2.pdf

  • Seeing Genocide - Boston Review
    https://www.bostonreview.net/articles/seeing-genocide

    In her account of the trial of Adolf Eichmann, Hannah Arendt wrote that “genocide is an actual possibility of the future,” and, hence, “no people on earth . . . can feel reasonably sure of its continued existence.” Imperial governments do not represent humanity but the logic of their racializing regimes. This endows them with imperial rights to support each other when they use genocidal violence. The millions in the streets all over the world, blocking roads, protesting in front of the offices and factories of arms manufacturers, blocking shipments of arms, and marching in unprecedented numbers in support of Palestinians know that the order of humanity is being attacked yet again. They affirm that we should not fail to recognize the genocide that is happening right now. If this wave of genocidal violence will also pass unrecognized, and if the genocidal regime which is perpetrating it goes unquestioned, then not only Palestinians but more people will be unsafe.
    These are not discrete images of what happened but visual megaphones calling us to recognize the decades-long genocide and to stop it now.

    Arendt’s discussion of crimes against humanity is instructive. Those crimes, Arendt writes, are written in the bodies of their victims, but they are also committed against the community in the name of which they are perpetrated—against the community’s law, and more broadly against an order of humanity defined by its diversity. Palestine was destroyed because Zionists didn’t want Palestinians living among them; the regime the Zionists erected was meant to be the materialization of this genocidal intent. The enforcement of a racial law, an affront to human diversity, has been the raison d’être of this regime since 1948. It lies at its basis, and it is this law that should be abolished between the river and the sea for all inhabitants therein to be free. It must be abolished for the sake of Palestinians, so that they can regain their rights to return to live in Palestine and rebuild their world; and, so too, it must be abolished for the sake of Israeli Jews, so that they can liberate themselves from Zionism, free themselves from the position of perpetrators—the only one they can inhabit under this genocidal regime—and reclaim the diverse Jewish histories of which they were deprived when they were forced to embody a fabricated Israeli identity defined by its enmity to Palestinians. Israelis can choose to act as citizens of their genocidal regime and endorse the transformation of the tragic day of October 7 into its justification, or as some have done, they can reclaim their place as members of a shared humanity and reject the genocidal foundation of their regime.

  • Chantons ensemble
    https://laviedesidees.fr/Chantons-ensemble

    En Occident, on se jette à l’eau pour chanter seul au micro devant un public d’étrangers. En #Asie, on chante ensemble, entre amis ou entre collègues, pour se créer un havre, une bulle d’entre-soi. À chaque société ses soupapes !

    #Société #capitalisme #culture_populaire #communauté
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20231225_karaoke.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20231225_karaoke.pdf

  • Guerre Hamas-Israël : On a demandé à un géographe si ces cartes de la Palestine et d’Israël sont exactes
    https://www.20minutes.fr/monde/israel/4067818-20231222-guerre-hamas-israel-demande-geographe-si-cartes-palestine

    la première carte [de la deuxième série] qui montre la situation en 1947, « illustre d’une certaine manière le slogan sioniste " une terre sans peuple pour un peuple sans terre", le peuple israélien se targuant d’avoir fait " fleurir le désert ". Le procédé contestable est de faire apparaître la Palestine de 1947 comme un désert, évoqué par les zones blanches (publiques et possédées par l’Etat) mais qui du coup apparaissent comme si elles n’étaient ni Palestiniennes ni utilisées. »

    Or, souligne-t-il, « la plus grande partie était bien des terres palestiniennes et utilisées, même si pas forcément privées : des terrains de parcours pour l’élevage, souvent possédées à titre collectif par des communautés villageoises, comme il était fréquent dans cette région, où les terres amirieh, c’est-à-dire nominalement détenues par le prince (amir) étaient en usufruit pour ceux qui les mettaient en valeur. »

  • Henry Laurens : « On est sur la voie d’un processus de destruction de masse » à Gaza, entretien avec Rachida El Azzouzi (19 novembre 2023).

    Pour l’historien, spécialiste de la Palestine, professeur au collège de France, « l’effondrement des conditions sanitaires et l’absence de ravitaillement à destination des populations concernées peuvent indiquer que l’on est sur la voie d’un processus de destruction de masse » dans la bande de Gaza.

    L’historien et universitaire Henry Laurens est l’un des plus grands spécialistes du #Moyen-Orient. Professeur au Collège de France où il est titulaire de la chaire d’histoire contemporaine du #monde_arabe, il a mis la question palestinienne au cœur de son travail. Il est l’auteur de très nombreux livres dont cinq tomes sans équivalent publiés entre 1999 et 2015, consacrés à La question de Palestine (Fayard).
    Dans un entretien à Mediapart, il éclaire de sa connaissance l’exceptionnalité du conflit israélo-palestinien et le « corps à corps que même l’émotion n’arrive pas à séparer » dans lesquels les deux peuples sont pris depuis des décennies. Il dit son pessimisme quant à la résolution du conflit qui peut durer « des siècles » : « Vous ne pouvez espérer de sortie possible que par une décolonisation, mais à horizon immédiat, cette décolonisation n’est pas faisable. Dans les années 1990, elle l’était. Il y avait 30 000 colons. Aujourd’hui, ils sont 500 000 dont quelques dizaines de milliers qui sont des colons ultrareligieux et armés. »

    Plus d’une vingtaine de rapporteurs de l’organisation des Nations unies (ONU) s’inquiètent d’« un génocide en cours » à Gaza. Est-ce que vous employez ce terme ?

    Il y a deux sens au terme de « génocide ». Il y a le #génocide tel que défini par l’avocat polonais Raphael Lemkin en 1948, la seule définition juridique existante, aujourd’hui intégrée au protocole de Rome créant la #CPI [Cour pénale internationale – ndlr]. Lemkin a été obligé, pour que ce soit voté par les Soviétiques et par le bloc de l’Est, d’éliminer les causes politiques du génocide – massacrer des gens dans le but de détruire une classe sociale –, parce qu’il aurait fallu reconnaître le massacre des koulaks par les Soviétiques.

    La définition de Lemkin implique que ceux qui commettent un génocide appartiennent à un autre peuple que celui des victimes. D’où le problème aussi qu’on a eu avec le #Cambodge, qu’on ne pouvait pas appeler un génocide parce que c’étaient des Cambodgiens qui avaient tué des Cambodgiens. Là, on est dans une définition étroite. C’était le prix à payer pour obtenir un accord entre les deux Blocs dans le contexte du début de la #guerre_froide.

    Vous avez ensuite une définition plus large du terme, celui d’une destruction massive et intentionnelle de populations quelles qu’en soient les motivations.

    Il existe donc deux choses distinctes : la première, ce sont les actes, et la seconde, c’est l’intention qui est derrière ces actes. Ainsi le tribunal international pour l’ex-Yougoslavie a posé la différence entre les nettoyages ethniques dont la motivation n’est pas génocidaire parce que l’#extermination n’était pas recherchée, même si le nombre de victimes était important, et les actes de génocide comme celui de Srebrenica, où l’intention était claire.

    On voit ainsi que le nombre de victimes est secondaire. Pour Srebrenica, il est de l’ordre de 8 000 personnes.

    L’inconvénient de cette #logique_judiciaire est de conduire à une casuistique de l’intentionnalité, ce qui ne change rien pour les victimes. 

    Au moment où nous parlons, le nombre de victimes dans la bande de #Gaza est supérieur à celui de Srebrenica. On a, semble-t-il, dépassé la proportion de 0,5 % de la population totale. Si on compare avec la France, cela donnerait 350 000 morts.

    Le discours israélien évoque des victimes collatérales et des boucliers humains. Mais de nombreux responsables israéliens tiennent des discours qui peuvent être qualifiés de génocidaires. L’effondrement des conditions sanitaires et l’absence même de ravitaillement à destination des populations concernées peuvent indiquer que l’on est sur la voie d’un processus de destruction de masse avec des controverses à n’en plus finir sur les intentionnalités. 

    La solution à deux États n’est plus possible.

    La crainte d’une seconde « #Nakba » (catastrophe), en référence à l’exil massif et forcé à l’issue de la guerre israélo-arabe de 1948, hante les #Palestiniens. Peut-on faire le parallèle avec cette période ?

    La Nakba peut être considérée comme un #nettoyage_ethnique, en particulier dans les régions autour de l’actuelle bande de Gaza où l’#intentionnalité d’expulsion est certaine. Des responsables israéliens appellent aujourd’hui à une #expulsion de masse. C’est d’ailleurs pour cela que l’Égypte et la Jordanie ont fermé leurs frontières.

    Dans l’affaire actuelle, les démons du passé hantent les acteurs. Les juifs voient dans le 7 octobre une réitération de la Shoah et les Palestiniens dans les événements suivants celle de la Nakba.

    Faut-il craindre une annexion de la bande de Gaza par Israël avec des militaires mais aussi des colons ?

    En fait, personne ne connaît la suite des événements. On ne voit personne de volontaire pour prendre la gestion de la bande de Gaza. Certains responsables israéliens parlent de « dénazification » et il y a une dimension de vengeance dans les actes israéliens actuels. Mais les vengeances n’engendrent que des cycles permanents de violence.

    Quelle est votre analyse des atrocités commises le 7 octobre 2023 par le Hamas ?

    Elles constituent un changement considérable, parce que la position de l’État d’Israël est profondément modifiée au moins sur deux plans : premièrement, le pays a subi une invasion pour quelques heures de son territoire, ce qui n’est pas arrivé depuis sa création ; deuxièmement, le 7 octobre marque l’échec du projet sioniste tel qu’il a été institué après la Seconde Guerre mondiale, un endroit dans le monde où les juifs seraient en position de sécurité. Aujourd’hui, non seulement l’État d’Israël est en danger, mais il met en danger les diasporas qui, dans le monde occidental, se trouvent menacées ou, en tout cas, éprouvent un sentiment de peur.

    Le dernier tome de votre série consacrée à « La question de Palestine » (Fayard) était intitulé « La paix impossible » et courait sur la période 1982-2001. Vous étiez déjà très pessimiste quant à la résolution de ce conflit, mais aussi concernant l’avenir de la région, comme si elle était condamnée à demeurer cette poudrière. Est-ce que vous êtes encore plus pessimiste aujourd’hui ? Ou est-ce que le #conflit_israélo-palestinien vous apparaît soluble, et si oui, quelle issue apercevez-vous ?

    La réelle solution théorique serait d’arriver à un système de gestion commune et équitable de l’ensemble du territoire. Mais un État unitaire est difficile à concevoir puisque les deux peuples ont maintenant plus d’un siècle d’affrontements.

    Qu’en est-il de la solution à deux États, dont le principe a été adopté en 1947 par l’ONU, après la fin du mandat britannique ? Est-elle possible ?

    La solution à deux États n’est plus possible dès lors que vous avez 500 000 colons, dont quelques dizaines de milliers qui sont des #colons ultrareligieux et armés. Vous avez une violence quotidienne en #Cisjordanie. La sécurité des colons ne peut se fonder que sur l’insécurité des Palestiniens. Et l’insécurité des Palestiniens provoque la violence qui engendre l’insécurité des colons.

    C’est un cercle vicieux et vous ne pouvez espérer de sortie possible que par une décolonisation, mais à horizon immédiat, cette #décolonisation n’est pas faisable. Dans les années 1990, elle l’était. Il y avait 30 000 colons. On pouvait, sans trop de dégâts, faire une décolonisation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. 

    Aujourd’hui, nous sommes dans une position de domination, et cette solution peut prendre des siècles parce qu’il y a l’exceptionnalité juive qui crée une exceptionnalité israélienne qui elle-même crée une exceptionnalité palestinienne. C’est-à-dire que sans être péjoratif, les Palestiniens deviennent des juifs bis.

    Qu’entendez-vous par là ?

    Nous sommes depuis le 7 octobre devant un grand nombre de victimes. Mais ces dernières années, nous en avons eu bien plus en Irak, en Syrie, au Soudan et en Éthiopie. Cela n’a pas provoqué l’émoi mondial que nous connaissons aujourd’hui. L’émotion a été suscitée parce que les victimes étaient juives, puis elle s’est déplacée sur les victimes palestiniennes. Les deux peuples sont dans un corps à corps que même l’émotion n’arrive pas à séparer.

    Les années 1990 ont été marquées par les accords d’Oslo en 1993. Relèvent-ils du mirage aujourd’hui ?
     
    Non, on pouvait gérer une décolonisation. Mais déjà à la fin des accords d’Oslo, il n’y a pas eu décolonisation mais doublement de la #colonisation sous le gouvernement socialiste et ensuite sous le premier gouvernement Nétanyahou. Ce sont l’occupation, la colonisation, qui ont amené l’échec des processus. Il n’existe pas d’occupation, de colonisation pacifique et démocratique.

    Aujourd’hui, c’est infiniment plus difficile à l’aune de la violence, des passions, des derniers événements, des chocs identitaires, de la #haine tout simplement. Qui plus est, depuis une trentaine d’années, vous avez une évolution commune vers une vision religieuse et extrémiste, aussi bien chez les juifs que chez les Palestiniens.

    La Palestine fonctionne en jeu à somme nulle, le progrès de l’un se fait au détriment de l’autre.

    Vous voulez dire que le conflit territorial est devenu un conflit religieux ?

    Il a toujours été religieux. Dès l’origine, le mouvement sioniste ne pouvait fonctionner qu’en utilisant des références religieuses, même si ses patrons étaient laïcs. La blague de l’époque disait que les sionistes ne croyaient pas en Dieu mais croyaient que Dieu leur avait promis la Terre promise.

    Le projet sioniste, même s’il se présentait comme un mouvement de sauvetage du peuple juif, ne pouvait fonctionner qu’en manipulant les affects. Il était de nature religieuse puisqu’il renvoyait à la Terre sainte. Vous avez une myriade d’endroits qui sont des #symboles_religieux, mais qui sont aussi des #symboles_nationaux, aussi bien pour les #juifs que pour les #musulmans : l’esplanade des Mosquées, le tombeau des Patriarches, le mur des Lamentations. Et puis il y a les gens qui se sentent mandatés par Dieu.

    De même, les musulmans ont cherché des alliés en jouant sur la solidarité islamique. Dès les années 1930, la défense de la mosquée Al-Aqsa est devenue un thème fédérateur.

    Pourquoi est-il devenu difficile d’invoquer une lecture coloniale du conflit depuis les massacres du Hamas du 7 octobre ?

    Le sionisme est à l’origine un corps étranger dans la région. Pour arriver à ses fins, il a eu besoin d’un soutien européen avant 1914, puis britannique et finalement américain. Israël s’est posé comme citadelle de l’#Occident dans la région et conserve le #discours_colonial de la supériorité civilisatrice et démocratique. Cet anachronisme est douloureusement ressenti par les autres parties prenantes.

    Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les responsables sionistes n’hésitaient pas à se comparer à la colonisation britannique en Afrique noire avec la nécessité de mater les protestations indigènes. 

    La Palestine fonctionne en jeu à somme nulle, le progrès de l’un se fait au détriment de l’autre. La constitution de l’État juif impliquait un « transfert » de la population arabe à l’extérieur, terme poli pour « expulsion ». La #confiscation des #terres détenues par les Arabes en est le corollaire. Les régions où ont eu lieu les atrocités du 7 octobre étaient peuplées d’Arabes qui ont été expulsés en 1948-1950.

    Dire cela, c’est se faire accuser de trouver des excuses au terrorisme. Dès que vous essayez de donner des éléments de compréhension, vous vous confrontez à l’accusation : « Comprendre, c’est excuser. » Il faut bien admettre que le #Hamas dans la bande de Gaza recrute majoritairement chez les descendants des expulsés. Cela ne veut pas dire approuver ce qui s’est passé.

    Le slogan « From the river to the sea, Palestine will be free » (« De la rivière à la mer, la Palestine sera libre ») utilisé par les soutiens de la Palestine fait polémique. Est-ce vouloir rayer de la carte Israël ou une revendication légitime d’un État palestinien ?

    Il a été utilisé par les deux parties et dans le même sens. Les mouvements sionistes, en particulier la droite sioniste, ont toujours dit que cette terre devait être juive et israélienne au moins jusqu’au fleuve. Le parti de l’ancêtre du Likoud voulait même annexer l’ensemble de la Jordanie.

    Chez certains Palestiniens, on a une vision soft qui consiste à dire que « si nous réclamons un État palestinien réunissant la bande de Gaza et la Cisjordanie, nous considérons l’ensemble de la terre comme la Palestine historique, comme partie de notre histoire, mais nous ne la revendiquons pas dans sa totalité ».

    Israël depuis sa fondation n’a pas de #frontières définies internationalement. Il a toujours revendiqué la totalité de la Palestine mandataire, voire plus. Il a ainsi rejeté l’avis de la Cour internationale de justice qui faisait des lignes d’armistice de 1949 ses frontières permanentes.

    Cette indétermination se retrouve de l’autre côté. La libération de la Palestine renvoie à la totalité du territoire. D’autres exigeaient la carte du plan de partage de 1947. Pour l’Organisation de libération de la Palestine (#OLP), faire l’#État_palestinien sur les territoires occupés en 1968 était la concession ultime.

    Les Arabes en général ont reçu sans grand problème les réfugiés arméniens durant la Grande Guerre et les années suivantes. Ces Arméniens ont pu conserver l’essentiel de leur culture. Mais il n’y avait pas de question politique. Il n’était pas question de créer un État arménien au Levant.

    Dès le départ, les Arabes de Palestine ont vu dans le projet sioniste une menace de dépossession et d’expulsion. On ne peut pas dire qu’ils ont eu tort…

    Le mouvement islamiste palestinien, le Hamas, classé #terroriste par l’Union européenne et les États-Unis, est aujourd’hui le principal acteur de la guerre avec Israël…

    Définir l’ennemi comme terroriste, c’est le placer hors la loi. Bien des épisodes de décolonisation ont vu des « terroristes » devenir du jour au lendemain des interlocuteurs valables. 

    Bien sûr, il existe des actes terroristes et les atrocités du 7 octobre le sont. Mais c’est plus une méthodologie qu’une idéologie. C’est une forme de guerre qui s’en prend aux civils selon les définitions les plus courantes. Jamais un terroriste ne s’est défini comme tel. Il se voit comme un combattant légitime et généralement son but est d’être considéré comme tel. Avec l’État islamique et le 7 octobre, on se trouve clairement devant un usage volontaire de la cruauté.

    La rhétorique habituelle est de dire que l’on fait la guerre à un régime politique et non à un peuple. Mais si on n’offre pas une perspective politique à ce peuple, il a le sentiment que c’est lui que l’on a mis hors la loi. Il le voit bien quand on dit « les Israéliens ont le droit de se défendre », mais apparemment pas quand il s’agit de Palestiniens.

    D’aucuns expliquent qu’Israël a favorisé l’ascension du Hamas pour qu’un vrai État palestinien indépendant ne voie jamais le jour au détriment de l’#autorité_palestinienne qui n’administre aujourd’hui plus que la Cisjordanie. Est-ce que le Hamas est le meilleur ennemi des Palestiniens ? 

    Incontestablement, les Israéliens ont favorisé les #Frères_musulmans de la bande de Gaza dans les années 1970 et 1980 pour contrer les activités du #Fatah. De même, après 2007, ils voulaient faire du Hamas un #sous-traitant chargé de la bande de Gaza, comme l’Autorité palestinienne l’est pour la Cisjordanie. 

    Le meilleur moyen de contrer le Hamas est d’offrir aux Palestiniens une vraie perspective politique et non de bonnes paroles et quelques aides économiques qui sont des emplâtres sur des jambes de bois. 

    Quel peut être l’avenir de l’Autorité palestinienne, aujourd’hui déconsidérée ? Et du Fatah, le parti du président Mahmoud Abbas, pressé par la base de renouer avec la lutte armée et le Hamas ?

    Le seul acquis de l’Autorité palestinienne, ou plus précisément de l’OLP, c’est sa légitimité diplomatique. Sur le terrain, elle est perçue comme un sous-traitant de l’occupation israélienne incapable de contrer un régime d’occupation de plus en plus dur. Elle est dans l’incapacité de protéger ses administrés. Le risque majeur pour elle est tout simplement de s’effondrer.

    Le Hamas appelle les Palestiniens de Cisjordanie à se soulever. Un soulèvement généralisé des Palestiniens peut-il advenir ?

    En Cisjordanie, on a surtout de petits groupes de jeunes armés totalement désorganisés. Mais la violence et la répression sont devenues quotidiennes et les violences permanentes. À l’extérieur, l’Occident apparaît complice de l’occupation et de la répression israéliennes. L’Iran, la Chine et la Russie en profitent.

    Le premier tome de votre monumentale « Question de Palestine » s’ouvre sur 1799, lorsque l’armée de Napoléon Bonaparte entre en Palestine, il court jusqu’en 1922. Avec cette accroche : l’invention de la Terre sainte. En quoi cette année est-elle fondatrice ?

    En 1799, l’armée de Bonaparte parcourt le littoral palestinien jusqu’à Tyr. En Europe, certains y voient la possibilité de créer un État juif en Palestine. Mais l’ouverture de la Terre sainte aux Occidentaux est aussi l’occasion d’une lutte d’influences entre puissances chrétiennes. 

    Dans le tome 4, « Le rameau d’olivier et le fusil du combattant » (1967-1982), vous revenez sur ce qui a été un conflit israélo-arabe, puis un conflit israélo-palestinien. Est-ce que cela peut le redevenir ?

    Jusqu’en 1948, c’est un conflit israélo-palestinien avant tout. En 1948, cela devient un #conflit_israélo-arabe avec une dimension palestinienne. À partir de la fin des années 1970, la dimension palestinienne redevient essentielle.

    Ben Gourion disait que la victoire du sionisme était d’avoir transformé la question juive en problème arabe. Les derniers événements semblent montrer que le #problème_arabe est en train de redevenir une #question_juive.

    Le rôle des États-Unis a toujours été déterminant dans ce conflit. Que nous dit leur position aujourd’hui ? 

    La question de Palestine est en même temps une question intérieure pour les pays occidentaux du fait de l’histoire de la Shoah et de la colonisation. Il s’y ajoute aux États-Unis une dimension religieuse du fait du biblisme protestant et du « pionniérisme ». Les Palestiniens leur semblent être quelque part entre les Indiens et les Mexicains…

    La « République impériale » vient encore de montrer son impressionnante capacité de projection militaire dans la région, mais aussi son incapacité à obtenir un règlement politique satisfaisant.

    Pourquoi ce conflit déclenche-t-il autant de passions et clive-t-il autant dans le monde entier, où comme en France, le président appelle à « ne pas importer le conflit » ?

    C’est un conflit gorgé d’histoire. La Terre sainte est celle des trois religions monothéistes. Le conflit lui-même porte avec lui la mémoire de la Shoah et de la colonisation, d’où l’extraordinaire position d’exceptionnalité des acteurs.

    Vous avez écrit cinq tomes sur la question de Palestine. Après l’ultime « La Paix impossible », quel pourrait être le sixième ?
     
    Peut-être le retour de la question juive, mais c’est loin d’être une perspective encourageante.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/191123/henry-laurens-est-sur-la-voie-d-un-processus-de-destruction-de-masse-gaza

    #discours_génocidaire #religion (s) #sionisme

  • Les motivations du jihad
    https://laviedesidees.fr/Montassir-Sakhi-revolution-djihad

    Pourquoi 5000 Européens ont-ils rejoint le jihad en Syrie ? Les volontaires partis entre 2011 et 2014 manifestaient une forme de solidarité religieuse et une aspiration révolutionnaire, qui furent par la suite instrumentalisées par Daech. À propos de : Montassir Sakhi, La #révolution et le djihad. Syrie, France, Belgique, La Découverte

    #International #terrorisme #Jihadism
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/202312_jihad.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20231218_jihad.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20231218_jihad.docx

  • Slow : territorialiser la vitesse
    https://topophile.net/savoir/slow-territorialiser-la-vitesse

    Face à l’accélération du monde, certains proposent le slow comme alternative. N’oublions pas que la lenteur est une vitesse, elle s’oppose à la rapidité. Sa mesure favorise notre autonomie. Paradoxalement le slow croît et se décline désormais en de nombreuses versions : slow design, slow travel, slow science, etc. Revenons aux sources avec le mouvement SlowFood... Voir l’article

  • La violence militaire coloniale au Cameroun et les collections muséales en Allemagne : histoire d’une symbiose.

    « Ne s’obtient que par la force »
    https://visionscarto.net/ne-s-obtient-que-par-la-force

    Voici un texte majeur et inédit que le chercheur Yann LeGall (Université technique de Berlin, TU) a confié à visionscarto. Il a passé des années à lire, décrypter et analyser les rapports dans archives allemandes des expéditions punitives militaires au Cameroun (aussi au Togo) et a fait apparaître non seulement la cruauté coloniale de l’armée allemande, mais aussi, par exemple, le cynisme absolu des directeurs de musées en Allemagne qui n’hésitaient pas à suggérer aux militaires d’engager des expéditions dans des lieux où se trouvaient des objets et œuvres d’art qu’ils convoitaient...

    Trois décennies d’exactions et de pillages, dont le résultat est la présence dans les musée allemands de plus de 60 000 objets camerounais divers volés lors des raids militaires, et par conséquence, l’absence au Cameroun de ce patrimoine culturel qui reste — plus d’un siècle après — encore une blessure vive.

    C’est long, mais cette histoire (dans les deux sens du terme) est importante. L’Allemagne a fait depuis quelques décennies, un énorme travail mémoriel sur la période nazie, ainsi que sur la période DDR, mais jusqu’à aujourd’hui, pas trop sur la période coloniale. Lacune qui commence à être comblée, car d’une part il y a ce projet, mais aussi d’autres mouvements, comme ce processus qui s’engage, de "débaptisation" des rues et avenues qui portent encore le nom des grands criminels, acteurs majeurs de cette période coloniale.

    –---

    Cet article — le premier d’une série dont la publication sera étalée dans les prochaines semaines, a été initialement publié en allemand dans l’Atlas der Abwesenheit. Kameruns Kulturerbe in Deutschland (Atlas de l’absence. Le patrimoine culturel du Cameroun en Allemagne) , issu du projet « Umgekehrte Sammlungsgeschichte » (Histoire inversée des collections) porté par l’Université de Dschang au Cameroun (Prof. Dr. Albert Gouaffo) et l’Université Technique de Berlin (Prof. Dr. Bénédicte Savoy).

    Avec des remerciements tout particuliers à Isabelle Saint-Saëns pour l’édition méticuleuse de la version française de ce texte. La cartographie est conçue et produite par Philippe Rekacewicz.

  • Les scientifiques préviennent de nombreuses boucles de rétroactions climatiques dangereuses | Terra Projects
    https://www.laterredufutur.com/accueil/les-scientifiques-previennent-de-nombreuses-boucles-de-retroactions-

    Un nouveau rapport rédigé par une équipe internationale de chercheurs, dont des scientifiques de l’Université de l’État de l’Oregon (OSU), met en garde contre de nombreuses boucles de rétroaction climatique à risque et la nécessité d’agir tant au niveau de la recherche que des politiques. Publié dans la revue One Earth le 17 février 2023, le rapport indique qu’en raison notamment de l’amplification des rétroactions climatiques, « une réduction très rapide des émissions sera nécessaire pour limiter le réchauffement futur. »

    Des chercheurs des États-Unis et d’Europe ont répertorié et décrit 41 boucles de rétroaction climatique qui ont des implications majeures sur les perspectives du changement climatique. Les boucles de rétroaction climatique sont des processus qui peuvent soit amplifier soit diminuer les effets de nos émissions de gaz à effet de serre, initiant une réaction en chaîne cyclique qui se répète sans cesse. Il existe de nombreuses rétroactions amplificatrices importantes qui accentuent le réchauffement. Au total, les chercheurs ont identifié 27 rétroactions amplificatrices, 7 rétroactions amortissantes et 7 rétroactions incertaines.

    Source : https://phys.org/news/2023-02-scientists-dangerous-feedback-loops-climate.html

    D’autres articles en rapport avec les boucles de rétroaction climatiques (les liens figurent sur la page précédente) :

    https://scientistswarning.forestry.oregonstate.edu/climate_feedbacks

    https://scientistswarning.forestry.oregonstate.edu/climate_feedbacks_references

    https://bigthink.com/the-present/the-environmental-costs-of-war

    #boucles_de_rétroaction #feedback_loops #climat

  • La bande de #Gaza : un territoire fermé sur lui-même par une frontière hermétique et militarisée

    Située sur la bordure littorale de la Méditerranée orientale, entre Israël et l’Egypte, la bande de Gaza est un territoire palestinien autonome administré par le parti islamiste palestinien, le Hamas, depuis 2007. D’une superficie de 365 km², le territoire compte 1,9 million d’habitants, ce qui en fait l’un des lieux les plus densément peuplés au monde (4110 hab./km²) qui vit refermé sur lui-même en raison du blocus israélien. Ce petit territoire est entouré par une clôture de haute sécurité qui délimite une frontière parmi les plus hermétiques et militarisés au monde. Malgré celle-là, la branche militaire du Hamas réalise le #7_octobre_2023 une vaste opération contre Israël qui y fait plus de 1400 morts, militaires et civils. En réponse, #Israël lance une riposte de très grande envergure mobilisant des moyens exceptionnels qui entrainent des destructions urbaines de grande ampleur et fait des milliers de morts.

    https://geoimage.cnes.fr/fr/la-bande-de-gaza-un-territoire-ferme-sur-lui-meme-par-une-frontiere-he
    #Palestine #bande_de_Gaza #militarisation #enfermement #image #visualisation #cartographie #image_satellitaire #image_satellite

    • typo : destructions urbaines de grande ampleur et fait des dizaines de milliers de morts (au moins, et pour l’instant)

  • Israël : La famine utilisée comme arme de guerre à Gaza | Human Rights Watch
    https://www.hrw.org/fr/news/2023/12/18/israel-la-famine-utilisee-comme-arme-de-guerre-gaza

    Le gouvernement israélien utilise la famine imposée à des civils comme méthode de guerre dans la bande de Gaza, ce qui constitue un crime de guerre.
    Les responsables israéliens ont fait des déclarations publiques exprimant leur objectif de priver les civils de Gaza de nourriture, d’eau et de carburant ; ces déclarations sont reflétées dans les opérations militaires des forces israéliennes.
    Le gouvernement israélien devrait cesser d’attaquer des biens nécessaires à la survie de la population civile, lever le blocus de la bande de Gaza et rétablir l’accès à l’électricité et à l’eau.

    (Jérusalem) – Le gouvernement israélien utilise la famine imposée à des civils comme méthode de guerre dans la bande de Gaza occupée, ce qui constitue un crime de guerre, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les forces israéliennes bloquent délibérément l’approvisionnement en eau, nourriture et carburant ; en même temps, elles entravent intentionnellement l’aide humanitaire, rasent apparemment des terrains agricoles et privent la population civile des biens indispensables à sa survie.

    Depuis que des combattants dirigés par le Hamas ont attaqué Israël le 7 octobre 2023, de hauts responsables israéliens, dont le ministre de la Défense Yoav Gallant, le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir et le ministre de l’Énergie Israel Katz, ont fait des déclarations publiques exprimant leur objectif de priver les civils de Gaza de nourriture, d’eau et de carburant ; ces déclarations reflètent une politique mise en œuvre par les forces israéliennes. D’autres responsables israéliens ont déclaré publiquement que l’aide humanitaire à Gaza serait conditionnée soit à la libération des otages illégalement détenus par le Hamas, soit à la destruction du Hamas.

    « Depuis plus de deux mois, Israël prive la population de Gaza de nourriture et d’eau, une politique encouragée ou approuvée par de hauts responsables israéliens et qui reflète une intention d’affamer les civils en tant que méthode de guerre », a déclaré Omar Shakir, directeur pour Israël et la Palestine à Human Rights Watch. « Les dirigeants mondiaux devraient dénoncer cet odieux crime de guerre, qui a des effets dévastateurs sur la population de Gaza. »

  • Nina Simone : le concert inédit (1965) | Rembob’INA
    https://www.youtube.com/watch?v=CPFatt1ajic

    Ce numéro de Rembob’Ina est un évènement puisqu’il propose une archive inédite que l’INA vient de retrouver et de restaurer. Il s’agit du tout premier récital que Nina Simone a donné en France, en 1965 au festival d’Antibes Juan-les-Pins.

    En première partie, c’est l’occasion de découvrir un autre concert exceptionnel, enregistré en 1969 à l’Olympia et diffusé en deux parties sur la 2ème chaine, les 2 janvier et 2 avril 1970.

    Suivront deux autres archives : une interview de Nina Simone en 1991 au micro d’Eve Ruggieri pour l’émission « Musiques au coeur », où elle clame sa colère et son amertume de n’avoir pas pu s’imposer comme pianiste classique, et un extrait du spectacle hommage « Autour de Nina », enregistré en 2016 à la Philharmonie de Paris, avec Sandra Nkaké qui interprète « Four Women ».

    #nina_simone

  • Le Hezbollah face à la guerre de Gaza
    https://laviedesidees.fr/Le-Hezbollah-face-a-la-guerre-de-Gaza

    Le Hezbollah libanais se déclare solidaire de la cause palestinienne et fait de la lutte contre #Israël l’un de ses principes. Mais le décryptage des discours de Hassan Nasrallah, son secrétaire général, permet de comprendre pourquoi il n’engage pas ses troupes contre l’armée israélienne.

    #International #Liban #conflit_israélo-palestinien
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20231215_hezbollah.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20231215_hezbollah.pdf

  • Exposé·e·s : les architectes femmes oubliées
    https://topophile.net/rendez-vous/expose%c2%b7e%c2%b7s-les-architectes-femmes-oubliees

    Architectes et femmes de l’ombre Verna Cook / Lilly Reich / Denise Scott-Brow par Virginie Mathiot-Freyermuth, enseignante en design d’espace Combien de femmes architectes pouvez-vous citer ? C’est un fait indiscutable, le travail des architectes femmes est méconnu et leurs noms le sont tout autant. Leurs carrières, leurs théories, leurs œuvres sont ignorées et très... Voir l’article

  • https://unitedscreensforpalestine.wordpress.com

    Despite the bombs, the silence, the complicity, the dehumanisation, and despite attempts to obliterate their existence, their past and present, Palestinians refuse to disappear, they are here to stay. Being is not premised on a recognition exacted from those implicated in your colonisation and erasure. Rather it is a practice and politics of patience and refusal, of a will to remain and thrive decade after decade, intifada after intifada.

    Refusing to Disappear is a series of decentralised film screenings and discussions held in different cities and venues across Belgium to celebrate the rich and beautiful cultural legacy of Palestinian storytelling through films. It is also a program to bear witness, remember, and rage against the Israeli war on Palestine and to move collectively towards liberation, for a life in freedom and dignity for all, from the river to the sea.

    #cinema #palestine

  • Le #travail en temps de covid
    https://laviedesidees.fr/Le-travail-en-temps-de-covid

    Comment les ouvriers et employés ont-ils vécu les périodes de confinements et de crise sanitaire ? Celle-ci rend visible la hiérarchie, instille de la peur, fait osciller entre intensification du travail et valorisation. À propos de : Cyrine Gardes, Essentiel.les et invisibles ? Classes populaires au travail en temps de pandémie, éditions du Croquant

    #Société #Covid-19
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20231214_travailcovid.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20231214_travailcovid.pdf

  • Guerre au Proche-Orient : à #Beyrouth, #Mona_Fawaz résiste par la #cartographie

    Professeure d’urbanisme et cofondatrice du #Beirut_Urban_Lab, la chercheuse cartographie le conflit à la frontière entre le #Liban et Israël. Et montre ainsi le « déséquilibre profond » entre les attaques visant le territoire libanais et celles ciblant le sol israélien.

    « Je suis entrée dans le centre de recherche ; tous mes collègues avaient les yeux rivés sur les nouvelles, l’air horrifié. C’est là que nous nous sommes dit que nous ne pouvions pas simplement regarder : il fallait agir, et le faire du mieux possible », se rappelle Mona Fawaz, professeure d’urbanisme à l’Université américaine de Beyrouth (AUB) et cofondatrice du Beirut Urban Lab, un laboratoire de recherche interdisciplinaire créé en 2018 et spécialisé dans les questions d’#urbanisme et d’#inclusivité.

    Lundi 4 décembre, dans ce centre de recherche logé à l’AUB, près de deux mois après l’attaque sans précédent du groupe militant palestinien Hamas en Israël et le début des bombardements intensifs de l’armée israélienne sur la bande de Gaza, elle revoit l’élan impérieux qui a alors saisi ses collègues du Beirut Urban Lab, celui de cartographier, documenter et analyser.

    « Certains ont commencé à cartographier les dommages à #Gaza à partir de #photographies_aériennes. Personnellement, j’étais intéressée par la dimension régionale du conflit, afin de montrer comment le projet colonial israélien a déstabilisé l’ensemble de la zone », y compris le Liban.

    La frontière sud du pays est en effet le théâtre d’affrontements violents depuis le 8 octobre entre #Israël et des groupes alliés au #Hamas emmenés par le #Hezbollah, une puissante milice soutenue par l’#Iran. Qualifiés de « #front_de_pression » par le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, les #combats sur le #front_libanais, qui visent notamment à détourner l’effort militaire israélien contre Gaza, ont tué au moins 107 personnes du côté libanais, dont 14 civils. Du côté israélien, six soldats et trois civils ont été tués.

    C’est ainsi que l’initiative « Cartographier l’escalade de violence à la frontière sud du Liban » est née. Le projet répertorie le nombre de #frappes quotidiennes et leur distance moyenne par rapport à la frontière depuis le début du conflit, en s’appuyant sur les données collectées par l’ONG Armed Conflict Location & Event Data Project (Acled : https://acleddata.com). Sur son écran d’ordinateur, Mona Fawaz montre une #carte_interactive, une des seules en son genre, qui révèle un déséquilibre saisissant entre les attaques revendiquées par Israël, au nombre de 985 depuis le début du conflit, et celles menées depuis le Liban : 270 frappes répertoriées sur le sol israélien.

    L’occasion pour Mona Fawaz de questionner les expressions répétées dans les médias, qui façonnent la compréhension du conflit sans remettre en cause leurs présupposés. « On parle de tirs transfrontaliers, par exemple, alors même qu’il y a un déséquilibre profond entre les deux parties impliquées », souligne-t-elle. « Une distorsion médiatique » que la chercheuse dénonce aussi dans la couverture de l’offensive israélienne contre l’enclave palestinienne.

    Une « lutte partagée » avec les Palestiniens

    Pour Mona Fawaz, il est important de documenter un conflit dont les racines vont au-delà des affrontements présents. « La création de l’État d’Israël en 1948 a provoqué une perturbation majeure au sud du Liban, brisant [ses] liens historiques, sociaux, politiques et économiques » avec la Galilée, explique-t-elle.

    Des bouleversements que la chercheuse, originaire du village de Tibnine, dans le sud du pays, connaît bien, puisqu’ils ont marqué son histoire familiale et personnelle. Elle explique que la proximité entre les populations était telle qu’au cours de la « #Nakba » (la « catastrophe », en arabe) en 1948 – l’exode massif de plus de 700 000 Palestinien·nes après la création de l’État d’Israël –, sa mère a été évacuée de son village aux côtés de Palestinien·nes chassés de leurs terres. « Les déplacés ne savaient pas où s’arrêteraient les Israéliens, raconte-t-elle. Dans cette région du Liban, on a grandi sans sentir de différences avec les Palestiniens : il y a une lutte partagée entre nous. »

    En 1982, Mona Fawaz, qui avait alors à peine 9 ans, vit plusieurs mois dans son village sous l’occupation de l’armée israélienne, qui a envahi le pays en pleine guerre civile (1975-1990) afin de chasser du Liban l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Elle se souvient des scènes d’#humiliation, des crosses des fusils israéliens défonçant le mobilier chez son grand-père. « Ce n’est rien par rapport à ce que Gaza vit, mais il y a définitivement un effet d’association pour moi avec cette période », explique-t-elle.

    Dans le petit pays multiconfessionnel et extrêmement polarisé qu’est le Liban, l’expérience de la chercheuse n’est cependant pas générale. Si une partie des Libanais·es, notamment dans le sud, est marquée par la mémoire des guerres contre Israël et de l’occupation encore relativement récente de la région – les troupes israéliennes se sont retirées en 2000 du Sud-Liban –, une autre maintient une défiance tenace contre la #résistance_palestinienne au Liban, notamment tenue responsable de la guerre civile.

    Celle qui a ensuite étudié au Massachusetts Institute of Technology (MIT), à Boston (États-Unis), pour y faire son doctorat en aménagement urbain à la fin des années 1990, explique ensuite qu’il a fallu des années aux États-Unis pour réaliser que « même le soldat qui est entré dans notre maison avait été conditionné pour commettre des atrocités ». Si l’ouverture à d’autres réalités est une étape indispensable pour construire la paix, c’est aussi un « luxe », reconnaît la chercheuse, qui semble hors de portée aujourd’hui. « L’horreur des massacres à Gaza a clos toute possibilité d’un avenir juste et pacifique », soupire-t-elle.

    Le tournant de la guerre de 2006

    Peu après son retour au Liban en 2004, Mona Fawaz se concentre sur les questions de l’informalité et de la justice sociale. Un événement majeur vient bouleverser ses recherches : le conflit israélo-libanais de 2006. Les combats entre Israël et le Hezbollah ont causé la mort de plus de 1 200 personnes du côté libanais, principalement des civil·es, en seulement un mois de combat.

    Du côté israélien, plus de 160 personnes, principalement des militaires, ont été tuées. Cette guerre va être une expérience fondatrice pour le Beirut Urban Lab. C’est à ce moment que ses quatre cofondateurs, Mona Fawaz, Ahmad Gharbieh, Howayda Al-Harithy et Mona Harb, chercheurs et chercheuses à l’AUB, commencent leurs premières collaborations sur une série de projets visant à analyser l’#impact de la guerre. L’initiative actuelle de cartographie s’inscrit en continuité directe avec les cartes quotidiennes produites notamment par #Ahmad_Gharbieh en 2006. « Le but était de rendre visible au monde entier le caractère asymétrique et violent des attaques israéliennes contre le Liban », explique Mona Fawaz.

    Dans les années qui suivent, les chercheurs participent à plusieurs projets en commun, notamment sur la militarisation de l’#espace_public, le rôle des réfugié·es en tant que créateurs de la ville ou la #privatisation des #biens_publics_urbains, avec pour objectif de faire de la « donnée un bien public », explique Mona Fawaz, dans un « pays où la collectivité n’existe pas ». « Nos recherches s’inscrivent toujours en réponse à la réalité dans laquelle nous vivons », ajoute-t-elle. Une réalité qui, aujourd’hui dans la région, est de nouveau envahie par la guerre et les destructions.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/121223/guerre-au-proche-orient-beyrouth-mona-fawaz-resiste-par-la-cartographie

    #résistance

    ping @visionscarto @reka

    • #Beirut_Urban_Lab

      The Beirut Urban Lab is a collaborative and interdisciplinary research space. The Lab produces scholarship on urbanization by documenting and analyzing ongoing transformation processes in Lebanon and its region’s natural and built environments. It intervenes as an interlocutor and contributor to academic debates about historical and contemporary urbanization from its position in the Global South. We work towards materializing our vision of an ecosystem of change empowered by critical inquiry and engaged research, and driven by committed urban citizens and collectives aspiring to just, inclusive, and viable cities.

      https://beiruturbanlab.com

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      Mapping Escalation Along Lebanon’s Southern Border Since October 7

      Since October 7, the Middle East has occupied center stage in global media attention. Already rife with uncertainty, subjected to episodic bouts of violence, and severely affected by an ongoing project of ethnic cleansing for 75 years in Historic Palestine, our region is again bearing the weight of global, regional, and local violence. As we witness genocide unfolding and forceful population transfers in Gaza, along with an intensification of settler attacks in the West Bank and Jerusalem and the silencing of Palestinians everywhere, the conflict is also taking critical regional dimensions.

      As part of its effort to contribute to more just tomorrows through the production and dissemination of knowledge, the Beirut Urban Lab is producing a series of maps that document and provide analytical insights to the unfolding events. Our first intervention comes at a time in which bombs are raining on South Lebanon. Titled Escalation along Lebanon’s Southern Border since October 7, the platform monitors military activity between the Israeli Armed Forces and Lebanese factions. Two indicators reflect the varying intensity of the conflict: the number of daily strikes and the average distance of strikes from the border.

      The map uses data from the Armed Conflict Location and Event Data (ACLED) crisis mapping project, which draws upon local reporting to build its dataset. Since ACLED updates their dataset on Mondays, site visitors can expect updates to our mapping and analysis to be released on Tuesday afternoons. Please refer to ACLED’s methodology for questions about data sources and collection.

      As of November 14, the frequency and distribution of strikes reveals a clear asymmetry, with northward aggression far outweighing strikes by Lebanese factions. The dataset also indicates a clear escalation, with the number of incidents increasing day by day, particularly on the Lebanese side of the border.

      We see this contribution as an extension of our previous experiences in mapping conflicts in Lebanon and the region, specifically the 2006 Israeli assault on Lebanon.

      https://beiruturbanlab.com/en/Details/1958/escalation-along-lebanon%E2%80%99s-southern-border-since-october-7
      #cartographie_radicale #cartographie_critique #visualisationi